Dimanche 18 Aout 2013

Statut juridique et sociologique de la femme en Islam (Première partie)



 "Le sort actuel de la femme musulmane, bien qu'il varie d'un pays à l'autre, particulièrement en fonction des écoles juridiques qui y sont reconnues et dont les règles sont appliquées, est resté dans l'ensemble précaire, non à cause du Coran et de l'enseignement du Prophète, mais à cause d'une élaboration juridique qui a fixé de façon immuable des conceptions et des coutumes d'une époque révolue."

Loin des clichés actuels, c'est l'une des conclusion à laquelle, dans cette étude parue en 1977 dans les Cahiers de civilisation médiévale (1), Roger Arnaldez philosophe des religions et linguiste parvint, aprés avoir tenté de dresser un panorama du statut de la femme en Islam.
Nous proposons ici la première partie de cette étude. 

Sur ce sujet, en particulier, le lecteur intéressé pourra aussi se reporter au dernier ouvrage publié par les éditions Les cahiers de L'Islam " Le souffle féminin du message coranique " de Thérèse Benjelloun.


Toute la vie spirituelle et temporelle des croyants dans la société musulmane repose sur le Coran qui est conçu comme la Révélation d'une Loi divine, le shar'. Néanmoins le Livre révélé n'est pas un code, même religieux; il est beaucoup plus que cela, mais, juridiquement parlant, il est beaucoup moins. Il est loin en effet de donner un corpus cohérent et complet de lois qui pourraient régir l'ensemble de la vie personnelle et sociale des hommes dans toute sa complexité.
C'est dans les questions relatives au statut personnel que les versets coraniques sont les plus nombreux et les plus précis. Néanmoins, ils ne suffisent pas à constituer une législation, une sharî’a, suffisante. Ils doivent être complétés par d'autres sources, textuelles ou non.

La plus importante de ces autres sources est celle que forment des traditions recueillies et réunies en volumes : les hadîth, qui rapportent une parole, une action voire un silence du Prophète, ainsi que les propos et les conduites de ses compagnons, des « suivants » de ses compagnons, ou des « suivants des suivants », considérés comme témoins crédibles de l'enseignement oral de Muhammad. Les traités de droit et de jurisprudence sont faits essentiellement à partir de ces hadîth. Il est admis que le Coran donne souvent des prescriptions « en bloc » ('alâ’l-ijmâl), tandis que les traditions les expliquent en les détaillant (‘alâ'l-tafsîl). Le hadîth est par suite une explicitation (bayân) du Coran. Jusqu'ici, on n'a affaire qu'à des textes (nuṣûṣ). Mais certaines écoles de jurisprudence ont admis des sources rationnelles, surtout le raisonnement analogique (qiyâs) ou l'opinion personnelle (ra'y), afin de permettre d'étendre les règles coraniques et prophétiques au-delà des textes dont la portée, trop limitée, ne répond pas toujours, loin de là, aux besoins et aux questions d'une société à telle ou telle époque de son histoire. Enfin, une dernière source importante, quoique difficile à définir et à utiliser, est le consensus (ijmâ’) de la communauté des musulmans (ou du moins des grands docteurs d'une époque). Selon le recours à telle ou telle de ces sources, selon que l'une est admise à l'exclusion d'une autre, ou au contraire qu'on les utilise toutes, selon qu'on reçoit comme authentique un hadîth, ou qu'on le rejette comme faible ou forgé, il se constitue différentes écoles de jurisprudence qui se distinguent en particulier les unes des autres par leur plus ou moins grande rigueur, une même école pouvant être d'ailleurs plus rigoureuse et plus sévère sur une question de droit, alors qu'elle sera plus large et plus laxiste sur une autre. Par suite, le sort de la femme variera selon qu'on se trouve dans un pays du monde musulman régi par le mâlékisme, le shâffisme, le hanéfîsme ou le hanbalisme.

Il reste que le statut juridique de la femme en Islam est fondamentalement défini par le Coran. Nous l'étudierons donc d'abord au niveau même de la Révélation, tout en nous référant aux commentaires coraniques dont l'orientation est souvent instructive. Puis nous dirons quelques mots des résultats de l'activité des juristes, en rapport avec les conditions de leur milieu social et avec l'histoire.

