Omar Merzoug est journaliste et collabore régulièrement avec différents journaux algériens dont… En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 12 Janvier 2020

Traduire le Coran (2eme partie)



« Et, de fait, le Coran n’est pas un poème ou un ouvrage littéraire, au sens ordinairement reçu. La structure des chapitres, la fulgurance du trait, l’alternance des images, l’harmonie des formules conspirent à l’efficience du message. Preuve aux yeux du musulman orthodoxe qu’il est l’ombre portée d’un « miracle » dont nous ne possédons qu’une copie. Grâce au Coran, la langue arabe est devenue une « langue à destin », une langue où se sont écrites, pendant quelques siècles, les sciences les plus exactes. [...] Tel est le Livre qui, continuant de susciter conversions et sympathies, inimitiés et controverses, mérite en effet, plus qu’un autre, d’être l’objet de tous les soins, de toutes les lectures, de toutes les interprétations, qui passent aussi et surtout par la traduction. Aussi celle-ci est-elle au cœur des questions les plus essentielles.
Omar Merzoug
(Docteur en philosophie, Paris-IV Sorbonne)
Auteur de nombreuses traductions dans le domaine de la poésie arabe, il est, entre autres, l'auteur de  "Existe-t-il une philosophie Islamique ? Deuxième édition, revue et augmentée (Editions Les Cahiers de l'Islam, 2018). 

Voir ici la première partie de l'article.
 

     « De tous les livres à faire, le plus difficile, à mon avis, c’est une traduction » disait Lamartine [1] avec assez de pertinence pour qu’on prêtât attention à sa formule. En effet, le célèbre auteur du « Voyage en Orient » ne se dissimulait pas les hypothèques dont était grevé tout essai de traduction. Aucune œuvre n’échappe moins que l’Écriture à cette incommodité périlleuse, sans doute parce qu’elle n’est pas un livre comme un autre, mais le vecteur d’un message dont le poids, l’influence et la portée sont exceptionnels. Porté par le souffle d’une langue puissante, riche et raffinée, la religion, que le prophète Muḥammad a prêchée, a inauguré un rapport au divin, affranchi de toute médiation, ouvert la voie à des spéculations pénétrantes , a converti les bédouins, nouvellement islamisés, au sens de l’État, les a fait accéder à une forme de civilisation très supérieure. Par le verbe et par le sabre, ils ont ainsi bâti un Empire où ils ont voulu que « la Parole de Dieu » fût « la parole suprême [2]». Les premiers versets du Coran ont exprimé dans un univers d’abord indifférent, puis railleur, et enfin très hostile une vision du monde qui a soustrait les Arabes à leur paganisme grossier et à leur insignifiance géopolitique. Un texte comme le Coran, enté sur l’Unicité et la transcendance divines est conçu pour nous remuer par l’effet de ses tropes, de ses métaphores, de ses exhortations, plus que pour nous repaître de la consolation des rites expiatoires. Le Coran, révélation du monde de l’invisible [3] , a fait irruption dans l’histoire comme un ouragan dont la soudaineté a stupéfié les contemporains et, d’abord, les Arabes eux-mêmes. Devenus musulmans, armés de la foi du Coran, ils ont déferlé à la fois sur l’Orient et l’Occident, restés, désemparés, interdits par la progression fulgurante des conquérants arabes [4].

     Si le lecteur qui s’affronte au Coran, n’est pas, ce qui est le plus souvent le cas, un spécialiste de la littérature arabe, s’il n’a pas fait de fortes études en grammaire, en rhétorique et en histoire, s’il n’est pas fin connaisseur de la civilisation des Arabes, il ne peut se dispenser des secours de la traduction, de l’exégèse et de l’interprétation. Il optera donc pour l’une des nombreuses versions, dûment annotées et présentées, sans trop savoir laquelle est la meilleure, la plus fidèle ou la plus exacte, celle qui l’initiera avec le plus de pertinence possible au message de l’islam, non sans qu’il soit habité par le sentiment que tout cet itinéraire est semé d’embûches. Le désappointement guette pareils lecteurs qui se ruent périodiquement, à chaque grande crise [5] ou guerre, sur les exemplaires disponibles du Coran, croyant que sa lecture les aidera à décrypter les énigmes de ce monde musulman si compliqué ou leur aménagera une entrée dans les ténébreux replis de l’âme arabe.

