" En d’autre termes : plus un état stigmatise et limite par des lois d’interdiction la pratique religieuse de certains groupes, plus ces groupes se voient diabolisés et attaqués, y compris physiquement, par des éléments du corps social (individus ou autres groupes). " C'est l'une des conclusions à laquelle est arrivé le centre de recherche "Pew Forum on Religion and Public Life " lors de la production d'un rapport produit après 10 ans d'enquêtes dans le monde entier, et qu'analyse ici Alain Gabon, titulaire d’une Chaire en Études Françaises à l’Université Wesleyenne de Virginie .
A l'issue de la lecture de l'article, le lecteur intéressé pourra revoir le débat s'étant déroulé hier soir sur le plateau d'ONPC, entre Aymeric Caron et Alain Finkielkraut au sujet de la sortie de son dernier ouvrage "L'identité malheureuse" , qui nous semble parfaitement illustrer les propos d'Alain Gabon.
A l'issue de la lecture de l'article, le lecteur intéressé pourra revoir le débat s'étant déroulé hier soir sur le plateau d'ONPC, entre Aymeric Caron et Alain Finkielkraut au sujet de la sortie de son dernier ouvrage "L'identité malheureuse" , qui nous semble parfaitement illustrer les propos d'Alain Gabon.
Le Pew Forum on Religion and Public Life, centre de recherche majeur dont les travaux sur les religions dans le monde sont mondialement reconnus comme étant à la pointe, vient récemment de dévoiler les derniers résultats d’enquêtes conduites dans le monde entier pendant 10 ans par leurs équipes d’experts en religions et sciences sociales.
Au moment où, en France, suite à l’affaire Baby Loup [1] , les offensives contre les libertés religieuses des musulmans (et par contrecoup de tous les autres croyants) sont puissamment réactivées sous le couvert d’alibis fallacieux telle la « défense de la laïcité » ou la « lutte contre les communautarismes » au nom du « vivre-ensemble » et des « valeurs républicaines » (les mêmes excuses systématiquement invoquées dès qu’il s’agit de réprimer ou d’abolir ici ou là les libertés religieuses de telle ou telle minorité qui déplaît ou inquiète), nos élites qui se disent républicaines feraient bien de considérer ce que les 10 années de données factuelles du Pew Forum nous apprennent [2] .
On y apprendra par exemple que 84% de la population mondiale suit une religion et qu’un grand nombre des 16% restant possède des croyances religieuses sans toutefois déclarer une confession en particulier. Les athées sont ainsi une petite minorité dans le monde, ce qui finalement a toujours historiquement été le cas, à de très rares exceptions.
Ce fait contribue d’ailleurs à expliquer pourquoi certains de ces athée(e)s convaincu(e)s, dont nombre en France dominent la politique et les grands médias [3], ne peuvent pas supporter de voir des minorités religieuses affirmer leurs identités, convictions, valeurs et croyances comme la République le leur permet. Une des raisons rarement mentionnées pour expliquer la rage et souvent la haine avec laquelle ces personnages s’en prennent aux minorités religieuses (à commencer par les femmes voilées) trop visibles pour leur goût athéiste, est le fait que la fameuse « Thèse de la Sécularisation » [4] , la notion selon laquelle avec l’entrée dans des sociétés libérales, matérialistes et consuméristes, le religieux allait disparaître et s’éteindre petit-à-petit pour ne survivre que comme superstitions archaïques de minorités « arriérées » tandis que la majorité des gens « éclairés » seraient eux athées, cette hypothèse que nombre entretenaient jusque dans les années 70 ne s’est jamais réalisée et, à leur grand désarroi, se réalise de moins en moins. Comme vient nous le rappeler ces données statistiques.
Ce ressentiment explique sans doute une partie de la rage avec laquelle des personnes comme Elisabeth Badinter, Caroline Fourest, ou Jeannette Boughrab et nombre de leurs consœurs et confrères, pour qui émancipation rime avec athéisme, s’acharnent avec une telle hargne et un tel aveuglement (sur le mal qu’ils font) à tout ce qui rend les musulmans trop visibles (hijab, barbe, etc.). Ce qu’elles espéraient voir devenir la norme (athée) de nos sociétés ou du moins de l’Europe ne s’est jamais matérialisé, même si le « moment 68 » et le triomphe des marxismes, althussérianismes et autres gauchismes anti-religieux dans les années 60 et 70 a pu faire illusion.
