L’hostilité à l’égard des musulmans semble ne pas devoir cesser d’augmenter. Quelles sont les racines de cette Islamophobie galopante ? Pour tenter de mieux comprendre les sources de ce phénomène, nous avons rencontré le sociologue Raphaël Liogier, directeur de l'Observatoire du religieux auteur de l'ouvrage, « Le mythe de l'islamisation, essai sur une obsession collective » paru aux éditions du seuil en octobre 2012.
Après la première partie de la rencontre où il nous expliquait ce que recouvrait d’après lui le « sentiment » d’Islamisation, dans cette seconde partie, Raphaël Liogier recherche les causes de ce sentiment et évoque les solutions qui pourraient contribuer à faire reculer ce « Mythe de l’Islamisation ».
Après la première partie de la rencontre où il nous expliquait ce que recouvrait d’après lui le « sentiment » d’Islamisation, dans cette seconde partie, Raphaël Liogier recherche les causes de ce sentiment et évoque les solutions qui pourraient contribuer à faire reculer ce « Mythe de l’Islamisation ».
Raphaël Liogier est sociologue et philosophe. Professeur des universités, il est, depuis 2006, directeur de l'Observatoire du religieux (aujourd'hui fédéré au laboratoire unique de l'IEP d'Aix en Provence : le CHERPA).
Les Cahiers de l'Islam : Si l’ « islamisation » est un mythe, comment est-elle arrivée à s’installer dans le discours politico-médiatique ? Et comment expliquer qu’une partie de la population reste réceptive à ce mythe des temps modernes ?
Raphaël Liogier : D’une part nous avons cette visibilité dont nous venons de parler. D’autre part, de façon factuelle, sans préjuger de ses sources, il existe un terrorisme qui se revendique de l’Islam. Mais il convient de souligner que dans les deux cas, il ne s’agit pas « d’Islamisation ». De fait, contrairement à ce que nous pouvons entendre dans certains médias, ce qui s'est passé au Mali ne peut, en aucun cas, être assimilé à de « l’Islamisation », dans la mesure où tous les partis en présence sont musulmans. Finalement, à vouloir imposer le mythe de l’Islamisation, on pourrait en venir à conforter la minorité de musulmans prônant une Islamisation. Dans le même temps, une troisième source vient de ce que l’on considère le plus souvent que toute interprétation du Coran, ne peut être que littéraliste ou fondamentaliste. Or, curieusement, il ne viendrait jamais à l’idée de personne de dire que les docteurs ou les pratiquants de la religion juive interprètent littéralement les nombreux passages violents figurants dans la Bible hébraïque. En effet, si tel devait être le cas, la religion juive ne pourrait pas être considérée comme compatible avec la laïcité. C’est pourquoi, en tant que chercheur, je m’interroge sur les raisons aboutissant à cette vision du Musulman et de l’Islam. On me répond le plus souvent que c’est à cause du terrorisme. Sauf que si vous interrogez les Musulmans, pour 95% d’entre eux, ils ne se reconnaissent pas dans le fondamentalisme ou dans le terrorisme. Nous constatons même l’opposé. C’est ainsi que nous assistons par exemple à la naissance de mouvements féministes. A l’évidence, aveuglé par le mythe de l’Islamisation nous refusons de voire les évolutions actuelles.
C’est pourquoi ma question centrale finie par être, qu’au-delà des faits, qu’au-delà de cette obsession, car il s’agit d’une obsession si l’on observe que l’Islam est la religion au monde qui fait le plus l’objet d’une comptabilité incessante (on compte les minarets, le nombre de mosquées, les musulmans) : comment en sommes-nous arrivé là ?
En dehors des phénomènes de visibilité accrue des musulmans, ou de ce que l’on pourrait qualifier de renouveau ou encore en tenant compte de ce que les phénomènes de violences fréquemment évoqués dans les banlieues ne sont pas produit par l’Islam20 mais au contraire le plus souvent « régulés » par l’Islam, nous pouvons retrouver une frange de la jeunesse, souvent d’origine maghrébine mais pas nécessairement musulmane, qui vit ce mythe de l’Islamisation de façon « positive » et qui fait de l’Islam une identité pour partir en « croisade ».
Ce point avait déjà été souligné dans les années 90 par Khosrokhavar qui avait appelé ce phénomène « l’islamisme sans Islam ». Mohamed Merah me semble en être un exemple typique. Un individu avec un parcours à première vue chaotique, sans lien avec l’Islam et qui finalement s’est retrouvé lié à l’Islam dans la seule mesure où cela semblait être devenu pour lui l’identité de la dernière chance, faisant ainsi « exploser » sa vie au sens propre.
