Par delà leur diversité, les musulmans de Chine se sont engagés depuis une vingtaine d'années dans un processus de réaffirmation religieuse et identitaire : construction et rénovation de mosquées, diffusion de l'information sur l'islam dans le monde, traduction d'ouvrages religieux, etc. Comme dans le reste du monde musulman, l'effort a également porté sur le domaine de l'éducation....
Au delà de l'enseignement confessionnel, cet article écrit il y a une dizaine d'année, permet au lecteur de découvrir la communauté musulmane de Chine.
Par Elisabeth Allés. Anthropologue au CNRS, spécialiste du monde chinois.
La première publication a été réalisé dans: Perspectives chinoises. N°74, 2002. pp. 21-30. Sous Licence Creative Commons.
Au delà de l'enseignement confessionnel, cet article écrit il y a une dizaine d'année, permet au lecteur de découvrir la communauté musulmane de Chine.
Par Elisabeth Allés. Anthropologue au CNRS, spécialiste du monde chinois.
La première publication a été réalisé dans: Perspectives chinoises. N°74, 2002. pp. 21-30. Sous Licence Creative Commons.
Source inconnue
Par delà leur diversité, les musulmans de Chine [1] se sont engagés depuis une vingtaine d'années dans un processus de réaffirmation religieuse et identitaire [2] : construction et rénovation de mosquées, diffusion de l'information sur l'islam dans le monde, traduction d'ouvrages religieux, etc [3]. Comme dans le reste du monde musulman, l'effort a également porté sur le domaine de l'éducation. Dans un premier temps, au début des années 1980, l'enseignement s'est limité aux écoles de mosquées, mais, très vite, à la faveur d'initiatives individuelles ou collectives, locales ou provinciales, de multiples écoles privées arabes ou sino-arabes ainsi que de nombreux instituts ont été ouverts un peu partout dans le pays. Lors des enquêtes que nous avons menées en 2000 et 2002 dans les provinces du Xinjiang, du Gansu, du Ningxia, du Henan, du Yunnan et à Hainan nous avons pu constater l'extraordinaire développe ment de cet enseignement musulman [4].
Les responsables religieux musulmans en Chine se sont toujours plaints du faible niveau du savoir religieux de leurs coreligionnaires : la floraison d'écoles répond bien à une volonté d'éducation mais correspond également à un besoin de maintenir et de faire vivre la religion musulmane parmi des fidèles dispersés dans l'espace chinois et marqués par plus de vingt ans de répression [5] de toute activité religieuse publique. Par ailleurs, dans le cadre de la politique des réformes menée dans le domaine de l'éducation [6] depuis plus d'une dizaine d'années (décisions de 1985 et de 1993) qui a conduit à la décentralisation et à la privatisation de l'enseignement, les initiatives musulmanes ont pour objectif de pallier le désengagement de l'Etat central et de permettre à des populations [7] en situation économique difficile, et en particulier aux filles, de bénéficier d'un minimum d'instruction. A l'intérieur du monde musulman chinois, l'éducation et sa modernisation font l'objet de débats, de polémiques et de concurrence entre courants religieux. Ces débats ne portent pas sur la situation des écoles publiques, primaires ou secondaires, bien qu'elle soit difficile, car ces écoles restent encore d'un faible niveau malgré les efforts entrepris en particulier dans les régions périphériques et aux frontières [8]. Selon les chercheurs Hui, la situation des écoles publiques Hui comme celle d'autres écoles s'est détériorée, en particulier avec la décentralisation. L'un d'eux fait une description significative d'une école primaire dans un quartier Hui de Xi'an qui ne semble pas être la seule dans ce cas : « Afin de pouvoir subvenir aux besoins de l'école dont les frais ont considérablement augmenté, la cour est devenue un entrepôt pour marchandises, un parking pour taxis et camions, les toilettes de l'école ont été transformées en toilettes publiques ». Il constate en outre les difficultés rencontrées pour payer les compléments de salaire des enseignants et se désole de l'obligation où se trouvent beaucoup d'élèves de travailler après l'école : « Ils ne peuvent donc ouvrir leurs livres que pendant les classes ». En 1997, cette école a perdu un tiers de ses effectifs [9]. Mais comme les écoles publiques relèvent des autorités centrales et locales et que la population a peu de prise sur leurs décisions, la discussion se porte de préférence sur les écoles privées, sur lesquelles les musulmans, les ayant fondées, détiennent un réel pouvoir.
L'étude du développement actuel des écoles confessionnelles permet de mesurer le degré d'autonomie dont peuvent disposer les musulmans et d'observer la manière dont s'exerce de nos jours le contrôle politique de l'Etat sur cet aspect de la vie religieuse. De fait l'éducation, question politiquement sensible, est un terrain où s'affrontent de nombreux acteurs et à différents niveaux.
Dans la région autonome ouighoure du Xinjiang, les autorités de Pékin ont décidé d'imposer une tutelle stricte et systématique à l'enseignement dans le domaine tant religieux que linguistique. L'enseignement religieux qui s'était largement développé avec la reprise des activités religieuses des années 1980 fut à nouveau interdit en 1996 à la suite de troubles dans la région (incidents de Khotan, Gulja,Bahren, Aksu). Depuis cette période une lente reprise s'est dessinée [10]. En 2002, un imam n'a le droit d'enseigner qu'à un ou deux élèves [11] avec l'aval obligatoire du bureau des affaires religieuses des autorités locales, alors que, comme nous le verrons plus avant, il peut y avoir près d'une centaine d'étudiants dans les écoles de mosquées des autres provinces chinoises. La règle qui impose d'avoir 18 ans révolus pour suivre des études religieuses est, au Xinjiang, strictement appliquée. Par ailleurs, il n'est pas possible d'ouvrir légalement une école musulmane, comme il en existe dans le reste du pays. Un seul institut coranique (jingxueyuan), géré et contrôlé par les autorités, est autorisé à Urumqi. On y dispense un enseignement religieux minimal en langue arabe. Sur le plan linguistique, en mai 2002 [12], Pékin a rappelé, à travers la presse, la décision — déjà prise antérieurement mais non encore vraiment appliquée — , de supprimer l'usage de la langue ouighoure dans les études supérieures [13]. Par ailleurs, la pauvreté des familles ouighoures, spécialement dans les oasis du sud des Tianshan, ne permet pas aux enfants de suivre une scolarité normale dans les écoles publiques devenues aujourd'hui payantes, ne serait-ce que la scolarité théoriquement obligatoire des neuf premières années. Il en résulte qu'un enfant ouighour qui n'est pas issu d'un milieu urbain et relativement aisé a très peu de chance de pouvoir bénéficier d'un enseignement au-delà de l'école primaire, qu'il aura suivi généralement en ouighour [14]. Si une famille tient à compenser ce déficit d'éducation par un enseignement religieux, elle devra attendre que l'enfant ait atteint l'âge de 18 ans et l'envoyer soit à l'étranger, en l’occurrence au Pakistan, si elle a quelques moyens, soit lui faire suivre un cursus dans une école coranique d'une autre province de Chine si elle a pu établir une connexion avec cette école [15]. Certes, l'organisation d'écoles clandestines est un recours toujours possible, mais les risques sont réels. Ainsi, les faibles possibilités d'éducation ont pour conséquence que dans les rues des villes, comme par exemple à Khotan, nombre de jeunes garçons de 12 à 14 ans travaillent comme cochers de carrioles- taxis tirées par des ânes pour contribuer aux besoins de leur famille. D'autre part, même un jeune Ouighour diplômé de l'Université d'Urumqi ne peut guère espérer trouver un débouché professionnel dans la région car sa faible capacité linguistique en chinois ne lui permettra pas d'obtenir un emploi pour lequel les locuteurs chinois han seront préférés. Dans ces situations de blocage, il ne faut donc pas s'étonner que des jeunes cherchent à quitter le territoire ou soient séduits par un discours moderne prônant l'unité de l'islam et le retour au Califat [16]. Un certain nombre d'entre eux, soupçonnés d'appartenir au mouvement Hizb ut-Tahrir [17] (libération), ont déjà été arrêtés [18] au printemps 2001 au Xinjiang [19].
Dans les autres provinces de Chine, la situation est bien différente dans la mesure où il s'agit principalement de musulmans de langue chinoise (Hui). La confrontation se situe alors non plus seulement avec l'Etat central mais davantage avec les autorités locales. En outre, l'enseignement religieux est un révélateur des rivalités entre courants religieux musulmans.
Les responsables religieux musulmans en Chine se sont toujours plaints du faible niveau du savoir religieux de leurs coreligionnaires : la floraison d'écoles répond bien à une volonté d'éducation mais correspond également à un besoin de maintenir et de faire vivre la religion musulmane parmi des fidèles dispersés dans l'espace chinois et marqués par plus de vingt ans de répression [5] de toute activité religieuse publique. Par ailleurs, dans le cadre de la politique des réformes menée dans le domaine de l'éducation [6] depuis plus d'une dizaine d'années (décisions de 1985 et de 1993) qui a conduit à la décentralisation et à la privatisation de l'enseignement, les initiatives musulmanes ont pour objectif de pallier le désengagement de l'Etat central et de permettre à des populations [7] en situation économique difficile, et en particulier aux filles, de bénéficier d'un minimum d'instruction. A l'intérieur du monde musulman chinois, l'éducation et sa modernisation font l'objet de débats, de polémiques et de concurrence entre courants religieux. Ces débats ne portent pas sur la situation des écoles publiques, primaires ou secondaires, bien qu'elle soit difficile, car ces écoles restent encore d'un faible niveau malgré les efforts entrepris en particulier dans les régions périphériques et aux frontières [8]. Selon les chercheurs Hui, la situation des écoles publiques Hui comme celle d'autres écoles s'est détériorée, en particulier avec la décentralisation. L'un d'eux fait une description significative d'une école primaire dans un quartier Hui de Xi'an qui ne semble pas être la seule dans ce cas : « Afin de pouvoir subvenir aux besoins de l'école dont les frais ont considérablement augmenté, la cour est devenue un entrepôt pour marchandises, un parking pour taxis et camions, les toilettes de l'école ont été transformées en toilettes publiques ». Il constate en outre les difficultés rencontrées pour payer les compléments de salaire des enseignants et se désole de l'obligation où se trouvent beaucoup d'élèves de travailler après l'école : « Ils ne peuvent donc ouvrir leurs livres que pendant les classes ». En 1997, cette école a perdu un tiers de ses effectifs [9]. Mais comme les écoles publiques relèvent des autorités centrales et locales et que la population a peu de prise sur leurs décisions, la discussion se porte de préférence sur les écoles privées, sur lesquelles les musulmans, les ayant fondées, détiennent un réel pouvoir.
