Vendredi 30 Aout 2024

La célébration du Mawlid dans l’Occident musulman médiéval à la lumière des fatwā-s mālikites compilées par al-Wansharīsī



On peut toutefois observer qu’après avoir été très intransigeante, l’attitude des mālikites à l’égard de la célébration du Mawlid s’est petit à petit assouplit au cours du viiie/xive et surtout du ixe/xve siècle, pour devenir moins hostile, voire plutôt bienveillante [...], même si, dans leurs fatwā-s, certains juristes continuaient à rappeler l’ancienne position majoritaire, notamment en ce qui concerne la promiscuité entre les hommes et les femmes et l’usage des instruments de musique. Témoin de cette évolution, al-Wansharīsī (m. 1508) est partagé entre deux tendances qu’il s’efforce de concilier.

Ahmed Oulddali
 
A l'occasion de la célébration de la naissance du prophète de l’islam (Mawlid ) nous proposons ici un article extrait du dossier spécial de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée de début 2024 et intitulé La célébration de la naissance du Prophète , al-mawlid al-nabawī : Discours, pratiques et représentations,  (sous licence sous licence CC BY-SA 4.0  ) .  

Ce  dossier a donné lieu à la publication d'un ouvrage. La " célébration de la naissance du prophète de l’islam y est étudiée à travers les débats qu’a pu susciter cette fête, mais aussi à travers les pratiques individuelles et collectives lors du Mawlid et enfin dans les productions littéraires qui lui sont associées. Dix contributions analysent ces aspects selon les approches croisées de l’islamologie et des sciences sociales. Après une présentation de débats doctrinaux relatifs au caractère licite ou non de la célébration du Mawlid sur le mode diachronique, sont présentées des études de cas contemporains de cette fête en Algérie et au Sénégal selon une approche socio-anthropologique. Pour clore l’ensemble, diverses œuvres littéraires et artistiques produites à l’occasion du Mawlid sont analysées. Les contributions ici réunies mettent en lumière comment les évolutions historiques et sociétales ont permis la « canonisation » de cette fête à travers les siècles. Elles mettent aussi au jour sa dimension polémique, révélant par la même occasion d’importantes lignes de fracture au sein des sociétés musulmanes passées et présentes.
Enfin, si d’aucuns semblaient suggérer la disparition prochaine du Mawlid, qui était censé appartenir à un « modèle de piété prémoderne » marquée par la réciprocité du don et de l’émotion, les différentes contributions de ce volume semblent donner tort à cette conjecture.
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Résumé

 
    Célébrée en Occident musulman à partir du viie/xiiie siècle, la fête de la naissance du Prophète a suscité un vif débat dans les milieux mālikites où elle a d’abord été considérée comme une innovation religieuse blâmable (bidʿa), avant d’être acceptée sous certaines conditions que l’on trouve précisées dans la littérature juridique. Le présent article aborde l’attitude des oulémas maghrébins et andalous à l’égard du Mawlid en s’appuyant sur une série de consultations juridiques (fatwā-s) mentionnées dans le Miʿyār d’al-Wansharīsī (m. 914/1508). Il s’agit d’analyser les divers points de vue exprimés par les juristes et les motifs évoqués pour les justifier. L’étude s’intéresse aussi à l’évolution de la position mālikite relative au Mawlid et à la manière parfois controversée dont cette fête non canonique était célébrée chez certains adeptes du soufisme.

Texte intégral

 
    Dans un chapitre bien connu de son K. al-Madkhal, le juriste mālikite Ibn al-Ḥājj al-ʿAbdarī (m. 737/1336) rejette avec virulence la fête de la naissance du Prophète telle qu’elle était célébrée en Égypte, pays où il vécut après avoir quitté sa ville natale Fès. Il considère cette commémoration comme une innovation religieuse blâmable (bidʿa) et dénonce violemment certaines pratiques qui ont lieu pendant les cérémonies, comme le chant, la danse et l’usage de divers instruments de musique. Il s’en prend aussi aux confréries soufies, en leur reprochant de promouvoir le Mawlid et surtout de cautionner, voire d’encourager, les actes répréhensibles susmentionnés (Ibn al-Ḥājj, Madkhal, II : 2-60). Cette attitude n’est pas isolée au sein du mālikisme, puisqu’à la même époque, les oulémas maghrébins et andalous débattaient de la célébration de la nativité du Prophète qui avait été introduite en Occident musulman à l’initiative de deux cadis de Ceuta : Abū l-ʿAbbās al-ʿAzafī (m. 633/1236) et son fils Abū al-Qāsim (m. 677/1279) (Brunschvig, 1947, II : 304 ; Kaptein, 1993 : 76-96 ; Gril, 2022 : 255). La teneur de leurs discussions nous est connue à travers divers types de documents, parmi lesquelles les consultations juridiques (fatwā-s). Ces textes sous forme de questions-réponses constituent une précieuse source d’informations sur le sujet, compte tenu du fait qu’ils émanent de juristes (muftī-s) ayant pris part aux débats suscités par le Mawlid depuis son institution au cours du viie/xiiie siècle. Leurs auteurs y font part des divergences et interrogations qui existaient à leurs époques respectives autour de la célébration de la naissance du Prophète. Ils y exposent également quelques détails relatifs aux festivités et aux groupes s’impliquant dans l’animation des cérémonies, tout particulièrement les soufis (Kaptein, 1993 : 135). Ces éléments intéressent à la fois l’histoire doctrinale et l’histoire sociale, dans la mesure où ils peuvent aider à éclairer certaines zones d’ombre concernant la commémoration du Mawlid au Maghreb et les discussions qu’elle avait soulevées au sein de la communauté.

      Parmi les questions que ces fatwā-s pourraient permettre d’éclaircir se trouvent notamment les suivantes : comment les oulémas mālikites de l’époque percevaient-ils le Mawlid et les groupes qui œuvraient pour sa célébration ? Avaient-ils une position claire et tranchée, comme celle exprimée par Ibn al-Hājj, ou bien divergeaient-ils sur le sujet ? Et quels arguments avançaient-ils pour justifier leurs points de vue ? À ces questions touchant plutôt à l’aspect doctrinal, s’ajoutent toutes celles concernant la fête elle-même, en tant que phénomène social, la façon dont elle était célébrée et les diverses pratiques populaires ou soufies auxquelles elle donnait lieu.

      Pour essayer d’apporter quelques éléments de réponse, nous nous proposons ici d’analyser une série de fatwā-s relatives au Mawlid, conservées par al-Wansharīsī (m. 914/1508) dans son vaste recueil intitulé al-Miʿyār. Il s’agit d’une dizaine de textes, de longueurs variées, contenant des avis de juristes ayant vécu entre la fin du viie/xiiie et le ixe/xve siècles, dans différentes parties de l’Occident musulman. Dans ces cas d’espèce, les questions soumises aux experts en droit musulman sont multiples et ne portent pas toutes sur le bien-fondé de la commémoration du Mawlid. Toutefois, les réponses fournies par les muftī-s abordent, à des degrés divers, la légitimité de cette fête du point de vue religieux, ce qui montre l’importance que revêtait ce sujet pour les oulémas mālikites de l’époque.

