Asma Lamrabet
L’étude des « circonstances de la révélation » du Coran encore appelés « assbab annuzul » nous dévoile l’implication d’un certain nombre de femmes dans le contexte de la révélation de plusieurs versets coraniques.
C’est le cas par exemple du verset suivant : « Les musulmans et les musulmanes, les croyants et les croyantes, les hommes pieux et les femmes pieuses, les hommes sincères et les femmes sincères, les hommes patients et les femmes patientes, ceux et celles qui craignent Dieu, ceux et celles qui donnent aux pauvres, ceux et celles qui jeûnent, ceux et celles qui sont chastes, ceux et celles qui vivent dans le rappel constant de Dieu, à tous et à toutes Dieu a réservé Son pardon et une grande récompense. » Coran 33 ; 35.
Concernant donc les causes de révélation de ce verset les commentaires d’exégèses rapportent plusieurs versions qui diffèrent non pas dans leur sens ou leur contenu mais de par les personnes concernées. La version la plus connue est celle rapportée entre autres par Attabari et qui concerne Oum Salama l’épouse du prophète. En effet, selon cette version, Hind Bint Abî Oumaya, plus connue sous le nom de Oum Salama aurait un jour dit au prophète : « Pourquoi, nous les femmes, ne sommes nous pas évoqués dans le Coran comme le sont les hommes ? »
Le même jour, lors de la prière du Duhr, voilà que le prophète (s) du haut de son minbar annonce : « ô vous tous – ya ayuha anass – voilà ce que vous dit Dieu dans son Coran… » (1) Puis, il leur fait part de la révélation du verset. Selon une autre variante toujours d’Oum Salama, celle-ci aurait plutôt dit : « Pourquoi les hommes sont cités dans toutes les occasions et nous les femmes non ? ! » (2)
Une autre version est celle d’Ibn Abass qui rapporte que ce sont les épouses du prophète, sans en préciser une en particulier qui ont dit : «Pourquoi Dieu cite les croyants et ne cite pas
les croyantes ?». Certains exégètes vont attribuer ce propos à d’autres femmes de la communauté musulmane, en dehors des épouses du prophète (s), alors que d’autres citent Asmaa Bint Oumiss, qui une fois revenue d’Abyssinie – actuelle Ethiopie – va demander aux épouses du Messager si Dieu avait révélé quelque chose en leur faveur, apparemment elle faisait allusion à celles, comme elle, qui avaient immigré, de La Mecque à cette contrée africaine.
Devant la réponse négative des épouses du Prophète, elle alla retrouver ce dernier et lui dit : « Nous sommes, nous les femmes, vraiment affligées par ce qui nous arrive ! » et le prophète (s) de répondre : « Et pourquoi donc ? », « Mais parce que nous ne sommes pas citées par le Coran comme le sont les hommes ! » Lui dit-elle! (3)
Une dernière version assez connue est celle qui attribue la « revendication féminine » de Oum Amara Alansarya qui aurait dit au prophète : « Je vois que tout est en faveur des hommes et que les femmes ne sont guère citées par la parole divine ! » (4)
Nonobstant la divergence des savants quant à l’auteur de cette requête féminine, il est néanmoins clair que son contenu reste le même malgré les différentes versions existantes. Ce sont des femmes qui ont manifesté leur plus grand mécontentement au prophète devant un discours coranique qui semblait – à leurs yeux – les ignorer ! D’ailleurs, vu les diverses sources existantes concernant ce récit, il apparaît fort possible qu’elles aient été plusieurs à avoir exprimer le même ressentiment…
Ce comportement est en soit très révélateur de l’état d’esprit des musulmanes de l’époque qui se sentaient tellement engagées dans ce « chemin » de la foi, autant que les hommes, sinon plus, qu’elles n’ont pas hésité à revendiquer un gage d’équité encore plus prononcé de la part du Créateur.
Elles voulaient une équité transcrite dans le texte sacré pour l’éternité et ce malgré le fait qu’elles devaient pertinemment savoir que le discours coranique, à travers son « ton » masculin neutre, les concernaient autant que les hommes. Toutefois et comme si elles s'étaient senties « lésées » à un moment donné de l’histoire, elles ont voulues exprimer leur déception au vu et su de toute la communauté dans le but justement de réaffirmer leur position d’égalité…
C’est bien là un discours revendicatif de type féministe… Revendiquer des droits au même titre que les hommes, c’était là la naissance d’une nouvelle conscience féminine qui ne se contentait pas d’être assimilée au concept général de croyants mais qui exigeait une reconnaissance distincte en bonne et due forme.