Du point de vue strictement religieux, il y a, selon le Coran, une parfaite égalité entre les croyants et les croyantes. Il est écrit (9, 71-72) : « Les croyants et les croyantes sont amis les uns des autres. Ils commandent le bien et interdisent le mal. Ils accomplissent la prière et donnent l'aumône. Ils obéissent à Dieu et à son Envoyé. » On voit donc que, sur ce plan, il n'y a pas de différence entre les hommes et les femmes. Un autre verset (33, 35) est frappant : « Les musulmans et les musulmanes, les croyants et les croyantes, ceux et celles qui prient avec ferveur, ceux et celles qui sont véridiques, ceux et celles qui craignent Dieu, ceux et celles qui supportent avec patience, ceux et celles qui font acte d'humilité, ceux et celles qui font l'aumône, ceux et celles qui jeûnent, ceux et celles qui gardent leur chasteté, ceux et celles qui se souviennent fréquemment de Dieu, Dieu leur a préparé un pardon et une énorme rétribution. » On voit que les femmes ne sont pas oubliées. En outre ce passage vient à la suite des versets (33, 30-34) où il est question des femmes du Prophète. Les commentateurs ne peuvent évidemment pas passer ce fait sous silence. Mais tout de suite après, ils n'expliquent plus le texte qu'en employant les mots masculins, en dépit de l'insistance avec laquelle le Livre les double tous d'un mot féminin correspondant. On pourra dire que le masculin mu'min peut désigner collectivement les croyants et les croyantes. Mais quand on pense avec quel soin les commentateurs soulignent chaque terme coranique, cette omission systématique du mot féminin est très symptomatique et révèle une tendance qui n'a cessé de s'accentuer après la mort du Prophète, celle d'atténuer, parfois même de déformer ou de passer sous silence tout ce que la Parole de Dieu prescrit en faveur de la femme. Quoi qu'il en soit, le Coran, en de nombreux versets (douze exactement), cite les croyantes à côté des croyants : les uns et les autres ont les mêmes devoirs; ils reçoivent les mêmes promesses et les mêmes menaces. Sans doute est-il question, dans ces textes, des obligations strictement religieuses, et il va de soi que l'égalité sur ce point est loin de recouvrir toutes les autres formes d'égalité que l'on peut exiger dans l'ensemble de la vie sociale. Mais n'oublions pas qu'en Islam, la Loi religieuse régit toutes les activités de la vie, si bien qu'en droit, l'égalité sur le plan de la vie religieuse devrait entraîner l'égalité sur tous les autres plans, à l'exception des seuls cas à propos desquels Dieu lui-même introduit une différence.

Le Prophète, quant à lui, aimait les femmes. Selon un hadîth, il déclare que trois choses en ce monde lui avaient été rendues dignes d'amour : les femmes, les parfums et l'oraison. Au moment de l'hégire, un certain nombre de femmes, quittant leurs maris hostiles à la prédication de Muhammad, avaient émigré avec lui à Médine. Dans les récits traditionnels, il est très souvent question de femmes qui viennent poser au Prophète des questions, parfois toutes personnelles et même d'ordre intime. L'Envoyé de Dieu les accueille avec bonté, les écoute avec patience, les rassure et les conseille. Cette « petite histoire » dans la vie du Prophète a parfois des traits touchants. C'est ainsi qu'il dit un jour : « Si j'entends un enfant pleurer, j'accélère la prière, car je sais combien une mère souffre quand elle entend pleurer son enfant. » Donc les femmes assistaient à la prière avec leurs petits enfants. En effet, selon une tradition, il ne faut pas leur interdire l'accès des mosquées. Si elles y sont groupées à part des hommes, il faut noter que cette séparation se pratique aussi dans les synagogues et dans les églises d'Orient.

