Dans la continuité de notre dossier sur le devenir du printemps arabe, nous proposons ici un texte de Nader Hashmi Assistant Professor and Director, Center for Middle East Studies rédigé en février dernier. A l’instar de Shmuel Eisenstadt, l'auteur pense que les voies d'accession à la démocratie sont multiples et que ce qui vaut pour l’occident n’est pas nécessairement valable pour d’autres cultures. Ainsi, contrairement aux idées reçues, les nouvelles forces politiques dites "Islamistes", ayant accédées démocratiquement au pouvoir à l'issue des "printemps arabes" pourraient bien ouvrir de nouvelles voies d’accession à la démocratie en mettant en œuvre le concept de « double tolérance » (« Twin Tolerations») d’Alfred Stepan, c’est à dire "en établissant une distinction claire et un respect mutuel entre les autorités politiques et les institutions religieuses".
Ce texte, traduit par nos soins, est produit avec l'aimable autorisation du site "The American Muslim " (par la voix de sa fondatrice Sheila Musaji ). La version initiale peut être trouvée sur Quantara.de.
Ce texte, traduit par nos soins, est produit avec l'aimable autorisation du site "The American Muslim " (par la voix de sa fondatrice Sheila Musaji ). La version initiale peut être trouvée sur Quantara.de.
Deux ans après le début du printemps arabe, ce que l’on peut percevoir des évolutions des systèmes politiques confirme un argument que j'avais utilisé dans mon livre « L'islam, la laïcité et la démocratie libérale: Vers une théorie démocratique pour les sociétés musulmanes. ». Je prétendais que dans les sociétés musulmanes, la voie de la démocratie, quelles que soient les nombreuses embûches rencontrées en cours de route, « ne pourrait pas éviter de passer par les voies d’une "politique religieuse" [1] » . Ce que je voulais signifier par-là était double.
Par l'affirmation « dans les sociétés musulmanes, la route vers la démocratie ne peut pas éviter de passer par les voies d’une "politique religieuse" », j’indiquais premièrement, que le rôle de la religion dans la vie politique devait être négocié de façon démocratique dans les démocraties musulmanes émergentes et que la laïcité politique se méritait et ne se décrétait pas simplement. C'était une erreur de supposer que les sociétés musulmanes étaient depuis longtemps aux prises avec la question profondément émotionnelle et conflictuelle du rôle normatif de la religion dans la politique et qu'un large consensus démocratique existait sur le sujet.
Autrement dit, l'histoire occidentale n'est pas l'histoire universelle, et il s’agit d’une conclusion erronée de penser que le monde musulman a eu la même expérience historique que l'Occident à l'égard de la négociation du rôle de la religion dans le gouvernement de la nation.
Deuxièmement, j'ai soutenu que les partis confessionnels et les intellectuels religieux pourraient jouer un rôle extrêmement important dans la démocratisation de leur pays à condition qu'ils concilient leurs « théologies politiques » avec les normes universelles des droits de l'homme et les exigences modernes de la démocratie. Cette dernière évolution est en cours - de façon progressive, à l'évidence, mais sa perception est indéniable.
Par exemple, le rôle éminent joué par le parti islamiste Ennahda, en conduisant la transition démocratique en Tunisie, montre que les formes politiques ayant «un fond religieux» et le développement démocratique sont bien compatibles. Bien que le cas de l'Egypte avec ses partis confessionnels soit plus complexe, une tendance similaire est observée dans ce pays.
Par l'affirmation « dans les sociétés musulmanes, la route vers la démocratie ne peut pas éviter de passer par les voies d’une "politique religieuse" », j’indiquais premièrement, que le rôle de la religion dans la vie politique devait être négocié de façon démocratique dans les démocraties musulmanes émergentes et que la laïcité politique se méritait et ne se décrétait pas simplement. C'était une erreur de supposer que les sociétés musulmanes étaient depuis longtemps aux prises avec la question profondément émotionnelle et conflictuelle du rôle normatif de la religion dans la politique et qu'un large consensus démocratique existait sur le sujet.
Autrement dit, l'histoire occidentale n'est pas l'histoire universelle, et il s’agit d’une conclusion erronée de penser que le monde musulman a eu la même expérience historique que l'Occident à l'égard de la négociation du rôle de la religion dans le gouvernement de la nation.
