En lien avec l'interview de Marie-France Mourrégot sur l'islam à l'île de la réunion nous proposons ici un texte retraçant l'histoire de l'arrivée de l'Islam en Afrique de l'Est. Son auteur, Martial Pauly, est archéologue et conduit des fouilles sur l'archipel des Comores.
Le lecteur intéressé pourra retrouver le résultat de ses travaux sur le site de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Mayotte (SHAM) ou encore visionner la vidéo placée en fin d'article dans laquelle il présente son travail aux Comores.
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Mosquée Shirazi. Photographies de M.Pauly, 2006 Domoni (Anjouan)
L’islamisation de l’Afrique de l’Est, durant la période médiévale, est un processus lent, sans prosélytisme, longtemps limité géographiquement aux seuls comptoirs commerciaux tenus par les islamisés et disséminés le long de la côte africaine jusqu’à des régions aussi éloignées que la baie de Sofala au Mozambique, où le nord-ouest de Madagascar. Parmi ces communautés commerçantes où se côtoient Arabo-persans, Africains bantous (mais également Austronésiens à Madagascar et aux Comores), se forgent, dès les IXe-Xe siècles, l’originalité de la civilisation swahilie. L’islam y fédère alors des groupes ethniques aux modes de vie et origines variés et participe au processus de distinction des élites swahilies. Les écrits des auteurs arabes médiévaux sont peu diserts sur la diffusion de l’islam à la côte Est africaine, aux Comores et à Madagascar. Il est néanmoins possible de reconstituer ces processus à partir des bribes d’informations qu’ils nous ont laissées. Le monde africain swahili, périphérie intégrée de l’Islam médiéval, n’échappe pas aux répercussions des bouleversements politico-religieux qui trouvent leur origine parmi les pays du Golfe persique et de la péninsule sud-arabique avec lesquelles l’Afrique orientale entretenait des liens commerciaux et culturels forts dès la fin du premier millénaire de notre ère.
L’islamisation de l’Afrique de l’Est s’inscrit dans un processus dont les premières étapes débutent dès les premiers siècles de l’Hégire, comme corollaire à la connexion commerciale de l’Afrique orientale au système monde afro-asiatique. Ces échanges commerciaux, qui s’intensifient à partir du IXe siècle sous l’impulsion de marins du Golfe persique, sont en effet propices à la diffusion des techniques et des idées, notamment l’islam, objet de notre propos. Avant le Xe siècle, il semble que l’islam n’atteigne l’Afrique de l’Est qu’à la faveur de l’exil de musulmans dissidents, tels les Ibadites d’Oman et les Zaidites du Yémen, persécutés par les armées califales omeyades puis abassides. Ainsi, c’est semble-t-il dans ce contexte culturel qu’il faut comprendre la présence d’une mosquée primitive à Shanga (archipel de Lamu, Kenya), datée par l’archéologue Mark Horton du VIIIe siècle [Horton, 1996]. Il s’agit de la plus ancienne mosquée découverte en Afrique orientale. Actuellement dans l’archipel des Comores tout comme à Madagascar, il n’est pas connu par l’archéologie de mosquée antérieure aux XIe-XIIe siècles (1). Toutefois, au Mozambique, le site côtier de Chibuene (au sud de Sofala) a livré, dès le IXe siècle, une sépulture de rite musulman [Sinclair, 1987], témoignage le plus austral de l’expansion du commerce des islamisés en Afrique orientale durant la période médiévale. Les comptoirs de la région de Sofâla devenant dès le IXe siècle des lieux d’échange privilégiés pour les islamisés venus y échanger principalement l’or acheminé depuis les royaumes médiévaux du Monomatapa (Mapungubwe, puis Great Zimbabwe). Plus tard, aux XIIIe- XIVe siècles, le monopole du commerce de l’or de Sofâla, contrôlé par la cité swahilie de Kilwa (au sud de la Tanzanie) a fondé la prospérité de ses sultans.
