Samedi 7 Mars 2015

[Blogs Mediapart] Alexandre Piettre sur le renouveau de l'islam dans les quartiers populaires


Chercheur affilié à l’Institut des sciences sociales des religions contemporaines (ISSRC) de l’université de Lausanne et post-doctorant du Groupe sociétés religions laïcités (GSRL) de l’École pratique 
des hautes études (EPHE-CNRS), Alexandre Piettre mène depuis quinze ans un travail de terrain sur 
le renouveau islamique dans les quartiers populaires de plusieurs villes et mosquées d’Île-de-France.





Paru le 1 mars 2015.

Chercheur affilié à l’Institut des sciences sociales des religions contemporaines (ISSRC) de l’université de Lausanne et post-doctorant du Groupe sociétés religions laïcités (GSRL) de l’École pratique 
des hautes études (EPHE-CNRS), Alexandre Piettre mène depuis quinze ans un travail de terrain sur 
le renouveau islamique dans les quartiers populaires de plusieurs villes et mosquées d’Île-de-France. Il publie, au printemps 2015, sa thèse intitulée L’islam (im)politique en ville. Renouveau islamique et quartiers impopulaires, dans la collection « La philosophie en commun » chez L’Harmattan. Récemment, il a notamment publié 
« Islam (im)politique et quartiers (im)populaires. Retour critique sur les émeutes de novembre 2005 », dans L’Homme et la Société nº 187-188/1, 2013, et « Le renouveau islamique dans l’expérience politique du Kollectif de Bondy (2000-2001) », Revue européenne 
des migrations internationales, 29/4, 2013.

Entretien réalisé par Ixchel Delaporte, et paru dans L'Humanité du 27-28 février et 1er mars 2015.

Depuis les attentats, on parle de la radicalisation de certains jeunes. Qu’en est-il des musulmans en France ?

Alexandre Piettre. Les dynamiques de réislamisation auxquelles on assiste ne vont pas dans le sens d’une radicalisation des musulmans de France. On peut parler à leur propos de renouveau islamique. Ce sont les acteurs de ce renouveau qui s’opposent à la domination de l’islam de France par les Etats étrangers et qui s’écartent de l’islam traditionnel promu par exemple à la Grande Mosquée de Paris. Les imams traditionnels ne parlent le plus souvent qu’arabe et ne se réfèrent qu’à une seule école jurisprudentielle, en général l’école malékite. Mais les acteurs du renouveau islamique élaborent leur piété à partir de l’ensemble des écoles jurisprudentielles. Ils réinventent leur religiosité dans un contexte nouveau. Cela implique de se transformer soi-même, d’où des cours donnés aux adultes, pratiques et théoriques, pour devenir musulmans.

Vous parlez de « devenir musulman ». De quoi s’agit-il ?

Alexandre Piettre. Beaucoup de jeunes nés ici, en France, n’ont reçu des rudiments de religiosité que par leur famille, mais il y a une rupture dans la transmission en termes de socialisation religieuse. Il s’agit donc pour eux de redevenir musulman, de se former comme sujet pieux. Cela passe par l’adoption de modes de présentation de soi en public, de façons de se vêtir, de se saluer, etc., solidaires de la spiritualité musulmane. Cependant, dans ce mouvement de retour ou de conversion à l’islam, la « technologie de soi » peut facilement l’emporter sur la dimension spirituelle. A cet égard, les salafis ont un coup d’avance parce qu’ils délivrent un prêt à consommer qui se présente comme l’imitation exacte du mode de vie des compagnons du Prophète.
Pourtant, la plupart de ceux qui adoptent ce mieux-disant pour  (re)devenir musulmans n’absorbent pas pour autant son idéologie politique qui implique de refuser de s’inscrire dans la cité en dehors d’une société musulmane. Ainsi, certains se disent salafis du point de vue de l’orthopraxie islamique tout en s’engageant dans l’espace public en tant que citoyens. Au lieu de se replier, ils portent une parole publique, prônant notamment la lutte contre l’islamophobie au nom de l’égalité, mais pas seulement. Lors des « manifs pour tous », certains se sont rapprochés de Civitas par exemple. Cela n’avait pas eu beaucoup d’impact, car les musulmans ne se sentaient pas directement menacés par l’ouverture du droit au mariage aux personnes de même sexe. Il en a été toutefois autrement à propos de l’introduction supposée de la « théorie du genre » à l’école primaire, qui a suscité un rejet très significatif des familles musulmanes.

Retrouvez la suite de cette interview sur le site.



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