Si l’immense majorité de la population mondiale est donc composée de croyants, la massive étude du Pew Forum nous apprend aussi que 40% de l’ensemble des pays de la planète (un peu moins de 200) imposent des restrictions « élevées » ou « très élevées » aux libertés religieuses. Mais plus dramatiquement, comme nombre de ces pays sont parmi les plus peuplés du monde, plus de 5 milliards d’habitants, les trois-quarts de la population planétaire, vivent dans des zones à fortes ou très fortes restrictions religieuses [5].
L’étude distingue puis analyse deux grandes catégories de restrictions et d’atteintes, voire d’attaques, contre les libertés religieuses (qui, rappelons-le sont une partie majeure et intégrale de la liberté de conscience et de la liberté d’expression dans la Constitution, le droit, et la civilisation française) : celles qui proviennent de mesures ou politiques gouvernementales (criminalisation des blasphèmes ou des conversions, interdiction de signes religieux sur les lieux du travail ou dans les administrations, etc.) et celles provenant de formes diverses d’hostilité du corps social lui-même (lynchage de membres de minorités religieuses, attaques contre des églises, temples ou mosquées, menaces de mort, etc.).
Au moment où, en France, suite à l’affaire Baby Loup [1] , les offensives contre les libertés religieuses des musulmans (et par contrecoup de tous les autres croyants) sont puissamment réactivées sous le couvert d’alibis fallacieux telle la « défense de la laïcité » ou la « lutte contre les communautarismes » au nom du « vivre-ensemble » et des « valeurs républicaines » (les mêmes excuses systématiquement invoquées dès qu’il s’agit de réprimer ou d’abolir ici ou là les libertés religieuses de telle ou telle minorité qui déplaît ou inquiète), nos élites qui se disent républicaines feraient bien de considérer ce que les 10 années de données factuelles du Pew Forum nous apprennent [2] .
On y apprendra par exemple que 84% de la population mondiale suit une religion et qu’un grand nombre des 16% restant possède des croyances religieuses sans toutefois déclarer une confession en particulier. Les athées sont ainsi une petite minorité dans le monde, ce qui finalement a toujours historiquement été le cas, à de très rares exceptions.
Ce fait contribue d’ailleurs à expliquer pourquoi certains de ces athée(e)s convaincu(e)s, dont nombre en France dominent la politique et les grands médias [3], ne peuvent pas supporter de voir des minorités religieuses affirmer leurs identités, convictions, valeurs et croyances comme la République le leur permet. Une des raisons rarement mentionnées pour expliquer la rage et souvent la haine avec laquelle ces personnages s’en prennent aux minorités religieuses (à commencer par les femmes voilées) trop visibles pour leur goût athéiste, est le fait que la fameuse « Thèse de la Sécularisation » [4] , la notion selon laquelle avec l’entrée dans des sociétés libérales, matérialistes et consuméristes, le religieux allait disparaître et s’éteindre petit-à-petit pour ne survivre que comme superstitions archaïques de minorités « arriérées » tandis que la majorité des gens « éclairés » seraient eux athées, cette hypothèse que nombre entretenaient jusque dans les années 70 ne s’est jamais réalisée et, à leur grand désarroi, se réalise de moins en moins. Comme vient nous le rappeler ces données statistiques.
Ce ressentiment explique sans doute une partie de la rage avec laquelle des personnes comme Elisabeth Badinter, Caroline Fourest, ou Jeannette Boughrab et nombre de leurs consœurs et confrères, pour qui émancipation rime avec athéisme, s’acharnent avec une telle hargne et un tel aveuglement (sur le mal qu’ils font) à tout ce qui rend les musulmans trop visibles (hijab, barbe, etc.). Ce qu’elles espéraient voir devenir la norme (athée) de nos sociétés ou du moins de l’Europe ne s’est jamais matérialisé, même si le « moment 68 » et le triomphe des marxismes, althussérianismes et autres gauchismes anti-religieux dans les années 60 et 70 a pu faire illusion.