À partir du Xe siècle, à la faveur des contacts commerciaux qui s’accentuent entre l’Afrique de l’Est et le Golfe persique, les communautés musulmanes vont se multiplier sur le littoral africain. Ces groupes de commerçants chiites originaires du Golfe persique seraient à l’origine du mythe «shirâzi» partagé dans l’ensemble du monde swahili, du sud de la Somalie au nord-ouest de Madagascar, et principal référent idéologique des clans aristocratiques qui dirigeaient les cités-États swahilies [Horton 1996, 2000, Pradines 2009]. Au milieu du Xème siècle, Borzog ibn Shahriyar rapporte dans son ouvrage, Les Merveilles de l’Inde, les aventures extraordinaires d’un roi Zenj (ce mot (2) désigne les populations africaines rencontrées par les marchands du Golfe persique, le long du littoral africain, du sud de la Somalie à l’actuel Mozambique), capturé et devenu esclave au Moyen-Orient, et comment ce dernier, après de nombreuses aventures, parvint à regagner son royaume en Afrique de l’Est, dans la baie de Sofala [Freeman Grenville 1962]. Ce récit extraordinaire à plus d’un titre, est néanmoins la plus ancienne évocation de l’islamisation en Afrique de l’Est, et illustre comment cette religion gagna progressivement les élites africaines au contact des commerçants du Golfe Persique au cours du Xe siècle. En 916, Al Masundi, qui navigue sur un navire omanais, atteint l’île de Qanbalu, en pays des Zanj (probablement l’île de Zanzibar ou encore Pemba), il l’évoque ainsi dans son ouvrage Les Prairies d’Or :
« Les pilotes d’Oman traversent la mer de Berbera pour atteindre l’île de Qanbalu, qui est dans la mer des Zanj. Sa population est un mélange de musulmans et de Zanj idolâtres. (...) Une de ces îles qui est à un ou deux jours de navigation de la côte, a une population musulmane et une famille royale. C’est l’île de Qanbalu que nous avons déjà évoquée. » [Freeman-Grenville, 1962].
Cette présence prédominante en Afrique orientale des marins originaires des ports du Golfe persique laissent supposer que l’islam diffusé à cette époque en Afrique de l’Est par ces marins arabo-persans est principalement de confession chiite, soit par l’intermédiaire du royaume qarmate (chiites ismaéliens) qui contrôlaient la région du Bahreïn, soit par le royaume Buyaïde (chiites duodécimains) dont la capitale, Shiraz, et le port de commerce de Siraf (détruit par un séisme autour de 970) ont laissé une empreinte importante dans les traditions orales d’Afrique de l’Est. Les musulmans n’en restent pas moins très minoritaires en Afrique de l’Est, cette religion, sans prosélytisme, caractérisant les seules élites swahilies naissantes, uniquement présentes sur de rares comptoirs commerciaux retranchés sur des îles et baies facilement défendables de la côte africaines.
« Les pilotes d’Oman traversent la mer de Berbera pour atteindre l’île de Qanbalu, qui est dans la mer des Zanj. Sa population est un mélange de musulmans et de Zanj idolâtres. (...) Une de ces îles qui est à un ou deux jours de navigation de la côte, a une population musulmane et une famille royale. C’est l’île de Qanbalu que nous avons déjà évoquée. » [Freeman-Grenville, 1962].
Cette présence prédominante en Afrique orientale des marins originaires des ports du Golfe persique laissent supposer que l’islam diffusé à cette époque en Afrique de l’Est par ces marins arabo-persans est principalement de confession chiite, soit par l’intermédiaire du royaume qarmate (chiites ismaéliens) qui contrôlaient la région du Bahreïn, soit par le royaume Buyaïde (chiites duodécimains) dont la capitale, Shiraz, et le port de commerce de Siraf (détruit par un séisme autour de 970) ont laissé une empreinte importante dans les traditions orales d’Afrique de l’Est. Les musulmans n’en restent pas moins très minoritaires en Afrique de l’Est, cette religion, sans prosélytisme, caractérisant les seules élites swahilies naissantes, uniquement présentes sur de rares comptoirs commerciaux retranchés sur des îles et baies facilement défendables de la côte africaines.