Deuxièmement, j'ai soutenu que les partis confessionnels et les intellectuels religieux pourraient jouer un rôle extrêmement important dans la démocratisation de leur pays à condition qu'ils concilient leurs « théologies politiques » avec les normes universelles des droits de l'homme et les exigences modernes de la démocratie. Cette dernière évolution est en cours - de façon progressive, à l'évidence, mais sa perception est indéniable.
Par exemple, le rôle éminent joué par le parti islamiste Ennahda, en conduisant la transition démocratique en Tunisie, montre que les formes politiques ayant «un fond religieux» et le développement démocratique sont bien compatibles. Bien que le cas de l'Egypte avec ses partis confessionnels soit plus complexe, une tendance similaire est observée dans ce pays.
« L’autochtonisation » de la «laïcité islamique »
Pour l'avenir, il est clair que la transition vers la démocratie dans les sociétés musulmanes et la consolidation de cette même démocratie acquise, continueront d'être étroitement liées à la capacité des acteurs politiques de tendance "confessionnelle" à développer et "autochtoniser" une forme de laïcité politique qui soit compatible avec leurs traditions culturelles.
Afin de maintenir et de renforcer la démocratie, cette « autochtonisation » de la «laïcité islamique» aura pour but de se rapprocher de ce que le savant Alfred Stepan a appelé la « double tolérance » [2], signifiant qu'il doit y avoir une distinction claire et un respect mutuel entre les autorités politiques et les organisations religieuses.
Atteindre ce but sera difficile, en partie parce que ce processus est par nature conflictuel, mais aussi en raison de l'héritage brutal de l'Etat postcolonial séculaire du monde arabo-islamique et du renforcement des idéologies nationalistes laïques qu'il a provoqué.
En Syrie aujourd'hui, par exemple, le régime d'Assad justifie sa domination en partie au nom de la laïcité. Dans le même temps, il a répondu aux manifestations « pro-démocratie » avec une extrême brutalité telle qu'Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale indépendante de l'ONU d'enquête sur la Syrie ont tous accusé le régime syrien de poursuivre une politique d'état l’amenant à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
En conséquence, les défis auxquels seront confrontés les démocrates de la Syrie à la suite de la probable disparition de la dictature laïque à Damas, sera redoutable, notamment en vue de reconstituer une forme authentique de laïcité politique sur les ruines d'un régime laïque postcolonial vu comme un véritable «prédateur» .
Afin de maintenir et de renforcer la démocratie, cette « autochtonisation » de la «laïcité islamique» aura pour but de se rapprocher de ce que le savant Alfred Stepan a appelé la « double tolérance » [2], signifiant qu'il doit y avoir une distinction claire et un respect mutuel entre les autorités politiques et les organisations religieuses.
Atteindre ce but sera difficile, en partie parce que ce processus est par nature conflictuel, mais aussi en raison de l'héritage brutal de l'Etat postcolonial séculaire du monde arabo-islamique et du renforcement des idéologies nationalistes laïques qu'il a provoqué.
En Syrie aujourd'hui, par exemple, le régime d'Assad justifie sa domination en partie au nom de la laïcité. Dans le même temps, il a répondu aux manifestations « pro-démocratie » avec une extrême brutalité telle qu'Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale indépendante de l'ONU d'enquête sur la Syrie ont tous accusé le régime syrien de poursuivre une politique d'état l’amenant à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
En conséquence, les défis auxquels seront confrontés les démocrates de la Syrie à la suite de la probable disparition de la dictature laïque à Damas, sera redoutable, notamment en vue de reconstituer une forme authentique de laïcité politique sur les ruines d'un régime laïque postcolonial vu comme un véritable «prédateur» .
Erdoğan défend la laïcité en Egypte
En outre, les défis auxquels le monde arabo-islamique doit faire face à l'égard de la laïcité politique ont été confirmés en Septembre 2011, lorsque le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est considéré par les islamistes traditionnels un peu comme un modèle politique, a effectué une visite en Egypte et a été salué comme un héros.
Des milliers de personnes, en majorité des partisans des Frères musulmans, sont sortis au-devant du leader turc. Quand ils le virent, ils applaudirent : « Erdogan! Erdogan! Un vrai musulman et non pas un lâche», et « La Turquie et l'Egypte, un seul poing. Le blocus [de Gaza] sera brisé.»