Si l’immense majorité de la population mondiale est donc composée de croyants, la massive étude du Pew Forum nous apprend aussi que 40% de l’ensemble des pays de la planète (un peu moins de 200) imposent des restrictions « élevées » ou « très élevées » aux libertés religieuses. Mais plus dramatiquement, comme nombre de ces pays sont parmi les plus peuplés du monde, plus de 5 milliards d’habitants, les trois-quarts de la population planétaire, vivent dans des zones à fortes ou très fortes restrictions religieuses [5].
L’étude distingue puis analyse deux grandes catégories de restrictions et d’atteintes, voire d’attaques, contre les libertés religieuses (qui, rappelons-le sont une partie majeure et intégrale de la liberté de conscience et de la liberté d’expression dans la Constitution, le droit, et la civilisation française) : celles qui proviennent de mesures ou politiques gouvernementales (criminalisation des blasphèmes ou des conversions, interdiction de signes religieux sur les lieux du travail ou dans les administrations, etc.) et celles provenant de formes diverses d’hostilité du corps social lui-même (lynchage de membres de minorités religieuses, attaques contre des églises, temples ou mosquées, menaces de mort, etc.).
Où se situe donc la France ?
Instinctivement, nombre de français, abreuvés depuis la naissance par la rhétorique nationale et souvent chauviniste de la République « universaliste », de la France qui « rayonne à l’étranger» comme « Terre des Libertés », « Fille des Lumières » et « phare du monde », pourraient penser que notre pays se trouve tout en haut de l’échelle, dans le gratin des nations libertaires.
La réalité est un peu plus sobre et nettement plus sombre.
Dans l’index de classification en quatre catégories des restrictions et atteintes aux libertés religieuses (restrictions « basses », « modérées », « élevées », ou « très élevées »), la France figure comme pays à restrictions gouvernementales « modérée », ce qui en soi n’est pas franchement un motif de réjouissance. Mais plus dramatiquement, elle est dans la zone rouge pour le second critère, un des pays où « l’hostilité sociale » contre les religions est « élevée » [6]. Chose connue depuis pas mal de temps par entre autres les musulmans et musulmanes de France, qui, elles, vivent cela au quotidien, en souffrent depuis déjà des décennies dans leur chair et leur conscience, et n’ont donc pas besoin de statistiques scientifiques pour savoir ces choses. Les autres en auront désormais confirmation objective. Et en cas de doute ou déni sur le sérieux de cette étude au demeurant purement factuelle, on renverra les sceptiques aux données et à la méthodologie citées plus haut dans nos notes.
Encore plus grave, la situation va en s’empirant depuis quelques années puisque l’on voit la France passer dans cette classification d’une hostilité sociale modérée à une hostilité élevée. On remarque que cette transition a lieu pendant les débats sur l’identité nationale, qui en contribuant à la stigmatisation, à la suspicion et au rejet des musulmans de France, ont libéré non pas seulement une parole islamophobe mais un véritable racisme contre toutes les minorités immigrées d’origine extra-européenne ainsi qu’une augmentation vertigineuse des actes de violences physiques contre ces minorités, comme le documente la totalité des sources sur le sujet, tant nationales (CCIF, etc.) qu’ internationales (rapports d’Amnesty International et plus).
Mais figure dans cette étude une autre conclusion à laquelle la France en particulier se doit de porter attention car c’est en fait la plus importante. Dans le contexte actuel de ce pays, caractérisé par des entreprises législatives sans fin qui visent toutes à interdire ou limiter de plus en plus l’expression des identités religieuses et à étendre l’obligation de neutralité à des espaces et des groupes de plus en plus larges (élèves des écoles publiques, puis parents d’élèves pour les sorties scolaires, puis maintenant adultes à l’université, entreprises privées, etc.) [7], l‘étude du Pew Forum révèle non pas seulement une corrélation, mais un rapport de cause à effet (une causation, donc) entre mesures gouvernementales restrictives et hostilité sociale contre les groupes religieux (en général, les minorités).
En d’autre termes : plus un état stigmatise et limite par des lois d’interdiction la pratique religieuse de certains groupes, plus ces groupes se voient diabolisés et attaqués, y compris physiquement, par des éléments du corps social (individus ou autres groupes). Le Forum donne de nombreux cas probants à travers le monde, Europe y compris.