Le Coran et le Prophète ont un souci constant de douceur à l'égard des femmes et réclament pour elles la justice, en réaction certaine contre les coutumes de l'Arabie antéislamique, de cette époque appelée «temps de l'Ignorance » (Jâhiliyya). La famille était alors patrilinéaire et reposait entièrement sur les parents par les hommes, les 'asaba. Ce système n'a pas été aboli par la Révélation islamique, mais il a été profondément corrigé dans ses conséquences. Cette réforme est particulièrement nette dans le droit des successions. La femme a désormais une vocation successorale, et les parents par les femmes peuvent hériter. La dot a également été profondément modifiée. C'est à la femme qu'il épouse que l'homme doit donner le douaire (ṣaduqa, mahr) et non aux parents qui ne peuvent plus être soupçonnés de vouloir vendre leur fille. Il est écrit  : « Remettez aux femmes leurs douaires (aduqâl) nilalan. » (4, 4). Que signifie le mot niḥla ? D'une façon générale, c'est un don. Le sens serait alors : « Remettez aux femmes leurs douaires comme don. » Les commentateurs insistent sur l'idée d'un présent fait par bonté d'âme ‘aṭiyya 'an ṭîb al-nafs), c'est-à-dire de façon purement gratuite, et sans contestation (min ghayri tanâzu’). Certains vont jusqu'à dire que c'est un don qui vient de Dieu et qu'il fait à la femme (‘aṭiyya min Allah li’l-mar'a), c'est-à-dire que l'homme qui l'offre est, dans cet acte, profondément en union avec le Seigneur, avec Sa volonté.

D'autres entendent niḥla dans le sens de prescription obligatoire (farîḍa wâjiba) : le présent appelé niḥla, disent-ils, doit toujours être défini et connu, ce qui est le cas de la dot. Mais ce mot signifie aussi la pratique religieuse ou l'attachement à la religion (diyâna). Il s'agirait donc de remettre aux femmes leurs douaires dans un esprit religieux (nilalan = tadayyunan).

Ces divers sens ne sont pas incompatibles. Le contrat de mariage n'est pas un contrat de vente, et le montant de la dot n'est en aucun sens un prix d'achat. C'est un don gracieux qui ne résulte pas d'un marchandage. Néanmoins, comme le mariage est un contrat, la dot en est une condition obligatoire et doit être stipulée de façon précise. Dans son Commentaire, Qurṭubî souligne bien que le mot niḥla est destiné à marquer la profonde différence entre la pratique de l'Islam et celle de l'antéislam. « Cela est fort bien dit », écrit-il, « étant donné que ce discours s'adresse aux tuteurs qui, aux temps de la Jâhiliyya, prenaient la dot pour eux-mêmes. C'est ainsi qu'une femme disait à propos de son mari : — II ne tire pas de nos filles le don d'un présent (ulwân) —, c'est-à-dire qu'il ne faisait pas ce que faisaient les autres. ». Le mot ḥulwân vient du verbe ḥalâ dont il est le nom d'action, et qui signifie « marier (sa fille ou sa soeur) en exigeant la dot pour soi-même ».

De même encore, le Coran, sans supprimer la polygamie, la réglemente et la limite à quatre épouses simultanées. Mais surtout, il exige du mari une stricte justice à l'égard de ses femmes. Il est écrit (4, 3) : « Épousez les femmes qui vous conviennent, par deux, par trois ou par quatre; mais si vous craignez de ne pas être justes, alors une seule. » Cette justice repose sur l'égalité de comportement du mari à l'égard de toutes ses femmes en ce qui concerne, disent les commentateurs, l'inclination sentimentale (mayl), l'amour (maḥabba), l'union sexuelle (jimâ’), les plaisirs de la vie commune (‘ishra), le partage des nuits (qasm). Or cette exigence semble bien excéder les possibilités humaines. Dieu dit (4, 129) : « II ne vous sera pas possible de maintenir l'équité entre vos femmes, même si vous le désirez. Ne vous laissez donc pas emporter entièrement par votre inclination. Si vous établissez la concorde et si vous êtes pieux, alors Dieu est pardonneur et miséricordieux. » Les commentateurs voient là une sorte de compromis. La justice parfaite est impossible parce qu'on ne commande pas à la nature, à l'amour et à la joie qui vient du coeur. Que l'homme, au moins, soit équitable dans le partage des nuits et l'entretien de ses femmes (nafaqa), car cela, il le peut. On sait que c'est en s'appuyant sur ces versets que Bourguiba a interdit la polygamie en Tunisie. Il n'a fait d'ailleurs que reprendre des réflexions auxquelles s'étaient déjà livrés un certain nombre de shaykh, particulièrement en Egypte.