On ne peut que franchement s’étonner d’une telle « bravoure » de la part de ces femmes qui n’hésitaient pas à solliciter la même reconnaissance que celle accordée « naturellement » aux hommes, au prophète de l’islam, sollicitude émise faudrait-il le préciser, sous forme d’une critique officielle… Ces femmes, qui ne pouvaient être qu’épanouies spirituellement pour pouvoir s’exprimer de la sorte, ont clairement questionné la révélation…
Elles agissaient ainsi tout simplement parce que c’est cette même révélation, telle transmise par le messager de l’islam, qui tout en les façonnant spirituellement, va les initier à la liberté d’expression…
C’est cette même révélation qui leur a appris qu’elles étaient des êtres humains nés libres et que nulle autre soumission ne saurait être admise en islam que celle due au Créateur… C’est cette même révélation qui leur a appris à se comporter comme des êtres responsables et autonomes… Des êtres libres de manifester leur réprobation, de protester, d’exiger au nom de leur foi… C’est au nom de tout cela qu’elles ont « critiqué » ce qui leur paraissait être comme une connotation un tant soit peu « masculine » du texte sacré, critique qui émane de leur profonde conviction dans la justice divine !
Pourrait-on imaginer un tel scénario dans nos sociétés musulmanes contemporaines sans qu’il y ait un tollé de protestations ou pire des réquisitoires enflammés ? Oui, aujourd’hui où le seul fait de débattre du fait religieux est très mal vu et où questionner ne serait-ce que les interprétations religieuses est de l’ordre du sacrilège.
On refuse toute discussion alors que nulle compréhension profonde et intelligente du texte religieux ne peut être acquise sans un débat serein, critique et constructif. Formuler des questionnements devant l’extrême complexité du discours religieux est légitime et en débattre ne peut que renforcer des convictions qui, quoique établies, n’en restent pas moins très vulnérables !
Voilà ce à quoi aspiraient ces femmes croyantes de la première heure en exprimant leurs critiques. Elles voulaient une réponse, qui tout en « réaffirmant » leur véritable position au sein d’une communauté fortement imprégnée de la culture patriarcale, renforcerait leurs convictions et apaiserait leur cœur… Quoi de plus légitime pour ces femmes, qui à l’aube de l’islam, étaient en pleine « conquête » de leurs droits, que d’affirmer leur présence en « exigeant » des réponses claires quant à leur égalité spirituelle ? Et comment aujourd’hui, devant une interprétation discriminatoire du religieux, on refuse aux femmes ce même droit, à savoir, celui de porter un regard critique sur un certain nombre de dysfonctionnements manifestes dans la lecture des textes scripturaires ?
Devant cette véritable « doléance » de la part des femmes de sa communauté, le prophète n’a pas eu de réponse particulière… Il a plutôt gardé le silence, un silence compatissant… N’était-il pas celui qui a toujours fait preuve de sensibilité et de compréhension devant la souffrance des femmes ? !
Mais la réponse ne tardera pas à « descendre » et Dieu « répondra » à la revendication de ces femmes… Le verset qui est révélé à la suite de cette requête féminine démontre de façon incontestable que le questionnement de ces femmes était légitime !
Le contenu de ce verset témoigne de cette Volonté Divine de concrétiser le souhait des femmes musulmanes de se voir mentionnées solennellement, de se savoir honorées et d’être éternellement reconnues… Dieu va explicitement dans ce verset distinguer les deux genres afin de bien mettre en évidence Sa vision égalitariste… "Les musulmans et les musulmanes, les croyants et les croyantes…", « Ceux et celles ». Dieu leur a réservé une magnifique récompense…
C’est cette réponse divine, incroyablement belle – qui se passe de tout commentaire – que l’on doit toujours avoir en mémoire, que l’on doit savoir relire et réinterpréter à chaque fois que l’on aura un « doute » sur l’esprit égalitaire du message de l’islam.
Chaque fois que l’on est assailli par les perpétuelles agressions intellectuelles sur l’islam et les femmes… Chaque fois que nos cœurs de femmes et d’hommes veulent être apaisés… Chaque fois que l’on veut évaluer notre réalité de musulmans à celle du Coran… « Ceux qui croient et qui sont apaisés par le souvenir de Dieu, c’est bien par le souvenir de Dieu que s’apaisent les cœurs ! » Coran 13 ; 28
(1)Tafssir Attabari ; hadith rapporté par Ibn Chiba.
(2)Tafssir Attabari, hadith de Mujahid.
(3)Tafssir Al Baghawi, le hadith est de Moukatil.