Pour faire encore plus clair : les lois d’interdiction ou de limitation religieuse sont un facteur causatif puissant de violences contre ces minorités. Elles ne sont donc pas, contrairement à ce que clament nos pourfendeurs de burqas, hijabs, viande halal et autres pratiques islamiques, un facteur d’apaisement.
D’ailleurs, l’expérience empirique des musulmans de France depuis les premières affaires de foulards d’octobre 1989, de même que la totalité des études, enquêtes et sondages sur ce sujet, constitue le parfait exemple de ce que montre, de façon plus scientifique et à une échelle globale, la recherche du Pew Forum : plus l’état passe des lois contre leurs pratiques (lois de mars 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, loi communément nommée « anti-niqab » d’octobre 2010, circulaire Chatel de 2012 contre les mamans voilées, lois envisagées pour étendre ces interdictions à l’université et à l’ensemble du secteur privé, etc.), plus l’hostilité des français contre l’islam telle que la révèle les nombreux sondages augmente en parallèle avec ces lois et débats, et plus s’exacerbe la violence physique, de type désormais franchement terroriste, contre cette minorité (attaques et profanations de mosquées, violences contre les musulmanes voilées dans la rue, menaces de mort envoyées à des associations islamiques etc.).
Depuis déjà 25 ans, ces débats nauséabonds (premières « affaires des foulards », identité nationale sous Besson, débat UMP laïcité et islam, affaire Baby Loup etc.) et ces lois qui n’en finissent plus n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu, diviser les français, et répandre les soupçons sur les musulmans quant à leur volonté d’intégration et leurs intentions, que l’on suppose toujours secrètes (les musulmans sont des fourbes et des sournois, c’est bien connu), et maléfiques. Voire l’odieuse rhétorique autour de Baby Loup, où il faudrait nous dit-on « protéger les enfants » de ces éducatrices « intégristes », qui comme chacun sait ne songent qu’à violenter et endoctriner nos nourrissons en leur brandissant à la face leurs si dangereux hijabs.
Les conclusions du Pew Forum ne sont en fait pas étonnantes : quand c’est l’Etat lui-même qui diabolise ou jette le soupçon sur une partie de la population en ciblant ses pratiques comme dangereuses et devant faire l’objet d’interdiction, le peuple se voit offrir en pâture une cible sacrificielle toute désignée, dès lors facile à transformer en bouc émissaire. Puisque les plus hautes autorités morales et personnalités de la République (Présidents, ministres, députés etc.) ainsi que les « intellectuels » les plus en vue de la nation [8] , nous rabâchent en boucle, jour après jour pendant des années et dans tous les grands médias, que le hijab est un danger suprême pour notre pays et qu’il faut donc l’interdire, pourquoi se priverait-on alors de s’en prendre aux femmes voilées, puisque l’Etat lui-même les désigne comme des menaces contre nos libertés, nos valeurs, notre République[9] ?
Il n’y a malheureusement aucune chance pour que nos pseudo-élites politiques ou intellectuelles (ces faux intellectuels faussaires et usurpateurs si bien épinglés par Pascal Boniface) ne prennent connaissance de ces travaux scientifiques. Même si elles avaient le minimum requis de probité intellectuelle pour s’y intéresser, elles s’empresseraient de les oublier ou de les nier, comme elles ont ignoré ou nié les montagnes de travaux, études, enquêtes de terrain et autres qui démentaient point par point tous leurs faux arguments et mensonges sur les femmes voilées, « niqabistes » ou pas, lorsqu’il s’agissait de trouver des alibis aux premières lois contre les voiles islamiques.
Aucun doute que le petit clan bien soudé des faux « défenseurs de la laïcité » mais vrais « nouveaux réactionnaires » de droite comme de gauche à la Polony, Rioufol, Zemmour, Badinter et autres Finkielkraut continueront à réciter comme si de rien n’était leurs formules magiques et arguments bidons, en se faisant un point d’honneur d’ignorer superbement ces récentes études et toutes les autres.
Mais pour ceux qui font montre de plus d’esprit critique et s’intéressent aux avancées des connaissances humaines plutôt que de pratiquer le « GroupThink », la pensée conformiste de groupe à la Georges Orwell dans 1984, les preuves existent désormais que plus un gouvernement passe de lois contre les libertés religieuses, plus il expose les groupes visés a la violence sociale et physique.