Les consultations juridiques relatives au Mawlid dans le Miʿyār

 
    Nous avons opté pour une classification thématique des fatwā-s compilées par al-Wansharīsī, fondée sur les questions posées aux muftī-s. Ce critère permet de regrouper les cas d’espèce traitant de sujets similaires, en vue de les examiner conjointement. En procédant ainsi, on obtient quatre groupes de fatwā-s portant respectivement sur les thèmes suivants : le bien de mainmorte (waqf) et le legs (waṣiyya) en faveur de la commémoration de la naissance du Prophète, les cierges offerts aux maîtres d’école à l’occasion de la fête, la possibilité de révoquer un imam soufi prenant part à la célébration du Mawlid et enfin, la licéité des cérémonies pratiquées à cette occasion par les soufis.

      Dans notre corpus, les fatwā-s relatives aux trois premiers points présentent la particularité d’être toutes défavorables à la commémoration du Mawlid, même si certaines d’entre elles sont plus nuancées que d’autres. Nous leur consacrerons la première partie de ce travail. Ensuite, dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux fatwā-s traitant du quatrième point, à savoir le caractère licite ou non des rites auxquels s’adonnent les soufis à l’occasion de la nativité du Prophète. Nous verrons que ces textes se distinguent par l’attitude nettement positive de leurs auteurs envers le Mawlid et les groupes qui le célèbrent [1].

Des muftī-s mālikites rejetant la commémoration du Mawlid

 
    Comme nous l’avons précisé ci-dessus, les textes qui seront analysés dans cette première partie traitent de trois questions principales : le waqf et le legs consacrés au Mawlid, les cierges offerts pendant les cérémonies et la possibilité pour les habitants d’un village de renvoyer leur imam à cause de sa participation aux festivités

Le waqf et le legs constitués en faveur de la commémoration du Mawlid

 
    La question du waqf ou du legs testamentaire destiné à la célébration de la naissance du Prophète fait l’objet de deux fatwā-s du juriste grenadin Abū ʿAbd al-Allāh Muḥammad al-Ḥaffār (m. 811/1408). Dans l’une d’elles, celui-ci est interrogé au sujet d’un homme ayant constitué en habous un mûrier au profit de la commémoration du Mawlid. Après la mort du constituant, son fils voulut prendre possession de cet arbre. Lui est-il permis de se l’approprier ou non ? (Wansharīsī, Miʿyār, vii : 99-101) [2]. Pour répondre à cette question, le juriste s’exprime d’abord sur la légalité de la célébration de la nativité du Prophète. Le long développement qu’il consacre à ce sujet est plutôt bien argumenté et apparaît être le fruit d’une longue réflexion élaborée consécutivement aux débats suscités par l’institution du Mawlid en Occident musulman. On y trouve résumés les principaux arguments dont se prévalent généralement les mālikites opposés à la célébration de cette fête. Al-Ḥaffār commence sa démonstration en se référant à la tradition laissée par les deux premières générations de musulmans, c’est-à-dire les Compagnons et les Successeurs. Selon lui, ces « Pieux ancêtres » (al-salaf al-ṣāliḥ) ne célébraient pas la nuit de la naissance du Prophète ; ils ne s’y réunissaient pas pour l’adoration et n’y faisaient rien de plus que pendant les autres nuits de l’année. La preuve en est qu’ils divergèrent quant au mois et au jour de sa naissance, certains affirmant qu’il est né pendant le mois du Ramadan et d’autres durant le mois de Rabīʿ. Pour ce qui est du jour de sa naissance, il existe quatre opinions différentes. Si les Anciens ne commémoraient pas le Mawlid, c’est parce qu’ils savaient que le Prophète ne doit être honoré que de la manière établie par la loi religieuse (sharʿ). En effet, celui qui veut honorer le Prophète cherche par-là à se rapprocher de Dieu. Or, on ne peut se rapprocher de Dieu qu’à travers les actions que la religion a définies à cet effet. En réalité, la règle, s’agissant des actes d’adoration (ʿibāda), est qu’il n’est pas permis d’innover et que seule la loi religieuse peut les déterminer. Ainsi, n’est-il pas vrai que le vendredi est le meilleur jour de la semaine et, que de ce fait, il mérite d’être célébré par le jeûne ? Or, le Prophète a déconseillé à sa communauté de jeûner le vendredi. Cela prouve que les célébrations sont fixées par la Loi et non pas laissées à la discrétion des fidèles. S’il n’en était pas ainsi, les innovations seraient nombreuses, puisque chacun y irait de sa propre idée de fête. Certains voudraient commémorer le jour de la migration (hijra) du Prophète vers Médine, d’autres choisiraient de célébrer la nuit de l’Ascension (miʿrāj) et ainsi de suite. C’est pourquoi, selon ce juriste, il faut s’en tenir à la tradition des Pieux ancêtres que Dieu élut pour être des exemples à suivre. La communauté se doit de faire ce qu’ils firent et de laisser de côté ce dont ils s’abstinrent.

      Au vu de ces éléments, ajoute le muftī, il apparaît clairement que les réunions destinées à la célébration de cette nuit ne sont pas une prescription religieuse. On doit donc les faire cesser et empêcher que des habous soient constitués pour leur tenue. Car la constitution de tels habous aide à maintenir cette pratique et à perpétuer ainsi une innovation n’ayant aucun fondement dans la religion. Par conséquent, leur suppression est exigée par la loi religieuse (Wansharīsī, Miʿyār, vii : 100).

     
Al-Ḥaffār voit une autre raison pour laquelle il faut prohiber la commémoration de la nuit du Mawlid. Cette nuit, poursuit-il, est commémorée à la manière des soufis (fuqarāʾ) [3]. Or, dans leurs célébrations, ces derniers se livrent à des actes que la religion réprouve. Quand ils se réunissent, ils se mettent à chanter et à danser. Ils vont même jusqu’à faire croire à la masse des musulmans que ces pratiques sont conseillées et qu’il s’agit de la voie des saints (awliyāʾ) [4]. Ils affirment cela alors qu’en réalité ce sont des hommes ignorants et aucun d’entre eux ne sait accomplir comme il se doit ses obligations religieuses. Ils comptent parmi ceux dont Satan se sert pour égarer le vulgaire parmi les musulmans ; ils trompent les pauvres gens en enjolivant des pratiques infondées (al-bāṭil) et en introduisant dans la religion ce qui n’en est pas. On sait en effet que les Saints sont trop pieux pour s’adonner à des distractions ou des amusements, comme le chant et la danse. Leur attribuer des occupations futiles de ce genre, n’est donc qu’un mensonge que les soufis profèrent à leur endroit, dans l’unique but de s’emparer illégitimement des biens d’autrui. De ce fait, constituer des habous à leur profit, pour qu’ils puissent se livrer à de telles pratiques, revient à constituer des habous en faveur d’une entreprise illicite. Aussi, tous les waqf-s établis dans ces conditions doivent être annulés. Il est préférable que le constituant réaffecte les revenus du mûrier en question en le destinant à l’une des autres œuvres pies. Mais s’il n’y arrive pas, il peut les garder pour lui (Wansharīsī, Miʿyār, vii : 100-1).

