Intervention prononcée lors du colloque du 14 février 2005 Islam de France : où en est-on ?*
Tout d’abord, permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous remercier parce que vous avez eu l’idée remarquable, que nous saluons tous aujourd’hui, d’avoir mis en place la consultation des Musulmans de France, je crois pour la première fois dans l’histoire de la République. L’islam établi dans l’Outre-mer français a donc été convié à la table pour pouvoir y réfléchir avec les autres composantes de l’islam de la métropole. Je tenais à le dire, je tenais à ce que cela se sache et à vous remercier encore une fois. Très modestement aujourd’hui, j’assume toujours cette responsabilité de représenter la Grande mosquée de Saint-Denis de la Réunion, non plus à la consultation puisque celle-ci a fait son bonhomme de chemin mais au Conseil français du culte musulman. Je prends la parole ce soir, non pas au titre du Conseil français mais bien au titre de la Grande mosquée de Saint-Denis de la Réunion.
Je vous remercie de m’avoir convié.
Monsieur Autexier, votre collaborateur, m’avait demandé d’apporter ce soir des éléments tout à fait factuels, très concrets, pour que nous puissions tous ensemble ici réfléchir à cette spécificité. Je n’aime pas trop le terme d’exemple, je préfère parler de l’expérience de l’Ile de la Réunion qui depuis plus d’un siècle, comme vous le savez, a pu installer le culte musulman.
Je vous remercie de m’avoir convié.
Monsieur Autexier, votre collaborateur, m’avait demandé d’apporter ce soir des éléments tout à fait factuels, très concrets, pour que nous puissions tous ensemble ici réfléchir à cette spécificité. Je n’aime pas trop le terme d’exemple, je préfère parler de l’expérience de l’Ile de la Réunion qui depuis plus d’un siècle, comme vous le savez, a pu installer le culte musulman.
Je ferai quelques rappels pour ceux qui nous écoutent :
L’islam est arrivé à l’Ile de la Réunion à partir de 1854 avec des Musulmans originaires de l’Inde du Nord, de l’Etat du Gujarât. Mes ancêtres y étaient déjà.
A partir de cette période, 1854-1860, nos ancêtres ont commencé à pratiquer le culte, non pas dans une mosquée mais dans les demeures privées. Aujourd’hui nous avons pu retrouver dans les archives la première demande pour l’établissement d’une mosquée, qui date de 1893. Le gouverneur de l’Ile Bourbon, à l’époque, a répondu en 1903 et la mosquée a été inaugurée en 1905.
Notons la coïncidence avec la loi de 1905 bien que nous soyons encore régis par la loi de 1901. En effet, la mosquée avait été inaugurée en mars 1905, avant que la loi ne soit votée au mois de décembre de la même année.
Aujourd’hui, l’Ile de la Réunion compte 50 000 Musulmans sur une population de 800 000. Sur ces 50 000 Musulmans, 85% sont d’origine indienne, 15% d’origine comorienne. Il y a à l’heure actuelle 38 lieux de culte musulman majoritairement sunnites et quelques uns chiites.
L’originalité de l’Ile de la Réunion, c’est que tous ces lieux de culte musulman ont été établis avec comme souci dès le départ
• de pourvoir au financement du lieu de culte en lui-même
• en même temps de faire en sorte que ces lieux de culte qu’on allait édifier soient financés de façon pérenne aussi bien dans leur fonctionnement quotidien que dans l’entretien des édifices sans l’intervention, sans l’ingérence de capitaux extérieurs.
On a trouvé le capital de départ en 1897 grâce à des donateurs privés qui se sont efforcés très vite de trouver des capitaux pour bâtir l’édifice mais en même temps pour procéder à l’acquisition de l’immobilier destiné à produire tout de suite les revenus qui allaient permettre le fonctionnement de cet édifice de culte.
Ce schéma de développement mis en place à partir de 1903 est toujours d’actualité à la Réunion. Ce qui veut dire que dans tous les dossiers de construction de lieux de culte musulman à la Réunion, aucun édifice ne peut être bâti, au sein des associations gestionnaires si, parallèlement, les mêmes gérants de ces associations ne présentent pas au conseil d’administration des bâtiments à usage commercial ou industriel qui vont générer des revenus locatifs, ces mêmes revenus allant donc financer la gestion de ces lieux de culte.
A titre d’exemple : la Grande mosquée de Saint-Denis de la Réunion salarie 38 ministres du culte et un secrétariat permanent, soit 42 personnes. Le budget de fonctionnement annuel est de 800 000 euros. Ce budget de fonctionnement est assuré à 75% par les revenus locatifs de l’association. Ce qui veut dire que bon an mal an, nous devons à la fin de l’année trouver un gain, un écart de 25% pour pouvoir assurer le fonctionnement et l’entretien de cet édifice. 15% de 800 000 euros de budget de fonctionnement peuvent se trouver assez facilement à la Réunion.
Dès le départ et jusqu’à une période très récente, les banquiers de l’Ile de la Réunion ont joué le jeu avec ceux qui voulaient construire des lieux de culte dans une sorte de partenariat gagnant-gagnant.