Au XIIe siècle, l’islam opère une poussée remarquable en direction du Nord-Ouest de Madagascar, via l’archipel des Comores: les plus anciens témoignages de présence musulmane aux Comores datant de cette période, tandis que la grande cité commerçante de Mahilaka, au fond de la baie d’Ampasindava se développe: Pierre Vérin y a révélé les vestiges de la plus ancienne mosquée de Madagascar [Vérin, 1975]. Aux Comores, les plus anciennes sépultures musulmanes attestées par l’archéologie: Bagamoyo à Mayotte, [Courtaud, 1999], et les mosquées primitives de Sima et Domoni (Anjouan) fouillées par l’équipe de H.T. Wright [Wright, 1992] datent également du XIe- XIIe siècle. À Mayotte, sur le site archéologique d’Acoua-Agnala M’kiri, nous avons pu fouiller un édifice -probable mosquée- dont l’architecture se rattache à ces premières mosquées antérieures au XIIIe siècle, bâties en pierres de corail taillées et disposées en assises régulières [Pauly, 2013]. Ce processus d’islamisation aux Comores accompagne une poussée culturelle swahilie que l’archéologie révèle notamment par la généralisation de l’architecture en pierre dans tout l’archipel des Comores [Pauly 2010].
Au XIIe siècle, la notice que le géographe arabe al-Idrisi consacre aux Comores évoque l’islamisation complète de ses élites, du moins pour l’île d’Anjouan: «Parmi les îles Javâga est l’île d’Al-Anguna [Anjouan].
La population de cette île, bien que mélangée, et actuellement principalement musulmane»
[Freeman Grenville 1962, traduction reprise par Viré en 1984].
Nos recherches archéologiques sur la nécropole d’Antsiraka Boira au nord-ouest de Mayotte confirment également l’ancrage de l’islam parmi les populations de la Grande Terre au cours du XIIe siècle, avec toutefois une phase de syncrétisme puisque les tombes étudiées, qui par leur architecture et la disposition des défunts relèvent du rite funéraire musulman classique, s’en écartent manifestement par la présence de parures (colliers, pagnes brodés de perles), et d’objets du quotidien accompagnant les défunts [Pauly, 2014b]. Ces découvertes font échos à celles réalisées durant la première moitié du XXe siècle au Nord-Est de Madagascar, parmi la nécropole de Vohémar (datée des XIIIe-XVIIe siècles), et attribuée à la culture des Malgaches islamisés rasikajy [Vernier et Millot, 1971].
La population de cette île, bien que mélangée, et actuellement principalement musulmane»
[Freeman Grenville 1962, traduction reprise par Viré en 1984].
Nos recherches archéologiques sur la nécropole d’Antsiraka Boira au nord-ouest de Mayotte confirment également l’ancrage de l’islam parmi les populations de la Grande Terre au cours du XIIe siècle, avec toutefois une phase de syncrétisme puisque les tombes étudiées, qui par leur architecture et la disposition des défunts relèvent du rite funéraire musulman classique, s’en écartent manifestement par la présence de parures (colliers, pagnes brodés de perles), et d’objets du quotidien accompagnant les défunts [Pauly, 2014b]. Ces découvertes font échos à celles réalisées durant la première moitié du XXe siècle au Nord-Est de Madagascar, parmi la nécropole de Vohémar (datée des XIIIe-XVIIe siècles), et attribuée à la culture des Malgaches islamisés rasikajy [Vernier et Millot, 1971].
Au XIIIe siècle, un important changement religieux s’opère avec la diffusion en Afrique de l’Est de l’islam sunnite chaféite qui supplante les traditions chiites: Ibn-Al-Mujawir signale l’existence d’une école chafii à Kilwa, cité tenue un temps par des Ibadites d’Oman. En 1331, le sunnisme chaféite est devenu la règle pour les principales métropoles d’Afrique orientale lorsque Ibn Battuta séjourne en Afrique de l’Est (Mogadiscio, Mombasa et Kilwa), [Horton 1996, Pradines 1999].