A côté de la différence entre la réalité et cette fiction qu’est le mythe de l’Islamisation, fiction qui se nourrie de phénomène réels comme « les cités », « le terrorisme », « les guerres au niveau international », comment en est-on arrivé, le peuple, mais aussi bien la classe politique, à vivre dans ce mythe ?
Comment quelqu’un comme Michèle Tribala 21, que je respecte, démographe, directrice de recherche à l’INED, sérieuse dans son travail, et qui, dans la mesure où elle l’avait auparavant clairement indiqué dans les années 2000, sait pertinemment qu’il n’y a pas de réelle pression démographique, peut en venir à accréditer le contraire en préfaçant l’ouvrage journalistique de Caldwell22 et à affirmer que ce qui compte ce n’est pas l’aspect quantitatif mais « l’intention d’Islamisation» qu’auraient les Musulmans. C’est ainsi que dans le journal le Monde 23, elle a pu dire « Les musulmans ne sont certes pas en progression démographiques, mais en revanche, ils sont concentrés dans des espaces sociaux particuliers (les quartiers populaires), en conséquence de quoi cela accroit leur capacité de mobilisation »24. De mon point de vue, cela est à la fois très grave d’affirmer une telle chose et très intéressant à analyser d’un point de vue psychologique. Pour Michèle Tribala, ce qui au départ constitue une faiblesse, dans la mesure où nous parlons ici des quartiers les plus pauvres, les moins salubres, où les services sociaux sont les moins présents, va devenir non seulement une force, mais aussi un choix. Ils choisiraient de vivre dans ces quartiers parce qu’ils savent qu’ils sont entre eux et qu’ils peuvent donc se « mobiliser ». Or l’emploi du terme « mobiliser » n’est pas anodin, dans le sens où il s’agit d’un terme militaire. Ces personnes se mobiliseraient donc à la périphérie pour attaquer la « culture du centre ». Cela prouve que même des scientifiques peuvent adhérer à cette logique, quel que soit l’argumentation que l’on utilise. Répliquer que faute de ressources, les musulmans les moins aisés s’établissent dans les quartiers les moins chers, qu’ils prient dans la rue faute de mosquées – il n’y en a que 1990 en France et seules 23 ont un minaret –, qu’ils ne refusent pas de s’intégrer mais qu’en face, on fait tout pour les tenir en marge, ne sert à rien. Ces objections seraient d’emblée récusées.
Or, il me semble que nous sommes fondés à penser que le système de la laïcité va finir par « s’emballer » dans cette même logique. C’est ce que j’ai montré dans mon article du 28 mars 2013 publié dans le Monde 25 au sujet de l’affaire de la « crèche Babylou » en m’étonnant de la position et plus encore de l’intervention au parlement du ministre de l’intérieur au sujet du jugement de la cour de cassation et en déplorant le fait que l’on puisse avoir le projet de faire une loi pour contrer le jugement de la cour de cassation.
Que s’est-il donc passé depuis 2003 ? Nous pouvons nous rendre compte, qu’à cette époque, une nouvelle expression a été inaugurée par François Baroin dans son rapport de 200326 : l’expression de « nouvelle laïcité ».
D’après ce rapport, la laïcité se trouverait en contradiction avec les droits de l’homme et il serait donc nécessaire de pouvoir choisir « sa » laïcité. Cette affirmation pourrait sembler ridicule dans la mesure où la laïcité est justement un produit des droits de l’homme. Elle n’est ni plus ni moins que la liberté de conscience et d’expression appliquées à la liberté d’expression du Culte. C’est pourquoi nous pouvons légitimement nous poser la question de savoir ce qu’a voulu signifier François Baroin. Conscient de ce problème, de cette étrangeté, ce dernier indiquait donc dans son rapport qu’il s’agissait d’une « nouvelle laïcité ». Or, ses propositions se mettront en place dès la fin de 2004 avec la loi sur l’interdiction des signes ostentatoires au sein de l’école publique27. Sous couvert de cette interdiction, il interdit surtout le port du simple voile, avec comme justification, qui m’a été donnée en personne par Bernard Stasi à l’époque: « c’est seulement pour empêcher éventuellement, comme ce sont des mineurs qui sont en cause, qu’il y ait une pression de l’environnement, ou des parents, voire des grands frères ». La pression fut la seule justification qui m’ait été donnée. Je dis : « dont acte ! », même si j’ai trouvé l’argument spécieux. Toutefois, s’il s’agit de la réelle justification, comment expliquer qu’en 2009, alors que l’ensemble des musulmans ont respecté cette loi, ce qui est d’ailleurs vu par la classe politique comme un succès28 et prouvant que la grande majorité des Musulmans étaient des bons citoyens contrairement à ce que l’on croyait, nous n’ayons pas tenu compte de ces éléments pour légiférer sur le Niqab. Car en effet, dans ce cas précis, outre le faible nombre des femmes concernées par la loi, il ne s’agit à l’évidence pas de mineures. De plus, d’après les études menées elles sont consentantes et il s’agit même pour elles un moyen d’affirmer leurs convictions. Quelle fut la justification trouvée lorsque l’on s’aperçu que c’était plutôt volontaire ? On argumenta qu’il s’agissait de problèmes d’identification, de sécurité. Une fois encore, je trouve l’argument spécieux et je ne suis pas d’accord avec la loi dans la mesure où pour moi il s’agit d’une loi liberticide (personne ne devrait dicter la tenue vestimentaire des individus), mais je dis encore : « dont acte ! ».