(4)Tafssir Alqortubi ; hadith rapporté par Athirmidi
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Visitez le site internet de l'auteure et ses ouvrages : http://www.asma-lamrabet.com
C’est le cas par exemple du verset suivant : « Les musulmans et les musulmanes, les croyants et les croyantes, les hommes pieux et les femmes pieuses, les hommes sincères et les femmes sincères, les hommes patients et les femmes patientes, ceux et celles qui craignent Dieu, ceux et celles qui donnent aux pauvres, ceux et celles qui jeûnent, ceux et celles qui sont chastes, ceux et celles qui vivent dans le rappel constant de Dieu, à tous et à toutes Dieu a réservé Son pardon et une grande récompense. » Coran 33 ; 35.
Concernant donc les causes de révélation de ce verset les commentaires d’exégèses rapportent plusieurs versions qui diffèrent non pas dans leur sens ou leur contenu mais de par les personnes concernées. La version la plus connue est celle rapportée entre autres par Attabari et qui concerne Oum Salama l’épouse du prophète. En effet, selon cette version, Hind Bint Abî Oumaya, plus connue sous le nom de Oum Salama aurait un jour dit au prophète : « Pourquoi, nous les femmes, ne sommes nous pas évoqués dans le Coran comme le sont les hommes ? »
Le même jour, lors de la prière du Duhr, voilà que le prophète (s) du haut de son minbar annonce : « ô vous tous – ya ayuha anass – voilà ce que vous dit Dieu dans son Coran… » (1) Puis, il leur fait part de la révélation du verset. Selon une autre variante toujours d’Oum Salama, celle-ci aurait plutôt dit : « Pourquoi les hommes sont cités dans toutes les occasions et nous les femmes non ? ! » (2)
Une autre version est celle d’Ibn Abass qui rapporte que ce sont les épouses du prophète, sans en préciser une en particulier qui ont dit : «Pourquoi Dieu cite les croyants et ne cite pas
les croyantes ?». Certains exégètes vont attribuer ce propos à d’autres femmes de la communauté musulmane, en dehors des épouses du prophète (s), alors que d’autres citent Asmaa Bint Oumiss, qui une fois revenue d’Abyssinie – actuelle Ethiopie – va demander aux épouses du Messager si Dieu avait révélé quelque chose en leur faveur, apparemment elle faisait allusion à celles, comme elle, qui avaient immigré, de La Mecque à cette contrée africaine.
Devant la réponse négative des épouses du Prophète, elle alla retrouver ce dernier et lui dit : « Nous sommes, nous les femmes, vraiment affligées par ce qui nous arrive ! » et le prophète (s) de répondre : « Et pourquoi donc ? », « Mais parce que nous ne sommes pas citées par le Coran comme le sont les hommes ! » Lui dit-elle! (3)
Une dernière version assez connue est celle qui attribue la « revendication féminine » de Oum Amara Alansarya qui aurait dit au prophète : « Je vois que tout est en faveur des hommes et que les femmes ne sont guère citées par la parole divine ! » (4)
Nonobstant la divergence des savants quant à l’auteur de cette requête féminine, il est néanmoins clair que son contenu reste le même malgré les différentes versions existantes. Ce sont des femmes qui ont manifesté leur plus grand mécontentement au prophète devant un discours coranique qui semblait – à leurs yeux – les ignorer ! D’ailleurs, vu les diverses sources existantes concernant ce récit, il apparaît fort possible qu’elles aient été plusieurs à avoir exprimer le même ressentiment…
Ce comportement est en soit très révélateur de l’état d’esprit des musulmanes de l’époque qui se sentaient tellement engagées dans ce « chemin » de la foi, autant que les hommes, sinon plus, qu’elles n’ont pas hésité à revendiquer un gage d’équité encore plus prononcé de la part du Créateur.
Elles voulaient une équité transcrite dans le texte sacré pour l’éternité et ce malgré le fait qu’elles devaient pertinemment savoir que le discours coranique, à travers son « ton » masculin neutre, les concernaient autant que les hommes. Toutefois et comme si elles s'étaient senties « lésées » à un moment donné de l’histoire, elles ont voulues exprimer leur déception au vu et su de toute la communauté dans le but justement de réaffirmer leur position d’égalité…
C’est bien là un discours revendicatif de type féministe… Revendiquer des droits au même titre que les hommes, c’était là la naissance d’une nouvelle conscience féminine qui ne se contentait pas d’être assimilée au concept général de croyants mais qui exigeait une reconnaissance distincte en bonne et due forme.
