L’Islam et la question de son institutionnalisation…
Suite de la traduction de l'anglais d'un article de Ndeye Andujar en quatre parties.
Dans la plupart des pays européens, il n’y a que des politiques d'immigration et il n’existe pas de politique d'intégration en vigueur. Cependant, « actuellement, ce qui inquiète les populations –de souches- sont les demandes formulées [de la part des populations musulmanes] en termes de citoyenneté, en termes de recomposition des identités –religieuses et culturelles […]» (1).
Les musulmans sont une partie intégrante et définitive des sociétés occidentales. Chaque Etat européen, selon les systèmes politiques, adopte différentes stratégies visant à promouvoir une structure musulmane qui est plus ou moins centralisée, pour servir d'interface entre les État et les groupes musulmans, en tant qu'autorité de contrôle sur ces groupes.
Il existe une grande variété d'organisations musulmanes à travers les Etats membres de l'Europe, mais de nombreux musulmans, notamment ceux dans une perspective plus laïque, n'ont pas de liens avec ces organisations. Mais la participation des organisations musulmanes dans la vie politique et sociale est importante pour la cohésion sociale. La structure non-hiérarchique de l'Islam et la diversité ethnique, culturelle, théologique dans les communautés musulmanes européennes engendrent des difficultés, pour ces Etats, dans la création d'organisations représentatives.
Bien qu'il n'existe pas de modèle unique pour l'intégration juridique de l'Islam en Europe, il y a une convergence en termes de volonté d'institutionnaliser l'Islam dans son nouveau milieu. De même, il existe de plus en plus de musulmans européennes qui aspirent à une plus grande représentation et de légitimité pour leur religion. « L'Islam est profondément enraciné au niveau local, ce qui lui confère une forte hybridation et d'acculturation dans les traditions des pays adoptifs, qui doivent redéfinir leurs sécularités et leurs modalités pour une reconnaissance des religions [dans leur ensemble] » (Wihtol, 2003).
Dans la plupart des pays européens, il n’y a que des politiques d'immigration et il n’existe pas de politique d'intégration en vigueur. Cependant, « actuellement, ce qui inquiète les populations –de souches- sont les demandes formulées [de la part des populations musulmanes] en termes de citoyenneté, en termes de recomposition des identités –religieuses et culturelles […]» (1).
Les musulmans sont une partie intégrante et définitive des sociétés occidentales. Chaque Etat européen, selon les systèmes politiques, adopte différentes stratégies visant à promouvoir une structure musulmane qui est plus ou moins centralisée, pour servir d'interface entre les État et les groupes musulmans, en tant qu'autorité de contrôle sur ces groupes.
Il existe une grande variété d'organisations musulmanes à travers les Etats membres de l'Europe, mais de nombreux musulmans, notamment ceux dans une perspective plus laïque, n'ont pas de liens avec ces organisations. Mais la participation des organisations musulmanes dans la vie politique et sociale est importante pour la cohésion sociale. La structure non-hiérarchique de l'Islam et la diversité ethnique, culturelle, théologique dans les communautés musulmanes européennes engendrent des difficultés, pour ces Etats, dans la création d'organisations représentatives.
Bien qu'il n'existe pas de modèle unique pour l'intégration juridique de l'Islam en Europe, il y a une convergence en termes de volonté d'institutionnaliser l'Islam dans son nouveau milieu. De même, il existe de plus en plus de musulmans européennes qui aspirent à une plus grande représentation et de légitimité pour leur religion. « L'Islam est profondément enraciné au niveau local, ce qui lui confère une forte hybridation et d'acculturation dans les traditions des pays adoptifs, qui doivent redéfinir leurs sécularités et leurs modalités pour une reconnaissance des religions [dans leur ensemble] » (Wihtol, 2003).
Islam populaire, Islam sécularisé, réislamisation et musulman intégré....
Si nous acceptons que dans les sociétés modernes l'adhésion à une religion va au-delà de sa définition pour soi-même, et que cela est la conséquence d'une réflexion spirituelle sur le monde, alors le fait d'être musulman n'est pas quelque chose que l'on acquiert à la naissance, comme nous pourrions le penser, mais plutôt, une question de choix. Cela comprend la manière dont les individus souhaitent vivre leur religiosité, leur choix dans ce qu'ils croient (qui, dans nos sociétés, diffère d'une personne à l'autre). L'individu accepte de façon sélective les éléments de la religion qu'ils souhaitent adopter. Cette attitude correspond dans nos sociétés modernes, marquées par le consumérisme, à l’individualisme.