Mais alors, quelle justification pour interdire en entreprise le simple foulard à des jeunes femmes, (qui ne sont pas mineures et dont nous voyons le visage), espace privé, pour des adultes, et ou finalement, à priori, il n’y a pas de problème d’identification ? Quelle serait la justification pour interdire à des femmes le port du voile dans un espace non plus seulement privé, mais cette fois-ci intime, leur foyer ? A mon sens, nous ne sommes plus ici dans une laïcité « stricte », mais tout simplement dans une laïcité « en situation de guerre ». C’est-à-dire que depuis 2003, nous serions en situation de « guerre civilisationnelle », ce qui expliquerait pourquoi l’état se permettrait de légiférer rapidement, bafouant les droits les plus élémentaires des citoyens. C’est pour moi le seul moyen d’expliquer que l’on vote des lois qui me semble en totale contradiction avec cette laïcité stricte que l’on souhaite imposer en France. En ce qui me concerne, étendre la laïcité au domaine intime, n’a aucun sens, puisque justement la laïcité est sensée garantir la liberté de l’intimité. Il s’agit au contraire d’une restriction de la laïcité proposée dans la loi de 1905 29.
Pourquoi en sommes-nous arrivé là?... En 2003 sont nées simultanément toutes les organisations « anti-islamisation » (Bloc Identitaire, Riposte laïque, Observatoire de l’Islamisation) et l’idée d’une nouvelle laïcité (dans le Rapport Baroin). Au même moment, quand les Américains ont décidé d’intervenir en Irak sans elle, l’Europe a aussi perdu son statut de conscience morale de l’humanité. Une crise d’identité profonde s’en est suivie. Une crise symbolique profonde qui se manifeste par une « blessure narcissique » et l’émergence des grands débats nationaux sur « l’identité nationale » et la montée concomitante d’un populisme antimusulman. Les européens ont désormais le sentiment qu’ils ne sont plus au centre du monde, que les américains regardent du côté de la Chine, de l’Inde, du Brésil. L’Europe, n’est plus « la référence mondiale », elle « est nostalgique de sa gloire passée ». C’est pourquoi, les européens deviennent anticapitalistes, « anti-mondialisation » et qu’ils ressentent comme un sentiment d’impuissance face à la marche de l’histoire. Ce faisant, ils se mettent à rechercher un coupable à leur maux. Le plus facile restant de chercher un coupable « intérieur », en l’occurrence le musulman. Il se trouve que le musulman est parmi nous, qu’il est de plus en plus visible, qu’il y a des terroristes musulmans, et que l’on peut parfois considérer qu’il y a un « retard de modernité » sur certains points dans l’application de l’Islam ainsi que des formes d’intolérances réelles (même si elles sont loin de concerner la grande majorité des musulmans). Tout cela suffit pour accréditer l’idée d’Islamisation, l’idée que notre identité est remise en cause. « Le mythe de l’islamisation redonne un sens aux choses. Le paranoïaque antimusulman a besoin du musulman parce qu’il lui redonne une cause, une raison de lutter ».
Les Cahiers de l'Islam : Finalement ne pourrait–on pas à venir à dresser un parallèle entre la situation actuelle et celle des années 30 ?