L’association, à travers des donations privées, a apporté le capital de départ. Elle s’est engagée à contracter un emprunt auprès des institutions bancaires de l’Ile de la Réunion (BNP, Crédit lyonnais, Crédit agricole…) à un taux préférentiel. En retour les fidèles ont certainement joué le jeu avec telle ou telle institution bancaire. C’est de cette façon que nous avons travaillé.
A partir de cela nous avons pu construire un patrimoine immobilier très important puisque le patrimoine de la seule Grande mosquée de Saint-Denis de la Réunion, construit en l’espace d’un siècle, atteint aujourd’hui des millions d’euros. Il faut y ajouter le patrimoine des 25 associations qui gèrent des lieux de culte à la Réunion qui n’ont certes pas la même surface financière que celle de Saint-Denis.
Ceci m’amène à dire qu’aujourd’hui, après l’institutionnalisation de l’islam de France, la mise en place du CFCM en mai 2003, les référents musulmans comme les associations musulmanes et les dirigeants du CFCM ont à cœur de faire en sorte que les fidèles musulmans puissent pratiquer dignement leur culte.
Nous pouvons passer des soirées à imaginer les structures juridiques à mettre en place mais je crois qu’à un moment donné il faut regarder les choses en face, il y a aujourd’hui un gros problème de financement des lieux de culte musulman en France.
Bien évidemment, il faut réfléchir aux structures juridiques. Mais celles-ci ne pourront qu’accompagner les modalités de financement très pratiques que nous pouvons trouver sur le sol de la République. Je crois qu’il faut essayer de sensibiliser une banque comme la Caisse des dépôts et consignations.
L’islam est arrivé à l’Ile de la Réunion à partir de 1854 avec des Musulmans originaires de l’Inde du Nord, de l’Etat du Gujarât. Mes ancêtres y étaient déjà.
A partir de cette période, 1854-1860, nos ancêtres ont commencé à pratiquer le culte, non pas dans une mosquée mais dans les demeures privées. Aujourd’hui nous avons pu retrouver dans les archives la première demande pour l’établissement d’une mosquée, qui date de 1893. Le gouverneur de l’Ile Bourbon, à l’époque, a répondu en 1903 et la mosquée a été inaugurée en 1905.
Notons la coïncidence avec la loi de 1905 bien que nous soyons encore régis par la loi de 1901. En effet, la mosquée avait été inaugurée en mars 1905, avant que la loi ne soit votée au mois de décembre de la même année.
Aujourd’hui, l’Ile de la Réunion compte 50 000 Musulmans sur une population de 800 000. Sur ces 50 000 Musulmans, 85% sont d’origine indienne, 15% d’origine comorienne. Il y a à l’heure actuelle 38 lieux de culte musulman majoritairement sunnites et quelques uns chiites.
L’originalité de l’Ile de la Réunion, c’est que tous ces lieux de culte musulman ont été établis avec comme souci dès le départ
• de pourvoir au financement du lieu de culte en lui-même
• en même temps de faire en sorte que ces lieux de culte qu’on allait édifier soient financés de façon pérenne aussi bien dans leur fonctionnement quotidien que dans l’entretien des édifices sans l’intervention, sans l’ingérence de capitaux extérieurs.
On a trouvé le capital de départ en 1897 grâce à des donateurs privés qui se sont efforcés très vite de trouver des capitaux pour bâtir l’édifice mais en même temps pour procéder à l’acquisition de l’immobilier destiné à produire tout de suite les revenus qui allaient permettre le fonctionnement de cet édifice de culte.
Ce schéma de développement mis en place à partir de 1903 est toujours d’actualité à la Réunion. Ce qui veut dire que dans tous les dossiers de construction de lieux de culte musulman à la Réunion, aucun édifice ne peut être bâti, au sein des associations gestionnaires si, parallèlement, les mêmes gérants de ces associations ne présentent pas au conseil d’administration des bâtiments à usage commercial ou industriel qui vont générer des revenus locatifs, ces mêmes revenus allant donc financer la gestion de ces lieux de culte.
A titre d’exemple : la Grande mosquée de Saint-Denis de la Réunion salarie 38 ministres du culte et un secrétariat permanent, soit 42 personnes. Le budget de fonctionnement annuel est de 800 000 euros. Ce budget de fonctionnement est assuré à 75% par les revenus locatifs de l’association. Ce qui veut dire que bon an mal an, nous devons à la fin de l’année trouver un gain, un écart de 25% pour pouvoir assurer le fonctionnement et l’entretien de cet édifice. 15% de 800 000 euros de budget de fonctionnement peuvent se trouver assez facilement à la Réunion.
Dès le départ et jusqu’à une période très récente, les banquiers de l’Ile de la Réunion ont joué le jeu avec ceux qui voulaient construire des lieux de culte dans une sorte de partenariat gagnant-gagnant.
L’association, à travers des donations privées, a apporté le capital de départ. Elle s’est engagée à contracter un emprunt auprès des institutions bancaires de l’Ile de la Réunion (BNP, Crédit lyonnais, Crédit agricole…) à un taux préférentiel. En retour les fidèles ont certainement joué le jeu avec telle ou telle institution bancaire. C’est de cette façon que nous avons travaillé.