A la lumière de ces dernières recherches, proposer encore plus de lois contre l’expression religieuse (lois qui en fait visent essentiellement des minorités à commencer par les musulmans) constitue désormais, plus qu’une preuve d’ignorance béate, une attitude véritablement irresponsable et dangereuse, et disons-le, criminelle vis-à-vis des personnes qui en souffriront immanquablement.
Instinctivement, nombre de français, abreuvés depuis la naissance par la rhétorique nationale et souvent chauviniste de la République « universaliste », de la France qui « rayonne à l’étranger» comme « Terre des Libertés », « Fille des Lumières » et « phare du monde », pourraient penser que notre pays se trouve tout en haut de l’échelle, dans le gratin des nations libertaires.
La réalité est un peu plus sobre et nettement plus sombre.
Dans l’index de classification en quatre catégories des restrictions et atteintes aux libertés religieuses (restrictions « basses », « modérées », « élevées », ou « très élevées »), la France figure comme pays à restrictions gouvernementales « modérée », ce qui en soi n’est pas franchement un motif de réjouissance. Mais plus dramatiquement, elle est dans la zone rouge pour le second critère, un des pays où « l’hostilité sociale » contre les religions est « élevée » [6]. Chose connue depuis pas mal de temps par entre autres les musulmans et musulmanes de France, qui, elles, vivent cela au quotidien, en souffrent depuis déjà des décennies dans leur chair et leur conscience, et n’ont donc pas besoin de statistiques scientifiques pour savoir ces choses. Les autres en auront désormais confirmation objective. Et en cas de doute ou déni sur le sérieux de cette étude au demeurant purement factuelle, on renverra les sceptiques aux données et à la méthodologie citées plus haut dans nos notes.
Encore plus grave, la situation va en s’empirant depuis quelques années puisque l’on voit la France passer dans cette classification d’une hostilité sociale modérée à une hostilité élevée. On remarque que cette transition a lieu pendant les débats sur l’identité nationale, qui en contribuant à la stigmatisation, à la suspicion et au rejet des musulmans de France, ont libéré non pas seulement une parole islamophobe mais un véritable racisme contre toutes les minorités immigrées d’origine extra-européenne ainsi qu’une augmentation vertigineuse des actes de violences physiques contre ces minorités, comme le documente la totalité des sources sur le sujet, tant nationales (CCIF, etc.) qu’ internationales (rapports d’Amnesty International et plus).
Mais figure dans cette étude une autre conclusion à laquelle la France en particulier se doit de porter attention car c’est en fait la plus importante. Dans le contexte actuel de ce pays, caractérisé par des entreprises législatives sans fin qui visent toutes à interdire ou limiter de plus en plus l’expression des identités religieuses et à étendre l’obligation de neutralité à des espaces et des groupes de plus en plus larges (élèves des écoles publiques, puis parents d’élèves pour les sorties scolaires, puis maintenant adultes à l’université, entreprises privées, etc.) [7], l‘étude du Pew Forum révèle non pas seulement une corrélation, mais un rapport de cause à effet (une causation, donc) entre mesures gouvernementales restrictives et hostilité sociale contre les groupes religieux (en général, les minorités).
En d’autre termes : plus un état stigmatise et limite par des lois d’interdiction la pratique religieuse de certains groupes, plus ces groupes se voient diabolisés et attaqués, y compris physiquement, par des éléments du corps social (individus ou autres groupes). Le Forum donne de nombreux cas probants à travers le monde, Europe y compris.
Pour faire encore plus clair : les lois d’interdiction ou de limitation religieuse sont un facteur causatif puissant de violences contre ces minorités. Elles ne sont donc pas, contrairement à ce que clament nos pourfendeurs de burqas, hijabs, viande halal et autres pratiques islamiques, un facteur d’apaisement.
