Vendredi 25 Octobre 2019

L’Émir Abdelkader : apôtre de la fraternité.



Il convient donc de replacer ce bref ouvrage dans ce contexte d’ouverture à la compréhension mutuelle des uns et des autres en démontrant que l’islam, à travers l’un de ses penseurs, de ses acteurs, de ses humanistes ouverts à la pluralité, Abdelkader, participe à l’épanouissement d’une fraternité humaine, d’une spiritualité également humaine, hier comme aujourd’hui.
Par Jean Nemo
 
Une recension de l’Académie des sciences d'outre-mer, sous licence Creative Commons (BY NC ND).

 

Broché : 165 pages
Editeur : Odile Jacob
Date de parution : 20 janvier 2016 
Collection : OJ.HISTOIRE
Langue : Français
ISBN-10 : 2738133622

Quatrième de couverture

Savant, guerrier, mystique, l’émir Abdelkader est un être hors du commun. Ayant tenu tête aux armées françaises de 1832 à 1847, il épouse le destin de l’Algérie indépendante tout en devenant un trait d’union entre l’Orient et l’Occident. Initiateur du droit humanitaire et fondateur d’un État moderne, pourfendeur du colonialisme mais ami de Napoléon III, défenseur d’un islam moderne et d’une spiritualité de la fraternité, il est une figure rare de l’ouverture aux autres, de la conciliation et du respect des religions.

C’est la vie de cet homme d’exception, de ce visionnaire magnanime, maître spirituel alliant rationalité et résistance, foi et réformes, que Mustapha Cherif nous invite ici à redécouvrir. Son œuvre et ses combats sont un modèle à méditer pour nos temps troublés. Loin des compromis sans consistance et plus loin encore des affrontements dans la violence, l’émir Abdelkader a perpétué l’héritage soufi de l’islam, la voie universelle du Prophète, de la juste mesure et du « bel-agir », sans exclusion aride ni concession facile. Plus que jamais, il est temps pour nous, hommes du XXIe siècle, de retrouver l’enseignement vivant de ce héros moderne.

Philosophe et islamologue, spécialiste du dialogue des cultu­res, des religions et des civilisations, Mustapha Cherif est professeur des universités et a été professeur invité au Collège de France. Lauréat du prix Unesco pour la culture arabe et le dialogue des cultures, il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont L’Islam, tolérant ou intolérant ?

Recension

    En sept brefs chapitres, Mustapha Cherif décline sept facettes de la riche personnalité de son héros : le maître spirituel, le résistant, le captif exilé, le sauveur des chrétiens de Damas, l’humaniste spirituel, le chef d’État, le chantre du dialogue. Il ne paraît pas possible de déterminer si l’ordre de présentation de ces chapitres a une signification précise.

    Sans être au sens strict du mot de l’hagiographie (mot utilisé ici sans aucun sens péjoratif), cet ouvrage est essentiellement destiné à faire connaître un homme qui marqua son temps et qui fut par bien des aspects un précurseur du nôtre. À le faire connaître à un public qui n’en serait pas familier, car pour qui possède une bonne connaissance à la fois de l’histoire de l’Algérie, de sa conquête, du soufisme, des malheureuses péripéties de la résidence forcée ou de la captivité à Amboise au mépris de la parole donnée, cet ouvrage n’apportera pas de connaissances nouvelles.

    Il s’agit en fait de donner à Abdelkader une dimension quasi intemporelle, celle de l’homme dont l’existence, la pensée et la spiritualité, pour être bien ancrée dans son siècle, éclaire aussi les autres temps de l’histoire et notamment le nôtre. D’en faire une référence également intemporelle du dialogue des religions et des cultures ou, comme l’indique le sous-titre, de la fraternité entre tous les hommes, indépendamment de leurs histoires, croyances et convictions.

   On se rappellera que la toute jeune Algérie indépendante, à la légitime recherche de racines, fit très vite d’Abdelkader l’un des pères, sinon le père de la nation et obtint que son héros fondateur reposât parmi les siens. Le propos de l’auteur déborde largement cette dimension.

    On sait en effet que Mustapha Cherif est un militant actif du « dialogue des cultures et des religions ». Plus précisément, il combat les idées fausses mais répandues des uns sur les autres et réciproquement, quant à leurs croyances, et se montre acteur engagé du dialogue. Sa bibliographie traite à la fois d’un islam entre tolérance (ce qu’il est par nature) et intolérance (ce qu’il est pour certains de ses fidèles), d’une islamophobie occidentale (certes marginale mais fondée sur l’incompréhension de la nature réelle de l’islam, loin de ce qu’en montrent les islamistes), d’un Coran et d’un Prophète qui restent de notre temps, pour autant que leurs fidèles et notamment leurs élites acceptent non pas le mot à mot mais la spiritualité profonde.

     Il convient donc de replacer ce bref ouvrage dans ce contexte d’ouverture à la compréhension mutuelle des uns et des autres en démontrant que l’islam, à travers l’un de ses penseurs, de ses acteurs, de ses humanistes ouverts à la pluralité, Abdelkader, participe à l’épanouissement d’une fraternité humaine, d’une spiritualité également humaine, hier comme aujourd’hui.

     « Il a glorifié la fraternité humaine. Il est l’un des plus grands hommes de l’humanité, sage et miséricordieux… ». Ainsi commence l’introduction. Cette phrase justifie et explique le mot « hagiographie » utilisé plus haut. Si l’ouvrage se déroule sous cette enseigne, il mérite d’être lu et compris comme tel. On peut en effet avoir une compréhension un peu différente de ce que fut l’homme et de ce qu’il peut apporter aujourd’hui dans un contexte historique totalement autre. On ne peut en revanche ignorer le message dont l’auteur se veut porteur.





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