En fait, les jeunes musulmans européens ont intériorisé cette liberté de choix. Ils ne sont pas plus satisfaits de réponses faciles : ce n'est pas assez pour eux d'apprendre tout simplement ce qui est bon et mauvais, halal et haram - ils veulent aussi savoir le pourquoi. Leur niveau d'éducation les amène à chercher des réponses personnelles aux questions qu'ils se posent au sujet de leur religion, ainsi que leur avenir dans les sociétés européennes.
Bien que les jeunes musulmans aient intériorisé leur liberté de choix, il est très difficile pour eux de renoncer complètement à leur affiliation à l'Islam. En général, ils veulent maintenir leur lien avec la religion qui leur est transmises par les parents, bien que ce désir se manifeste de diverses manières.
La relation des jeunes à leur religion est conditionnée par la relation qu'ils entretiennent avec les pays d'origine des parents ainsi qu’avec leurs pays de naissance. Cet aspect est très différent de l'Islam des premières générations. En effet, pour la première génération, l'adhésion à l'Islam a été identifiée avec l'origine régionale ou nationale. Cet Islam « transplanté » ou « traditionnel » était vécu comme un élément essentiel de la culture d’origine, qui doit être préservée afin de résister à l'assimilation.
En revanche, la relation que les jeunes musulmans entretiennent avec l'Islam démontre qu'ils sont pour la plupart « intégrés » dans les sociétés européennes, quoique de manières différentes. Des chercheurs tels que Jocelyne Cesari ont noté, à partir d’études sociologiques sur le comportement religieux des jeunes générations de musulmans en France, l'émergence d'un « Islam sécularisé ». La plupart des jeunes musulmans considèrent l'Islam comme un héritage culturel important, mais adaptent les normes et valeurs en fonction de leurs besoins propres. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, la logique de l'individu l'emporte sur les impératifs et les normes de la communauté (Thieux, 2004).
Jocelyne Cesari distingue trois formes d'expression religieuse. La première et la plus commune est un Islam populaire, l'Islam tranquille, qui exige simplement des lieux de culte et des infrastructures adéquates afin de pratiquer leur religion.
La seconde forme est un « Islam sécularisé ». Dans le contexte français, certains musulmans visent à maintenir l'Islam comme une référence culturelle, en l'adaptant personnellement à leur mode de vie personnelle. Pour Cesari, cet Islam, que d’autres spécialistes ont appelés « l’Islam sociologique », deviendra progressivement la forme la plus répandue. En général, cette forme correspond à la classe moyenne des jeunes qui ont vécu toute leur vie en France.
La troisième forme est la « réislamisation ». Il s'agit d'un phénomène minoritaire qui affecte les jeunes des banlieues des grandes villes, qui vivent dans une situation marginale. La réislamisation permet à ces jeunes de reconstruire leur identité sur la base d’une référence religieuse (2). Mais dans ce qui est connu sous le nom « réislamisation », il faut distinguer entre les diverses tendances opposées qui montrent que la radicalisation ne touche qu’une minorité. Il est donc impératif que nous évitions les généralisations.
Ces "réislamisés" considèrent la citoyenneté et la responsabilité sociale comme une obligation musulmane. Et en général, ils portent une vision ouverte de la religion mais remettent en question la privatisation de la religiosité.
La vision laïque dominante veut qu'un « musulman intégré » pratique sa religion en privé, mais, pour la jeune génération de musulmans, la possibilité de pratiquer sa religion avec la liberté totale est un signe d'intégration dans la société. Ce décalage entre les perceptions de ce qui est impliqué dans le fait « d'être intégré » souligne le dilemme auquel sont confrontés les jeunes musulmans : d'une part, ils veulent pratiquer leur religion avec liberté, et, d’autre part, ils sont accusés de ne pas vouloir s’intégrer dès lors qu’ils expriment leur religiosité trop ouvertement.
Comme nous l'avons exprimé ci-dessus, nous devons éviter les simplifications et les stéréotypes. Pour ces jeunes, la réappropriation de l'Islam est une façon leur permettant de maintenir des liens avec les parents ainsi qu’avec la société occidentale (Bouzar, 2001).
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(5) Rémy Leveau, Khadija Mohsen-Finan (2005). Musulmans de France et d’Europe. Paris, CNRS, p. 53.
(6) Cesari, J. (1995). “France: Islam et tradition républicaine”, L’Islam en Europe. Problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, Paris, (746), 21-30.
Bibliographie : voir la bibliographie générale dans la 4ème et dernière partie.