L'étude du développement actuel des écoles confessionnelles permet de mesurer le degré d'autonomie dont peuvent disposer les musulmans et d'observer la manière dont s'exerce de nos jours le contrôle politique de l'Etat sur cet aspect de la vie religieuse. De fait l'éducation, question politiquement sensible, est un terrain où s'affrontent de nombreux acteurs et à différents niveaux.
Dans la région autonome ouighoure du Xinjiang, les autorités de Pékin ont décidé d'imposer une tutelle stricte et systématique à l'enseignement dans le domaine tant religieux que linguistique. L'enseignement religieux qui s'était largement développé avec la reprise des activités religieuses des années 1980 fut à nouveau interdit en 1996 à la suite de troubles dans la région (incidents de Khotan, Gulja,Bahren, Aksu). Depuis cette période une lente reprise s'est dessinée [10]. En 2002, un imam n'a le droit d'enseigner qu'à un ou deux élèves [11] avec l'aval obligatoire du bureau des affaires religieuses des autorités locales, alors que, comme nous le verrons plus avant, il peut y avoir près d'une centaine d'étudiants dans les écoles de mosquées des autres provinces chinoises. La règle qui impose d'avoir 18 ans révolus pour suivre des études religieuses est, au Xinjiang, strictement appliquée. Par ailleurs, il n'est pas possible d'ouvrir légalement une école musulmane, comme il en existe dans le reste du pays. Un seul institut coranique (jingxueyuan), géré et contrôlé par les autorités, est autorisé à Urumqi. On y dispense un enseignement religieux minimal en langue arabe. Sur le plan linguistique, en mai 2002 [12], Pékin a rappelé, à travers la presse, la décision — déjà prise antérieurement mais non encore vraiment appliquée — , de supprimer l'usage de la langue ouighoure dans les études supérieures [13]. Par ailleurs, la pauvreté des familles ouighoures, spécialement dans les oasis du sud des Tianshan, ne permet pas aux enfants de suivre une scolarité normale dans les écoles publiques devenues aujourd'hui payantes, ne serait-ce que la scolarité théoriquement obligatoire des neuf premières années. Il en résulte qu'un enfant ouighour qui n'est pas issu d'un milieu urbain et relativement aisé a très peu de chance de pouvoir bénéficier d'un enseignement au-delà de l'école primaire, qu'il aura suivi généralement en ouighour [14]. Si une famille tient à compenser ce déficit d'éducation par un enseignement religieux, elle devra attendre que l'enfant ait atteint l'âge de 18 ans et l'envoyer soit à l'étranger, en l’occurrence au Pakistan, si elle a quelques moyens, soit lui faire suivre un cursus dans une école coranique d'une autre province de Chine si elle a pu établir une connexion avec cette école [15]. Certes, l'organisation d'écoles clandestines est un recours toujours possible, mais les risques sont réels. Ainsi, les faibles possibilités d'éducation ont pour conséquence que dans les rues des villes, comme par exemple à Khotan, nombre de jeunes garçons de 12 à 14 ans travaillent comme cochers de carrioles- taxis tirées par des ânes pour contribuer aux besoins de leur famille. D'autre part, même un jeune Ouighour diplômé de l'Université d'Urumqi ne peut guère espérer trouver un débouché professionnel dans la région car sa faible capacité linguistique en chinois ne lui permettra pas d'obtenir un emploi pour lequel les locuteurs chinois han seront préférés. Dans ces situations de blocage, il ne faut donc pas s'étonner que des jeunes cherchent à quitter le territoire ou soient séduits par un discours moderne prônant l'unité de l'islam et le retour au Califat [16]. Un certain nombre d'entre eux, soupçonnés d'appartenir au mouvement Hizb ut-Tahrir [17] (libération), ont déjà été arrêtés [18] au printemps 2001 au Xinjiang [19].
Dans les autres provinces de Chine, la situation est bien différente dans la mesure où il s'agit principalement de musulmans de langue chinoise (Hui). La confrontation se situe alors non plus seulement avec l'Etat central mais davantage avec les autorités locales. En outre, l'enseignement religieux est un révélateur des rivalités entre courants religieux musulmans.
De l'école de mosquée à l'école privée
II y a environ 40 000 [20] mosquées en Chine disposant, en principe, chacune d'une école [21]. Cependant les ahong (imam) [22] de ces lieux de culte n'ont pas tous des élèves. Mises à part les limitations autoritaires observées au Xinjiang, cela peut être dû, dans des situations non conflictuelles, à la fatigue et à l'âge trop avancé de l'ahong. En ces circonstances, les élèves peuvent facilement rejoindre une autre école à proximité. Si on peut estimer à vingt la moyenne des étudiants par mosquée, certaines d'entre elles, qui disposent d'espace, de meilleures conditions d'accueil et où l'enseignement de l'ahong est réputé, peuvent rassembler une centaine d'élèves. En principe âgés au minimum de 18 ans [23], ces élèves sont pour l'essentiel des garçons en particulier dans les provinces du nord-ouest ; toutefois les écoles de mosquée sont aussi ouvertes aux filles lorsqu'il n'existe pas de mosquées féminines [24] comme dans les provinces de la plaine centrale. Certains élèves ont été scolarisés dans l'enseignement public, jusqu'à la fin du deuxième cycle secondaire (gaozhong) ; cependant un grand nombre d'entre eux se sont arrêtés à l'école primaire ou à la fin du premier cycle du secondaire (chuzhong) et certains sont quasiment illettrés en chinois. Ils sont originaires de régions différentes et viennent parfois de très loin. Les frais d'étude sont pris en charge par la communauté d'accueil, ainsi que l'hébergement si la famille de l'élève n'a pas la possibilité de le financer.
Quelques éléments d'histoire
Tout au long de l'histoire de l'islam en Chine, comme de nos jours, l'éducation a représenté un enjeu majeur. Il s'agit de maintenir des communautés de croyants dans un environnement largement non-musulman. Dès le XVIe siècle des écoles ont été ouvertes au sein des mosquées pour délivrer un enseignement religieux appelé jingtang jiaoyu (enseignement de la salle des classiques) caractéristique de l'islam traditionnel (laojiao [25]) et dont le contenu avait été élaboré par un ahong du Shaanxi, Hu Dengzhou (1522-1597) [26], au retour d'un voyage à la Mecque. Au début du XXe siècle, le courant fondamentaliste et réformiste ikhwan [27] d'inspiration wahhâbite, a fait de la modernisation de l'éducation un de ses mots d'ordre en insistant, à cette époque, sur l'apprentissage du chinois et l'éducation des femmes. D'autres réformateurs musulmans impliqués dans le bouillonnement intellectuel de l'ensemble de la société chinoise du début du XXe siècle, ont créé des écoles, telle la célèbre école normale Chengda [28] dont l'objectif était de donner un enseignement moderne en intégrant l'étude conjointe du chinois et de l'arabe, de l'histoire, des mathématiques, des sciences, et de promouvoir l'envoi d'étudiants à l'étranger.
Le cursus classique en islam traditionnel (laojiao) nécessitait plus d'une dizaine d'années d'étude, auprès de plusieurs ahong. Le halifa [29] apprenait l'arabe et le persan, les ouvrages de base (le haiti [30], le zaxue [31], le Coran, la sunna [32], le tafsîr [33], le fiqh [34] et poursuivait [35] par des textes d’approfondissement dans les deux langues avec une dominante en persan [36], en particulier dans le cadre de l'enseignement soufi et de celui que dispensaient les ahong féminines. Il s'agissait d'un enseignement fondé sur la relation de maître à disciple et où étaient privilégiés la compréhension, l'approfondissement des textes et l'étendue des connaissances. Ce cursus s'achevait, comme de nos jours, sur une cérémonie nommée « la prise du vêtement » (chuanyi) [37] qui marquait le passage du statut d'élève à celui d'ahong.
Le cursus classique en islam traditionnel (laojiao) nécessitait plus d'une dizaine d'années d'étude, auprès de plusieurs ahong. Le halifa [29] apprenait l'arabe et le persan, les ouvrages de base (le haiti [30], le zaxue [31], le Coran, la sunna [32], le tafsîr [33], le fiqh [34] et poursuivait [35] par des textes d’approfondissement dans les deux langues avec une dominante en persan [36], en particulier dans le cadre de l'enseignement soufi et de celui que dispensaient les ahong féminines. Il s'agissait d'un enseignement fondé sur la relation de maître à disciple et où étaient privilégiés la compréhension, l'approfondissement des textes et l'étendue des connaissances. Ce cursus s'achevait, comme de nos jours, sur une cérémonie nommée « la prise du vêtement » (chuanyi) [37] qui marquait le passage du statut d'élève à celui d'ahong.
Situation actuelle
Avec la reprise des activités religieuses, le besoin de renouvellement des ahong et la pression d'un enseignement réformé, le cursus classique a été modifié sur le fond et la forme. Le nombre d'années d'études a été réduit à 4 ou 5 ans, la relation privilégiée entre le maître et son élève tend à se diluer en raison d'une rotation parfois rapide des ahong mais surtout du fait de la multiplicité des enseignants. Sur le fond, l'enseignement se limite désormais à l'apprentissage de l'arabe, à la connaissance des textes de base, avec, en complément, un cours sur la politique religieuse de l'Etat. Ainsi la modernisation de l'enseignement religieux prend en compte une des principales critiques faite aux ahong de l'islam traditionnel, qui est de ne pas savoir s'exprimer en arabe et de prononcer cette langue avec de fortes intonations chinoises. L'arabe est donc appris aujourd'hui comme une langue vivante et non plus simplement comme une langue écrite, la langue sacrée du Coran. Pour faire apparaître le bon niveau d'arabe des jeunes Chinois d'aujourd'hui, des compétitions de lecture du Coran sont régulièrement organisées au niveau d'une province ou à l'échelle nationale en présence de dignitaires venus du monde musulman. Cet approfondissement linguistique s'accomplit au détriment du farsi, qui demeure cependant encore une langue d'étude dans le cadre de l'enseignement des ahong féminines ou des confréries soufis. Cependant, les textes nécessaires pour l'examen final étant essentiellement en arabe, les ouvrages en persan sont de moins en moins abordés. Enfin, s'il y a aujourd'hui une capacité réelle de parler arabe chez les jeunes élèves, il y a en contre-partie, au grand regret de nombreux ahong, une réduction du savoir religieux. Le cycle se termine par un examen supervisé par le bureau local des affaires religieuses, par un représentant de la section locale de l'association islamique s'il y en a un et par les ahong du lieu. Après avoir pris le vêtement, le nouvel ahong est invité par une communauté locale à venir officier. Cet enseignement réformé s'est généralisé ces dernières années à l'ensemble des mosquées quelque soit le courant auquel elles appartiennent.