Raphaël Liogier : Effectivement, c’est un peu comme dans l’Allemagne des années 30 ou la machine nazie s’était focalisée sur les juifs, tout en s’en prenant simultanément aux tziganes, aux communistes et même aux handicapés. De nos jours le processus a été entamé avec une attention portée sur l’Islam, et se manifeste désormais avec d’autres classes d’individus comme les Roms par exemple. Ce qui diffère à mon sens, c’est qu’aujourd’hui nous sommes dans le cas de figure d’un populisme « éligible ». Or ce n’était pas le cas dans les années 30. A l’époque, nous étions face à une forme de populisme fondé sur une idéologie forte qui ne lui permettait de prendre le pouvoir qu’à l’aide d'un régime totalitaire. Par ailleurs, l’Europe était encore le « centre du monde ». Ces deux éléments conjugués semblent indiquer que l’Europe avait encore assez de puissance pour mettre en place une entreprise comme la « solution finale », ce qui parait peu envisageable de nos jours. Aujourd’hui, l’Europe me semble plus proche de « l’auto-liquidation », en mettant en scène à travers l’Islamisation son propre déclin, finissant ainsi par l’accélérer. Même si par ailleurs, nous pouvons nous inquiéter de ce que pourrait donner une alliance populiste entre les progressistes et les traditionnalistes, alliance contre nature mais fonctionnant sur le dos de l’Islam. Nous en avons déjà quelques exemples. Notamment au travers de certains programmes politiques (cf le titre 3 de la charte de la droite forte 30) entièrement focalisés sur l’Islam ou au travers de nouvelles procédures administratives destinées à compliquer la construction de nouvelles mosquées. Alors bien que les églises évangéliques soient très « dynamiques » dans leur prosélytisme, ce type de loi ne vise pas la construction des temples protestants. Nous sommes donc bien dans l’idée de la mise en place de lois spéciales, proches de ce que l’on a pu connaitre sous le régime de Vichy. C’est ainsi que dans le titre trois de la charte, il est prévu de faire signer aux musulmans (plus exactement à leurs représentants) un texte stipulant qu’ils reconnaissent l’égalité des genres. Pour autant, on pourrait faire remarquer que la polygamie n’est certainement pas valorisée dans le Coran, contrairement à ce que l’on peut lire dans certains passages de l’ancien testament. Pourquoi, dans ce cas faire de telles différences d’interprétation et finalement de traitement.
Un autre point commun avec les années 30 est que la montée des totalitarismes, coïncida avec la recherche de leur identité par des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, qui étaient nouvellement constitués (au cours du XIXème siècle). Or, il me semble que nous sommes dans la même configuration en ce qui concerne l’Europe, actuellement en construction. A l’identique, l’Europe est multiple, elle ne possède pas d’identité, se pose des questions sur cette même identité et peine à se fédérer. La seule chose dont l’Europe semble certaine, c’est qu’elle a entamé son déclin et qu’elle n’est pas Musulmane. Elle se définirait donc en creux.
Les Cahiers de l'Islam : Enfin pour finir, selon vous, quelles sont les solutions qui pourraient contribuer à faire reculer ce « Mythe de l’Islamisation » ?
Raphaël Liogier : Finalement, peut-on mettre fin à ce phénomène ? Bonne question mais question complexe. Celle-ci, me semble revêtir deux aspects : Quelle(s) solution(s) trouver à court terme et comment endiguer le problème de fond ?
A court terme, à mon avis, il faudrait faire en sorte que les musulmans soient les plus visibles possibles dans leur diversité. En effet, actuellement ce n’est plus les musulmans « réels » qui sont perçus par l’autre, mais une image déformée. Ils sont systématiquement vus comme des terroristes potentiels. En accentuant la visibilité dans la multiplicité (féminisme musulman, néo soufis, musulmanes non voilées, salafistes qui se fondent dans l’« hyper modernité » ou même homosexuels musulmans), il serait peut être possible de passer outre cette image, de « rendre » normal le musulman, de montrer une image plus rassurante, plus positive. Celle-ci pourrait ensuite être relayée par les médias. Une image du type « la petite mosquée dans la prairie » ou les musulmans sont « anormalement normaux » avec leurs querelles, ce qui tranche avec l’image du terroriste véhiculée habituellement, ou encore de l’image du musulman voulant conquérir l’Europe. En réalité, le Musulman se moque de conquérir l’Europe, il souhaite simplement vivre une vie normale. C’est pourquoi j’ai soutenu31 un mouvement comme la « Muslim Pride »32 . Ce qui me fut d’ailleurs reproché.