On ne peut que franchement s’étonner d’une telle « bravoure » de la part de ces femmes qui n’hésitaient pas à solliciter la même reconnaissance que celle accordée « naturellement » aux hommes, au prophète de l’islam, sollicitude émise faudrait-il le préciser, sous forme d’une critique officielle… Ces femmes, qui ne pouvaient être qu’épanouies spirituellement pour pouvoir s’exprimer de la sorte, ont clairement questionné la révélation…
Elles agissaient ainsi tout simplement parce que c’est cette même révélation, telle transmise par le messager de l’islam, qui tout en les façonnant spirituellement, va les initier à la liberté d’expression…
C’est cette même révélation qui leur a appris qu’elles étaient des êtres humains nés libres et que nulle autre soumission ne saurait être admise en islam que celle due au Créateur… C’est cette même révélation qui leur a appris à se comporter comme des êtres responsables et autonomes… Des êtres libres de manifester leur réprobation, de protester, d’exiger au nom de leur foi… C’est au nom de tout cela qu’elles ont « critiqué » ce qui leur paraissait être comme une connotation un tant soit peu « masculine » du texte sacré, critique qui émane de leur profonde conviction dans la justice divine !
Pourrait-on imaginer un tel scénario dans nos sociétés musulmanes contemporaines sans qu’il y ait un tollé de protestations ou pire des réquisitoires enflammés ? Oui, aujourd’hui où le seul fait de débattre du fait religieux est très mal vu et où questionner ne serait-ce que les interprétations religieuses est de l’ordre du sacrilège.
On refuse toute discussion alors que nulle compréhension profonde et intelligente du texte religieux ne peut être acquise sans un débat serein, critique et constructif. Formuler des questionnements devant l’extrême complexité du discours religieux est légitime et en débattre ne peut que renforcer des convictions qui, quoique établies, n’en restent pas moins très vulnérables !
Voilà ce à quoi aspiraient ces femmes croyantes de la première heure en exprimant leurs critiques. Elles voulaient une réponse, qui tout en « réaffirmant » leur véritable position au sein d’une communauté fortement imprégnée de la culture patriarcale, renforcerait leurs convictions et apaiserait leur cœur… Quoi de plus légitime pour ces femmes, qui à l’aube de l’islam, étaient en pleine « conquête » de leurs droits, que d’affirmer leur présence en « exigeant » des réponses claires quant à leur égalité spirituelle ? Et comment aujourd’hui, devant une interprétation discriminatoire du religieux, on refuse aux femmes ce même droit, à savoir, celui de porter un regard critique sur un certain nombre de dysfonctionnements manifestes dans la lecture des textes scripturaires ?
Devant cette véritable « doléance » de la part des femmes de sa communauté, le prophète n’a pas eu de réponse particulière… Il a plutôt gardé le silence, un silence compatissant… N’était-il pas celui qui a toujours fait preuve de sensibilité et de compréhension devant la souffrance des femmes ? !
Mais la réponse ne tardera pas à « descendre » et Dieu « répondra » à la revendication de ces femmes… Le verset qui est révélé à la suite de cette requête féminine démontre de façon incontestable que le questionnement de ces femmes était légitime !
Le contenu de ce verset témoigne de cette Volonté Divine de concrétiser le souhait des femmes musulmanes de se voir mentionnées solennellement, de se savoir honorées et d’être éternellement reconnues… Dieu va explicitement dans ce verset distinguer les deux genres afin de bien mettre en évidence Sa vision égalitariste… "Les musulmans et les musulmanes, les croyants et les croyantes…", « Ceux et celles ». Dieu leur a réservé une magnifique récompense…
C’est cette réponse divine, incroyablement belle – qui se passe de tout commentaire – que l’on doit toujours avoir en mémoire, que l’on doit savoir relire et réinterpréter à chaque fois que l’on aura un « doute » sur l’esprit égalitaire du message de l’islam.
Chaque fois que l’on est assailli par les perpétuelles agressions intellectuelles sur l’islam et les femmes… Chaque fois que nos cœurs de femmes et d’hommes veulent être apaisés… Chaque fois que l’on veut évaluer notre réalité de musulmans à celle du Coran… « Ceux qui croient et qui sont apaisés par le souvenir de Dieu, c’est bien par le souvenir de Dieu que s’apaisent les cœurs ! » Coran 13 ; 28
(1)Tafssir Attabari ; hadith rapporté par Ibn Chiba.
(2)Tafssir Attabari, hadith de Mujahid.
(3)Tafssir Al Baghawi, le hadith est de Moukatil.
(4)Tafssir Alqortubi ; hadith rapporté par Athirmidi
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