      Comme on peut le constater, la fatwa est un véritable réquisitoire à la fois contre la commémoration du Mawlid et contre les réunions festives qui l’accompagnent. Al-Ḥaffār s’y montre très hostile à l’égard des soufis, responsables selon lui de ces pratiques blâmables. Sa réponse, relativement développée et étayée, apporte un ensemble d’éléments éclairants pour notre étude, notamment en ce qui concerne les motifs du rejet du Mawlid.

      Al-Ḥaffār tient une position similaire dans une autre fatwā, également citée par al-Wansharīsī. La question qui lui est posée à cette occasion se présente comme suit :
 
Une femme lègue un terrain pour [la commémoration de] la nuit de la naissance [du Prophète]. Ce terrain est cultivé et le blé qu’il produit est consommé pendant la célébration de la nuit évoquée. Comme vous le savez, les fuqarāʾ se réunissent à cette occasion ; ils invoquent Dieu et se mettent à chanter et à danser, puis ils mangent de la nourriture confectionnée avec ce blé. Ce legs testamentaire doit-il être exécuté tel quel ou faut-il le transformer en aumône que l’on distribue cette nuit-là aux pauvres ou le restituer aux héritiers de l’attestatrice ? (Wansharīsī, Miʿyār, VII : 114 ; Lagardère, 1995 : 277).
 

      Réponse d’al-Haffār :
 
 
Ce legs, à savoir le revenu du terrain mentionné, sera employé selon la volonté de la femme l’ayant consenti. Mais il doit servir à réaliser des œuvres recommandables qui rapprochent de Dieu. On l’affectera aux pauvres et aux indigents, en guise de remerciement adressé à Dieu pour le bienfait dont il a gratifié ses serviteurs en faisant naître le Prophète par le truchement duquel ils seront sauvés de l’enfer. Car c’est envers Dieu qu’il faut témoigner sa reconnaissance. Or, cela ne peut être fait que de la manière établie par la loi religieuse (Wansharīsī, Miʿyār, VII : 114).
 

      Le problème des habous et legs consacrés à la commémoration du Mawlid semble s’être posé plus d’une fois dans la Grenade naṣride, comme l’atteste cette autre fatwā délivrée par Abū Isḥāq al-Shāṭibī (m. 790/1388). Ce juriste fut interrogé au sujet de la disposition testamentaire d’un homme qui constitue en waqf le tiers de ses biens dans le but de le destiner à la célébration de la naissance du Prophète (Wansharīsī, Miʿyār, vii : 102-3) [5].

      Comme al-Ḥaffār, al-Shāṭibī rejette la commémoration du Mawlid et refuse que des waqf-s y soient consacrés. Cependant, le second va plus loin dans l’affirmation de la nullité des testaments renfermant ce type de dispositions. Après avoir rappelé que la célébration du Mawlid de la manière que l’on connaît est une innovation (bidʿa) récente, il déclare :
 
 
Dépenser l’argent pour célébrer une innovation n’est pas permis. Aussi le testament n’est-il pas exécutoire. Le juge (qāḍī) est tenu de l’annuler et de restituer le tiers [en question] aux héritiers [du constituant], qui le partageront entre eux. Que Dieu éloigne les faqīr-s qui réclament la réalisation d’un pareil legs (Wansharīsī, Miʿyār, VII : 102-3 ; IX : 252).
 

      Il va sans dire que le Mawlid, comme toutes les fêtes, y compris religieuses, comporte une dimension économique que les fatwā-s d’al-Ḥaffār et d’al-Shāṭibī ne font que confirmer. Les waqf-s et les legs destinés à financer les célébrations illustrent à la fois l’importance que revêtait cette solennité aux yeux de certains membres de la communauté et la solidarité que ceux-ci pouvaient entretenir les uns vis-à-vis des autres en recourant à divers leviers, comme les œuvres de bienfaisance. Les ressources permanentes générées par ces œuvres constituaient un moyen d’assurer la pérennité et l’extension de la commémoration du Mawlid, chose que les juristes voulaient empêcher à tout prix, d’où leurs décisions d’annuler les waqf-s en question.

      Les festivités du Mawlid étaient aussi une période propice au commerce et aux activités mercantiles en tout genre. Marchands et artisans en profitaient pour faire des bénéfices. Mais certains d’entre eux pouvaient aussi marquer leur participation à la cérémonie et leur attachement au Prophète en faisant preuve de générosité ou en baissant les prix, comme le montre une courte fatwā mentionnée dans le Miʿyār. Elle concerne le cas de deux vendeurs de miel qui, le jour du Mawlid, vendaient leur marchandise trois dirhams la livre. L’un d’eux souhaite baisser le prix à deux dirhams et parvient à convaincre l’autre de faire de même. Les deux hommes jurent donc de vendre leur miel à deux dirhams la livre. Ils tiennent cet engagement pendant un temps, puis l’un d’eux se remet à vendre le miel à trois dirhams. La question posée au juriste al-ʿAbdūsī (m. 849/1445) est de savoir si cet homme s’est parjuré (ḥanitha) ou non. Dans sa réponse, le muftī considère qu’il s’agit bien d’un cas de parjure (Wansharīsī, Miʿyār, IV : 104 ; Lagardère, 1995 : 96).

Les cierges offerts aux maîtres d’école à l’occasion de la fête

 
    L’une des pratiques qui avaient cours au Maghreb pendant le Mawlid consistait à illuminer les maisons et d’autres lieux où se rassemblaient les gens pour les célébrations, comme les zaouïas et les madrasas [6]. À cet effet, les parents d’élèves gratifient les maîtres d’école en leur offrant des cierges qui, selon diverses sources, pouvaient peser jusqu’à trente livres (plus de 10 kg) et étaient colorés et ornés (Ferhat, 1995 : 95 ; Chih, 2017 : 178-9). Cette coutume a fini par poser problème dans certaines régions. Car ce qui n’était à l’origine que des présents occasionnels, devint, au fil du temps, une sorte de contribution obligatoire, incombant à toutes les familles dont les enfants fréquentaient les madrasas. C’est ce qui ressort d’une fatwā d’Aḥmad b. Qāsim al-Qabbāb (m. vers 780/1378). La lettre contenant la question adressée à ce muftī de Fès est particulièrement riche en informations. En effet, pour introduire l’affaire qui le préoccupe, l’auteur du texte décrit brièvement la cérémonie du Mawlid telle qu’elle se tenait annuellement dans une madrasa de sa ville. On apprend ainsi que le soir de la fête, les maîtres d’école allumaient des cierges et réunissaient les enfants pour prier sur le Prophète. Celui d’entre eux qui avait une jolie voix récitait un dixième (ʿushr) du Coran et un poème panégyrique faisant l’éloge du Prophète. Hommes et femmes assistaient ensemble à cette célébration (Wansharīsī, Miʿyār, XII : 48-9 ; Lagardère, 1995 : 471 ; Kaptein, 1993 : 112). Le prix des cierges qu’on éclairait à cette occasion était à la charge des parents d’élèves. Mais certains maîtres profitaient de cette coutume lucrative pour s’assurer une source de revenus complémentaires. Ils considéraient les cierges comme faisant partie de la rémunération devant leur être versée par les parents d’élèves.