Depuis les années 1990, sous l'impulsion d'ahong ou d'enseignants laïcs, quelques-unes de ces écoles de mosquée, tout en restant dans les locaux ou à proximité de l'édifice religieux, se sont transformées en structure indépendante avec la mise en place d'un directeur et d'une administration spécifique [38]. D'autres écoles se construisent indépendamment. Elles ont toutes le statut d'école privée ou d'école spécialisée (sili xuexiao, zhuanye xuexiao ou encore zhuanke xuexiao).
Ces écoles privées ont pris une importance considérable. Certaines sont réputées pour le nombre de leurs élèves garçons et filles, la diversité de leur formation et la possibilité qu'elles offrent de poursuivre des études universitaires en Chine (les sections de langues étrangères) ou à l'étranger. Elles ont souvent pour dénomination « école sino-arabe » (zhong a xuexiao), « école de langue arabe » (ayu ou alaboyu xuexiao), ou encore « école de culture musulmane » (musilin wenhua xuexiao). Ces appellations traduisent parfois une option spécifique ; certaines écoles choisissent l'appellation « langue arabe » pour souligner leur objectif principal qui est l'enseignement de cette langue ; d'autres ajoutent un élément complémentaire significatif de leur engagement religieux, tel que Muguang alaboyu xuexiao (école de langue arabe « lumière musulmane ») ou encore un terme arabe Xida zhong a xuexiao (école sino-arabe Xidayah (la voie droite). D'autres insistent sur le caractère identitaire Huizu wenhua xuexiao(école de culture Hui). Les responsables de l'école de Dali, délibérément, n'ont pas mentionné « école arabe » ou « sino-arabe », mais utilisent la notion de culture musulmane Dali musilin wenhua zhuanke xuexiao (Ecole professionnelle de culture musulmane de Dali). En effet leur objectif est non pas de se limiter à un apprentissage linguistique, mais de donner aux élèves la plus grande ouverture possible sur le monde d'aujourd'hui [39]. Ces dénominations traduisent les tensions qui opposent ce qui est de l'ordre de l'identité Hui, ce qui relève de l'appartenance au monde musulman et le souci de donner une dominante à l'arabe, mais on ne peut en tirer des conclusions générales car le choix des appellations dépend non seulement du ou des fondateurs de l'école, mais aussi de la communauté locale, de son histoire et des circonstances du moment.
Il est difficile d'avoir une idée précise du nombre de ces écoles privées sur l'ensemble du territoire chinois. On parle pour le Yunnan de douze écoles [40]; pour les autres provinces, on peut estimer que, là où le nombre de Hui est relativement important [41], il y a un minimum de cinq ou six écoles. Si l'on en croit les propos de jeunes Hui qui suivent cet enseignement, cinq écoles sont considérées comme les plus prestigieuses : l'une au Ningxia, deux au Henan, deux au Yunnan. Les contenus des enseignements sont maintenant pour une grande part identiques ; la différence porte sur les moyens [42], en particulier informatiques, et sur l'accent mis sur certains cours. Les matières enseignées comprennent : la langue arabe avec des manuels élaborés à Pékin ou Shanghai ; un enseignement religieux de base (Coran, Sunna, fiqh, tafsîr) plus ou moins poussé, pour lequel les livres viennent en général d'Arabie Saoudite ou du Koweit ; l'histoire de Chine et de l'islam, avec des livres édités en chinois et rédigés principalement par des Hui [43]. Il y a enfin un enseignement dit de sciences sociales, portant sur la législation chinoise et la politique religieuse en Chine. Certaines écoles offrent un enseignement en langue chinoise moderne et classique et même parfois en complément des cours d'anglais [44] et d'informatique. Les études se répartissent sur quatre ans avec un examen final, que seuls quelques uns réussissent. Les écoles sont souvent mixtes (classes séparées) [45) ; les élèves ont entre 18 et 25 ans [46] et les filles représentent une bonne moitié des inscrits. Ils ou elles sont acceptés après avoir réussi l'examen de fin d'études secondaires (chuzhong ou gaozhong) ou atteint un niveau équivalent. Le nombre d'élèves atteint en moyenne une centaine et peut aller jusqu'à trois cents pour les plus grandes écoles. Ils sont originaires pour une bonne moitié de la province concernée mais viennent aussi de toute la Chine et si la majorité d'entre eux sont musulmans (Hui et Ouighours), on peut aussi y rencontrer des jeunes Han ou selon la région d'autres minzu (Li, Yi, etc.) qui se convertissent au moment de leurs études [47]. Les frais d'étude sont généralement pris en charge m, pour les plus démunis, par la communauté d'accueil. Dans les zones pauvres, les frais se limitent à 200 yuans pour 4 ans ; ailleurs, les tarifs sont en moyen ne d'environ 400 à 500 yuans pour un an. Il faut ajouter les frais de nourriture et d'hébergement, entre 50 et 100 yuans par mois. Ces tarifs peu élevés s'expliquent par la mobilisation financière des communautés locales et aussi par le bas niveau des rémunérations versées aux enseignants dont certains, à la retraite, travaillent gratuitement. Les salaires sont calculés en fonction de la situation familiale de la personne, de son origine géographique et de sa formation. C'est-à-dire qu'un homme, chargé de famille, originaire d'une autre province que celle de l'école et ayant fait des études à l'étranger, aura le salaire le plus élevé. Les sommes versées vont de 300 à 500 yuans par mois. Si les hommes sont majoritaires parmi les enseignants, on peut compter environ un tiers de femmes. Notons comme activités complémentaires la publication régulière d'un journal ou d'une revue rédigé par les enseignants avec la participation des élèves. Cette presse est largement diffusée dans les mosquées et les autres écoles de chaque province et au-delà ; elle sert à propager des notions théologiques et à donner des informations sur des questions de société.
Depuis les années 1990, sous l'impulsion d'ahong ou d'enseignants laïcs, quelques-unes de ces écoles de mosquée, tout en restant dans les locaux ou à proximité de l'édifice religieux, se sont transformées en structure indépendante avec la mise en place d'un directeur et d'une administration spécifique [38]. D'autres écoles se construisent indépendamment. Elles ont toutes le statut d'école privée ou d'école spécialisée (sili xuexiao, zhuanye xuexiao ou encore zhuanke xuexiao).
Ces écoles privées ont pris une importance considérable. Certaines sont réputées pour le nombre de leurs élèves garçons et filles, la diversité de leur formation et la possibilité qu'elles offrent de poursuivre des études universitaires en Chine (les sections de langues étrangères) ou à l'étranger. Elles ont souvent pour dénomination « école sino-arabe » (zhong a xuexiao), « école de langue arabe » (ayu ou alaboyu xuexiao), ou encore « école de culture musulmane » (musilin wenhua xuexiao). Ces appellations traduisent parfois une option spécifique ; certaines écoles choisissent l'appellation « langue arabe » pour souligner leur objectif principal qui est l'enseignement de cette langue ; d'autres ajoutent un élément complémentaire significatif de leur engagement religieux, tel que Muguang alaboyu xuexiao (école de langue arabe « lumière musulmane ») ou encore un terme arabe Xida zhong a xuexiao (école sino-arabe Xidayah (la voie droite). D'autres insistent sur le caractère identitaire Huizu wenhua xuexiao(école de culture Hui). Les responsables de l'école de Dali, délibérément, n'ont pas mentionné « école arabe » ou « sino-arabe », mais utilisent la notion de culture musulmane Dali musilin wenhua zhuanke xuexiao (Ecole professionnelle de culture musulmane de Dali). En effet leur objectif est non pas de se limiter à un apprentissage linguistique, mais de donner aux élèves la plus grande ouverture possible sur le monde d'aujourd'hui [39]. Ces dénominations traduisent les tensions qui opposent ce qui est de l'ordre de l'identité Hui, ce qui relève de l'appartenance au monde musulman et le souci de donner une dominante à l'arabe, mais on ne peut en tirer des conclusions générales car le choix des appellations dépend non seulement du ou des fondateurs de l'école, mais aussi de la communauté locale, de son histoire et des circonstances du moment.
Il est difficile d'avoir une idée précise du nombre de ces écoles privées sur l'ensemble du territoire chinois. On parle pour le Yunnan de douze écoles [40]; pour les autres provinces, on peut estimer que, là où le nombre de Hui est relativement important [41], il y a un minimum de cinq ou six écoles. Si l'on en croit les propos de jeunes Hui qui suivent cet enseignement, cinq écoles sont considérées comme les plus prestigieuses : l'une au Ningxia, deux au Henan, deux au Yunnan. Les contenus des enseignements sont maintenant pour une grande part identiques ; la différence porte sur les moyens [42], en particulier informatiques, et sur l'accent mis sur certains cours. Les matières enseignées comprennent : la langue arabe avec des manuels élaborés à Pékin ou Shanghai ; un enseignement religieux de base (Coran, Sunna, fiqh, tafsîr) plus ou moins poussé, pour lequel les livres viennent en général d'Arabie Saoudite ou du Koweit ; l'histoire de Chine et de l'islam, avec des livres édités en chinois et rédigés principalement par des Hui [43]. Il y a enfin un enseignement dit de sciences sociales, portant sur la législation chinoise et la politique religieuse en Chine. Certaines écoles offrent un enseignement en langue chinoise moderne et classique et même parfois en complément des cours d'anglais [44] et d'informatique. Les études se répartissent sur quatre ans avec un examen final, que seuls quelques uns réussissent. Les écoles sont souvent mixtes (classes séparées) [45) ; les élèves ont entre 18 et 25 ans [46] et les filles représentent une bonne moitié des inscrits. Ils ou elles sont acceptés après avoir réussi l'examen de fin d'études secondaires (chuzhong ou gaozhong) ou atteint un niveau équivalent. Le nombre d'élèves atteint en moyenne une centaine et peut aller jusqu'à trois cents pour les plus grandes écoles. Ils sont originaires pour une bonne moitié de la province concernée mais viennent aussi de toute la Chine et si la majorité d'entre eux sont musulmans (Hui et Ouighours), on peut aussi y rencontrer des jeunes Han ou selon la région d'autres minzu (Li, Yi, etc.) qui se convertissent au moment de leurs études [47]. Les frais d'étude sont généralement pris en charge m, pour les plus démunis, par la communauté d'accueil. Dans les zones pauvres, les frais se limitent à 200 yuans pour 4 ans ; ailleurs, les tarifs sont en moyen ne d'environ 400 à 500 yuans pour un an. Il faut ajouter les frais de nourriture et d'hébergement, entre 50 et 100 yuans par mois. Ces tarifs peu élevés s'expliquent par la mobilisation financière des communautés locales et aussi par le bas niveau des rémunérations versées aux enseignants dont certains, à la retraite, travaillent gratuitement. Les salaires sont calculés en fonction de la situation familiale de la personne, de son origine géographique et de sa formation. C'est-à-dire qu'un homme, chargé de famille, originaire d'une autre province que celle de l'école et ayant fait des études à l'étranger, aura le salaire le plus élevé. Les sommes versées vont de 300 à 500 yuans par mois. Si les hommes sont majoritaires parmi les enseignants, on peut compter environ un tiers de femmes. Notons comme activités complémentaires la publication régulière d'un journal ou d'une revue rédigé par les enseignants avec la participation des élèves. Cette presse est largement diffusée dans les mosquées et les autres écoles de chaque province et au-delà ; elle sert à propager des notions théologiques et à donner des informations sur des questions de société.