La conversion de l’Afrique de l’Est à l’islam sunnite chaféite résulte d’un bouleversement politicoreligieux qui trouve son origine en Egypte puis au Yémen: Au XIIe siècle, la dynastie des Ayyûbides succède à celle des Fatimides. Le sunnisme chaféite remplace désormais le chiisme ismaélien des Fatimides. En conquérant le Yémen, les Ayyûbides restaurent également le sunnisme parmi ses élites. Puis la dynastie des princes Rassûlides contribue au XIIIe siècle à diffuser le sunnisme en Afrique de l’Est à la faveur des courants commerciaux entretenus entre le Yémen et l’Hadramwut et l’Afrique orientale comme en témoigne la diffusion en Afrique de l’Est de la poterie yéménite «mustard ware» ou «noire et jaune», également présente aux Comores. Cette suprématie nouvelle des clans yéménites et hadrami en Afrique de l'Est serait à l’origine de révolutions comme celle qui renverse le dernier sultan de la dynastie shirâzi de Kilwa au profit de la nouvelle dynastie yéménite des Madhali à la fin du XIIIe siècle [Horton 1996, Pradines, 1999].
Aux Comores, il en serait autrement, car bien après l’adoption en Afrique de l’Est du Sunnisme chaféite, l’islam chiite serait encore présent, ou sous la forme de traditions encore très vivaces, ce qui laisse envisager un certain conservatisme religieux chiite aux Comores: En effet, en 1427, l’inscription de la mosquée du Vendredi de Moroni présente encore une invocation chiite requérant la protection d’Ali et de sa famille [Blanchy et Said, 1989]. De même, un certain nombre de chefs de Mayotte (appelés fani) dont la tradition a conservé les noms, et qui régnaient avant l’unification de l’île par un sultanat à la fin du XVe siècle, portent le titre de «pir» qui, comme l’a observé Claude Allibert, désigne les chefs des confréries soufi dans les sphères chiites [Allibert, 1984]. Ces éléments fournissent un faisceau d’indices suggérant que l’islam chiite et ses traditions, était encore bien présent aux Comores, plus d’un siècle après la conversion de l’Afrique de l’Est à l’islam sunnite chaféite.
Pourtant, selon le témoignage de Piri Reis, daté du premier quart du XVIe siècle, l’islam sunnite chaféite est désormais généralisé aux Comores : «ils sont chafii, en eux, point d’hypocrisie», [Allibert; 1989]. C’est donc que la mutation religieuse entrainant la conversion définitive des élites comoriennes au sunnisme chaféite s’est opérée au cours du XVe siècle. L’arrivée de clans shirâzi sunnites originaires de l’Afrique swahilie, et l’établissement des sultanats qui s’en suivit [Pauly, 2010] y sont certainement pour beaucoup: ils auraient entraîné chez les élites comoriennes leur conversion au sunnisme chaféite, certes, pas sans heurts, puisque certaines traditions rapportent de graves discordes survenues entre les nouveaux sultans shirâzi et certaines élites refusant de se convertir, prônant l’adage «Quand quelqu’un a appris le Coran, il fait la prière jusqu’à la mort» (Chronique de Tsingoni de Cheik Adinani, 1965, citée par Gourlet, 2001). L’instauration des sultanats shirâzi à la fin du XVe siècle marque ainsi la fin du conservatisme religieux aux Comores et l’adoption du sunnisme chaféite qui est encore pratiqué majoritairement aux Comores aujourd'hui. À Mayotte, comme ailleurs dans les autres îles de l’archipel des Comores (Domoni, Sima à Anjouan, Ntsaweni en Grande Comore), les sultans font bâtir de nouvelles mosquées ou embellir des édifices plus anciens par l’ajout d’un mihrab en pierres de corail sculptées. Ainsi, la mosquée des sultans shirâzi de Tsingoni à Mayotte, dont le mihrab comporte une inscription de 944H/1538 , témoigne de ce nouvel élan architectural et artistique impulsé par le nouveau pourvoir politique des sultans, héritiers des traditions swahilies enracinées durant la période médiévale.