      Un étudiant mentionné dans la lettre approuve leur attitude et cherche à la justifier en affirmant qu’il n’y a pas de différence entre cette contribution et celle que perçoit le maître mensuellement et lorsqu’un élève a achevé d’apprendre le Coran (ḥudhdhāq). Il prétend de surcroît que les maîtres doivent bénéficier de ces dons même quand il n’est pas dans leur habitude d’orner les mosquées ni de faire réciter le dixième du Coran ou le panégyrique du Prophète. Et lorsqu’on lui rétorque que les parents d’élèves achètent les cierges à contrecœur, sur l’insistance de leurs enfants, il répond que cela vaut aussi pour la rétribution qu’ils versent au maître chaque mois et à l’occasion de l’achèvement de l’apprentissage du Coran. Ce n’est donc pas une raison suffisante pour les exonérer de l’achat des cierges. Car les parents, dès lors qu’ils envoient leurs enfants étudier auprès d’un maître, s’engagent à verser à celui-ci une mensualité, le ḥudhdhāq et des cierges pour le Mawlid. Et s’il y une autre contribution coutumière, ils sont également tenus de s’en acquitter (Wansharīsī, Miʿyār, XII : 48-9).

      Après avoir précisé le contexte dans lequel s’inscrit sa demande de fatwā, l’auteur de la lettre pose les questions suivantes : les maîtres peuvent-ils licitement prendre les cierges du Mawlid ? L’opinion de cet étudiant est-elle exacte ? Si oui, est-il possible d’empêcher ces célébrations en raison du fait que les hommes et les femmes y assistent ensemble, ou bien la décision de les interdire ne peut-elle être prise que par le gouverneur ; dans la mesure où seule une personne détenant l’autorité est à même de changer les pratiques en question ? (Wansharīsī, Miʿyār, XII : 48-9)

     Dans sa réponse, al-Qabbāb dit ceci :

 
Toutes les pratiques que tu as décrites sont des innovations récentes qu’il faut interdire. Quiconque s’y adonne, ou y contribue ou agit pour leur maintien œuvre en faveur d’une innovation et d’un égarement. Il croit à tort qu’en faisant cela il honore le Prophète et célèbre sa naissance, alors qu’il contredit sa tradition et commet des actes illicites, prohibés par lui. Il pèche ostensiblement et introduit dans la religion ce qui n’en est pas. Car s’il voulait réellement honorer le Prophète, il aurait obéi à ses ordres en s’abstenant de faire entrer dans sa religion des choses qui n’en sont pas et n’aurait pas commis ce contre quoi Dieu a mis en garde dans Sa parole : « Ceux qui s’opposent à son ordre doivent prendre garde qu’une tentation ne les atteigne, ou que ne les atteigne un châtiment douloureux » (Coran 24, 63). Quant aux cierges que perçoit le maître [à l’occasion de ces célébrations], si on les lui donne pour réaliser ces innovations blâmables et pratiquer ces actions [réprouvables], il n’échappe à personne que les dons perçus en vue de cela sont illicites. Et si on les lui donne à cette occasion, alors qu’il ne pratique aucune des innovations susmentionnées, Ibn Ḥabīb a dit que nul n’était tenu d’octroyer des dons au maître d’école pendant les fêtes musulmanes, même s’il est conseillé de le faire. Il a également dit qu’offrir [des présents] à l’occasion des fêtes chrétiennes, comme le nayrūz et le mahrajān [7], était un acte répréhensible (makrūh) ; il n’est pas permis pour celui qui donne, et est illicite pour celui qui perçoit ; car il entre dans la catégorie des actes consistant à glorifier l’associationnisme (taʿẓīm al-shirk). Ibn Rushd a dit : « En principe, il n’y a pas de différence entre la contribution que perçoit le maître quand un élève a fini l’apprentissage du Coran et celle qu’on lui verse à l’occasion des fêtes [musulmanes], si telle est la coutume ». [Il a dit aussi que] le maître avait droit aux deux contributions à la fois ; et que si Ibn Ḥabīb voit une différence entre les deux, c’est parce que la contribution du ḥudhdhāq est justifiée par le fait que l’élève achève ses études grâce à l’enseignement du maître, alors que la contribution que reçoit celui-ci pendant les fêtes lui est versée sans qu’il accomplisse aucun travail particulier [pour la mériter]. Ainsi, si pour Ibn Ḥabīb, le maître n’a droit à aucune rétribution spécifique à l’occasion des fêtes et les solennités instituées par la loi religieuse, comment peut-il y avoir droit à l’occasion des fêtes non canoniques (laysa bi-sharʿī) ? En somme, il ne fait pas de doute que le péché résultant de cette coutume (le don des cierges) est moins grave si le maître ne pratique pas les innovations blâmables susmentionnées pendant l’anniversaire de la naissance du Prophète. Quant aux dires de l’homme que vous avez évoqué, selon lesquels l’enfant demande à son père d’acheter les cierges [et insiste] jusqu’à ce que le père les achète à contrecœur, ce sont là des paroles sans importance. Car quiconque observe les coutumes, comprendra que ceux qui donnent ces choses (i.e. les cierges) le font dans l’intention de pratiquer de telles innovations, et le fait que ce soient des cierges que les gens donnent tend à prouver que c’est bien là leur intention. Or, si tel est le cas, les cierges que perçoit le maître lui sont versés pour l’aider à réaliser une innovation blâmable (Wansharīsī, Miʿyār, XII : 49).

      La fatwā d’al-Qabbāb montre que le problème des cierges du Mawlid, tel que l’abordent ces juristes, est étroitement lié à la question de la rémunération des maîtres d’école. Or, cette question a suscité quelques divergences au sein du mālikisme. L’une d’entre elles tient au fait que certains oulémas prennent en compte la coutume consistant à donner des présents aux maîtres à l’occasion des fêtes, et vont même jusqu’à l’ériger en norme, comme semble le faire Ibn Rushd al-Jadd (m. 520/1126) selon la fatwā d’al-Qabbāb, alors que d’autres ne lui accordent pas une telle importance, car ils la considèrent comme une bonne action et non comme une obligation. C’est cette seconde opinion que retient al-Qabbāb en se référant à l’avis d’Ibn Ḥabīb (m. vers 238/853) pour qui les maîtres peuvent recevoir de l’argent ou autre chose lors des fêtes musulmanes, sans que les parents ne soient légalement tenus de le leur verser (Wansharīsī, Miʿyār, XII : 49).