« Si l'on veut développer l'islam, il faut éduquer les filles ! »
Source inconnue
Préoccupation souvent énoncée par les ahong, l'éducation des femmes est une des composantes importantes du développement actuel [49]. Ainsi les cours organisés le soir, ou parfois le matin, dans les mosquées à l'intention des femmes adultes travaillant ou plus âgées, rassemblent des dizaines de personnes et parfois bien davantage. Ces cours sont donnés par des ahong [50] des deux sexes. Citons l'exemple d'une école du soir, appelée école féminine (nüxiao), à Sanya dans l'île de Hainan. Cet établissement est composé de deux corps de bâtiment, l'un est réservé aux jeunes filles qui suivent seignement régulier de l'une des mosquées du village, et l'autre est constitué de quatre salles de classe. Le calme de la journée fait place le soir vers 21h à un véritable bourdonnement d'allées et venues et lorsque l'ahong féminine arrive, s'élèvent alors les premiers sons de la récitation collective des sourates du Coran, à voix haute et chantante, sourates qui seront répétées de multiples fois pour être retenues. Chaque salle rassemble une quinzaine de personnes. On peut trouver les mêmes cours du soir dans des mosquées féminines de la plaine centrale ou encore dans celle de Lanzhou (Gansu). Tout un dispositif pour favoriser l'éducation des filles s'est peu à peu mis en place en dehors des écoles comportant un cursus régulier. Par exemple, l'enseignement est donné un soir par semaine dans des salles prévues à cet effet, ou encore durant les vacances dans des écoles de mosquées où l'on peut voir des fillettes de 5 à 6 ans apprendre en chœur l'alphabet arabe. Plus remarquables sans doute sont les efforts de certains qui, avec de faibles moyens, arrivent à soutenir un enseignement destiné à des adolescentes.
Nous prendrons l'exemple d'une école pour filles qui se trouve dans un bourg du nord du Yunnan, Shuijinwan près de Zhaotong. Ce bourg très pauvre est composé de plus de 90 % de Hui, dont les ressources sont essentiellement agricoles. Dans ce village, il n'y a jamais eu vraiment d'éducation pour les filles malgré l'existence d'une école publique, les familles n'y envoyant quasiment que les garçons [51]. La situation s'est semble-t-il aggravée avec l'application du planning familial. En 1982, un ahong ikhwan [52] décide avec l'aide d'une professeure, originaire d'une autre partie du Yunnan, de fonder dans l'une des mosquées une école pour jeunes filles. Celle-ci rassemble tout de suite une centaine d'élèves. Après deux déménagements imposés, l'école trouve, en 1995, une implantation stable dans une ancienne fabrique de produits alimentaires. Le fils de l'ahong reprend le flambeau avec le concours de cinq jeunes professeurs femmes ; ensemble, ils enseignent à plus de 80 élèves de 12 à 20 ans. L'école est considérée comme minban, elle reçoit des fonds de la communauté locale ; lorsque les difficultés sont trop grandes, les autorités du district lui allouent une subvention de 1 000 yuans pour l'année. Les jeunes filles ne payent pas de frais de scolarité, les familles sont trop pauvres, les seuls frais sont la nourriture et l'hébergement (20 yuans par mois) et encore certaines familles ne peuvent les verser. L'école ajoute jusqu'à 30 yuans par mois pour chaque élève. Bien sûr, dans ces conditions, les bâtiments restent vétustes, les dortoirs au sol en terre battue sont entretenus par les élèves et les repas sont confectionnés par les plus grandes. Les enseignantes perçoivent un salaire de 150 à 200 yuans par mois. Les élèves sont toutes pensionnaires ; elles ne rentrent dans leur famille qu'en fin de semaine ou lors des fêtes religieuses. Lorsque l'on observe la rudesse de la vie alentour, l'école apparaît comme un havre de paix et elle est sans aucun doute un véritable espace de protection pour les filles. En principe, les élèves ont suivi l'école primaire publique, et préparent dans cette école les examens du secondaire (chuzhong et gaozhong), mais en raison de la fréquentation réduite de l'école primaire, une classe de rattrapage est prévue pour les plus jeunes. La journée débute par des exercices sportifs dans la cour de l'école et se poursuit avec un enseignement en chinois (5 h par semaine) et l'apprentissage de l'arabe (8 h par semaine). Ces jeunes filles reçoivent aussi un enseignement religieux qui s'approfondit en 3e et 4e années. Peu d'élèves arrivent à poursuivre des études ; cependant on peut noter qu'en 2002 quatre d'entre elles ont pu partir dans une école de mosquée du Shandong.
Pour les jeunes filles, l'école est un moyen de sortir de leur environnement familial. Il n'est pas rare d'entendre des élèves raconter leur passage — parfois rapide, de quelques jours à un an — d'école en école : elles s'arrêtent dans celle où elles se trouvent le mieux. Pour d'autres, c'est un véritable espoir. Une adolescente de 19 ans issue d'une famille très pratiquante Hui du Xinjiang, nous racontait qu'elle avait été obligée d'arrêter ses études à l'école primaire pour aider et soutenir sa mère malade. Ses autres frères et sœurs ont, eux, pu suivre normalement leurs études secondaires. Elle seule restait à la maison. La situation familiale s'améliorant, elle voulut reprendre un cycle du secondaire, ce qui lui était devenu impossible ; une des écoles religieuses du Yunnan lui offrit alors une issue.
Nous prendrons l'exemple d'une école pour filles qui se trouve dans un bourg du nord du Yunnan, Shuijinwan près de Zhaotong. Ce bourg très pauvre est composé de plus de 90 % de Hui, dont les ressources sont essentiellement agricoles. Dans ce village, il n'y a jamais eu vraiment d'éducation pour les filles malgré l'existence d'une école publique, les familles n'y envoyant quasiment que les garçons [51]. La situation s'est semble-t-il aggravée avec l'application du planning familial. En 1982, un ahong ikhwan [52] décide avec l'aide d'une professeure, originaire d'une autre partie du Yunnan, de fonder dans l'une des mosquées une école pour jeunes filles. Celle-ci rassemble tout de suite une centaine d'élèves. Après deux déménagements imposés, l'école trouve, en 1995, une implantation stable dans une ancienne fabrique de produits alimentaires. Le fils de l'ahong reprend le flambeau avec le concours de cinq jeunes professeurs femmes ; ensemble, ils enseignent à plus de 80 élèves de 12 à 20 ans. L'école est considérée comme minban, elle reçoit des fonds de la communauté locale ; lorsque les difficultés sont trop grandes, les autorités du district lui allouent une subvention de 1 000 yuans pour l'année. Les jeunes filles ne payent pas de frais de scolarité, les familles sont trop pauvres, les seuls frais sont la nourriture et l'hébergement (20 yuans par mois) et encore certaines familles ne peuvent les verser. L'école ajoute jusqu'à 30 yuans par mois pour chaque élève. Bien sûr, dans ces conditions, les bâtiments restent vétustes, les dortoirs au sol en terre battue sont entretenus par les élèves et les repas sont confectionnés par les plus grandes. Les enseignantes perçoivent un salaire de 150 à 200 yuans par mois. Les élèves sont toutes pensionnaires ; elles ne rentrent dans leur famille qu'en fin de semaine ou lors des fêtes religieuses. Lorsque l'on observe la rudesse de la vie alentour, l'école apparaît comme un havre de paix et elle est sans aucun doute un véritable espace de protection pour les filles. En principe, les élèves ont suivi l'école primaire publique, et préparent dans cette école les examens du secondaire (chuzhong et gaozhong), mais en raison de la fréquentation réduite de l'école primaire, une classe de rattrapage est prévue pour les plus jeunes. La journée débute par des exercices sportifs dans la cour de l'école et se poursuit avec un enseignement en chinois (5 h par semaine) et l'apprentissage de l'arabe (8 h par semaine). Ces jeunes filles reçoivent aussi un enseignement religieux qui s'approfondit en 3e et 4e années. Peu d'élèves arrivent à poursuivre des études ; cependant on peut noter qu'en 2002 quatre d'entre elles ont pu partir dans une école de mosquée du Shandong.
Pour les jeunes filles, l'école est un moyen de sortir de leur environnement familial. Il n'est pas rare d'entendre des élèves raconter leur passage — parfois rapide, de quelques jours à un an — d'école en école : elles s'arrêtent dans celle où elles se trouvent le mieux. Pour d'autres, c'est un véritable espoir. Une adolescente de 19 ans issue d'une famille très pratiquante Hui du Xinjiang, nous racontait qu'elle avait été obligée d'arrêter ses études à l'école primaire pour aider et soutenir sa mère malade. Ses autres frères et sœurs ont, eux, pu suivre normalement leurs études secondaires. Elle seule restait à la maison. La situation familiale s'améliorant, elle voulut reprendre un cycle du secondaire, ce qui lui était devenu impossible ; une des écoles religieuses du Yunnan lui offrit alors une issue.
Les instituts coraniques
Parallèlement aux initiatives privées, l'Etat a fondé des instituts coraniques (yisilanjiao jingxueynan) au niveau d'une province par l'intermédiaire des départements des affaires religieuses et de l'Association islamique de Chine. Créés entre 1983 et 1987, ils sont au nombre de huit aujourd'hui, répartis sur l'ensemble du territoire chinois, dans les villes de Shenyang, Lanzhou, Yinchuan, Xining, Kunming, Pékin [53], Urumqi et Zhengzhou. Ils ont le statut d'université [54] et leur but est de former des ahong, des enseignants et des traducteurs de langue arabe. Ces instituts disposent de financements importants [55], on peut admirer les immenses bâtiments neufs qui reçoivent un nombre d'étudiants, garçons ou filles, bien inférieur à celui des écoles de mosquées ou des écoles privées. L'Institut de Zhengzhou n'a que 90 étudiants (47 garçons, 43 filles). Les élèves entrent dans ces instituts à la fin du deuxième cycle de l'école secondaire (gaozhong) sur examen de niveau. Jusqu'en 2001, la durée des études se limitait à trois ans, elle est maintenant de 5 ans. Les frais sont relativement élevés : même si un élève peut bénéficier d'une bourse, il doit verser 1 600 yuans par an pour la scolarité et 140 ou 150 yuans par mois pour l'hébergement. En revanche le salaire mensuel des enseignants est d'environ 1 200 yuans. Afin d'attirer les étudiants, les instituts, tel que celui de Zhengzhou, essayent de diversifier l'enseignement en ouvrant des classes spécialisées par exemple en calligraphie ou encore une section d'arts martiaux. Un bon nombre de parents musulmans ne sont pas très désireux d'y envoyer leurs enfants : outre la sélection à l'entrée et le coût des études, ils se méfient du type d'enseignement religieux qui y est dispensé dans la mesure où celui-ci est entièrement contrôlé par les autorités politiques.
