En France, conservateurs et laïcistes ne cessent de véhiculer une image négative de la religion musulmane. Comment contrer cette stigmatisation ? Lors d’un colloque organisé le 29 septembre dernier par l’ONG internationale Aisa (1) à la Maison de l’Unesco, à Paris, une table ronde était consacrée à l’islam en France. Virginie Larousse, Sadek Sellam, Bariza Khiari et Edwy Plenel (2) ont rappelé que les musulmans, présents dans l’Hexagone depuis plus d’un siècle, peuvent et doivent participer à la construction de notre démocratie.
« Les médias nous donnent l’impression d’un islam incompatible avec la République et nuisible au vivre-ensemble », constate Virginie Larousse, rédactrice en chef du Monde des Religions. La présidente de la séance consacrée à l’islam en France, le 29 septembre dernier, lors du colloque L’islam spirituel et les défis contemporains, organisé par l’ONG Aisa à la Maison de l’Unesco à Paris, interpelle : « L’islam ne se réduit pas au radicalisme. Il suffit de s’intéresser à des penseurs médiévaux, comme Al-Ghazâlî, ou plus contemporains, comme l’émir Abd-el-Kader et Mohamed Iqbal, qui ont promu la tolérance et le respect de toute personne, quelles que soient leur religion, leur origine ou leur culture. »
L’histoire de l’islam en France ne date pas d’aujourd’hui.L’arrivée en France en 1847 de l’émir Abd el-Kader, en tant que prisonnier, a marqué les esprits.« Lorsqu’il s’installe avec sa suite de 77 personnes à Amboise, il dirige la prière et l’abattage rituel lui-même », raconte Sadek Sellam, historien de l’islam contemporain. Une pratique religieuse qui n’est pas incompatible avec la citoyenneté, puisqu’en le libérant, Napoléon III lui permet de voter au plébiscite de 1852. De plus, un érudit de Blois lui ayant rendu visite rédige un article qui fascinera la jeunesse catholique de l’époque.
La présence significative de musulmans à Paris débute à la fin de la politique des Tanzimat (1839-1876) dans l’Empire ottoman : lorsque le sultan Abdülhamid II arrive au pouvoir, il met fin à la monarchie constitutionnelle. « Les intellectuels modernistes attachés à cette politique ont pour la plupart émigré en France. » La création du Comité pour la construction d’une mosquée à Paris, en 1895, marque une date charnière. C’est aussi l’année du lancement de la Revue de l’islam, qui ouvre notamment ses colonnes à des intellectuels bilingues d’Alger. En outre, l’arrivée au Parlement du docteur Philippe Grenier, député converti à l’islam, en tenue traditionnelle algérienne, défraie la chronique.
Islam ouvrier et mysticisme
La Première Guerre mondiale inaugure l’arrivée d’un islam ouvrier en France. Dans les usines, les immigrés musulmans remplacent les Français partis sur le front. Au combat, les généraux n’hésitent pas à demander aux cheikhs de « délivrer une fatwa pour affirmer que le vrai djihad, c’était dans l’armée française et non du côté des Allemands à l’action psychologique redoutable, alliés avec le Califat ottoman », rappelle Sadek Sellam.
Dans l’entre-deux guerres, des confréries s’installent à Paris. En 1923, des travailleurs immigrés demandent un lieu pour effectuer l’abattage rituel. À partir de 1936, l’islam réformé s’organise, avec l’ouverture d’une trentaine de cercles de conférences. L’idéal sublime du cheikh algérien soufi Ahmad Al-Alawi trouve sa place dans les milieux ouvriers, prônant un islam tolérant et ouvert, imprégné de culture religieuse mystique. « À la fin des prières Tarawih, ces ouvriers invoquaient la bénédiction de la Torah, des Évangiles et du Coran », observe l’historien. Un islam humaniste qui pourrait aujourd’hui servir de base pour une plate-forme éducative.
« Choc des ignorances »
Comment est-on passé de cet islam spirituel ouvert aux craintes d’aujourd’hui ? Pour Bariza Khiari, sénatrice de Paris, cela résulte d’un choc des ignorances : « Les intégristes réduisent l’islam à un juridisme sans fondement, et l’utilisent pour commettre des actes de violence. En face, les tenants du “Choc des civilisations” en profitent pour développer leur discours de haine. » Lire la suite sur le monde des religions .
L’histoire de l’islam en France ne date pas d’aujourd’hui.L’arrivée en France en 1847 de l’émir Abd el-Kader, en tant que prisonnier, a marqué les esprits.« Lorsqu’il s’installe avec sa suite de 77 personnes à Amboise, il dirige la prière et l’abattage rituel lui-même », raconte Sadek Sellam, historien de l’islam contemporain. Une pratique religieuse qui n’est pas incompatible avec la citoyenneté, puisqu’en le libérant, Napoléon III lui permet de voter au plébiscite de 1852. De plus, un érudit de Blois lui ayant rendu visite rédige un article qui fascinera la jeunesse catholique de l’époque.
La présence significative de musulmans à Paris débute à la fin de la politique des Tanzimat (1839-1876) dans l’Empire ottoman : lorsque le sultan Abdülhamid II arrive au pouvoir, il met fin à la monarchie constitutionnelle. « Les intellectuels modernistes attachés à cette politique ont pour la plupart émigré en France. » La création du Comité pour la construction d’une mosquée à Paris, en 1895, marque une date charnière. C’est aussi l’année du lancement de la Revue de l’islam, qui ouvre notamment ses colonnes à des intellectuels bilingues d’Alger. En outre, l’arrivée au Parlement du docteur Philippe Grenier, député converti à l’islam, en tenue traditionnelle algérienne, défraie la chronique.
Islam ouvrier et mysticisme
La Première Guerre mondiale inaugure l’arrivée d’un islam ouvrier en France. Dans les usines, les immigrés musulmans remplacent les Français partis sur le front. Au combat, les généraux n’hésitent pas à demander aux cheikhs de « délivrer une fatwa pour affirmer que le vrai djihad, c’était dans l’armée française et non du côté des Allemands à l’action psychologique redoutable, alliés avec le Califat ottoman », rappelle Sadek Sellam.
Dans l’entre-deux guerres, des confréries s’installent à Paris. En 1923, des travailleurs immigrés demandent un lieu pour effectuer l’abattage rituel. À partir de 1936, l’islam réformé s’organise, avec l’ouverture d’une trentaine de cercles de conférences. L’idéal sublime du cheikh algérien soufi Ahmad Al-Alawi trouve sa place dans les milieux ouvriers, prônant un islam tolérant et ouvert, imprégné de culture religieuse mystique. « À la fin des prières Tarawih, ces ouvriers invoquaient la bénédiction de la Torah, des Évangiles et du Coran », observe l’historien. Un islam humaniste qui pourrait aujourd’hui servir de base pour une plate-forme éducative.
« Choc des ignorances »
Comment est-on passé de cet islam spirituel ouvert aux craintes d’aujourd’hui ? Pour Bariza Khiari, sénatrice de Paris, cela résulte d’un choc des ignorances : « Les intégristes réduisent l’islam à un juridisme sans fondement, et l’utilisent pour commettre des actes de violence. En face, les tenants du “Choc des civilisations” en profitent pour développer leur discours de haine. » Lire la suite sur le monde des religions .