D’ailleurs, l’expérience empirique des musulmans de France depuis les premières affaires de foulards d’octobre 1989, de même que la totalité des études, enquêtes et sondages sur ce sujet, constitue le parfait exemple de ce que montre, de façon plus scientifique et à une échelle globale, la recherche du Pew Forum : plus l’état passe des lois contre leurs pratiques (lois de mars 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, loi communément nommée « anti-niqab » d’octobre 2010, circulaire Chatel de 2012 contre les mamans voilées, lois envisagées pour étendre ces interdictions à l’université et à l’ensemble du secteur privé, etc.), plus l’hostilité des français contre l’islam telle que la révèle les nombreux sondages augmente en parallèle avec ces lois et débats, et plus s’exacerbe la violence physique, de type désormais franchement terroriste, contre cette minorité (attaques et profanations de mosquées, violences contre les musulmanes voilées dans la rue, menaces de mort envoyées à des associations islamiques etc.).
Depuis déjà 25 ans, ces débats nauséabonds (premières « affaires des foulards », identité nationale sous Besson, débat UMP laïcité et islam, affaire Baby Loup etc.) et ces lois qui n’en finissent plus n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu, diviser les français, et répandre les soupçons sur les musulmans quant à leur volonté d’intégration et leurs intentions, que l’on suppose toujours secrètes (les musulmans sont des fourbes et des sournois, c’est bien connu), et maléfiques. Voire l’odieuse rhétorique autour de Baby Loup, où il faudrait nous dit-on « protéger les enfants » de ces éducatrices « intégristes », qui comme chacun sait ne songent qu’à violenter et endoctriner nos nourrissons en leur brandissant à la face leurs si dangereux hijabs.
Les conclusions du Pew Forum ne sont en fait pas étonnantes : quand c’est l’Etat lui-même qui diabolise ou jette le soupçon sur une partie de la population en ciblant ses pratiques comme dangereuses et devant faire l’objet d’interdiction, le peuple se voit offrir en pâture une cible sacrificielle toute désignée, dès lors facile à transformer en bouc émissaire. Puisque les plus hautes autorités morales et personnalités de la République (Présidents, ministres, députés etc.) ainsi que les « intellectuels » les plus en vue de la nation [8] , nous rabâchent en boucle, jour après jour pendant des années et dans tous les grands médias, que le hijab est un danger suprême pour notre pays et qu’il faut donc l’interdire, pourquoi se priverait-on alors de s’en prendre aux femmes voilées, puisque l’Etat lui-même les désigne comme des menaces contre nos libertés, nos valeurs, notre République[9] ?
Il n’y a malheureusement aucune chance pour que nos pseudo-élites politiques ou intellectuelles (ces faux intellectuels faussaires et usurpateurs si bien épinglés par Pascal Boniface) ne prennent connaissance de ces travaux scientifiques. Même si elles avaient le minimum requis de probité intellectuelle pour s’y intéresser, elles s’empresseraient de les oublier ou de les nier, comme elles ont ignoré ou nié les montagnes de travaux, études, enquêtes de terrain et autres qui démentaient point par point tous leurs faux arguments et mensonges sur les femmes voilées, « niqabistes » ou pas, lorsqu’il s’agissait de trouver des alibis aux premières lois contre les voiles islamiques.
Aucun doute que le petit clan bien soudé des faux « défenseurs de la laïcité » mais vrais « nouveaux réactionnaires » de droite comme de gauche à la Polony, Rioufol, Zemmour, Badinter et autres Finkielkraut continueront à réciter comme si de rien n’était leurs formules magiques et arguments bidons, en se faisant un point d’honneur d’ignorer superbement ces récentes études et toutes les autres.
Mais pour ceux qui font montre de plus d’esprit critique et s’intéressent aux avancées des connaissances humaines plutôt que de pratiquer le « GroupThink », la pensée conformiste de groupe à la Georges Orwell dans 1984, les preuves existent désormais que plus un gouvernement passe de lois contre les libertés religieuses, plus il expose les groupes visés a la violence sociale et physique.
A la lumière de ces dernières recherches, proposer encore plus de lois contre l’expression religieuse (lois qui en fait visent essentiellement des minorités à commencer par les musulmans) constitue désormais, plus qu’une preuve d’ignorance béate, une attitude véritablement irresponsable et dangereuse, et disons-le, criminelle vis-à-vis des personnes qui en souffriront immanquablement.
[1] En particulier, le jugement de mars 2013 de la Cour de Cassation invalidant comme contrevenant au droit français le licenciement de l’employée voilée Fatima Arif par la directrice de la crèche, mais aussi les multiples déclarations et entreprises législatives qui suivent ce jugement et visent toutes à interdire l’expression où même la simple visibilité des identités religieuses à l’université, dans les entreprises privées, etc.