L'enseignement confessionnel : un tremplin pour des études à l'étranger ou pour trouver un emploi
Bon nombre de jeunes gens et de jeunes filles rêvent de suivre des études hors de Chine. L'enseignement islamique leur offre cette possibilité. Nous n'avons pas de statistiques concernant le nombre d'étudiants chinois musulmans à l'étranger ; on cite des chiffres de 500 à 1 000 m dont au moins 300 à l'université d'Al-Azhar au Caire. Cela est peu au regard du nombre de jeunes qui espèrent partir. Outre l'Egypte, l'Arabie Saoudite (Ryad, Jeddah et Médine), la Syrie (Damas) et le Pakistan (Islamabad) sont les destinations les plus courantes ; ce sont ensuite le Yémen (l'Université de science et technologie), l'Iran (Qom), l'Indonésie, la Tunisie et la Malaisie. Damas a la faveur de beaucoup d'étudiants qui insistent sur le bon niveau de l'université et les meilleures conditions d'accueil. L'Arabie Saoudite et le Yémen offrent des facilités matérielles (financement du séjour et parfois du billet d'avion). Enfin la Malaisie est une destination désirée mais trop coûteuse [57]. Pour les filles, les possibilités sont limitées : elles peuvent se rendre en Arabie Saoudite ou en Iran si elles sont accompagnées de leur mari ; seul le Pakistan offre des sections pour les filles à l'université islamique d'Islamabad [58]. Les études sont financées en général par les familles, soutenues par la communauté locale, avec en complément un subside de l'université d'accueil. Les séjours sont d'environ 5 ans, mais il existe aussi des formations de courte durée (3 mois) pour des ahong, en particulier à Al-Azhar. Les objectifs sont bien sûr propres à chaque individu. Si dans les années 80, il s'agissait d’approfondir une formation d' ahong, beaucoup de jeunes ont assez rapidement pris le chemin des affaires avec plus ou moins de réussite [59]. En tout état de cause, des postes d'enseignement leur sont ouverts dans les différentes structures musulmanes.
Le départ à l'étranger représente une ouverture pour ces étudiants qui n'auraient eu aucune chance de pouvoir le faire dans le cadre de l'enseignement public (familles trop modestes ou ne pouvant accéder aux bonnes écoles). A leur retour, ayant acquis une meilleure connaissance des sociétés musulmanes [60], ils relaient les débats en cours dans le monde musulman ; leur approche de la société, du rôle des musulmans dans le monde et leur comportement dépendent souvent du lieu où ils ont fait leurs études [61].
Pour ceux et celles qui n'ont pas la chance de partir, le cursus normal conduit à devenir ahong ; d'autres prennent la voie de l'enseignement ou de l'interprétariat (à Canton et Shenzhen) ou encore poursuivent un cursus universitaire au département des langues étrangères de l'Université de Pékin. Les jeunes filles, quant à elles, enseignent dans les écoles privées ou encore peuvent trouver un emploi dans les jardins d'enfants ouverts par les communautés locales [62]. Cependant, de nombreux enseignants ou responsables Hui soulignent aujourd'hui le nombre largement suffisant d'ahong et préfèrent ouvrir d'autres possibilités aux jeunes. Dans ce sens retenons l'expérience de l'école de Dali. Située dans un petit village à la porte sud de la ville, « l'école spécialisée de culture musulmane » (musilin wenhua zhuanke xuexiao) a été fondée par trois retraités, deux anciens professeurs de lycée et un ancien directeur d'école. Revenus dans leur village, ils se désolaient de l'inadaptation de l'enseignement coranique classique aux besoins d'aujourd'hui et à l'évolution de la société. En 1991, ils ont fondé une école dans un espace dépendant de la mosquée (laojiao), malgré les réticences du vieil ahong. Outre la diffusion d'un enseignement modernisé, ils ont décidé d'ouvrir une section entièrement en chinois afin de préparer les élèves à l'examen final de l'Université normale de Kunming (shifan daxue) [63]. En 2002, 13 candidats sur 16 présentés ont réussi cet examen, ce qui leur permettra d'enseigner dans un établissement public.
Le départ à l'étranger représente une ouverture pour ces étudiants qui n'auraient eu aucune chance de pouvoir le faire dans le cadre de l'enseignement public (familles trop modestes ou ne pouvant accéder aux bonnes écoles). A leur retour, ayant acquis une meilleure connaissance des sociétés musulmanes [60], ils relaient les débats en cours dans le monde musulman ; leur approche de la société, du rôle des musulmans dans le monde et leur comportement dépendent souvent du lieu où ils ont fait leurs études [61].
Pour ceux et celles qui n'ont pas la chance de partir, le cursus normal conduit à devenir ahong ; d'autres prennent la voie de l'enseignement ou de l'interprétariat (à Canton et Shenzhen) ou encore poursuivent un cursus universitaire au département des langues étrangères de l'Université de Pékin. Les jeunes filles, quant à elles, enseignent dans les écoles privées ou encore peuvent trouver un emploi dans les jardins d'enfants ouverts par les communautés locales [62]. Cependant, de nombreux enseignants ou responsables Hui soulignent aujourd'hui le nombre largement suffisant d'ahong et préfèrent ouvrir d'autres possibilités aux jeunes. Dans ce sens retenons l'expérience de l'école de Dali. Située dans un petit village à la porte sud de la ville, « l'école spécialisée de culture musulmane » (musilin wenhua zhuanke xuexiao) a été fondée par trois retraités, deux anciens professeurs de lycée et un ancien directeur d'école. Revenus dans leur village, ils se désolaient de l'inadaptation de l'enseignement coranique classique aux besoins d'aujourd'hui et à l'évolution de la société. En 1991, ils ont fondé une école dans un espace dépendant de la mosquée (laojiao), malgré les réticences du vieil ahong. Outre la diffusion d'un enseignement modernisé, ils ont décidé d'ouvrir une section entièrement en chinois afin de préparer les élèves à l'examen final de l'Université normale de Kunming (shifan daxue) [63]. En 2002, 13 candidats sur 16 présentés ont réussi cet examen, ce qui leur permettra d'enseigner dans un établissement public.
L'éducation : terrain d'une lutte feutrée entre courants religieux
L'islam en Chine, comme ailleurs dans le monde musulman, n'est pas monolithique. De nombreux courants l'ont traversé et le traversent encore. Si dans les siècles passés, les luttes d'influence s'exerçaient entre l'islam traditionnel et les soufis ou entre les confréries soufies elles-mêmes, depuis le début du XXe siècle la confrontation s'est élargie à un islam fondamentaliste et moderniste, représenté par les ikhiwan, et plus récemment à un courant plus rigoriste appelé salafi (san tai) [64]. Les lieux de la confrontation sont traditionnellement les mosquées, parfois la rue, mais l'éducation en a toujours été un des principaux terrains. Aujourd'hui comme dans le passé, le conflit peut prendre des tournures très violentes [65] ; jadis les désaccords portaient sur l'interprétation du Coran et les pratiques religieuses. De nos jours, les débats n'ont guère changé, il s'agit de revenir à la pureté des origines, de réformer les pratiques trop adaptées aux conditions locales, de rester fidèle au Coran et de prôner l'unité de l'islam. L'enseignement est donc par nature le lieu d'expression de ces courants. C'est en général au retour d'un séjour en terre sainte, qu'un homme porteur d'une parole renouvelée introduit son enseignement dans une école de mosquée. Son charisme, sa capacité à convaincre et à former des disciples seront les moteurs de la réussite de ce mouvement, ainsi bien sûr que la situation sociale et politique dans laquelle il s'inscrit. En conséquence, après vingt ans d'activités religieuses, les profondes transformations de la société chinoise, les inquiétudes provoquées par les inégalités sociales qu'engendre le développement économique, le manque de repères de beaucoup de jeunes et l'inexistence d'un espace politique démocratique, font qu'un nombre grandissant de jeunes sont attirés par le discours du courant salafi sur l'unité de la Umma et par la clarté et la simplicité de sa doctrine (revenir à la foi des anciens (salaf) [66]. S'il y a là une tentative pour trouver une certaine morale sociale, des idéaux et une conduite de vie — tentative qu'on peut comprendre après les années antérieures de campagnes politiques et les bouleversements actuels — , cette tendance rigoriste entraine d'autres effets, plus surprenants dans le contexte chinois actuel, en particulier pour les femmes. On peut s'en rendre compte [67] à la vue de jeunes filles scolarisées dans des écoles d'inspiration salafi, qui sont entièrement voilées de noir, le visage couvert. Spectacle singulier, car les jeunes filles des écoles confessionnelles ne portent en général que le simple foulard (hijâb) et parfois des robes longues.
Un enseignement religieux sous surveillance
La question de l'enseignement religieux a préoccupé les autorités chinoises bien avant le 11 septembre 2001. La multiplication des écoles, le nombre de plus en plus important d'étudiants revenant de pays musulmans, la diffusion des écrits de réformistes du début du siècle aujourd'hui interdits [68], la situation au Xinjiang et par ailleurs les activités d'autres mouvements comme celles des chrétiens et du Falungong ont incité les autorités politiques à exercer une surveillance accrue. Ainsi ont-elles créé le 23 avril 2001 [69] à travers la très officielle Association islamique de Chine, un « Comité chargé des affaires de l'enseignement islamique », considéré comme une commission spécialisée (zhuanmen) au niveau national et composé de 16 membres en majorité Hui (10 sur 16). Le pouvoir s'est aussi doté d'un instrument pour opérer une reprise en main et tenter de contrôler non seulement l'enseignement, mais aussi le contenu des discours religieux : « Supprimer dans les masses les mauvaises interprétations (wujie) et les confusions (hunluan) sur les questions religieuses » [70]. La première initiative publique a eu lieu au Xinjiang en août 2001 et a été consacrée à la présentation d'un nou veau livre de prêches édité par ce Comité en juillet et fortement conseillé [71]. Des compétitions de prêches vont désormais être organisées comme celles qui portent sur la lecture du Coran. Ce comité est aussi chargé de la publication des traductions et des manuels pour l'enseignement. De fait on a pu constater, dans les écoles privées visitées, une espèce de normalisation par la généralisation de l'usage des mêmes ouvrages de langue, d'histoire, etc. On peut cependant douter de l'efficacité de telles méthodes, en particulier au Xinjiang où le problème n'a jamais été d'ordre religieux. On en a eu récemment la preuve grâce à un épisode significatif : à la suite d'un concert très officiel durant lequel un poème exaltant le sentiment national ouighour avait été chanté, un sévère rappel à l'ordre [72] a été adressé aux cadres du parti de la région, pour un incident qui de toute évidence n'avait rien de religieux.