La conversion de l’Afrique de l’Est à l’islam sunnite chaféite résulte d’un bouleversement politicoreligieux qui trouve son origine en Egypte puis au Yémen: Au XIIe siècle, la dynastie des Ayyûbides succède à celle des Fatimides. Le sunnisme chaféite remplace désormais le chiisme ismaélien des Fatimides. En conquérant le Yémen, les Ayyûbides restaurent également le sunnisme parmi ses élites. Puis la dynastie des princes Rassûlides contribue au XIIIe siècle à diffuser le sunnisme en Afrique de l’Est à la faveur des courants commerciaux entretenus entre le Yémen et l’Hadramwut et l’Afrique orientale comme en témoigne la diffusion en Afrique de l’Est de la poterie yéménite «mustard ware» ou «noire et jaune», également présente aux Comores. Cette suprématie nouvelle des clans yéménites et hadrami en Afrique de l'Est serait à l’origine de révolutions comme celle qui renverse le dernier sultan de la dynastie shirâzi de Kilwa au profit de la nouvelle dynastie yéménite des Madhali à la fin du XIIIe siècle [Horton 1996, Pradines, 1999].
Aux Comores, il en serait autrement, car bien après l’adoption en Afrique de l’Est du Sunnisme chaféite, l’islam chiite serait encore présent, ou sous la forme de traditions encore très vivaces, ce qui laisse envisager un certain conservatisme religieux chiite aux Comores: En effet, en 1427, l’inscription de la mosquée du Vendredi de Moroni présente encore une invocation chiite requérant la protection d’Ali et de sa famille [Blanchy et Said, 1989]. De même, un certain nombre de chefs de Mayotte (appelés fani) dont la tradition a conservé les noms, et qui régnaient avant l’unification de l’île par un sultanat à la fin du XVe siècle, portent le titre de «pir» qui, comme l’a observé Claude Allibert, désigne les chefs des confréries soufi dans les sphères chiites [Allibert, 1984]. Ces éléments fournissent un faisceau d’indices suggérant que l’islam chiite et ses traditions, était encore bien présent aux Comores, plus d’un siècle après la conversion de l’Afrique de l’Est à l’islam sunnite chaféite.
Pourtant, selon le témoignage de Piri Reis, daté du premier quart du XVIe siècle, l’islam sunnite chaféite est désormais généralisé aux Comores : «ils sont chafii, en eux, point d’hypocrisie», [Allibert; 1989]. C’est donc que la mutation religieuse entrainant la conversion définitive des élites comoriennes au sunnisme chaféite s’est opérée au cours du XVe siècle. L’arrivée de clans shirâzi sunnites originaires de l’Afrique swahilie, et l’établissement des sultanats qui s’en suivit [Pauly, 2010] y sont certainement pour beaucoup: ils auraient entraîné chez les élites comoriennes leur conversion au sunnisme chaféite, certes, pas sans heurts, puisque certaines traditions rapportent de graves discordes survenues entre les nouveaux sultans shirâzi et certaines élites refusant de se convertir, prônant l’adage «Quand quelqu’un a appris le Coran, il fait la prière jusqu’à la mort» (Chronique de Tsingoni de Cheik Adinani, 1965, citée par Gourlet, 2001). L’instauration des sultanats shirâzi à la fin du XVe siècle marque ainsi la fin du conservatisme religieux aux Comores et l’adoption du sunnisme chaféite qui est encore pratiqué majoritairement aux Comores aujourd'hui. À Mayotte, comme ailleurs dans les autres îles de l’archipel des Comores (Domoni, Sima à Anjouan, Ntsaweni en Grande Comore), les sultans font bâtir de nouvelles mosquées ou embellir des édifices plus anciens par l’ajout d’un mihrab en pierres de corail sculptées. Ainsi, la mosquée des sultans shirâzi de Tsingoni à Mayotte, dont le mihrab comporte une inscription de 944H/1538 , témoigne de ce nouvel élan architectural et artistique impulsé par le nouveau pourvoir politique des sultans, héritiers des traditions swahilies enracinées durant la période médiévale.
