Samedi 5 Juillet 2014

L'islam de France peut-il avoir prise sur ses caricatures médiatiques ?

Par Maria Lafitte, sociologue



Nous publions ici cet article riche en enseignement sur le décalage pouvant exister entre la logique des institutions représentatives des musulmans en France et l'aspiration des fidèles à une reconnaissance. Cet article fut publié dans la revue Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°69, 2001. pp. 39-47.

Résumé : La persistance de représentations médiatiques dévalorisantes de l'islam semble en partie le symptôme de l'impasse dans laquelle il se trouve concernant le règlement de sa représentation institutionnelle. Les responsables musulmans perçoivent-ils leur responsabilité lorsque leur souci pour l'image sert leurs stratégies personnelles plutôt qu'il ne répond à la demande de reconnaissance sociale des croyants qu 'ils prétendent représenter ?

Avec les générations issues de l'immigration, qui réclament les conditions de l'égalité socio-économique en vertu de leur appartenance nationale et citoyenne et le respect de « l'identité » au nom du principe de laïcité, il est devenu suspect de parler d' « intégration ». Pourtant, un espace d'exclusion subsiste, où se joue justement la prise en compte de ces demandes de reconnaissance : celui, dans une société de l'image, de la représentation médiatique. L'islam, dont la pratique « socialement repérable » est une aubaine pour les médias, semble encore loin de son « intégration médiatique ».
À rebours du mouvement général d'« intégration » des musulmans dans la société française et du déclin de la pratique religieuse qui l'accompagne, la logique médiatique empêche l'opinion d'entendre ce qu'ils lui disent : qu'ils veulent être acceptés comme Français et musulmans. Se faisant le relais de l'idéologie sécuritaire qui s'est épanouie sur fond de « menace islamiste » dans les « banlieues », elle s'en tient, de façon opportuniste, au préjugé jacobin d'une culture inassimilable, voire subversive, qui, parce qu'elle confondrait temporel et spirituel, menacerait la laïcité d'éclatement « communautaire » et remettrait en cause le principe démocratique. Alors que l'islam a définitivement inscrit sa présence en France, elle continue d'interroger la moindre manifestation de l'identité musulmane dans l'espace publique en termes d'allégeance ou de sédition.