      En tant que représentants de l’autorité religieuse, les juristes mālikites se devaient de lutter contre les innovations qui leur paraissaient blâmables. Or, la célébration du Mawlid, outre le fait qu’elle soit d’institution tardive, comportait quelques actions que d’aucuns jugeaient réprouvables. On la comparait aussi aux fêtes chrétiennes, notamment le nayrūz et le mahrajān, comme le montre la fatwā d’al-Qabbāb citée précédemment. C’est pourquoi beaucoup de mālikites n’hésitèrent pas à s’y opposer de toutes leurs forces et à critiquer ceux qui la pratiquaient, tout particulièrement les soufis. Al-Wansharīsī lui-même se montre parfois favorable à cette position. Voici ce qu’il déclare dans un long passage de son Miʿyār consacré à l’énumération des innovations blâmables (bidaʿ) :

 
Parmi elles, il y a aussi le fait d’allumer des cierges pendant la nuit de la naissance du Prophète et la septième nuit après celle-ci, avec les différentes sortes de fléaux qu’une telle pratique comporte. Le maître de nos maîtres, le cheikh érudit et savantissime Abū ʿAbd Allāh Sīdī Muḥammad Ibn Marzūq [8], puisse Dieu rafraîchir sa tombe et le faire demeurer dans Son paradis, s’opposa à cela et le condamna avec une grande fermeté. Ces calamités (mafāsid) disparurent entièrement de Tlemcen durant toute sa vie, puisse Dieu lui accorder Sa miséricorde, ensuite elles revinrent après sa mort ; elles s’accrurent même (Wansharīsī, al-Miʿyār, II, 471-2 ; Lagardère, 1995 : 443).

L’imâm soufi qui participe aux festivités

 
    Al-Wansharīsī mentionne une autre fatwa dans laquelle il est question d’un imam soufi qui prend part activement à la commémoration de la naissance du Prophète. On y lit ceci :
 

Le Qādī Abū ʿAmr Ibn Manẓūr a été sollicité pour répondre à la question suivante : l’imam d’un village dirige la prière tout en aimant la voie des soufis (ṭarīqat al-fuqarāʾ). Dans le village, il y a une zaouïa où se réunissent certains habitants dont l’imam pendant la nuit du jeudi au vendredi et celle du dimanche au lundi. Ils commencent par la récitation d’un dixième du Coran, ensuite ils se mettent à invoquer Dieu selon le mode qui leur est propre. Une fois ces invocations terminées, le louangeur (maddāḥ) prononce des formules de louange, tandis que ses compagnons, y compris l’imam, l’entourent et répètent ce refrain en battant des mains et en dansant. Quand arrive l’anniversaire de la naissance du Prophète, l’imam en question se rend avec ces faqīr-s dans un autre village situé à environ vingt milles de là et y reste avec eux trois ou quatre jours, laissant la mosquée sans prêche, sans imam et sans appel à la prière. Certains ont affirmé que l’imāma exercée par un homme se conduisant de la sorte n’est pas valable […]. L’imam en question sait que la voie suivie par les faqīr-s est une innovation qui n’existait ni au temps du Prophète, ni à l’époque des Successeurs (tābiʿīn). Il sait aussi que la meilleure invocation est celle qui est faite discrètement, que toute innovation est un égarement et que tout égarement conduit au feu. Il est vrai que ce qui a poussé cet imam à se conduire ainsi c’est son désir d’invoquer Dieu, de chanter les louanges du Prophète et de se réunir avec ses frères. Celui qui médit des faqīr-s est-il passible de quelque condamnation ou non ? (Wansharīsī, Miʿyār, I : 160-1).
 

      À cette question, le muftī grenadin Ibn Manẓūr (m. vers 887/1482) fournit une réponse relativement détaillée, dans laquelle il exprime son opposition aux pratiques des soufis, sans toutefois mentionner la commémoration du Mawlid. Selon lui, les juristes sont souvent interrogés sur ce que font les confréries et tous désapprouvent de telles pratiques en les considérant comme des innovations blâmables, contraires à la Sunna. Cela vaut particulièrement pour la danse qui ne peut être tolérée, car danser revient à ne pas prendre au sérieux la religion, or les véritables croyants n’agissent pas ainsi. L’exercice de l’imāma n’est donc pas permis à celui qui suit la voie des faqīr-s. Quant à l’imam concerné par la question, sa faute est d’autant plus grave qu’il a entravé le fonctionnement de la mosquée par son absence, sachant que Dieu a promis un châtiment sévère à quiconque se rendrait coupable d’un tel acte (Coran 2, 114). Il ne peut donc se maintenir comme imam. D’ailleurs, sa seule présence aux réunions des faqīr-s suffit pour justifier sa révocation, car en se mêlant à eux, il fait grossir leur nombre. Or, quiconque permet à des gens de paraître plus nombreux doit être considéré comme l’un d’entre eux. Quant à l’amour du Prophète et de ses Compagnons, il réside avant tout dans le cœur et il existe d’autres moyens plus indiqués pour le témoigner et le renforcer. Et Ibn Manẓūr de conclure :
 

Celui qui attaque la réputation de l’imam en question, quand bien même il habite un autre village, ne peut encourir le moindre blâme, car il a fait cela pour s’acquitter de son devoir envers la communauté et dans intention de changer ce qui est mal (taghyīr al-munkar) (Wansharīsī, Miʿyār, I : 161) [9].
 


      Comme on peut aisément le remarquer, cette fatwā ne diffère pas de celles que nous avons examinées précédemment. Ibn Manẓūr y tient une position très hostile aux pratiques soufies. Certes, sa réponse ne fait pas mention expresse du Mawlid. Mais il n’en demeure pas moins qu’elle dénonce indistinctement les réunions nocturnes et les célébrations auxquelles l’imam soufi est accusé d’avoir participé. Les veillées décrites par l’auteur de la question sont clairement considérées comme des innovations blâmables qu’il faut combattre.
 

      À la lumière de ces fatwā-s, on pourrait penser que les juristes mālikites étaient tous opposés à la célébration du Mawlid et qu’ils partageaient la même vision négative des pratiques introduites par les soufis. Mais ce n’est pas le cas, car une école juridique ne forme pas une entité monolithique et ses membres divergent souvent, notamment sur les questions nouvelles ou pouvant être résolues à travers l’effort personnel d’interprétation (ijtihād), comme celle qui nous occupe dans cette étude. En outre, les opinions des juristes évoluent au fil du temps, si bien que certaines pratiques sociales qui paraissaient inacceptables au départ entrent progressivement dans les mœurs et deviennent sinon permises, du moins tolérables. Dans le cas qui nous intéresse ici, cette évolution a été favorisée par plusieurs facteurs concomitants, notamment l’expansion du soufisme dans les sociétés maghrébines, l’émergence d’une tendance soufie au sein même du mālikisme, l’influence grandissante des descendants du Prophète (sharīf-s) et l’adhésion populaire à la célébration du Mawlid (Powers, 2002 : 13-15).