Ainsi si le pouvoir n'est pas en mesure d'exercer un contrôle total sur les idées qui circulent, confier leur surveillance aux musulmans eux-mêmes lui semble garantir le développement limité de nouveaux courants. Cependant, pour ce qui est du développement des salafis, ce calcul est pour l'instant erroné. De fait, l'indépendance traditionnelle des mosquées les unes par rapport aux autres et l'autonomisation de plus en plus grande de la société rendent le contrôle plus difficile. En conséquence, entre le dirigisme gouvernemental en matière religieuse et les autonomies grandissantes, se maintient un équilibre instable dont il est bien difficile de prédire la durée. Par ailleurs, l'exercice de ce contrôle sera d'au tant plus compliqué que le pouvoir ne pourra pas toujours utiliser les divisions de l'islam entre les différentes « nationalités ». On a souvent souligné l'hétérogénéité des situations entre ces « nationalités » et les différences qui les opposent sur les plans historique, linguistique et culturel. Ces différences sont incontestables et sont visibles pour tout observateur ; il n'en reste pas moins que non seulement des échanges ont lieu entre ces groupes, mais que des courants similaires de revitalisation les traversent et transcendent leurs frontières.
Ainsi si le pouvoir n'est pas en mesure d'exercer un contrôle total sur les idées qui circulent, confier leur surveillance aux musulmans eux-mêmes lui semble garantir le développement limité de nouveaux courants. Cependant, pour ce qui est du développement des salafis, ce calcul est pour l'instant erroné. De fait, l'indépendance traditionnelle des mosquées les unes par rapport aux autres et l'autonomisation de plus en plus grande de la société rendent le contrôle plus difficile. En conséquence, entre le dirigisme gouvernemental en matière religieuse et les autonomies grandissantes, se maintient un équilibre instable dont il est bien difficile de prédire la durée. Par ailleurs, l'exercice de ce contrôle sera d'au tant plus compliqué que le pouvoir ne pourra pas toujours utiliser les divisions de l'islam entre les différentes « nationalités ». On a souvent souligné l'hétérogénéité des situations entre ces « nationalités » et les différences qui les opposent sur les plans historique, linguistique et culturel. Ces différences sont incontestables et sont visibles pour tout observateur ; il n'en reste pas moins que non seulement des échanges ont lieu entre ces groupes, mais que des courants similaires de revitalisation les traversent et transcendent leurs frontières.
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[1]. L'islam en Chine rassemble aujourd'hui dix « nationalités » (minzu) regroupant environ 18 millions de personnes. Il s'agit pour une part de communautés de langue turque ou turco-mongole (Ouighour, Kazakh, Kirghiz, Bao'an, Dongxiang, Tatar, Ouzbek,Salar) vivant dans les provinces du nord-ouest de la Chine(Xinjiang, Gansu, Ningxia, Qinghai), d'un petit groupe de persanophones, les Tadjik résidant au Xinjiang, et d'autre part d'une population de 9 millions de musulmans de langue chinoise, les Hui,dispersés sur l'ensemble du territoire chinois. Du point de vue religieux les musulmans en Chine sont sunnites de rite hanéfite. Seuls les Tadjik sont chiites ismaéliens.
[2]. Dru C. Gladney, Muslim Chinese. Ethnie Nationalism in the People's Republic, Cambridge and London, Council on East Asian Studies, Harvard University Press, 1991, (1996, 3e éd.) ; Françoise Aubin, « Chine », in H. Chambert-Loir et C. Guillot, Le culte des saints dans le monde musulman, Etudes Thématiques, n° 4, Paris, EFEO, 1995, pp. 367-388. ; Elisabeth Allés, Musulmans de Chine. Une anthropologie des Hui du Henan, Paris, EHESS, 2000.
[3]. E. Allés, L Chérif-Chebbi, C. H. Halfon, « L'islam chinois, unité et fragmentation », in Archives des sciences sociales des religions,n° 115, 2001, pp. 26-28.
[4]. Au cours de ces enquêtes nous avons pu rencontrer des responsables et des élèves des écoles de mosquées des villes et villages parcourus, d'une quinzaine d'écoles privées dont deux minban et de trois instituts islamiques (jinxueyuan). Les minban sont des écoles de villages ou de collectivités liées par contrat aux autorités locales.
[5]. Les premières fermetures de mosquées ont eu lieu en 1958. L'ensemble des activités religieuses en Chine n'ont repris qu'après le démarrage des réformes engagées par Deng Xiaoping en 1978.
[6]. Voir sur ce sujet le dossier « Education » paru dans Perspectives chinoises, n° 65, mai-juin 2001.
[7]. Populations minoritaires ayant le statut de nationalité (minzu) et dont le niveau d'illettrisme est souvent supérieur à la moyenne nationale. Se reporter au graphique donnant un aperçu par région de l'illettrisme des populations non-han. Thierry Pairault, 2001, « Formation initiale et développement économique », Perspectives chinoises, n° 65, fig. 1 , p. 6
[8]. Gérard A. Postiglione éd., China's National Minority Education. Culture, Schooling, and Development, New York et Londres, Falmer Press, 1999. Sur l'éducation des musulmans en Chine voir plus spécialement dans ce volume les articles de Dru Gladney, « Making Muslims in China : Education, Islamicization and Representation », pp. 55-94 et celui de Colin Mackerras, « Religion and the Education of China's Minorities », pp. 23-54.
[9]. Ma Bin, « Guanyu Xi'an huifang jiaoyu xianzhuang de sikao »(Réflexions sur la situation actuelle de l'éducation dans le quartier Hui de Xi'an), Huizu xuegan (Journal d'études sur les Hui), n° 1, 2001, pp. 199-205.
[10]. En août 2002, nous avons observé dans les villes du sud des Tianshan, l'ouverture des mosquées uniquement pendant les heures de prières, ce qui rend impossible tout enseignement. Seule la grande mosquée Id kah de Kashgar restait ouverte au public pour les visites touristiques.
[11]. Nous avons pu constater une exception à cette règle, l'ahong de la mosquée du Shaanxi (mosquée Hui) où se trouve le siège de l'association islamique locale, a le privilège d'avoir une vingtaine d'élèves. Ce privilège accordé pour des raisons politiques pose sur le fond un sérieux problème de discrimination à l'égard des autres ahong et en particulier ouighours.
[12]. AFP, Hong Kong, 28 mai 2002
[13]. Si les études scientifiques étaient déjà en chinois, dans les autres disciplines la langue ouighoure restait d'utilisation courante.
[14]. Chaque minzu utilise sa propre langue à l'école primaire. Généralement l'apprentissage du chinois (putonghua) démarre la dernière année du primaire et se poursuit durant le secondaire à raison de trois heures par semaine.
[15]. Il n'est pas rare de rencontrer des jeunes garçons et filles oui ghours dans des écoles de mosquées des provinces du centre et du sud de la Chine.
[16]. Modèle idéal d'organisation du pouvoir pour beaucoup de musul mans. Le Califat a été aboli par Mustapha Kemal en 1924.
[17]. Ce mouvement est actif en Asie centrale depuis 1995. Sur ses thèses, son histoire et son organisation se reporter à Ahmed Rashid, Asie centrale, champ de guerres, (titre original : Jihad : The Rise of Militant Islam in Central Asia), Paris, Autrement, 2002, pp. 106-123 ; Olivier Roy, « Islamic Ferments and State Responses in Central Asia ; Is there a Chinese Card ? », in François Godement, La Chine et son Occident. China and its western Frontier, Paris, Centre Asie, If ri, 2002, p. 1 5 1 .
[18]. The Economist, 30 mars, 2002, p. 26.
[19]. Sur la situation générale au Xinjiang, voir les rapports d'Amnesty international et de Human Rights Watch.
[20]. L'Association islamique de Chine dénombre officiellement, en 1995, 33 300 mosquées dont 23 000 au Xinjiang. Ces chiffres donnent un ordre de grandeur car selon les ouvrages, les varia tions sont importantes et les observations de terrain incitent à revoir ces chiffres à la hausse.
[21]. Outre les écoles coraniques, il existe dans certaines mosquées des écoles d'arts martiaux.
[22]. Le terme de ahong (du persan akhund) est utilisé en islam chi nois pour imam.
[23]. Quelques écoles ont des élèves dès l'âge de 16 ans. 24. Les mosquées féminines sont une spécificité de l'islam chinois. Dirigées par des ahong femmes, elles existent depuis plusieurs siècles, essentiellement en plaine centrale. Voir Elisabeth Allés, 2000, Musulmans de Chine. Une anthropologie des Hui du Henan, Paris, EHESS, chaps. XII-XIII ; M. Jaschok, Shui Jingjun, The History of Women's Mosques in Chinese Islam :A Mosque of their Own, Richmond, Curzon Press, 2000.
[25]. Vieil enseignement, correspond au terme de qadim (ancien) en arabe ou gedimu en translitération chinoise 26. Cet enseignement est décrit par Françoise Aubin, « L'enseignement dans la Chine islamique pré-communiste (du XVIe au milieu du XIXe siècle) : entre affirmation identitaire et modernisme », in N. Grandin et M. Gaborieau éds., Madrasa, La transmission du savoir dans le monde musulman, Paris, Arguments, 1997, pp. 374-375. 27. Voir sur ce courant et son évolution en Chine, J. Lipman, 1997, Familiar Strangers : a History of Muslims in Northwest China, University of Washington Press, Seattle-London, p. 208-211.
[28]. Jinan Chengda shifan xuexiao. Cette école a été créée en 1925 dans une des mosquées de Jinan par Ma Songjing (l'un des quatre grands ahong de Chine de l'époque républicaine). L'école a été transférée en 1929 dans la mosquée Dongsi à Pékin. Elle fut parmi les premières à envoyer des contingents d'étudiants dans la plus importante université du monde musulman Al-Azhar au Caire.
[29]. De l'arabe khalîfah (successeur) utilisé en Chine pour étudiant en théologie. Le terme généralement employé en arabe pour étu diant est tâhb.
[30]. Extraits des sourates du Coran en arabe, annotés en translitération chinoise et traduits.
[31]. Ouvrage rassemblant les préceptes relatifs aux ablutions et aux prières de la journée. Il est conçu comme le haiti en translitération chinoise de l'arabe.
[32]. Faits et gestes du Prophète.
[33]. Exégèse du Coran.
[34]. Droit islamique. Comporte l'étude des quatre écoles juridiques (hanéfite, malékite, shaféïte, hanbalite)
[35]. Le cursus complet comprenait treize ouvrages.
[36]. La quête du savoir en islam se déroulait traditionnellement selon ce lent cheminement.