Une communication défensive

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Qu'il ne fasse pas bon être minoritaire dans la République, les musulmans le ressentent sans doute avec acuité par rapport aux autres confessions  qui, aucunes, ne sont soumises à une telle stigmatisation et encore moins à cette mise en question de la citoyenneté. Notre question perdrait alors toute justification, la majorité silencieuse, qui accommode sa pratique à l'environnement, voire se sécularise, ne pouvant se reconnaître dans la focalisation médiatique sur une minorité revendicative — prolongement supposé d'une subversion mondiale - ni dans la mise en scène d'un conflit culturel - qui a trouvé son illustration paroxystique dans « l'affaire des foulards », concomitante de la célébration du bicentenaire de la Révolution.
En amont du traitement médiatique, ce rapport passionné du Français à son identité, qui n'échappe pas aux interlocuteurs musulmans, leur donne toute légitimité pour retourner la suggestion de leur implication dans la dévalorisation en réquisitoire contre les médias, accusés d'alimenter la « phobie ancestrale » de la société et la circonspection de l'État français [1] à l'égard de l'islam en polarisant leur attention sur des signes de visibilité marginaux au détriment de l'effort de compréhension nécessaire à une normalisation de sa présence, désormais structurelle. Ils disent leur lassitude de voir la « communauté » musulmane désignée « d'un seul bloc comme une menace » [2], accablée sous « un poids injuste de culpabilité », d'avoir sans cesse à démentir l'amalgame entre un islam « facteur d'ordre » et un islam « malade » [3] qui s'épanouit dans l'invisibilité, à rappeler que la majorité, bien qu'elle ne soit « ni structurée ni visible » contrairement à des « minorités extrémistes » qui, elles, sont « organisées et visibles », vit sa religion « dans la modération » [4].
Dans ce jeu de miroirs déformants, il n'y a pas que conflits de représentations ou malentendus entre deux universalismes exclusifs, renvoyés face à face par médias interposés, il y a aussi des responsabilités partagées. Si l'opinion n'est pas prête à accepter un modèle d'intégration distinct d'une assimilation, à renoncer à une conception monoculturaliste de la laïcité, ce qui la rend sourde à son acceptation explicite par la plupart des acteurs musulmans, il faut aussi mettre en cause leur incapacité à se faire entendre : incongrue pour les tenants d'un « islam intégré », voire « républicain », la question d'une revalorisation médiatique « par l'intérieur » devient incontournable si l'on considère le mutisme ou la cacophonie des voix musulmanes dès qu'un problème surgit dans les relations entre « la communauté » et la République. Or rares sont celles qui admettent, avec T. Ramadan, que « les musulmans sont les premiers responsables du déficit d'explication de la globalité de leur perception » [5]. Au-delà de la nécessaire critique des choix journalistiques qui ont prévalu dans la médiatisation des « affaires » de foulards, comme la tendance à répercuter la voix de celui qui parle le plus fort, et donc le crédit apporté à d'obscurs porte-parole [6] ne représentant qu'eux-mêmes, il faut aussi se demander comment ceux-ci ont pu investir l'espace médiatique sans que d'autres voix ne s'imposent dans le débat.
