Jeudi 8 Septembre 2016

Les métamorphoses de La Mecque doivent plus au capitalisme sauvage qu’au zèle religieux (Orient XXI)


Le pèlerinage à La Mecque se tiendra cette année du 10 au 14 septembre. Le 24 septembre 2015, une bousculade durant le pèlerinage avait causé la mort de plusieurs milliers de personnes. Dix jours auparavant, une grue s’était effondrée dans l’enceinte de la Grande Mosquée. En plus de remettre en question la gestion par l’Arabie saoudite de l’organisation du pèlerinage, ces deux événements ont pointé du doigt les excès urbains dans un site pourtant sacré, mais obéissant aux lois du marché de l’immobilier et aux intérêts politiques du régime.



Mosquée Haram de la Mecque. Crédit Photo : Citizen59 (Flickr)


ROSIE BSHEER est Professeur d’histoire à l’université Yale (États-Unis), spécialiste de la péninsule Arabique et d’études urbaines.


Par Rosie Bsheer

La guerre du Golfe de 1990-1991 a marqué un tournant dans l’histoire contemporaine du Proche-Orient, modifiant les économies politiques de la région ainsi que les relations entre l’État et la société. En Arabie saoudite, les mobilisations contre le régime qui ont émergé au cours de ce conflit, conjuguées à la récession mondiale de l’époque, ont façonné les moyens par lesquels la monarchie des Al-Saoud a géré son monopole sur le pouvoir et les ressources économiques. D’une part, les dirigeants ont adopté des stratégies à plusieurs volets de coercition et de cooptation afin de pacifier les mouvements d’opposition  ; d’autre part, ils comptaient sur la spéculation foncière, sur le développement de programmes immobiliers en particulier, comme nouveau mode de légitimation politique, avec pour objectif de générer des revenus locaux dans le cadre d’une récession mondiale. Ce «  régime de la propriété  » a ciblé plus particulièrement La Mecque et Riyad, vus comme des objets de réaménagement urbain à travers lesquels de nouvelles visions de l’Arabie saoudite moderne se manifestaient et se faisaient diffuser, assumant par conséquent un rôle central dans la vie tant économique que politique.

UNE VILLE MUSULMANE GLOBALISÉE DU XXIE SIÈCLE

La planification urbaine centralisée de la fin du XXe siècle a pris, cependant, différentes formes dans les capitales religieuses et politiques du pays. À La Mecque, les plans de réaménagement se sont centrés sur la refonte complète du paysage physique, culturel, social et économique de la ville. Des projets géants, de plusieurs milliards d’euros, ainsi que des propriétés privées ont remplacé des sites historiques et culturels1, encerclant peu à peu la Grande Mosquée. Les revenus issus du pétrole ont transformé le centre de La Mecque en une constellation de bâtiments à usage mixte comprenant des hôtels internationaux haut de gamme, des logements pour séjours de courte durée et des résidences permanentes, des centres commerciaux. L’avenir de cette zone sera complètement séparé de son riche passé intellectuel, social et économique.

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