      Toujours est-il qu’à partir du viiie/xive siècle, certains muftī-s se démarquèrent de leurs prédécesseurs en adoptant une position moins intransigeante à l’égard de la commémoration du Mawlid et des pratiques soufies ou populaires qui l’accompagnaient. C’est leur point de vue que nous allons étudier à présent.


L’évolution prudente de la position mālikite

         L’un des oulémas dont les décisions illustrent bien ce changement d’attitude est Abū Muḥammad ʿAbd Allāh al-ʿAbdūsī qui exerça les fonctions de prédicateur et de muftī à Fès, sous la dynastie mérinide [10]. Il fut sollicité par le Qāḍī Abū al-ʿAbbās Aḥmad b. al-ʿAjal al-Wazrawālī (m. vers 846/1442) pour répondre à la question suivante :
 
Dans une localité près de chez nous, il y a un groupe (jamāʿa) dont les membres se consacrent entièrement à l’adoration de Dieu. Ils prient, jeûnent, récitent le Coran, enseignent aux enfants, aident leurs prochains, portent assistance aux veuves, aux orphelins et aux nécessiteux et veillent à la bonne entente entre les musulmans. Ils font tout cela avec beaucoup d’application et de persévérance. Parmi eux, un homme se distingue par sa vaste science qui couvre tout ce qu’un homme a besoin de savoir pour bien s’acquitter de ses devoirs religieux, y compris le droit musulman (fiqh) et le soufisme. Ses compagnons l’ont choisi comme maître et modèle (qudwa). Ils sont tous manifestement des gens bons et ont une conduite vertueuse, si ce n’est qu’ils se réunissent à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du Prophète, et à d’autres moments similaires, afin de pratiquer l’exhortation (waʿẓ) et l’invocation (dhikr). Il arrive qu’un chantre (munshid) déclame des panégyriques du Prophète et d’autres poèmes appropriés pour cette célébration qui incitent à l’obéissance à Dieu. Les réunions en question se tiennent sans qu’il y ait mélange entre les hommes et les femmes. Certaines personnes reprochèrent au groupe soufi ces pratiques, les qualifiant d’innovations blâmables et d’abomination (munkar). C’est alors que les membres du groupe susmentionné me demandèrent de vous écrire afin que vous puissiez leur indiquer ce qu’il convient de faire dans cette situation, conformément à la science religieuse. Ils sont disposés à suivre votre conseil. Puisse Dieu vous en récompenser. (Wansharīsī, Miʿyār, XI : 46)

      La réponse d’al-ʿAbdūsī est éloquente :
 
[…] Les hommes en question, puisse Dieu les maintenir dans la droiture et les aider à Lui obéir en les comblant de ses faveurs, ont une conduite bonne et conforme à la loi religieuse (marḍiyya sharʿan). Plût à Dieu que j’eusse été avec eux ! J’aurais obtenu un succès immense [11] ! Leurs réunions à l’occasion que vous avez mentionnée sont destinées à accomplir un acte de dévotion recommandé (ṭāʿa mustaḥabba), qui produit de bonnes choses, comme la crainte de Dieu, l’espérance (rajāʾ), la constance dans l’épreuve (ṣabr), le renoncement au monde (zuhd), et d’autres stations (maqāmāt) supérieures et états (aḥwāl) sublimes de ce genre. L’audition spirituelle (samāʿ) peut produire ces divers états, [qui varient] selon les paroles déclamées, celui qui les déclame et celui qui les écoute ; et aucune de ces pratiques n’est illicite, à l’exception de celles qui conduisent à une corruption ou à des préjudices, comme la promiscuité entre les hommes et les femmes, l’usage des instruments de musique interdits et d’autres fléaux liés au samāʿ que nos oulémas ont évoqués. Quant aux pratiques que vous avez mentionnées, elles sont parfaitement saines et ne comportent aucun mal, ni aucune corruption. Mais on recommande aux membres du groupe de veiller à ce que leurs intentions soient toujours bonnes et sincères lorsqu’ils procèdent à ces célébrations, sachant que les ruses de Satan et les vices de l’âme sont nombreux et que Dieu seul en a la connaissance absolue. Le serviteur doit donc s’efforcer de rendre son intention aussi sincère que possible, en comptant en cela sur la faveur de son Seigneur et non sur sa propre intelligence, car sans la faveur de Dieu, nulle intelligence n’opère [...] ʿĀʾisha a dit : « Les compagnons du Prophète avaient l’habitude de réciter des poèmes [en sa présence], et lui écoutait cela en souriant ». ʿAmr b. al-Sharīd a rapporté ceci de son père : « Je fredonnai au Prophète cent vers (qāfiya) de ceux d’Umayya b. Abī al-Ṣalt. [Il écouta] tout cela en disant : ‘Continue, continue (hīh hīh)’ » [12]. Il existe de nombreuses traditions indiquant la licéité du chant, certaines constituent des preuves explicites et d’autres implicites. Mais celles que nous avons citées suffisent à le montrer et Dieu est celui qui accorde le succès comme une pure faveur de Sa part. On ne doit accorder aucun crédit à ce que dit un étudiant ignorant et grossier, qui ne comprend rien, ni à la doctrine de Mālik ni à celles des autres [juristes], et qui interprète mal les traditions. Discuter avec un homme de cette espèce revient à s’infliger une profonde désolation et à perdre son temps, sans rien obtenir qui puisse être d’une quelconque utilité dans la vie d’ici-bas ou dans l’au-delà (Wansharīsī, Miʿyār, XI : 46-7).

      Quelques remarques s’imposent à la lecture de cette fatwā. La première concerne les auteurs du texte, à savoir al-Wazrawālī et al-ʿAbdūsī. On a affaire à deux juristes mālikites qui non seulement se connaissent et s’apprécient, mais semblent partager la même attitude bienveillante à l’égard du soufisme et de ses adeptes. Dans sa lettre, al-Wazrawālī décrit avec sympathie la conduite des soufis et dit clairement avoir rédigé la question à leur demande, ce qui montre à la fois sa proximité avec eux et sa confiance dans le jugement d’al-ʿAbdūsī (Kaptein, 1993 : 123). De son côté, celui-ci considère très favorablement les pratiques dépeintes par al-Wazrawālī, y compris le chant, et va même jusqu’à exprimer son désir d’y participer. S’inscrivant en faux contre les reproches faits aux soufis, notamment en ce qui concerne les séances de samāʿ, il s’attache à démontrer par diverses traditions que le Prophète n’a jamais interdit à ses compagnons de chanter, bien au contraire. Il se montre enfin très acerbe à l’encontre des détracteurs du soufisme parmi les mālikites, n’hésitant pas à les accuser d’ignorance et de sottise.