En fait, les jeunes musulmans européens ont intériorisé cette liberté de choix. Ils ne sont pas plus satisfaits de réponses faciles : ce n'est pas assez pour eux d'apprendre tout simplement ce qui est bon et mauvais, halal et haram - ils veulent aussi savoir le pourquoi. Leur niveau d'éducation les amène à chercher des réponses personnelles aux questions qu'ils se posent au sujet de leur religion, ainsi que leur avenir dans les sociétés européennes.
Bien que les jeunes musulmans aient intériorisé leur liberté de choix, il est très difficile pour eux de renoncer complètement à leur affiliation à l'Islam. En général, ils veulent maintenir leur lien avec la religion qui leur est transmises par les parents, bien que ce désir se manifeste de diverses manières.
La relation des jeunes à leur religion est conditionnée par la relation qu'ils entretiennent avec les pays d'origine des parents ainsi qu’avec leurs pays de naissance. Cet aspect est très différent de l'Islam des premières générations. En effet, pour la première génération, l'adhésion à l'Islam a été identifiée avec l'origine régionale ou nationale. Cet Islam « transplanté » ou « traditionnel » était vécu comme un élément essentiel de la culture d’origine, qui doit être préservée afin de résister à l'assimilation.
En revanche, la relation que les jeunes musulmans entretiennent avec l'Islam démontre qu'ils sont pour la plupart « intégrés » dans les sociétés européennes, quoique de manières différentes. Des chercheurs tels que Jocelyne Cesari ont noté, à partir d’études sociologiques sur le comportement religieux des jeunes générations de musulmans en France, l'émergence d'un « Islam sécularisé ». La plupart des jeunes musulmans considèrent l'Islam comme un héritage culturel important, mais adaptent les normes et valeurs en fonction de leurs besoins propres. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, la logique de l'individu l'emporte sur les impératifs et les normes de la communauté (Thieux, 2004).
Jocelyne Cesari distingue trois formes d'expression religieuse. La première et la plus commune est un Islam populaire, l'Islam tranquille, qui exige simplement des lieux de culte et des infrastructures adéquates afin de pratiquer leur religion.
La seconde forme est un « Islam sécularisé ». Dans le contexte français, certains musulmans visent à maintenir l'Islam comme une référence culturelle, en l'adaptant personnellement à leur mode de vie personnelle. Pour Cesari, cet Islam, que d’autres spécialistes ont appelés « l’Islam sociologique », deviendra progressivement la forme la plus répandue. En général, cette forme correspond à la classe moyenne des jeunes qui ont vécu toute leur vie en France.
La troisième forme est la « réislamisation ». Il s'agit d'un phénomène minoritaire qui affecte les jeunes des banlieues des grandes villes, qui vivent dans une situation marginale. La réislamisation permet à ces jeunes de reconstruire leur identité sur la base d’une référence religieuse (2). Mais dans ce qui est connu sous le nom « réislamisation », il faut distinguer entre les diverses tendances opposées qui montrent que la radicalisation ne touche qu’une minorité. Il est donc impératif que nous évitions les généralisations.
Ces "réislamisés" considèrent la citoyenneté et la responsabilité sociale comme une obligation musulmane. Et en général, ils portent une vision ouverte de la religion mais remettent en question la privatisation de la religiosité.
La vision laïque dominante veut qu'un « musulman intégré » pratique sa religion en privé, mais, pour la jeune génération de musulmans, la possibilité de pratiquer sa religion avec la liberté totale est un signe d'intégration dans la société. Ce décalage entre les perceptions de ce qui est impliqué dans le fait « d'être intégré » souligne le dilemme auquel sont confrontés les jeunes musulmans : d'une part, ils veulent pratiquer leur religion avec liberté, et, d’autre part, ils sont accusés de ne pas vouloir s’intégrer dès lors qu’ils expriment leur religiosité trop ouvertement.
Comme nous l'avons exprimé ci-dessus, nous devons éviter les simplifications et les stéréotypes. Pour ces jeunes, la réappropriation de l'Islam est une façon leur permettant de maintenir des liens avec les parents ainsi qu’avec la société occidentale (Bouzar, 2001).
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(5) Rémy Leveau, Khadija Mohsen-Finan (2005). Musulmans de France et d’Europe. Paris, CNRS, p. 53.
(6) Cesari, J. (1995). “France: Islam et tradition républicaine”, L’Islam en Europe. Problèmes politiques et sociaux, La Documentation française, Paris, (746), 21-30.
Bibliographie : voir la bibliographie générale dans la 4ème et dernière partie.