S'il est vrai que le chemin pour parvenir à un « islam estimé» [7] est jalonné d'obstacles sur lesquels ils ont peu de prise, les « représentants » musulmans peuvent-ils imposer un nouvel angle au regard médiatique ? Peuvent-ils transformer leur communication défensive et leur protestation en un discours offensif, explicatif, audible pour la société, et notamment dévoiler ce que le traitement médiatique occulte, c'est-à-dire toute l'évolution des questionnements individuels et communautaires sur les conditions de la « francisation » de l'islam ? Autrement dit, s'ils refusent, avec raison, une problématique identitaire réduite à une alternative entre islam et francité qui résonne implicitement comme une injonction d'assimilation peuvent-ils sortir de la rhétorique victimaire qui les enferme dans une « auto-exclusion » ?
 

De la visibilité à la reconnaissance ?

Le déficit de communication sur un sujet aussi sensible que le foulard à l'école - et sur d'autres - s'explique sous deux aspects : le contenu et la portée de l'expression publique des responsables musulmans. Leur retenue, et parfois l'équivocité de leur propos - qui alimente le soupçon de « double langage » - reflètent sans doute les incertitudes liées à un moment de transition historique de la « transplantation » à l'« adaptation » [8]. Alors que les partisans du foulard à l'école invoquaient l'argument de la laïcité, dont les médias omettaient de signaler qu'elle était comprise dans sa signification littérale, de neutralité de l'État, les responsables les plus en vue ont-ils préféré une attitude plus conciliante à l'égard des autorités sans vouloir heurter leurs coreligionnaires ? À l'inverse, ont-ils voulu déjouer, par leur discrétion, d'éventuels soupçons de trahison ou d'opportunisme contre qui, de l'intérieur, se risquerait à suggérer la possibilité du compromis et, plus généralement, la responsabilité musulmane- dans l'assignation ? Mais la difficulté de communication prend sa source en amont du     contenu des discours, dans les moyens de leur diffusion et l'effort collectif pour dégager une cohérence. Sur ce point, les musulmans sont confrontés à la même problématique que les protestants : la pluralité des positions ne se prête pas au traitement médiatique qui repose sur la mise en exergue d'une parole et d'une image claires et univoques. Sauf que dans le cas de l'islam, la revalorisation médiatique constitue le préalable nécessaire à une reconnaissance sociale encore à acquérir ; et que, à l'inverse des minorités protestante et juive, l'absence d'instance habilitée à parler au nom des musulmans de France et officiellement reconnue par l'État engendre la suspicion et fait surgir les fantasmes. À défaut d'une parole « officielle », les médias peuvent justifier le choix de discours – excessifs ou au contraire consensuels - à partir de l'idée qu'ils ne seraient pas plus illégitimes que d'autres. Ils peuvent être tentés d'énoncer la relation de l'islam à la société en termes alarmistes de visibilité - celle, dérangeante, de pratiques ostentatoires - ou d'invisibilité - celle, inquiétante, de « l'islam des caves ». À raison d'ailleurs, car si « la peur de l'islam » le condamne à la clandestinité, celle-ci favorise à son tour « l'anarchie et l'obscurantisme » (S. Bencheikh), nourrissant le rejet dans un cercle sans fin. La difficulté « des musulmans » à « avoir prise » sur leur image se situerait donc bien au-delà du champ médiatique, puisque ceux qui se posent en « représentants » découvrent que l'image de l'islam leur échappe à l'intérieur même de « la communauté ». Ce qui semble mettre en lumière l'existence d'un lien indissociable entre la question de la représentation-image et celle de la représentation-institution.