Dans le cadre de son blitz médiatique, Erdoğan a été interviewé dans le populaire talk-show égyptien de 10 heures, où il a défendu le concept de laïcité. « Il ne faut pas se méfier de la laïcité. J'espère qu'il y aura un Etat laïque en Egypte » , a-t-il déclaré. Il a par ailleurs précisé « aux Égyptiens qui voient la laïcité comme la suppression de la religion au sein de l'État, ou comme un état "infidèle", je dis que vous vous trompez . Cela signifie le respect de toutes les religions ... Si cela est mis en place, la société tout entière vivra en sécurité. »
La réaction des Frères musulmans à ces commentaires a été révélatrice. Leur passion et leur enthousiasme pour le Premier ministre turc s'est rapidement détérioré. Il fut soudain accusé d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Egypte et de chercher à dominer la région. De nouvelles questions ont été soulevées au sujet du statut d'Erdogan en tant qu’ «heros», et au sujet de savoir dans quelle mesure la Turquie pouvait être un modèle pour le monde arabe.
Des milliers de personnes, en majorité des partisans des Frères musulmans, sont sortis au-devant du leader turc. Quand ils le virent, ils applaudirent : « Erdogan! Erdogan! Un vrai musulman et non pas un lâche», et « La Turquie et l'Egypte, un seul poing. Le blocus [de Gaza] sera brisé.»
Dans le cadre de son blitz médiatique, Erdoğan a été interviewé dans le populaire talk-show égyptien de 10 heures, où il a défendu le concept de laïcité. « Il ne faut pas se méfier de la laïcité. J'espère qu'il y aura un Etat laïque en Egypte » , a-t-il déclaré. Il a par ailleurs précisé « aux Égyptiens qui voient la laïcité comme la suppression de la religion au sein de l'État, ou comme un état "infidèle", je dis que vous vous trompez . Cela signifie le respect de toutes les religions ... Si cela est mis en place, la société tout entière vivra en sécurité. »
La réaction des Frères musulmans à ces commentaires a été révélatrice. Leur passion et leur enthousiasme pour le Premier ministre turc s'est rapidement détérioré. Il fut soudain accusé d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Egypte et de chercher à dominer la région. De nouvelles questions ont été soulevées au sujet du statut d'Erdogan en tant qu’ «heros», et au sujet de savoir dans quelle mesure la Turquie pouvait être un modèle pour le monde arabe.
Une question de terminologie
Les explications de ce phénomène sont enracinées dans les différents héritages de la modernisation que les sociétés musulmanes ont expérimentés au cours du 20e siècle. L'expérience turque avec la laïcité et la démocratie a été qualitativement distincte de celle du monde arabe, où le mot laïcité conduit invariablement à mettre fin à la conversation. Le néologisme qui semble se dessiner, et qui est conceptuellement distinct à la fois d'un Etat laïc et d'un état islamique, est al-dawla al-madaniya (soit, un "état civique" [3]). C'est ce à quoi les principaux partis islamistes prétendent aspirer.
Un consensus sur la signification de ce terme, en particulier en ce qui concerne les questions clés telles que les droits des minorités, le sexe, la nature du système juridique et de la séparation des pouvoirs, est actuellement «en construction» et est vivement débattu dans le monde arabe. L'ouverture de l'espace politique et l'épanouissement du "multi-partisme" va inévitablement permettre de clarifier ces questions. Dans la mesure où la Tunisie est un signe avant-coureur de ce à quoi un état islamiste pourrait ressembler, il y a des raisons d'être optimiste.
À bien des égards la Tunisie représente une lueur d'espoir dans le printemps arabe, notamment en termes de conciliation des tensions entre Islam, laïcité et démocratie. Rachid Ghannouchi, le leader intellectuel et fondateur d'Ennahda, a montré la voie. Grâce à une série d'entretiens et de conférences,il a commencé le processus de conciliation des tensions entre la laïcité et la pensée politique islamique. La façon dont il a procédé pour ce faire est révélateur.