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[1] Ibrahim Moustakim et Félix Chami ont entrepris en 2010 un sondage à l’intérieur de la mosquée de Ntsaweni, qui selon la tradition orale serait la première localité islamisée des Comores, et ce, dès le premier siècle de l’Hégire. Un certain emballement médiatique a accompagné l’annonce de la découverte d’une mosquée du VIIe siècle à la fin de ce chantier. Toutefois, cette datation n’a pas été confirmée depuis, le mobilier d’importation associé est peu convaincant, aussi, les datations C14 des nivaux antérieurs à cette mosquée primitive ont fourni le XIe/XIIe siècle comme datation, voire le XVe/XVIe siècle s’il faut comme évoqué par I. Moustakim dans son mémoire, apporter une correction à cette datation en intégrant une origine marine à cet échantillon. La première phase de construction de cette mosquée de Ntsaweni s’inscrit donc dans le contexte plus large et documenté de la généralisation de la pratique de l’islam aux Comores à partir du XIIe siècle, période à laquelle se rattachent les plus anciennes mosquées et sépultures musulmanes étudiées par les archéologues dans l’archipel [Wright, 1992, Allibert et Argant, 1983, Courtaud, 1999, Pauly , 2014a].
[2] Ce terme, Zenj ou Zanj, également connu des auteurs greco-romains qui désignaient ces régions sous le nom d’Azania, est à l’origine du nom Zanzibar (littéralement la Mer des Zanj, «Zanj Bahr» en arabe) qui désignait initialement toutes les îles et rivages de la côte est africaine, entre le pays de Berbera (Nord de la Somalie) et le pays de Sofala (Mozambique), avant de ne désigner uniquement l’île tanzanienne de Unguja (Qanbalu?), principal centre du commerce fréquenté par les islamisés au Xe siècle.
[1] Ibrahim Moustakim et Félix Chami ont entrepris en 2010 un sondage à l’intérieur de la mosquée de Ntsaweni, qui selon la tradition orale serait la première localité islamisée des Comores, et ce, dès le premier siècle de l’Hégire. Un certain emballement médiatique a accompagné l’annonce de la découverte d’une mosquée du VIIe siècle à la fin de ce chantier. Toutefois, cette datation n’a pas été confirmée depuis, le mobilier d’importation associé est peu convaincant, aussi, les datations C14 des nivaux antérieurs à cette mosquée primitive ont fourni le XIe/XIIe siècle comme datation, voire le XVe/XVIe siècle s’il faut comme évoqué par I. Moustakim dans son mémoire, apporter une correction à cette datation en intégrant une origine marine à cet échantillon. La première phase de construction de cette mosquée de Ntsaweni s’inscrit donc dans le contexte plus large et documenté de la généralisation de la pratique de l’islam aux Comores à partir du XIIe siècle, période à laquelle se rattachent les plus anciennes mosquées et sépultures musulmanes étudiées par les archéologues dans l’archipel [Wright, 1992, Allibert et Argant, 1983, Courtaud, 1999, Pauly , 2014a].
[2] Ce terme, Zenj ou Zanj, également connu des auteurs greco-romains qui désignaient ces régions sous le nom d’Azania, est à l’origine du nom Zanzibar (littéralement la Mer des Zanj, «Zanj Bahr» en arabe) qui désignait initialement toutes les îles et rivages de la côte est africaine, entre le pays de Berbera (Nord de la Somalie) et le pays de Sofala (Mozambique), avant de ne désigner uniquement l’île tanzanienne de Unguja (Qanbalu?), principal centre du commerce fréquenté par les islamisés au Xe siècle.
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1992, «Nzwani and the Comoros», Azania (Nairobi), n°27, pp.81-128.
Détail sculpture. Photographies de M.Pauly, 2006 Domoni (Anjouan)
Retrouver l'auteur de l'article exposant ses travaux de fouille sur l'archipel des Comores.