L'insoluble question de la « représentation »

Choisissons alors d'éclairer l'autre versant de la réalité, celui d'une égalité de droit sous l'inégalité de fait. Autrement dit, il ne tient qu'aux musulmans de s'organiser, quand leurs attentes vis-à-vis de l'État semblent indiquer au contraire une réticence à prendre leur autonomie dans un contexte où le pouvoir politique s'abstient de toute intervention dans la vie religieuse [9], la tentation de lui abdiquer leur responsabilité pour ensuite lui imputer les échecs. Après plus de dix années de blocage, J.-P. Chevènement a engagé une consultation afin de mettre fin à « la semi-anarchie dans laquelle se trouve actuellement la gestion du culte musulman » [10]. Que des voix se soient élevées pour dénoncer l'exigence particulière à laquelle ont été soumis les musulmans, d'un engagement contractuel en faveur de la laïcité, condition de leur invitation à « prendre (leur) place à la table de la République » [11], montre que c'est une expérience lourde d'enjeux qui s'amorce, et sans doute de rivalités — les concessions du gouvernement sur le maintien de l'interdit d'apostasie paraissant consacrer la suprématie de l'UOIF, inspirée par l'idéologie des Frères musulmans. En cas d'échec de cette initiative, à la suite de celles impulsées par Joxe ou Debré, l'accusation d'ingérence dans les affaires internes de « la communauté » serait probablement insuffisante pour masquer les obstacles endogènes, qui, à l'inverse, ne pourraient plus être renvoyés à un alibi du gouvernement à son désengagement et à son attentisme. Autrement dit, la dénonciation de l'attitude ambiguë des pouvoirs publics, ou celle d'une inégalité de statut avec les autres cultes, ne peuvent plus servir à ajourner les questions de l'organisation et de la représentation. Il n'en reste pas moins que l'État, pris entre son déni d'ingérence dans les affaires religieuses et l'instrumentalisation de la gestion de l'islam au service de sa diplomatie, et qui, refusant tout interlocuteur incontrôlable, n'a incité ni à l'unité ni à la transparence, doit lui aussi clarifier sa position.
Avec l'émergence d'acteurs français musulmans, l'incapacité à résoudre le problème de la « représentation » ne pourra non plus s'abriter longtemps derrière l'argument des contours jusque-là non définis de « l'islam de France », expression encore « prématurée », dit le conseiller à l'intégration A. Ghayet, du fait que personne ne peut prétendre à la légitimité [12]. Selon le sociologue S. Sellam, la «nomenklatura islamique », qui a fait de l'islam son « fonds de commerce », a jusqu'à présent été plus impliquée dans la concurrence pour « l'appellation la plus rassemblante » [13] que dans les préoccupations des presque cinq millions de croyants et les problèmes concrets de la pratique. Et si les journalistes, incriminés pour leur complaisance ou leur ignorance, sont accusés d'attiser la division dès qu'ils la mettent en lumière, de manipuler« les musulmans entre eux » l4 pour faire échec à leurs tentatives d'organisation, la scène médiatique est captée au service de cette course effrénée - « scandaleuse » dit S. Bencheikh - à la « représentativité ». Au point que S. Sellam décrit ces « prétendants », qui se disputent depuis quelque vingt années la légitimation par les pouvoirs publics, comme des « spécialistes de la manipulation qui ne se sont intéressés à la presse que pour la mettre chacun de leur côté ». Or il y a un paradoxe évident à concevoir le monde - en l'occurrence médiatique - sous le règne de l'adversité et du complot, dans un rapport de domination qui résonne comme un rappel de la tutelle coloniale, et à l'instrumentaliser [15] au profit de stratégies personnelles. Très loin, donc, de l'idée d'un « impensé » de la représentation structurel à l'islam — y compris dans un système d'unicité dont M. Benkheira pense qu'il n'est « pas opposé à l'esprit de l'islam » - ou de désaccords sur l'essence du pouvoir, c'est la compétition pour son monopole qui engendre l'inertie : c'est, dit l'historien R. Alili, parce que le problème de la « représentation » — notion impropre dans le cas des religions rappelle-t-il justement - « se crée autour de demandes qui n'ont pas lieu d'être », qu'il est insoluble. Pourtant le lien entre la recherche de modalités individuelles et collectives de croire et d'appartenir et la question d'une autorité posée au niveau institutionnel apparaît lorsque son absence rend problématique l'attribution d'un espace télévisuel16. Ce qui ne donne que plus de pertinence, et même de nécessité, à la question d'une implication « des musulmans » dans leur image médiatique.

