Samedi 21 Septembre 2013

La Finance Islamique en France, état des lieux



Nous proposons ici un article dressant un rapide panorama de l'offre en Finance Islamique pour la France. Celui-ci est tiré du 1er numéro du Magazine de l'IFSO (Islamic Finance Students Organisation) .
En complément, nous mettons à disposition du lecteur l'une des vidéos tirée de la "Conférence : Évolution mondiale de la Finance islamique", co-organisée par l’IFSO et qui s'est tenue en date du 30 Août dernier. Celle-ci reprend et complète le panorama présenté ici. De même, le rapport Jouini-Pastré fourni en pièce jointe permettra de retrouver les définitions de certains termes techniques de l’article (cf p29 à 44 du rapport).
 


Par Lmahfoud Saadouni et Salah Aberkane,

« Nous adapterons notre environnement juridique pour que la stabilité et l’innovation de notre place financière puissent bénéficier à la finance islamique », c’est par cette déclaration pleine de promesses et de symboles que l’ex-ministre de l’économie Christine Lagarde a accueilli la finance islamique en France. Une finance qui peut attirer jusqu’à 100 Milliards € d’investissements dans l’hexagone et qui a un potentiel de 4 Milliards € en banque de détail (source : Rapport Jouini-Pastré pour Europlace 2009). Reste à savoir comment ? Les produits de la finance islamique nécessitent des aménagements à la fois juridiques et fiscaux. La direction générale du Trésor a publié dans ce but des instructions fiscales concernant les opérations de Ijara, Istisna’, Mourabaha et les sukuks, qui « permettront d’apporter aux investisseurs et aux opérateurs la certitude juridique et fiscale qui est nécessaire au développement de ces opérations en France » selon Christine Lagarde. Les deux dernières opérations ont été les plus plébiscitées.

Les sukuks sont des titres de créances adossés à des actifs réels, ils constituent le principal outil d’investissement des capitaux du Moyen-Orient soucieux de la conformité aux principes de la Charia. Selon Thomson Reuters-Zawya, plus de 80 Mds € de sukuks ont été émis en 2012, avec une progression annuelle à deux chiffres. Londres est la première place au monde d’échange de sukuks sur le marché secondaire avec 23% de volume de titres cotés (Rapport Alkhawarizmi 2012). Les sukuks constituent donc une alternative aux émissions obligataires pour le financement de l’état français ainsi que des entreprises françaises. L’autorité des Marchés Financiers (AMF) a rédigé en 2010 un g uide à l’attention des opérateurs pour le lancement des sukuks, et la place financière Nyse-Euronext a par ailleurs, ouvert un compartiment pour la cotation de ces titres. Depuis, deux émissions de sukuks destinés au financement des PMEs ont vu le jour en 2012, les sukuks Alfarooj et les sukuks Orasis.

La Mourabaha, quant à elle, est une opération d’achat et de vente à tempérament, structurée pour financer une acquisition immobilière, en conformité avec les principes de la Charia. Cette opération est le moyen le plus utilisé pour le financement immobilier en finance islamique, mais qui souffre de la double taxation en France. L’aménagement de la fiscalité française sur cet aspect, a permis à la Chaabi Bank en collaboration avec le groupe 570, de lancer en 2011 un contrat Mourabaha pour l’acquisition immobilière, de maturités pouvant atteindre les 10 ans. Chaabi Bank est la première banque à avoir ouvert une fenêtre islamique en France avec un compte de dépôt islamique destiné aux particuliers, et prévoit d’ouvrir un compte de dépôt destiné aux PMEs. Swisslife a de son coté, lancé une assurance-vie placement conforme à la Charia en 2012.

Il s’avère que la place parisienne reste au point mort dans le financement institutionnel conforme à la Charia, ni l’état français, ni les entreprises françaises n’ont émis publiquement des sukuks. Néanmoins, la finance islamique trouve un écho positif chez les particuliers, principalement de confession musulmane, en témoigne la réussite de l’offre de Chaabi Bank.

Les banques françaises restent toutefois réticentes à l’idée d’offrir des services conformes à la Charia, le rapport de Moody’s a mis en lumière « les aspects sociaux et politiques qui sont des obstacles qui demeurent », d’autant plus que le manque de formation et de connaissance de cette nouvelle finance constituent un frein pour son développement en France. Des organismes et des associations tels que l’ACERFI, l’AIDIMM, le CIFIE ainsi que le COFFIS œuvrent pour la promotion de la finance islamique en France, et pour la mise en place de mesures concrètes pour soutenir cette nouvelle industrie. L’Executive MBA de l’université de Strasbourg ainsi que le Diplôme de l’université Paris-Dauphine sont des exemples de formations lancées depuis 2009 pour enseigner les principes de la finance islamique dans l’Hexagone.
Certes, la finance islamique ne progresse pas en France comme l’auraient souhaité ses sympathisants, mais des avancées ont été accomplies. Les pouvoirs publics ont permis de l’accueillir, c’est au tour des acteurs privés de prendre le relais, et de l’installer durablement dans l’Hexagone.


Rapport Jouini-Pastré pour Europlace 2009

2008-rpp-europlace_finance-islamique.pdf  (828.09 Ko)











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