Le Coran fait allusion à des difficultés que Muhammad rencontra à cause de ses femmes et de leurs bavardages : « Et quand le Prophète eut confié un secret à l'une de ses femmes et qu'elle l'eut raconté... » (66, 3). On discute sur ce secret sans savoir exactement de quoi il s'agit. Le souvenir de ces démêlés intimes explique peut-être le hadîth dans lequel l'Envoyé de Dieu dit qu'il vit en songe l'enfer rempli de femmes. Il ne faut semble-t-il pas prendre ce rêve au tragique. Néanmoins il est certain qu'on relève dans le Livre révélé quelques versets très sévères à l'encontre des femmes. Il y est par exemple question de la fidélité des femmes ; « Quant à celles de vos femmes qui se livrent à la turpitude (al-fâḥisha), faites témoigner contre elles quatre d'entre vous. S'ils portent témoignage, retenez ces femmes dans vos demeures jusqu'à ce que la mort les rappelle ou que Dieu leur offre une voie » (4, 15). Les commentateurs expliquent qu'après avoir rappelé aux hommes leur devoir d'iḥsân envers leurs épouses, c'est-à-dire le devoir de les bien traiter, Dieu attire l'attention des femmes sur la dure condition (taghlîẓ) à laquelle elles sont soumises quand elles se livrent à la turpitude, c'est-à-dire à la fornication (zinâ). Cela, afin qu'elles ne s'imaginent pas qu'elles peuvent laisser de côté la retenue (ta'affuf) et ses exigences. Ainsi les commentateurs musulmans, devant les avantages que le Coran reconnaît à la femme, ont l'impression qu'elles risquent de se croire tout permis. C'est pourquoi ils estiment que la sévérité de ce verset est destinée à les rappeler à la modération et au sens de leurs devoirs. Le châtiment, fixé par Dieu, consiste à les garder prisonnières à la maison. Mais il a paru trop doux aux docteurs. Aussi a-t-on pensé que cette punition était celle qui avait été prescrite au début de l'Islam comme peine légale (ḥadd). Puis ce verset aurait été abrogé et remplacé par un autre qui imposait un châtiment plus rigoureux. Certains sont d'avis que les termes du verset instituent une peine de claustration à la maison, en attendant la révélation d'une autre punition dont le dernier membre du texte constitue la « promesse ». Cette révélation postérieure est faite dans le verset 24, 2 : « Celui et celle qui commettent la fornication, punissez-les de la flagellation : à chacun cent coups de fouet. » Ici, notons-le bien, le châtiment est prévu pour l'homme comme pour la femme. On trouve dans certains commentaires que l'augmentation de la débauche dans la jeune société musulmane serait la cause de cette nouvelle fixation du ḥadd (peine légale). Mais de plus, en s'appuyant sur un hadîth du Prophète, les docteurs ont ajouté à la flagellation, la lapidation, probablement par un emprunt à la Loi juive. Mais la lapidation n'est pas coranique. Quoi qu'il en soit d'ailleurs, elle doit, comme la flagellation, s'appliquer aux deux sexes Elle s'introduit dans les commentaires de 24, 2 de la façon suivante : le sens général de zinâ (dans le verset il est question de celui et de celle qui commettent la fornication : al-zânî et al-zâniya) se rapporte à la relation sexuelle d'un homme et d'une femme en dehors du mariage, avec consentement de la femme. Ou encore, c'est l'introduction de l'organe mâle dans l'organe femelle, en vertu d'un désir de la nature, mais en contravention avec la Loi divine. On a alors interprété ce verset comme concernant la fornication d'un homme non marié avec une femme non mariée. Les textes disent même : un homme et une femme vierges. S'ils sont libres, ils sont punis de cent coup de fouets. S'ils sont esclaves, de cinquante seulement. Cela étant, on fait intervenir la lapidation, qui n'est pas dans le texte du verset, mais qui est donnée par le hadîth, comme punition de l'adultère proprement dit qui concerne l'homme marié et la femme mariée (muhsân et muhsâna). Les commentateurs ajoutent que Dieu aurait pu parler des fornicateurs et des adultères en employant le masculin pour désigner à la fois les hommes et les femmes. S'il a utilisé le masculin et le féminin, c'est pour bien spécifier que la faute est celle de la femme autant que celle de l'homme. Dans l'acte sexuel en effet, l'homme étant actif et la femme passive, on aurait pu penser que c'est l'homme seul qui est fornicateur, puisque c'est à lui seul que s'applique le nom d'agent al-wâṭi’, terme qui signifie exactement « celui qui monte ». Mais en réalité la femme est également coupable dans la mesure où elle consent.