Vers l'éclatement ou le pluralisme ?

Le règlement du problème d'une « représentation » dépend d'abord de la possibilité pour l'islam en France de s'affranchir de ses dépendances à l'étranger, c'est-à-dire d'acquérir son autonomie en matière de formation du personnel religieux, et plus largement de parvenir à une autosuffisance pour son financement et celui des lieux de culte. Dans l'attente des effets de l'insertion économique, l'émergence d'un « islam de France » est doublement contrariée : non seulement parce que la diversité se traduit par l'éclatement, reflet des clivages nationaux, mais parce que les imams, « inféodés » aux États d'origine (Sellam), sont d'autant moins aptes ou disposés à défendre les intérêts de la communauté musulmane en France qu'ils n'y ont pas été socialisés. La conséquence de cette « aberration », qui tient à ce que les communautés musulmanes, « dirigées à distance, ne peuvent gérer leurs réalités locales en respectant les valeurs de la République » ", est une schizophrénie dont l'issue ne peut être que le silence -par souci d'obtenir la « baraka administrative comme au temps de la colonisation » [18] - ou l'hypocrisie et l'ambiguïté, phénomène qui n'épargne pas les médias « communautaires » [ 19]. Mis au service d'un pragmatisme avec lequel l'utopie passe parfois d'étranges alliances, ce dédoublement des discours ne va pas dans le sens d'une clarification attendue par la société. Alors que la concurrence pour incarner un islam « modéré », « du juste milieu » [20] pourrait avoir le mérite d'inciter les musulmans à se positionner par rapport à des propos « subversifs », les media se faisant les agents indirects d'une clarification des discours, non seulement la « surenchère au slogan le plus républicain » (Sellam) ne met pas fin à la confusion mais la décrédibilisation par l'accusation d'intégrisme - jusque-là brandie par les autorités, souvent relayées par la presse, dans leur entreprise de délégitimation [21] - sert d'abord à régler des comptes personnels, à s'imposer« à l'intérieur » tout en gagnant l'apparence de modernisme. La communication devenant offensive dès qu'elle sert des intérêts particuliers, rien d'étonnant à ce que « l'islam de France » éprouve des difficultés à s'approprier son image médiatique pour apparaître sous ses pires travers: affairisme et luttes de clans [22]. «L'obstacle majeur à l'unité » réside-t-il alors dans le manque de moyens, comme le pense D. Boubakeur, ou dans l'incapacité à concevoir des fonctions autrement que comme des « rentes de situation » ? S. Sellam considère que « le fond du problème de la représentation » n'est pas plus celui de la personnalité ou de l'association la plus représentative, que celui de l'image de l'islam, qui « s'améliorera d'elle-même dès qu'il y aura un assainissement et un vrai débat qui informe l'opinion musulmane sur les vrais enjeux ; ensuite, l'émergence de représentants se fera d'elle-même ». Le projet est d'autant plus aléatoire qu'il implique une conscience de l'intérêt collectif au moment où les enjeux financiers donnent à ces rivalités toute leur ampleur [23].
Par conséquent, suffit-il de renvoyer l'incapacité de « l'islam de France » à se représenter à l'argument de son implantation récente ? Et de voir dans sa division la manifestation de la recherche d'une forme de représentativité ? Jusqu'à présent, elle semble surtout indiquer une difficulté à intégrer le pluralisme, à comprendre que la représentativité se prouve plutôt qu'elle ne se décrète, qu'elle « exige une délégation par une base légitimement définie » (Renard), composée de partisans plutôt que de courtisans. Ce qui nécessite de substituer les débats aux polémiques. Face à ces exigences, les grandes mosquées et fédérations, autour desquelles se structure « l'islam en France », pourraient bien perdre leur crédibilité au profit d'initiatives locales plus représentatives d'un « islam français ».