[2] Voir l’excellente et concise présentation-diaporama des conclusions par le Dr. Brian J. Grim (en anglais): http://www.pewforum.org/2013/04/30/the-numbers-of-religious-freedom-brian-j-grim-at-tedxviadellaconcilizaione/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=the-numbers-of-religious-freedom-brian-j-grim-at-tedxviadellaconcilizaione.
[3] Comme Caroline Fourest ou Elisabeth Badinter, par exemple.
[4] Voir Charles Taylor, L'âge séculier , Paris: Seuil, 2011.
[5] Voir les nombreux documents disponibles sur le site du Pew Forum: http://www.pewforum.org/2012/09/20/rising-tide-of-restrictions-on-religion-findings/ La méthodologie de cette étude est présentée ici : http://www.pewforum.org/2012/09/20/rising-tide-of-restrictions-on-religion-methodology/
[6] Voir les Appendices 2 et 3 en documents PDF (marge de droite) : http://www.pewforum.org/2012/09/20/rising-tide-of-restrictions-on-religion-findings/
[7] Il est fondamental ici de rappeler que la laïcité, invoquée à chaque fois que l’on veut étendre cette neutralité à un nouvel espace ou un nouveau groupe, ne s’applique en fait aucunement à ces groupes puisque les lois de 1905 ne concernent que l’Etat et ses fonctionnaires, mais pas le secteur privé ou les usagers des services publics. Ces soi-disant champions de la laïcité ne la protègent donc aucunement—sinon il n’auraient pas à demander sans cesse de nouvelles lois répressives—mais au contraire, ils en bouleversent totalement les principes et équilibres, en trahissent le texte et en violent l’esprit en tentant d’imposer des principes (neutralité, etc.) qui dans la laïcité française et ses lois, ne regardent comme on l’a dit que l’Etat et ses agents.
[7] Il est fondamental ici de rappeler que la laïcité, invoquée à chaque fois que l’on veut étendre cette neutralité à un nouvel espace ou un nouveau groupe, ne s’applique en fait aucunement à ces groupes puisque les lois de 1905 ne concernent que l’Etat et ses fonctionnaires, mais pas le secteur privé ou les usagers des services publics. Ces soi-disant champions de la laïcité ne la protègent donc aucunement—sinon il n’auraient pas à demander sans cesse de nouvelles lois répressives—mais au contraire, ils en bouleversent totalement les principes et équilibres, en trahissent le texte et en violent l’esprit en tentant d’imposer des principes (neutralité, etc.) qui dans la laïcité française et ses lois, ne regardent comme on l’a dit que l’Etat et ses agents.
[8] Citons Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Jeannette Boughrab ou encore Elisabeth Badinter.
[9] Voir par exemple la récente déclaration de Manuel Valls du 7 février 2013 sur Europe 1 : « le voile qui interdit aux femmes d’être ce qu’elles sont [ ???] restera pour moi et doit rester pour la République un combat essentiel», offrant une fois de plus la preuve éclatante que notre propre Ministre de l’Intérieur ne connaît et ne comprend décidément rien ni à nos compatriotes musulmanes voilées, ni à la laïcité, ni à la République. On tremble à la pensée que cet individu qui ignore à l’évidence tout de ce et celles dont il parle et pour qui « femme voilée = femme soumise et opprimée » est une des têtes de notre Etat. D’ailleurs, sa dernière saillie assassine contre une autre de ses bêtes noires, les Roms, qui « ne veulent pas s’intégrer » et dont les « modes de vie » sont selon lui, tout comme les voiles, « incompatibles » avec la France, a reconfirmé si besoin était l’ignorance de ce personnage, son manque de connaissance des populations dont il a pourtant la charge, et sa paresse intellectuelle qui le font se satisfaire de clichés de café du commerce et de stéréotypes néo-coloniaux parmi les plus crasses. Monsieur Valls devrait faire lui-même un stage de citoyenneté pour apprendre les fondements « essentiels » de la République. Comme ces propos le montrent, il en a cruellement besoin.
Emission du 27/10/2013 "On n'est pas couché". Alain Finkelkraut invité pour présenter son dernier ouvrage: "L'identité malheureuse".