[37]. De nos jours, cette cérémonie est un moment fort de cohésion communautaire. Elle rassemble non seulement les membres de la communauté locale avec ses ahong mais aussi l'ahong de la mosquée d'où est originaire l'impétrant. Pour l'occasion, ce dernier porte un long manteau vert et un imposant turban blanc.
[38]. Cette structuration avait déjà été initiée dans les années 20 comme à l'école Chengda déjà mentionnée.
[39]. Entretien, juillet 2002.
[40]. Jacqueline Armijo-Hussein, 1999, « Resurgence of Islamic Education in China », ISIM Newsletter, n° 4, p. 12.
[41]. Pour la seule ville de Yinchuan (IMingxia), trois écoles sino-arabes sont ouvertes actuellement.
[42]. Ces écoles ont généralement commencé avec très peu de matér iel, les matériaux d'enseignement étaient parfois de simples cahiers confectionnés par le professeur.
[43]. Certains des rédacteurs sont des enseignants à la retraite qui consacrent la plus grande partie de leur temps à ce travail de di ffusion des connaissances. Une compilation de leurs textes sur l'histoire de l'islam et de l'islam en Chine a été publiée en 2000 dans un ouvrage intitulé Musilin zhongdeng zhuanye xuexiao hanyu jiaocai, qui est utilisé dans la plupart des écoles.
[44]. Même dans une mosquée laojiao du Henan, nous avons assisté à un cours d'anglais dans lequel l'arabe servait de langue de traduction.
[45]. Excepté dans le nord-ouest (Ningxia, Gansu) où ce sont les écoles qui sont distinctes.
[46]. Dans certaines écoles, des élèves peuvent avoir jusqu'à 28 à 30 ans.
[47]. Dès que l'on réside hors d'une ville importante, les difficultés d'accès à l'enseignement secondaire et universitaire sont les mêmes quelle que soit la nationalité.
[48]. Sur l'ensemble des écoles visitées, 10 à 20 % des élèves sont soutenus par les communautés locales, mais dans certaines régions comme dans le nord du Yunnan, 40 à 50 % des élèves doivent être aidés.
[49]. Leila Cherif, « Ningxia, l'école au féminin », Etudes Orientales, n° 13/14, 1994, pp. 156-162 ; Constance-Hélène Halfon, « Femme et musulmane à Lanzhou, au Cansu », Etudes Orientales, n° 13/14, 1994, pp. 151-155.
[50]. Au Yunnan, on utilise le terme de shimu pour ahong féminine.
[51]. Cette situation n'est pas unique ; on observe la même chose au Ningxia par exemple.
[52]. Les autres ahong de ce bourg appartiennent aussi à ce courant.
[53]. Un Institut coranique existait déjà en 1955 dans le quartier de Niu Jie. Zhou Xiefan and Sha Qiuzhen, Yilisilanjiao zai zhonguo (La religion islamique en Chine), Pékin, Huawen chubanshe, 2002, p. 201. L'actuel Institut a été ouvert en 1986.
[54]. Entretien, en avril 2002, avec les responsables de l'Institut de Zhengzhou. Présentation de l'Institut de Zhengzhou dans Henan Musilin, du 15 avril 2002, p. 23.
[55]. Celui de Yinchuan a été particulièrement doté, il a reçu une sub vention d'un million de yuans en 1986 et des facilités bancaires pour des prêts. Via l'Association islamique de Chine, les fonds sont aussi venus de la World Islamic Development Bank.
[56]. Jacqueline Armijo-Hussein, op. cit.
[57]. Certains parlent de 10 000 yuans par an
[58]. La Malaisie offre aussi des cours pour les filles mais les frais sont trop élevés.
[59]. Nous avons rencontré des jeunes qui après avoir eu une expé rience décevante dans les affaires sont revenus dans le cadre rel igieux et enseignent dans des écoles privées.
[60]. J Armijo Hussein note une certaine désillusion devant les réalités de la vie dans la société musulmane moderne, 1999, op.cit. Pour notre part, nous avons rencontré des jeunes femmes qui, ayant suivi leur mari en Arabie Saoudite, n'ont pas voulu y rester.
[61]. Nous avons pu avoir des discussions très ouvertes avec des ahong revenant d'Iran ou de Damas, alors que nous avons ressenti beau coup plus de fermeture et de rigidité de la part d' ahong ayant fait leurs études à Médine, qui par exemple évitent de regarder en face une femme non voilée lorsqu'ils lui parlent.
[62]. Par exemple, à Zhengzhou (Henan) un jardin d'enfants a été ouvert dans la mosquée de la rue Huayuan. Il reçoit 200 enfants dont 80 % de Hui. De même la mosquée de la rue Maohuo de Zhaodong (Yunnan) a ouvert un jardin d'enfants dans les locaux qu'elle loue à l'église catholique située en face de la mosquée.
[63]. Les matières enseignées sont le chinois classique et moderne, la littérature étrangère, la philosophie et la pédagogie.
[64]. Dru Cladney, « The Salafiyya Movement in Northwest China : Fundamentalism among the Muslim Chinese ? », in Leif Manger éd., Muslim Diversity : Local Islam in Global Contexts, Surrey, Curzon Press, Nordic Institute of Asian Studies, n° 26, 1999, pp. 102-149.
[65]. Lipman Jonathan N., « Sufism in the Chinese Courts : Islam and Qing Law in the Eighteenth and Nineteenth Centuries », in F. De Jong and B. Radtke éds., Islamic Mysticism Contested. Thirteen centuries of Controversies and Polemics, Brill, 1999, pp. 553-575 ; Cherif-Chebbi, Leila, « L'Yihewani, une machine de guerre contre le soufisme en Chine? » in F. DeJong and B. Radtke éds., ibidem, 1999, pp. 576-602.
[66]. Les salafis ne prennent en considération que le Coran et des hadith considérés comme véridiques et rejettent les écoles juridiques qui se sont élaborées dans le sunnisme. Il est courant d'entendre des jeunes halifa dire avec une certaine admiration : « Ils connaissent mieux les textes ! ».
[67]. Nous avons observé ce phénomène au Yunnan.
[68]. On peut encore trouver des traductions de Mohamed Abduh en chinois mais très rarement et très discrètement, ou encore, au Xinjiang, des textes de Maududi mais en urdu.
[69]. Zhongguo musilin, 2001, n° 3, p. 8.
[70]. La définition complète des tâches de ce comité est présentée dans Zhongguo musilin, n° 3, 2001, p. 14
[71]. Xinbian « wo er zi » (wa'z en arabe) yanjiangti (Nouvelle compilat ion de discours pour les prêches,), Pékin, Zongjiao wenhua chu banshe, 2001, 136 p.
[72]. South China Morning Post, 20 septembre 2002.
[1]. L'islam en Chine rassemble aujourd'hui dix « nationalités » (minzu) regroupant environ 18 millions de personnes. Il s'agit pour une part de communautés de langue turque ou turco-mongole (Ouighour, Kazakh, Kirghiz, Bao'an, Dongxiang, Tatar, Ouzbek,Salar) vivant dans les provinces du nord-ouest de la Chine(Xinjiang, Gansu, Ningxia, Qinghai), d'un petit groupe de persanophones, les Tadjik résidant au Xinjiang, et d'autre part d'une population de 9 millions de musulmans de langue chinoise, les Hui,dispersés sur l'ensemble du territoire chinois. Du point de vue religieux les musulmans en Chine sont sunnites de rite hanéfite. Seuls les Tadjik sont chiites ismaéliens.
[2]. Dru C. Gladney, Muslim Chinese. Ethnie Nationalism in the People's Republic, Cambridge and London, Council on East Asian Studies, Harvard University Press, 1991, (1996, 3e éd.) ; Françoise Aubin, « Chine », in H. Chambert-Loir et C. Guillot, Le culte des saints dans le monde musulman, Etudes Thématiques, n° 4, Paris, EFEO, 1995, pp. 367-388. ; Elisabeth Allés, Musulmans de Chine. Une anthropologie des Hui du Henan, Paris, EHESS, 2000.
[3]. E. Allés, L Chérif-Chebbi, C. H. Halfon, « L'islam chinois, unité et fragmentation », in Archives des sciences sociales des religions,n° 115, 2001, pp. 26-28.
[4]. Au cours de ces enquêtes nous avons pu rencontrer des responsables et des élèves des écoles de mosquées des villes et villages parcourus, d'une quinzaine d'écoles privées dont deux minban et de trois instituts islamiques (jinxueyuan). Les minban sont des écoles de villages ou de collectivités liées par contrat aux autorités locales.
[5]. Les premières fermetures de mosquées ont eu lieu en 1958. L'ensemble des activités religieuses en Chine n'ont repris qu'après le démarrage des réformes engagées par Deng Xiaoping en 1978.
[6]. Voir sur ce sujet le dossier « Education » paru dans Perspectives chinoises, n° 65, mai-juin 2001.
[7]. Populations minoritaires ayant le statut de nationalité (minzu) et dont le niveau d'illettrisme est souvent supérieur à la moyenne nationale. Se reporter au graphique donnant un aperçu par région de l'illettrisme des populations non-han. Thierry Pairault, 2001, « Formation initiale et développement économique », Perspectives chinoises, n° 65, fig. 1 , p. 6
[8]. Gérard A. Postiglione éd., China's National Minority Education. Culture, Schooling, and Development, New York et Londres, Falmer Press, 1999. Sur l'éducation des musulmans en Chine voir plus spécialement dans ce volume les articles de Dru Gladney, « Making Muslims in China : Education, Islamicization and Representation », pp. 55-94 et celui de Colin Mackerras, « Religion and the Education of China's Minorities », pp. 23-54.
[9]. Ma Bin, « Guanyu Xi'an huifang jiaoyu xianzhuang de sikao »(Réflexions sur la situation actuelle de l'éducation dans le quartier Hui de Xi'an), Huizu xuegan (Journal d'études sur les Hui), n° 1, 2001, pp. 199-205.
[10]. En août 2002, nous avons observé dans les villes du sud des Tianshan, l'ouverture des mosquées uniquement pendant les heures de prières, ce qui rend impossible tout enseignement. Seule la grande mosquée Id kah de Kashgar restait ouverte au public pour les visites touristiques.
[11]. Nous avons pu constater une exception à cette règle, l'ahong de la mosquée du Shaanxi (mosquée Hui) où se trouve le siège de l'association islamique locale, a le privilège d'avoir une vingtaine d'élèves. Ce privilège accordé pour des raisons politiques pose sur le fond un sérieux problème de discrimination à l'égard des autres ahong et en particulier ouighours.
[12]. AFP, Hong Kong, 28 mai 2002
[13]. Si les études scientifiques étaient déjà en chinois, dans les autres disciplines la langue ouighoure restait d'utilisation courante.