Quoi qu'il en soit de ce verset (24, 2), si on s'en tient au verset 4, 15, qui ne concerne que les femmes, on peut remarquer avec R. Blachère que l'interprétation des exégètes est forcée. Car il n'est point douteux, dit-il, que le présent verset donne à la fornicatrice la possibilité de se racheter; c'est le sens qu'il faut donner à la fin du verset : « ou que Dieu leur offre une voie », entendons une issue par le repentir. Mais exégètes et juristes considèrent que ce verset a été abrogé, justement par 24, 2. Ce point de vue de R. Blachère paraît vrai. Il met en relief cette tendance que nous avons déjà signalée chez les commentateurs et juristes, celle qui les pousse à durcir tout ce qui leur paraît trop favorable aux femmes dans le Coran.

Un autre point sombre dans le statut de la femme, c'est la répudiation. L'homme a seul le droit de renvoyer sa femme. Néanmoins, quand on lit de près les versets coraniques qui traitent de cette institution, on s'aperçoit que la Loi divine s'applique à améliorer une coutume antéislamique qu'elle ne condamne pas, mais dont elle cherche à limiter les inconvénients et l'injustice qui en résultaient pour la femme. Il en est donc de la répudiation comme de la polygamie : toutes deux sont conservées, mais toutes deux étroitement réglementées. D'ailleurs selon un hadîth, de tous les actes permis, la répudiation est le plus déconseillé (mot à mot : exécrable, makrûh). C'est ainsi que les droits de la femme répudiée sont reconnus et garantis. Elle doit alors recevoir, disent les juristes, la totalité de son douaire, si cela n'a pas été fait; et comme elle en est propriétaire, elle a, en principe, les moyens de vivre pour un temps. Dans la société islamique, elle retournera vivre dans sa famille jusqu'à ce qu'elle se remarie. En dépit de ces garanties juridiques, le sort de la femme nous paraît, à nos yeux d'Occidentaux, extrêmement précaire, fait d'insécurité constante, puisqu'elle peut à tout moment être répudiée et séparée du même coup de ses enfants si elle en a. Situation odieuse tant du point de vue matériel que du point de vue affectif. Il faut cependant relever un cas où la répudiation peut être avantageuse pour une femme. En effet, le père, ou l'oncle, ou le frère aîné, ou quelque autre tuteur (walî) peuvent exercer le droit de jabr et la forcer à épouser le mari qu'ils lui ont choisi. Pour toutes les écoles juridiques, ce droit s'applique aux jeunes filles mineures et encore vierges. Mais certaines écoles admettent qu'une femme qui a été mariée et dont le mariage a été consommé, la muthayyib ou thayyiba, est libérée de toute tutelle au cas où elle se trouve répudiée. Elle peut alors se remarier sans subir aucune contrainte. Par suite, un mariage imposé et odieux, suivi d'une répudiation (surtout si elle a lieu rapidement), est pour ta femme une chose souhaitable, bien qu'il reste pénible d'en passer par là pour obtenir sa libération.

(1) Arnaldez Roger. Statut juridique et sociologique de la femme en Islam. In: Cahiers de civilisation médiévale. 20e année (n°78-79), Avril-septembre 1977. pp. 131-143.

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