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1. Dans une déclaration publique au président de la République, le 11 mai 1998, un groupe d'intellectuels musulmans parmi lesquels Sadek Sellam, Sultana Cheurfa, Ali Merad, ou Michel Renard, appelaient le gouvernement à mettre « fin au blocage » pour « redonner confiance à la communauté musulmane en tant que partie intégrante de la collectivité nationale ». Dans A. Boyer, L'islam en France, P.U.F., Coll. Pol d'Aujourd'hui, 1998, p. 126.
2. D. Boubakeur, Le Figaro, 16/1/96 ; Larbi Kéchat, personnellement concerné par les arrestations de 1994 dans la mouvance des sympathisants du FIS, après l'assassinat par le GIA de cinq Français à Alger, affirme qu'elles étaient « symboliquement dirigées contre la communauté tout entière » (Jeune Afrique, 9-15/7/97).
3. Philippe de Vos, converti, président d'honneur et directeur culturel du « collectif uni des musulmans des Hauts-de-Seine », et ancien secrétaire général du Bolim ; Le Figaro, 6/4/96.
4. Soheib Bencheikh, L'Express, 9/4/96.
5. « Islam minoritaire, islam majoritaire », entretien avec R. Bistolfi, Confluences  Méditerranée n° 32, hiver 1999-2000, L'Harmattan, p. 60.
6. Comme le Dr Abdallah, breton converti, qui s'était posé en défenseur du droit au foulard en 1994.
7. « Après un islam toléré et un islam accepté, puissions-nous passer à un islam estimé ». D. Boubakeur, dans un entretien au Figaro (« Islam : Debré a paralysé une dynamique »), 15/7/97.
8. J'ai soulevé cette problématique dans Autres Temps n° 65, printemps 2000 (« Islam minoritaire : les conditions d'un retour dans l'histoire ? »). T. Ramadan fait la même analyse mais en retournant l'accusation, dont il se défend pour lui-même : « Le discours entretenu sur ma « duplicité » est symptomatique (...) d'une période de transition » (Le Monde, 5-6/11/00).
9. L'interprétation de la laïcité oscille entre principes d'équité et d'égalité puisque sont réclamées à la fois l'équivalence de statut avec les autres cultes dans le cadre de la loi de 1905, et l'intervention de l'État - subsides et reconnaissance, voire arbitrage dans leurs luttes internes. La Charte réclame elle-même une « conception compréhensive des modalités d'application de la loi » (p. 56). « Ils oublient que (...) l'État ne peut accorder de reconnaissance juridique à un culte, et que les pouvoirs publics peuvent seulement constater son existence » (Boyer, p. 131).
10. Sous la forme d'une consultation, lancée le 16/11/99, auprès des responsables des grandes mosquées et associations, de théologiens et islamologues, et de mesures volontaristes, selon un processus semblable à celui qui a permis l'organisation du judaïsme. 11. J. -P. Chevènement lors de l'ordination du nouvel archevêque à Strasbourg (23/1 1/97).
12. Pas plus D. Boubakeur qui, invoquant une légalité historique, affirme que « l'islam de France est une constellation avec la Mosquée de Paris pour étoile polaire » (Le Figaro, 21/12/98), que son dissident Mekachera qui ambitionne de constituer « le pendant du Crif juif » tout en reconnaissant que le consensus n'est pas encore réalisé, ou que S. Bencheikh qui estime que « (sa) réflexion reflète le souhait de la majorité des musulmans qui cher chent à s'épanouir en France » et préconise, « loin du « tout-Paris musulman » (la constitution d'un) groupe de réflexion consultatif qui ne prétende pas être représentatif mais s'impose comme une référence ».
13. Dernière initiative en date, la création du Conseil supérieur représentatif des Musulmans de France — est une riposte du recteur de la mosquée de Paris au « coup d'État » de H. Mekachera - qui, en 1998, lui avait confisqué la présidence du Conseil représentatif des Musulmans de France (CRMF, 1994) dont il critiquait l'immobilisme. Elle succède aux diverses tentatives de D. Boubakeur pour s'imposer aux pouvoirs publics qui culminent avec la publication, le 10 janvier 1995, de la Charte du culte musulman en France – en réaction au rapprochement entre Pasqua et l'Union des Organisations islamiques de France (UOIF) dont il avait boycotté le rassemblement annuel du Bourget en décembre 1994, opportunément consacré à la question : « qui représente les musulmans de France ? ».
14. D. Boubakeur, Le Figaro, 15/7/97.
15. Le livre du Dr Abdallah, Le foulard islamique et la République française, mode d'emploi (Éditions Intégrité, 1994) se conclut par des conseils en matière de communication.
16. R. Alili affirme avoir démissionné (1/7/99) de ses fonctions de producteur et de membre du bureau exécutif de l'association « Vivre l'islam » par refus de s'engager cette lutte pour la légitimité et des résistances à l'ouverture.
17. H. Mekachera, Le Figaro, 14/11/98. Le jeu de l'Arabie Saoudite, qui n'a pas de ressortissants sur le territoire, est a fortiori injustifié pour les musulmans français.
18. De tous les religieux, les musulmans ont été les seuls à s'abstenir de signer contre C. Pasqua sur le dossier des Sans-Papiers, « parce que le ministre de l'Intérieur est le ministre des cultes que tous tentent de courtiser » dit Sellam.
19. Radio Orient, est d'autant plus concernée qu'elle émet en français et en arabe, aussi bien en France qu'au Moyen-Orient et au Maghreb. Lors de la guerre du Golfe alors financée par l'Arabie Saoudite, sa position fut pour le moins inconfortable, face à des responsables musulmans réticents à condamner l'Irak.
20. Charte du culte musulman en France, présentation et commentaires du Dr Dalil Boubakeur, Mosquée de Paris, Ed. du Rocher, Paris, 1995, p. 103.
21. C'était l'objectif des raffles et assignations à résidence des années 1993-1995, et de l'assassinat de Khaled Kelkal, que l'on peut qualifier d'opération médiatico-policière si l'on se souvient que les caméras étaient sur les lieux.
22. Le problème est d'abord que « ceux qui sont honnêtes ne prennent pas la parole », dit A. Naït-Balk, journaliste, Directeur des magazines à Radio Soleil (ancien responsable des programmes en Français à Radio Orient).
23. Avec la question de l'attribution du marché de la viande hallâl, toujours sujette à contestation, l'argent est plus que jamais le nerf de la guerre pour la représentativité.



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