[14]. Chaque minzu utilise sa propre langue à l'école primaire. Généralement l'apprentissage du chinois (putonghua) démarre la dernière année du primaire et se poursuit durant le secondaire à raison de trois heures par semaine.
[15]. Il n'est pas rare de rencontrer des jeunes garçons et filles oui ghours dans des écoles de mosquées des provinces du centre et du sud de la Chine.
[16]. Modèle idéal d'organisation du pouvoir pour beaucoup de musul mans. Le Califat a été aboli par Mustapha Kemal en 1924.
[17]. Ce mouvement est actif en Asie centrale depuis 1995. Sur ses thèses, son histoire et son organisation se reporter à Ahmed Rashid, Asie centrale, champ de guerres, (titre original : Jihad : The Rise of Militant Islam in Central Asia), Paris, Autrement, 2002, pp. 106-123 ; Olivier Roy, « Islamic Ferments and State Responses in Central Asia ; Is there a Chinese Card ? », in François Godement, La Chine et son Occident. China and its western Frontier, Paris, Centre Asie, If ri, 2002, p. 1 5 1 .
[18]. The Economist, 30 mars, 2002, p. 26.
[19]. Sur la situation générale au Xinjiang, voir les rapports d'Amnesty international et de Human Rights Watch.
[20]. L'Association islamique de Chine dénombre officiellement, en 1995, 33 300 mosquées dont 23 000 au Xinjiang. Ces chiffres donnent un ordre de grandeur car selon les ouvrages, les varia tions sont importantes et les observations de terrain incitent à revoir ces chiffres à la hausse.
[21]. Outre les écoles coraniques, il existe dans certaines mosquées des écoles d'arts martiaux.
[22]. Le terme de ahong (du persan akhund) est utilisé en islam chi nois pour imam.
[23]. Quelques écoles ont des élèves dès l'âge de 16 ans. 24. Les mosquées féminines sont une spécificité de l'islam chinois. Dirigées par des ahong femmes, elles existent depuis plusieurs siècles, essentiellement en plaine centrale. Voir Elisabeth Allés, 2000, Musulmans de Chine. Une anthropologie des Hui du Henan, Paris, EHESS, chaps. XII-XIII ; M. Jaschok, Shui Jingjun, The History of Women's Mosques in Chinese Islam :A Mosque of their Own, Richmond, Curzon Press, 2000.
[25]. Vieil enseignement, correspond au terme de qadim (ancien) en arabe ou gedimu en translitération chinoise 26. Cet enseignement est décrit par Françoise Aubin, « L'enseignement dans la Chine islamique pré-communiste (du XVIe au milieu du XIXe siècle) : entre affirmation identitaire et modernisme », in N. Grandin et M. Gaborieau éds., Madrasa, La transmission du savoir dans le monde musulman, Paris, Arguments, 1997, pp. 374-375. 27. Voir sur ce courant et son évolution en Chine, J. Lipman, 1997, Familiar Strangers : a History of Muslims in Northwest China, University of Washington Press, Seattle-London, p. 208-211.
[28]. Jinan Chengda shifan xuexiao. Cette école a été créée en 1925 dans une des mosquées de Jinan par Ma Songjing (l'un des quatre grands ahong de Chine de l'époque républicaine). L'école a été transférée en 1929 dans la mosquée Dongsi à Pékin. Elle fut parmi les premières à envoyer des contingents d'étudiants dans la plus importante université du monde musulman Al-Azhar au Caire.
[29]. De l'arabe khalîfah (successeur) utilisé en Chine pour étudiant en théologie. Le terme généralement employé en arabe pour étu diant est tâhb.
[30]. Extraits des sourates du Coran en arabe, annotés en translitération chinoise et traduits.
[31]. Ouvrage rassemblant les préceptes relatifs aux ablutions et aux prières de la journée. Il est conçu comme le haiti en translitération chinoise de l'arabe.
[32]. Faits et gestes du Prophète.
[33]. Exégèse du Coran.
[34]. Droit islamique. Comporte l'étude des quatre écoles juridiques (hanéfite, malékite, shaféïte, hanbalite)
[35]. Le cursus complet comprenait treize ouvrages.
[36]. La quête du savoir en islam se déroulait traditionnellement selon ce lent cheminement.
[37]. De nos jours, cette cérémonie est un moment fort de cohésion communautaire. Elle rassemble non seulement les membres de la communauté locale avec ses ahong mais aussi l'ahong de la mosquée d'où est originaire l'impétrant. Pour l'occasion, ce dernier porte un long manteau vert et un imposant turban blanc.
[38]. Cette structuration avait déjà été initiée dans les années 20 comme à l'école Chengda déjà mentionnée.
[39]. Entretien, juillet 2002.
[40]. Jacqueline Armijo-Hussein, 1999, « Resurgence of Islamic Education in China », ISIM Newsletter, n° 4, p. 12.
[41]. Pour la seule ville de Yinchuan (IMingxia), trois écoles sino-arabes sont ouvertes actuellement.
[42]. Ces écoles ont généralement commencé avec très peu de matér iel, les matériaux d'enseignement étaient parfois de simples cahiers confectionnés par le professeur.
[43]. Certains des rédacteurs sont des enseignants à la retraite qui consacrent la plus grande partie de leur temps à ce travail de di ffusion des connaissances. Une compilation de leurs textes sur l'histoire de l'islam et de l'islam en Chine a été publiée en 2000 dans un ouvrage intitulé Musilin zhongdeng zhuanye xuexiao hanyu jiaocai, qui est utilisé dans la plupart des écoles.
[44]. Même dans une mosquée laojiao du Henan, nous avons assisté à un cours d'anglais dans lequel l'arabe servait de langue de traduction.
[45]. Excepté dans le nord-ouest (Ningxia, Gansu) où ce sont les écoles qui sont distinctes.
[46]. Dans certaines écoles, des élèves peuvent avoir jusqu'à 28 à 30 ans.
[47]. Dès que l'on réside hors d'une ville importante, les difficultés d'accès à l'enseignement secondaire et universitaire sont les mêmes quelle que soit la nationalité.
[48]. Sur l'ensemble des écoles visitées, 10 à 20 % des élèves sont soutenus par les communautés locales, mais dans certaines régions comme dans le nord du Yunnan, 40 à 50 % des élèves doivent être aidés.
[49]. Leila Cherif, « Ningxia, l'école au féminin », Etudes Orientales, n° 13/14, 1994, pp. 156-162 ; Constance-Hélène Halfon, « Femme et musulmane à Lanzhou, au Cansu », Etudes Orientales, n° 13/14, 1994, pp. 151-155.
[50]. Au Yunnan, on utilise le terme de shimu pour ahong féminine.
[51]. Cette situation n'est pas unique ; on observe la même chose au Ningxia par exemple.
[52]. Les autres ahong de ce bourg appartiennent aussi à ce courant.
[53]. Un Institut coranique existait déjà en 1955 dans le quartier de Niu Jie. Zhou Xiefan and Sha Qiuzhen, Yilisilanjiao zai zhonguo (La religion islamique en Chine), Pékin, Huawen chubanshe, 2002, p. 201. L'actuel Institut a été ouvert en 1986.
[54]. Entretien, en avril 2002, avec les responsables de l'Institut de Zhengzhou. Présentation de l'Institut de Zhengzhou dans Henan Musilin, du 15 avril 2002, p. 23.
[55]. Celui de Yinchuan a été particulièrement doté, il a reçu une sub vention d'un million de yuans en 1986 et des facilités bancaires pour des prêts. Via l'Association islamique de Chine, les fonds sont aussi venus de la World Islamic Development Bank.
[56]. Jacqueline Armijo-Hussein, op. cit.
[57]. Certains parlent de 10 000 yuans par an
[58]. La Malaisie offre aussi des cours pour les filles mais les frais sont trop élevés.
[59]. Nous avons rencontré des jeunes qui après avoir eu une expé rience décevante dans les affaires sont revenus dans le cadre rel igieux et enseignent dans des écoles privées.
[60]. J Armijo Hussein note une certaine désillusion devant les réalités de la vie dans la société musulmane moderne, 1999, op.cit. Pour notre part, nous avons rencontré des jeunes femmes qui, ayant suivi leur mari en Arabie Saoudite, n'ont pas voulu y rester.
[61]. Nous avons pu avoir des discussions très ouvertes avec des ahong revenant d'Iran ou de Damas, alors que nous avons ressenti beau coup plus de fermeture et de rigidité de la part d' ahong ayant fait leurs études à Médine, qui par exemple évitent de regarder en face une femme non voilée lorsqu'ils lui parlent.
[62]. Par exemple, à Zhengzhou (Henan) un jardin d'enfants a été ouvert dans la mosquée de la rue Huayuan. Il reçoit 200 enfants dont 80 % de Hui. De même la mosquée de la rue Maohuo de Zhaodong (Yunnan) a ouvert un jardin d'enfants dans les locaux qu'elle loue à l'église catholique située en face de la mosquée.
[63]. Les matières enseignées sont le chinois classique et moderne, la littérature étrangère, la philosophie et la pédagogie.
[64]. Dru Cladney, « The Salafiyya Movement in Northwest China : Fundamentalism among the Muslim Chinese ? », in Leif Manger éd., Muslim Diversity : Local Islam in Global Contexts, Surrey, Curzon Press, Nordic Institute of Asian Studies, n° 26, 1999, pp. 102-149.
[65]. Lipman Jonathan N., « Sufism in the Chinese Courts : Islam and Qing Law in the Eighteenth and Nineteenth Centuries », in F. De Jong and B. Radtke éds., Islamic Mysticism Contested. Thirteen centuries of Controversies and Polemics, Brill, 1999, pp. 553-575 ; Cherif-Chebbi, Leila, « L'Yihewani, une machine de guerre contre le soufisme en Chine? » in F. DeJong and B. Radtke éds., ibidem, 1999, pp. 576-602.
[66]. Les salafis ne prennent en considération que le Coran et des hadith considérés comme véridiques et rejettent les écoles juridiques qui se sont élaborées dans le sunnisme. Il est courant d'entendre des jeunes halifa dire avec une certaine admiration : « Ils connaissent mieux les textes ! ».
[67]. Nous avons observé ce phénomène au Yunnan.
[68]. On peut encore trouver des traductions de Mohamed Abduh en chinois mais très rarement et très discrètement, ou encore, au Xinjiang, des textes de Maududi mais en urdu.
[69]. Zhongguo musilin, 2001, n° 3, p. 8.
[70]. La définition complète des tâches de ce comité est présentée dans Zhongguo musilin, n° 3, 2001, p. 14
[71]. Xinbian « wo er zi » (wa'z en arabe) yanjiangti (Nouvelle compilat ion de discours pour les prêches,), Pékin, Zongjiao wenhua chu banshe, 2001, 136 p.
[72]. South China Morning Post, 20 septembre 2002.