      Al-ʿAbdūsī n’est pas le premier muftī mālikite à avoir soutenu les confréries soufies. Avant lui, d’autres juristes du Maghreb avaient pris la défense du taṣawwuf et, pour certains, affiché clairement leur appartenance à ses cercles. Le plus connu d’entre eux est Ibn ʿAbbād al-Rundī (m. 792/1390). Cet érudit et cheikh soufi qui fut longtemps imam prédicateur au collège-mosquée d’al-Qarawiyyīn joua un rôle important dans la normalisation des relations entre les oulémas mālikites et les confréries (Nwyia, 1961). On lui doit quelques textes allant dans ce sens, parmi lesquels figurent notamment un sermon (khuṭba) et une décision juridique consacrés à la question du Mawlid. Le sermon fut traduit et analysé par Linda G. Jones (Jones, 2006 : 40-47). Cette étude a montré comment Ibn ʿAbbād déploie toute sa science et son éloquence pour dissiper les fortes réticences suscitées par la célébration de la naissance du Prophète. On retrouve la même ferveur dans la fatwā qui nous intéresse ici. Tel qu’il est conservé dans le Miʿyār, le texte se présente comme un plaidoyer en faveur de la commémoration du Mawlid suivi d’un véritable réquisitoire contre ceux qui la rejettent (Kaptein, 1993 : 165 ; Lagardère, 1995 : 475 ; Ferhat, 1995 : 94).

      On interrogea le saint et détenteur de la connaissance de la Voie (ṭarīqa) et de la Réalité ésotérique (ḥaqīqa) Abū ʿAbd Allāh Ibn ʿAbbād au sujet de l’anniversaire de la naissance du Prophète qu’on célèbre en allumant des cierges, etc.

      Il répondit :
 
Ce qui apparaît clairement c’est que le Mawlid est l’une des fêtes des Musulmans. Tout ce qui permet de célébrer joyeusement cette naissance bénite, comme allumer des cierges, réjouir les yeux et les oreilles, arborer de beaux habits, chevaucher de somptueuses montures, est licite et on ne doit pas le réprouver, comme on ne réprouve pas les réjouissances qui accompagnent les autres fêtes musulmanes. Quant à l’opinion de celui qui affirme que ces célébrations [du Mawlid] comportent toujours des innovations blâmables […], elle doit être condamnée, car elle est fondée sur la haine et l’impiété (maqt wa-juḥūd). Quant à prétendre que l’anniversaire de la naissance du Prophète ne fait pas partie des solennités instituées pour les croyants par la Loi religieuse, et à l’assimiler aux fêtes [chrétiennes] du nayrūz et du mahrajān, ce sont des propos abjects qui, chez les hommes sains d’esprit, n’inspirent que du dégoût et du rejet (Wansharīsī, Miʿyār, XI : 278-9)13.

      Après avoir cité cette fatwa d’Ibn ʿAbbād, al-Wansharīsī ajoute le commentaire suivant :
 
Des personnages éminents (baʿḍ al-fuḍalāʾ) ont dit : « Les déclarations de ce saint (walī) prouvent l’amplitude de sa vénération pour le Prophète et l’excellence de la voie qu’il suit. Et ceux qui réprouvent les célébrations ayant lieu à cette occasion (pendant le Mawlid), comme les réunions qui se tiennent dans les écoles, ils ne le font que par crainte de voir se produire des actions blâmables (manākir) et pour éviter la promiscuité entre les hommes et les femmes. Mais si on est assuré que ces péchés ne se produisent pas, il ne fait aucun doute que les rassemblements qui se tiennent partout pour évoquer les mérites du Prophète et prier sur lui sont une chose louable. On interdira l’usage des instruments de musique (ālāt al-lahw) pendant la célébration de cette nuit, car on ne doit honorer le Prophète que par des actions agréées par lui et par Dieu. Il convient aussi que la nourriture donnée en aumône à cette occasion soit distribuée discrètement, car c’est la meilleure façon d’éviter les mauvaises intentions et le regroupement de la foule ». Un groupe d’oulémas est d’avis qu’on ne doit pas jeûner le jour du Mawlid parce qu’il s’agit d’un jour festif pendant lequel on cherche à susciter la joie des siens autant que faire se peut (Wansharīsī, Miʿyār, XI, : 279).

      Et al-Wansharīsī de poursuivre :
 
Ibn Marzūq a dit dans Janā al-jannatayn fī sharaf al-laylatayn : « J’ai entendu notre cheikh, l’imam Abū Mūsā b. al-Imām et d’autres maîtres maghrébins discuter des pratiques nouvellement introduites au Maghreb pendant les nuits du Mawlid et de ce qu’institua al-ʿAzafī pour cette occasion et que reprit et suivit son fils, le juriste Abū al-Qāsim […]. Ils considérèrent ces innovations comme bonnes et approuvèrent l’intention ayant présidé à leur institution ainsi que le fait de les pratiquer. On avait rapporté que certains oulémas du Maghreb refusaient la commémoration du Mawlid. Mais la position la plus juste selon moi est celle qu’exprimèrent d’autres éminents savants maghrébins lorsque des divergences apparurent sur ce sujet. Ils dirent : « Il ne fait pas de doute que la tradition instaurée par al-ʿAzafī est une bonne tradition. Toutefois, pour commémorer la nuit du Mawlid, les actions les plus appropriées sont celles consistant à revivifier la tradition prophétique, à porter assistance aux descendants du Prophète et à les entourer de la plus grande vénération, à multiplier les donations aumônières et les œuvres pieuses, à secourir les nécessiteux, à faire libérer les captifs et à soutenir les opprimés. Ces actions valent mieux que les pratiques ayant été inventées récemment. Car en celles-ci, on n’est jamais à l’abri des mauvaises tentations, qui altèrent l’intention ou corrompent l’œuvre, ni des passions (shahawāt). Or, le droit chemin (ṭarīq al-ḥaqq) est connu et il n’existe pas de meilleures actions à accomplir durant la nuit du Mawlid que celles que nous avons indiquées, à savoir que le croyant réalise des œuvres pieuses et multiplie les prières sur le Prophète pour espérer obtenir les récompenses promises dans la tradition à celui qui prie sur lui (Wansharīsī, Miʿyār, XI, : 279).
 
      Dans ce passage du Miʿyār, al-Wansharīsī semble chercher à faire la synthèse entre les différentes positions mālikites concernant le Mawlid. Soutenant l’instauration de cette fête, mais soucieux de prendre en compte les réserves exprimées par ses prédécesseurs quant aux modes de célébration pratiqués par les soufis, il s’efforce de proposer un compromis susceptible de satisfaire tout le monde et de préserver l’unité de la communauté. Aussi se réfère-t-il à son maître Ibn Marzūq dont l’avis lui paraît constituer la solution la plus adéquate, dans la mesure où il permet de satisfaire les deux parties impliquées dans la querelle concernant le Mawlid, à savoir les adeptes du soufisme et les juristes. Cette solution consiste à autoriser la commémoration du Mawlid telle qu’elle fut instituée par al-ʿAzafī et son fils et adoptée par la population dans diverses régions du Maghreb, tout en rejetant les pratiques réprouvables auxquelles elle donne lieu.