Un consensus sur la signification de ce terme, en particulier en ce qui concerne les questions clés telles que les droits des minorités, le sexe, la nature du système juridique et de la séparation des pouvoirs, est actuellement «en construction» et est vivement débattu dans le monde arabe. L'ouverture de l'espace politique et l'épanouissement du "multi-partisme" va inévitablement permettre de clarifier ces questions. Dans la mesure où la Tunisie est un signe avant-coureur de ce à quoi un état islamiste pourrait ressembler, il y a des raisons d'être optimiste.
À bien des égards la Tunisie représente une lueur d'espoir dans le printemps arabe, notamment en termes de conciliation des tensions entre Islam, laïcité et démocratie. Rachid Ghannouchi, le leader intellectuel et fondateur d'Ennahda, a montré la voie. Grâce à une série d'entretiens et de conférences,il a commencé le processus de conciliation des tensions entre la laïcité et la pensée politique islamique. La façon dont il a procédé pour ce faire est révélateur.
Ne pas utiliser de "terme indécent"
Lors d'une visite en Turquie en Décembre 2011, Ghannouchi a donné une interview dans laquelle il déclarait: «[Nous] la démocratie nécessité et le développement en Tunisie et nous croyons fermement en la compatibilité entre islam et démocratie, entre l'islam et la modernité. Donc, nous n'avons pas besoin de la laïcité en Tunisie.»
Il a plusieurs fois rejeté et condamné l'application de la laïcité en Tunisie, mais dans le même souffle, il a également déclaré que « nous donnons des garanties pour tous les Tunisiens qu'ils soient laïques ou "croyants" [4]. Nous croyons que l'état est basé sur le principe de la citoyenneté. Les gens, malgré leurs différences et leurs attitudes, hommes et femmes, doivent jouir des mêmes droits en Tunisie. Tous sont égaux devant la loi, indépendamment de leurs croyances. » Comment donner un sens à cette formulation ?
Ce que Ghannouchi semble dire, c'est qu'il accepte les valeurs importantes qui découlent de la laïcité politique (au sens de la tradition occidentale) et que les démocraties modernes exigent (la souveraineté populaire et l'égalité de la citoyenneté), mais qu'il rejette le mot laïcité en raison de ses effets négatifs entrainés par son association avec les ravages de l'Etat post-colonial dans le monde islamique. En d'autres termes, la laïcité politique est très bien tant que nous lui donnons un autre nom qui n'évoque pas ce terme "indécent" .
Dans un traitement plus détaillé de la question, M. Ghannouchi a prononcé une importante conférence sur l'islam et la laïcité en Mars 2012, où il a fourni une très nuancée, analyse comparative étayée historiquement équivalant à une théorie politique musulmane de la laïcité. L'influence sur la pensée de Ghannouchi de la version de la laïcité américaine, compatible avec la religion, est mise clairement en évidence dans son traitement réfléchi du sujet. Les deux passages clés sont les suivants:
« La question de la neutralité de l'Etat implique beaucoup de risques et d'aventure. Si ce que l'on entend par la séparation entre la religion et l'État est que l'État est un produit humain et la religion une révélation divine, que la distinction a été clairement établi [plus tôt] dans le contexte des premiers musulmans entre le domaine de la révélation (wahy) et ce qui était du domaine de la politique, alors "c'est OK". Mais si on entend par là, la séparation dans le sens français ou en conformité avec l'expérience marxiste alors nous pourrions nous engager dans une aventure dangereuse qui pourrait nuire à la fois religion et à l'Etat. »
Faisant écho à John Locke, Ghannouchi conclu: « L'orbite principale pour la religion n'est pas les appareils de l'Etat, mais plutôt les convictions personnelles, les convictions individuelles. Le devoir de l'Etat, cependant, est de fournir des services aux gens avant toute autre chose, de créer des emplois, de garantir une bonne santé, l'éducation, et non de contrôler les cœurs et les esprits ».
Ces débats et ces transformations politiques nous rappellent le concept du sociologue Shmuel Eisenstadt de «modernités multiples». Eisenstadt a fait valoir que le programme culturel de la transformation et des arrangements institutionnels de base qui ont émergé en Europe ne sont pas la seule voie vers la modernité. Les autres cultures et régions du monde ont emprunté des voies diverses et ont eu des expériences variées dans leur processus de modernisation. En d'autres termes, un modèle ne correspond pas à tout le monde, surtout quand il s'agit de concilier les tensions profondes et les contractions entre la religion, la laïcité et la démocratie.