Concernant le long terme, c’est plus compliqué. Il s’agit en réalité d’un problème lié au regard que l’Europe porte sur elle-même. Il faudrait donc réussir à faire en sorte que l’Europe porte un regard positif sur elle-même. Il est devenu évident que l’Europe n’est plus le centre du monde. Elle a le sentiment de s’être fait spoliée de sa modernité. En réalité, d’une certaine façon, la modernité européenne s’est finalement imposée au monde, faisant de l’Europe un endroit comme les autres. L’Europe est donc victime de son succès. Il faudrait que l’Europe arrive à se recomposer une identité positive en abandonnant son rapport paranoïaque à l’autre et ses prétentions, telle que l’exception culturelle défendue par la France. En abandonnant l’idée d’être le centre du monde, nous pouvons penser que l’Europe acceptera de participer à la mondialisation (qui fait peur à 80% de la population) et finira ainsi par se « raconter » de façon positive. Les européens parviendrons peut être ainsi à reprendre confiance en eux et à cesser d’avoir peur de l’autre, d’autant plus peur, que l’autre semble sûr de lui lorsqu’il est porté par sa Foi. Ce qui d’ailleurs, laisse à penser que les musulmans peuvent justement aider à définir une identité européenne positive.
Raphaël Liogier : Finalement, peut-on mettre fin à ce phénomène ? Bonne question mais question complexe. Celle-ci, me semble revêtir deux aspects : Quelle(s) solution(s) trouver à court terme et comment endiguer le problème de fond ?
A court terme, à mon avis, il faudrait faire en sorte que les musulmans soient les plus visibles possibles dans leur diversité. En effet, actuellement ce n’est plus les musulmans « réels » qui sont perçus par l’autre, mais une image déformée. Ils sont systématiquement vus comme des terroristes potentiels. En accentuant la visibilité dans la multiplicité (féminisme musulman, néo soufis, musulmanes non voilées, salafistes qui se fondent dans l’« hyper modernité » ou même homosexuels musulmans), il serait peut être possible de passer outre cette image, de « rendre » normal le musulman, de montrer une image plus rassurante, plus positive. Celle-ci pourrait ensuite être relayée par les médias. Une image du type « la petite mosquée dans la prairie » ou les musulmans sont « anormalement normaux » avec leurs querelles, ce qui tranche avec l’image du terroriste véhiculée habituellement, ou encore de l’image du musulman voulant conquérir l’Europe. En réalité, le Musulman se moque de conquérir l’Europe, il souhaite simplement vivre une vie normale. C’est pourquoi j’ai soutenu31 un mouvement comme la « Muslim Pride »32 . Ce qui me fut d’ailleurs reproché.
Concernant le long terme, c’est plus compliqué. Il s’agit en réalité d’un problème lié au regard que l’Europe porte sur elle-même. Il faudrait donc réussir à faire en sorte que l’Europe porte un regard positif sur elle-même. Il est devenu évident que l’Europe n’est plus le centre du monde. Elle a le sentiment de s’être fait spoliée de sa modernité. En réalité, d’une certaine façon, la modernité européenne s’est finalement imposée au monde, faisant de l’Europe un endroit comme les autres. L’Europe est donc victime de son succès. Il faudrait que l’Europe arrive à se recomposer une identité positive en abandonnant son rapport paranoïaque à l’autre et ses prétentions, telle que l’exception culturelle défendue par la France. En abandonnant l’idée d’être le centre du monde, nous pouvons penser que l’Europe acceptera de participer à la mondialisation (qui fait peur à 80% de la population) et finira ainsi par se « raconter » de façon positive. Les européens parviendrons peut être ainsi à reprendre confiance en eux et à cesser d’avoir peur de l’autre, d’autant plus peur, que l’autre semble sûr de lui lorsqu’il est porté par sa Foi. Ce qui d’ailleurs, laisse à penser que les musulmans peuvent justement aider à définir une identité européenne positive.
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20 Contrairement à ce qu’affirme le chroniqueur Eric Zemmour
24 « Ajoutons à cela que les musulmans sont très concentrés dans les grandes agglomérations, ce qui accroît leur visibilité et leur capacité de mobilisation : en 2008, plus des deux tiers résident dans les agglomérations urbaines de 200 000 habitants ou plus, contre 39 % pour les personnes d'une autre confession ou qui n'en n'ont pas. L'islam est la première religion de Seine-Saint-Denis. »
26 Rapport commandé parJean-Pierre Rafarin.
27 http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do;jsessionid=CA38C252E2D93B2D6082BFDD504D4C89.tpdjo14v_2?idDocument=JORFDOLE000022234691&type=general
28 à mon avis à tort si l’on prend en compte la frustration qu’à du générer cette loi.