Dimanche 26 Janvier 2014

[LeMonde.fr] - Taoufik Okacha, l’histrion de la contre-révolution égyptienne

Par Marion Guénard,



Taoufik Okacha
Inconnu avant la révolution du 25 janvier 2011, Taoufik Okacha est devenu en trois ans l'agitateur public numéro un du paysage audiovisuel égyptien. Homme de médias, encarté au Parti national démocratique d'Hosni Moubarak, élu député fin 2010, quelques semaines avant que la révolution ne vienne tout balayer, Taoufik Okacha a le profil du parfait « fouloul ». C'est ainsi qu'on désigne les anciens du régime Moubarak, ceux qui, avant la révolution, étaient au coeur du système, combinant politique, business et influence médiatique. Ce sont eux qui, depuis le renversement du président issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi, et le retour de l'armée aux affaires, ont pignon sur rue et qui, dans un esprit de revanche non dissimulé, entendent bien reprendre le pouvoir que les révolutionnaires et les Frères ont tenté de leur dérober.
 
Présentateur sur une chaîne gouvernementale, Taoufik Okacha, issu d'une famille aisée, originaire de la province de Dakahlia, fonde en 2009 la chaîne Al-Fara'in, sur, dit-il, ses fonds propres. Situés en périphérie du Caire, les locaux de la chaîne sont plutôt modestes, à l'image de son unique plateau télé aux couleurs criardes et au décor bon marché. Entouré d'une assistante à la chevelure péroxydée et de quelques gratte-papier révérencieux, le quarantenaire reçoit dans son bureau, cigarette à la main.
 
A la fois méprisant et séducteur, il met un point final à l'entretien en offrant de travailler pour sa chaîne. Histoire de bien montrer qui est le patron.

ISRAËL, LE HAMAS, LES FRANCS-MAÇONS...

Fidèle à la ligne éditoriale de son show quotidien, « Egypt Today », il déverse sans retenue un flot d'informations et de rumeurs aux relents nauséabonds. Adepte de la théorie du complot à toutes les sauces, Taoufik Okacha dénonce les nombreux « ennemis » qui menacent l'Egypte et « ses 7 000 ans de civilisation ». L'Occident, les Américains, Israël, le Hamas, les francs-maçons : tous travailleraient dans l'ombre, formant d'improbables alliances.
 
Le présentateur ne semble connaître aucune limite. Après l'élection présidentielle de juillet 2012, il avait accusé les Etats-Unis et les militaires égyptiens d'avoir truqué le scrutin en faveur de l'islamiste Mohamed Morsi pour vendre les réserves d'hydrocarbures du pays aux Israéliens. Les preuves ? Il n'en manque jamais. En bon journaliste, il recoupe ses sources… « J'ai beaucoup lu, surtout les textes de l'Ancien Testament. Les sionistes pensent qu'ils iront plus vite au paradis si la sécheresse s'abat sur l'Egypte. » CQFD.


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