Cette remarque est particulièrement pertinente dans le cas du monde arabo-islamique contemporain et doit être gardée à l'esprit lorsque que nous essayons de comprendre le déroulement des événements du printemps arabe et le chemin particulier vers la démocratie emprunté actuellement par les sociétés musulmanes .
Nader Hashemi
© Qantara.de 2013
Editor: Lewis Gropp/Qantara.de
Il a plusieurs fois rejeté et condamné l'application de la laïcité en Tunisie, mais dans le même souffle, il a également déclaré que « nous donnons des garanties pour tous les Tunisiens qu'ils soient laïques ou "croyants" [4]. Nous croyons que l'état est basé sur le principe de la citoyenneté. Les gens, malgré leurs différences et leurs attitudes, hommes et femmes, doivent jouir des mêmes droits en Tunisie. Tous sont égaux devant la loi, indépendamment de leurs croyances. » Comment donner un sens à cette formulation ?
Ce que Ghannouchi semble dire, c'est qu'il accepte les valeurs importantes qui découlent de la laïcité politique (au sens de la tradition occidentale) et que les démocraties modernes exigent (la souveraineté populaire et l'égalité de la citoyenneté), mais qu'il rejette le mot laïcité en raison de ses effets négatifs entrainés par son association avec les ravages de l'Etat post-colonial dans le monde islamique. En d'autres termes, la laïcité politique est très bien tant que nous lui donnons un autre nom qui n'évoque pas ce terme "indécent" .
Dans un traitement plus détaillé de la question, M. Ghannouchi a prononcé une importante conférence sur l'islam et la laïcité en Mars 2012, où il a fourni une très nuancée, analyse comparative étayée historiquement équivalant à une théorie politique musulmane de la laïcité. L'influence sur la pensée de Ghannouchi de la version de la laïcité américaine, compatible avec la religion, est mise clairement en évidence dans son traitement réfléchi du sujet. Les deux passages clés sont les suivants:
« La question de la neutralité de l'Etat implique beaucoup de risques et d'aventure. Si ce que l'on entend par la séparation entre la religion et l'État est que l'État est un produit humain et la religion une révélation divine, que la distinction a été clairement établi [plus tôt] dans le contexte des premiers musulmans entre le domaine de la révélation (wahy) et ce qui était du domaine de la politique, alors "c'est OK". Mais si on entend par là, la séparation dans le sens français ou en conformité avec l'expérience marxiste alors nous pourrions nous engager dans une aventure dangereuse qui pourrait nuire à la fois religion et à l'Etat. »
Faisant écho à John Locke, Ghannouchi conclu: « L'orbite principale pour la religion n'est pas les appareils de l'Etat, mais plutôt les convictions personnelles, les convictions individuelles. Le devoir de l'Etat, cependant, est de fournir des services aux gens avant toute autre chose, de créer des emplois, de garantir une bonne santé, l'éducation, et non de contrôler les cœurs et les esprits ».
Ces débats et ces transformations politiques nous rappellent le concept du sociologue Shmuel Eisenstadt de «modernités multiples». Eisenstadt a fait valoir que le programme culturel de la transformation et des arrangements institutionnels de base qui ont émergé en Europe ne sont pas la seule voie vers la modernité. Les autres cultures et régions du monde ont emprunté des voies diverses et ont eu des expériences variées dans leur processus de modernisation. En d'autres termes, un modèle ne correspond pas à tout le monde, surtout quand il s'agit de concilier les tensions profondes et les contractions entre la religion, la laïcité et la démocratie.
Cette remarque est particulièrement pertinente dans le cas du monde arabo-islamique contemporain et doit être gardée à l'esprit lorsque que nous essayons de comprendre le déroulement des événements du printemps arabe et le chemin particulier vers la démocratie emprunté actuellement par les sociétés musulmanes .
Nader Hashemi
© Qantara.de 2013
Editor: Lewis Gropp/Qantara.de
[1] “cannot avoid passing through the gates of religious politics”.
[2] "Twin Tolerations"
[4] Littéralement "Etat civil" mais "état civique" nous semble plus approprié pour rendre l'esprit de cette expression.
[4] "Islamic"
[2] "Twin Tolerations"
[4] Littéralement "Etat civil" mais "état civique" nous semble plus approprié pour rendre l'esprit de cette expression.
[4] "Islamic"