A partir de cela nous avons pu construire un patrimoine immobilier très important puisque le patrimoine de la seule Grande mosquée de Saint-Denis de la Réunion, construit en l’espace d’un siècle, atteint aujourd’hui des millions d’euros. Il faut y ajouter le patrimoine des 25 associations qui gèrent des lieux de culte à la Réunion qui n’ont certes pas la même surface financière que celle de Saint-Denis.
Ceci m’amène à dire qu’aujourd’hui, après l’institutionnalisation de l’islam de France, la mise en place du CFCM en mai 2003, les référents musulmans comme les associations musulmanes et les dirigeants du CFCM ont à cœur de faire en sorte que les fidèles musulmans puissent pratiquer dignement leur culte.
Nous pouvons passer des soirées à imaginer les structures juridiques à mettre en place mais je crois qu’à un moment donné il faut regarder les choses en face, il y a aujourd’hui un gros problème de financement des lieux de culte musulman en France.
Bien évidemment, il faut réfléchir aux structures juridiques. Mais celles-ci ne pourront qu’accompagner les modalités de financement très pratiques que nous pouvons trouver sur le sol de la République. Je crois qu’il faut essayer de sensibiliser une banque comme la Caisse des dépôts et consignations.
S’agissant de la Fondation :
Je serais plutôt partisan de plusieurs fondations pour les structures musulmanes en France. Il n’est pas souhaitable aujourd’hui qu’une fondation ait le monopole de la construction des lieux de culte. Il y a des sensibilités différentes de l’islam de France, chacune doit être respectée et peut avoir sa fondation.
Vous avez parlé tout à l’heure d’accord cadre ; ces fondations peuvent éventuellement imaginer des accords cadres avec des institutions bancaires installées sur le sol de la République et au premier chef avec la Caisse des dépôts et consignations. La Caisse des dépôts et consignations a aujourd’hui un rôle à jouer tout comme les collectivités territoriales.
Nous voyons aujourd’hui dans le cadre du CFCM que des collectivités territoriales, des régions, des départements, jouent maintenant le jeu puisqu’elles mettent à disposition des associations musulmanes des baux emphytéotiques de 99 ans pour pouvoir bâtir des lieux de culte musulman.
Néanmoins il reste le problème du financement de ces lieux de culte. A partir du moment où la fondation apporterait sa caution morale et financière dans la mise en place de ces modalités pratiques de financement, il est entendu que les fidèles, les donateurs privés, les entreprises musulmanes installées sur le sol français pourraient contribuer et apporter leur obole à la gestion et au remboursement de ces prêts.
Je reste à votre disposition si vous avez des questions à me poser. Je vous remercie.
Je serais plutôt partisan de plusieurs fondations pour les structures musulmanes en France. Il n’est pas souhaitable aujourd’hui qu’une fondation ait le monopole de la construction des lieux de culte. Il y a des sensibilités différentes de l’islam de France, chacune doit être respectée et peut avoir sa fondation.
Vous avez parlé tout à l’heure d’accord cadre ; ces fondations peuvent éventuellement imaginer des accords cadres avec des institutions bancaires installées sur le sol de la République et au premier chef avec la Caisse des dépôts et consignations. La Caisse des dépôts et consignations a aujourd’hui un rôle à jouer tout comme les collectivités territoriales.
Nous voyons aujourd’hui dans le cadre du CFCM que des collectivités territoriales, des régions, des départements, jouent maintenant le jeu puisqu’elles mettent à disposition des associations musulmanes des baux emphytéotiques de 99 ans pour pouvoir bâtir des lieux de culte musulman.
Néanmoins il reste le problème du financement de ces lieux de culte. A partir du moment où la fondation apporterait sa caution morale et financière dans la mise en place de ces modalités pratiques de financement, il est entendu que les fidèles, les donateurs privés, les entreprises musulmanes installées sur le sol français pourraient contribuer et apporter leur obole à la gestion et au remboursement de ces prêts.
Je reste à votre disposition si vous avez des questions à me poser. Je vous remercie.
* Ce texte a déjà été publiée sur le site de la fondation-res-publica sous Licence Creative Commons.
Pour aller plus loin
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Emission de France Ô.
Invités : Patrick Karam, délégué interministériel pour l'Egalité des chances des Français d'outre-mer - Bariza Khiari, sénatrice de Paris - Abdoullah Mollan, président du Conseil Régional du Culte Musulman (CRCM) de La Réunion et président de la grande mosquée de Saint-Denis de La Réunion - Mohamad Bhagatte, imam de la Grande Mosquée de St Denis, première mosquée de France
Invités : Patrick Karam, délégué interministériel pour l'Egalité des chances des Français d'outre-mer - Bariza Khiari, sénatrice de Paris - Abdoullah Mollan, président du Conseil Régional du Culte Musulman (CRCM) de La Réunion et président de la grande mosquée de Saint-Denis de La Réunion - Mohamad Bhagatte, imam de la Grande Mosquée de St Denis, première mosquée de France