      Autrement dit, pour al-Wansharīsī, le Mawlid doit être légitimement reconnu comme une fête musulmane et il n’est plus question de l’assimiler à une innovation blâmable. Mais la meilleure manière de le célébrer c’est de rendre hommage au Prophète en priant sur lui, en se conformant à sa tradition, en témoignant du respect et de la considération pour les membres de sa famille et en étant bienfaisant à l’égard des musulmans. Telles sont les actions recommandées par les oulémas attachés à la tradition des Anciens (salaf) et que rappellent les fatwā-s des juristes mālikites comme al-Ḥaffār et Ibn Marzūq. Si al-Wansharīsī insiste beaucoup sur la nécessité de s’en tenir aux pratiques conseillées par ces derniers, c’est pour montrer que le mālikisme demeure opposé à certaines modalités de célébration affectionnées par les soufis, même s’il ne rejette désormais plus le Mawlid en tant que fête. C’est aussi une manière de rassurer ceux parmi ses contemporains qui continuaient à dénoncer les innovations constatées lors des festivités.

Conclusion

 
    En tant que recueil de consultations juridiques, le Miʿyār rassemble des textes datant de diverses époques et reflétant différents contextes et états d’esprit. On y trouve des avis rejetant la commémoration de la naissance du Prophète et d’autres clairement favorables à celle-ci. Prises séparément, ces décisions pourraient donner une idée partielle, voire complètement erronée de la position mālikite. Car chacune d’elles est liée à des circonstances qui ont présidé à son élaboration. Certes, les juristes se réfèrent à la doctrine de leur école et aux opinions émises par leurs prédécesseurs, mais l’interprétation qu’ils font de ces sources est bien souvent déterminée, ou du moins influencée par le milieu dans lequel ils vivent, et par des facteurs politiques, économiques ou autres. Aussi, seule une analyse conjointe de l’ensemble des fatwā-s concernant le Mawlid autorise à tirer des conclusions probantes. C’est le choix que nous avons fait ici, même si un examen approfondi de tous les textes n’était pas envisageable, compte tenu des limites fixées à ce travail.

      L’étude du corpus a permis d’identifier les principales questions soulevées par la célébration de la naissance du Prophète et les solutions proposées par les juristes mālikites. Nous avons ainsi vu que, pendant longtemps, les oulémas discutaient du bien-fondé de cette fête et du caractère permis ou interdit de certaines pratiques qui l’accompagnaient. De leurs avis sur ces deux points fondamentaux dépendaient les réponses qu’ils apportaient à d’autres problèmes, comme celui du waqf consacré à la commémoration du Mawlid, celui des cierges destinés aux célébrations ou celui des imams officiant dans les mosquées en étant membres de confréries soufies. Les fatwā-s analysées ne permettent pas de dégager une position unanime. Car si beaucoup de ces textes font état d’un rejet de la fête en tant que telle ou des modes de célébration adoptés par ses partisans, il en existe d’autres qui expriment une opinion tout à fait différente.

      On peut toutefois observer qu’après avoir été très intransigeante, l’attitude des mālikites à l’égard de la célébration du Mawlid s’est petit à petit assouplit au cours du viiie/xive et surtout du ixe/xve siècle, pour devenir moins hostile, voire plutôt bienveillante (Hadj-Sadok, 1957 : 278 ; Chih, 2017 : 189), même si, dans leurs fatwā-s, certains juristes continuaient à rappeler l’ancienne position majoritaire, notamment en ce qui concerne la promiscuité entre les hommes et les femmes et l’usage des instruments de musique. Témoin de cette évolution, al-Wansharīsī est partagé entre deux tendances qu’il s’efforce de concilier.


Ahmed Oulddali
Université Lumière Lyon 2, 86 rue Pasteur, 69007 Lyon, Cnrs CIHAM (UMR 5648) ; ahmed.oulddali[at]univ-lyon2.fr

Texte paru dans la 
Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée,  155 (1/2024) | -1, 51-70, sous licence sous licence CC BY-SA 4.0 .  

Notes

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[1] Nous renvoyons le lecteur à la version française pour celles de ces fatwā-s qui ont été traduites.

[2] Fatwā traduite par É. Amar dans Archives marocaines, XIII : 334-7 ; voir aussi Lagardère, 1995 : 276.

[3] Pluriel de faqīr qui signifie littéralement pauvre ou indigent, le mot fuqarāʾ est souvent employé dans les textes médiévaux comme un terme désignant les ascètes et les adeptes de confréries soufies (ṭuruq, pl. de ṭarīqa).

[4] Walī (pluriel awliyāʾ) signifie également « ami de Dieu ».

[5] Fatwā traduite par É. Amar dans Archives marocaines, XIII : 460.

[6] Des processions de cierges allumés se tenaient également dans certaines cités, voir, par exemple, Ferhat, 1995 : 95 ; Robinson, 2018 : 202. Cette pratique suscitait quelques réserves parmi les oulémas dont beaucoup la considéraient comme déplacée, voire comme une imitation des festivités chrétiennes ; cf. Hadj-Sadok, 1957 : 284..

[7] Le nayrūz ou nawrūz est la fête du printemps. Quant au mahrajān ou mihrajān, il s’agit de l’équinoxe d’automne. En Occident, ce terme désigne plutôt la Saint-Jean ; cf. Kaptein, 1993 : 78 ; Gril, 2022 : 256 ; Boloix Gallardo, 2011 : 80-81.


[8] Shams al-Dīn Abū ʿAbd al-Allāh Sīdī Muḥammad Ibn Marzūq al-Tilimsānī, surnommé al-Jadd (l’aïeul) (m. 781/1379) ; voir M. Hadj-Sadok, « Ibn Marzūḳ », EI2, III, p. 865-868.

[9] Cf. Archives marocaines, XII : 55-57 ; Lagardère, 1995 : 70.

[10] Certains souverains mérinides ont beaucoup œuvré pour la célébration du Mawlid, allant même jusqu’à décréter la prise en charge par l’État des dépenses nécessaires à la tenue des cérémonies dans tout le royaume ; voir Kaptein, 1993 : 122 ; Ferhat, 1995 : 94.

[11] Référence à Coran 4,73.

[12] Muslim, Ṣaḥīḥ, IV, p. 1767, 41 K. al-Shiʿr, n° 2255.

[13] Voir aussi Atanasova, 2023 : 96-97. Paru après l’achèvement de notre étude, cet article de K. Atanasova analyse trois textes du Miʿyār relatifs au Mawlid : la fatwā d’Ibn ʿAbbād, un court commentaire de celle-ci composé par al-Wansharīsī et un extrait du traité de Shams al-Dīn b. Marzūq intitulé Janā al-jannatayn.

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