CHARFI Abdelmajid, La Pensée islamique, rupture et fidélité, Paris, Albin Michel, « L’islam des Lumières », 2008, 254 p.
L’auteur invite principalement les musulmans croyants « avertis » à une compréhension du message coranique éclairée par l’apport des sciences humaines et libérée des attitudes dogmatiques. La publication réunit une série d’articles et de contributions s’échelonnant entre 1983 et 2005. Seul l’épilogue est un texte inédit.
La première partie, « Approches théoriques », rappelle des points de doctrine de l’islam et les confronte aux approches modernes pour ouvrir des nouvelles perspectives à la pensée arabo-musulmane contemporaine. Il s’attache d’abord à définir des notions : le monothéisme, à la lumière des approches récentes, la révélation coranique, les dogmes du Coran « incréé » et du « scellement » de la prophétie. L’auteur revient sur deux notions essentielles dans le processus d’interprétation du corpus coranique, l’idjtihâd et l’idjmâ’ Au cours de l’histoire on assiste à la réduction du champ de l’idjtihâd tandis que l’idjmâ’ s’affirme comme « garant de l’inerrance des croyances » (p. 79) et conserve son rôle structurant de la conscience des croyants. L’auteur met en garde contre les dérives culturalistes et dogmatiques internes à la pensée arabo-islamique, défauts qui trouvent souvent un relais à l’extérieur et qui sont particulièrement redoutables dans les pays musulmans soumis à des systèmes politiques autoritaires.
La deuxième partie (chap. 6 à 9) déconstruit des représentations fréquentes chez les intellectuels musulmans et occidentaux dans trois domaines, laïcité, confusion des pouvoirs politiques et religieux, violence imputée à l’islam. Il recherche les facteurs et les manifestations du phénomène de sécularisation partout à l’œuvre dans les sociétés arabo-musulmanes. S’opposant aux représentations courantes qui attribuent à l’islam la confusion entre spirituel et temporel, l’auteur refuse la thèse essentialiste et montre qu’aujourd’hui, dans les pays musulmans, politique et religion sont disjoints. Le pouvoir politique tente de se servir de la religion et le corps des religieux veille à conserver ses privilèges en échange de son soutien.
La troisième partie examine l’islam au regard des travaux récents des chercheurs occidentaux (A.-L. de Prémare, J. Chabbi…, P. Crone et M. Cook…) et des autres croyances (judaïsme, christianisme). Ce point de vue est croisé dans les deux derniers chapitres avec le regard musulman sur le les juifs et les musulmans.
Points forts
Une analyse de la polémique islamo-chrétienne fondée sur une trentaine de textes arabes (du VIIe au XIVe siècles) peu connus du public occidental (monographies ou chapitres de traits religieux dont les auteurs sont surtout des théologiens). La polémique se développe avec la science du kalâm. Elle porte sur deux thèmes principaux, « l’Esprit Saint » et la prophétie.