     La traduction du Livre saint est un vrai défi. Répétons le, le Coran est un texte déconcertant pour un lecteur non prévenu. En faisant alterner les maximes morales, les préceptes, les prescriptions, les interdits, les règles juridiques, les formules métaphysiques, les aphorismes spirituels, en passant sans crier gare d’un sujet à un autre, le Coran déroute autant par sa teneur que par sa rhétorique. L’impression prévaut alors chez le lecteur d’un décousu, d’un fouillis, de sauts de « coq-à l’âne », de pesantes répétitions. Au fil de sa lecture, cet « honnête homme » profane est surpris, étonné même par l’allure d’un texte qui s’offre à ses prises. Bientôt le désarroi gagne, car notre « lecteur de bonne foi » ne voit pas le fil conducteur dans les fragments qu’il décrypte et qui lui semblent, de surcroît, souffrir d’un grave défaut de composition. Découragé, le livre lui tombe des mains et s’il ne renonce pas à comprendre, il suspend du moins sa lecture. En attendant, de celle-ci, il n’a tiré que peu de profit. N’ayant pas vraiment accédé à l’intelligence du message, que lui reste-t-il ? Des connaissances sommaires, des notions rudimentaires, des idées reçues et il n’a pas avancé d’un pas. Ce qui est un échec évident de la traduction et des traducteurs dont les préfaces, les épilogues, les exposés de la Shar’ia et les biographies du Prophète, les annotations abondantes sont d’une efficience nulle pour le profane, comme l’a bien vu Blachère dans son Introduction au Coran. Car ce qui est déjà problématique touchant les textes littéraires est fort grave, s’agissant d’un texte ayant eu une telle influence dans l’histoire du monde. Une vulgate qui, par l’enthousiasme qu’elle inspire, a conduit, plusieurs fois, les croyants à changer le cours de l’histoire.

     Parce que le Prophète de l’Islam a été accusé par ses adversaires quorayshites d’être un « poète [6]», les musulmans se récrient à l’idée qu’on ose assimiler le Coran à une œuvre littéraire. Ce serait d’abord en rabaisser la majesté, toucher à sa source transcendante, et, d’autre part lui infliger les « outrages » du commentaire et de l’explication de texte. Et, de fait, le Coran n’est pas un poème ou un ouvrage littéraire, au sens ordinairement reçu. La structure des chapitres, la fulgurance du trait, l’alternance des images, l’harmonie des formules conspirent à l’efficience du message. Preuve aux yeux du musulman orthodoxe qu’il est l’ombre portée d’un «
 miracle » dont nous ne possédons qu’une copie [7]. Grâce au Coran, la langue arabe est devenue une « langue à destin », une langue où se sont écrites, pendant quelques siècles, les sciences les plus exactes. Le monde savant parlait, discutait, écrivait en arabe du VIIIe au XIIe siècle. Un livre à l’origine d’une puissance politique qui a terrassé l’empire des Chosroès, amputé l’empire byzantin de provinces importantes et éradiqué le christianisme africain, représenté par les figures illustres de Tertullien [8] et de saint Augustin. Tel est le Livre qui, continuant de susciter conversions et sympathies, inimitiés et controverses, mérite en effet, plus qu’un autre, d’être l’objet de tous les soins, de toutes les lectures, de toutes les interprétations, qui passent aussi et surtout par la traduction. Aussi celle-ci est-elle au cœur des questions les plus essentielles.

      Al-J
āhiz, que nous avons déjà rencontré au début de notre étude, aborde, dans le Livre des Animaux (كتاب الحيوان), cette question de la traduction qui semble l’avoir beaucoup tracassé. « Il faut absolument, martèle-t-il, que la performance du traducteur soit égale en clarté à sa compétence dans le même art [9]» et, ajoute-t-il, « il faut qu’il (le translateur) soit le meilleur connaisseur qui soit de la langue source et de la langue cible, afin qu’il parvienne dans les deux idiomes à une égale compétence [10]». Chose visiblement impossible, aux yeux d’al-Jāhiz, puisque en parlant, « en discourant dans les deux langues, nous savons qu’il (le traducteur) occasionne un tort aux deux langues, car chacune des deux langues attire l’autre, lui fait des emprunts et s’oppose à elle [11] ». La conclusion sonne comme un verdict sans appel : « Et comment pourrait-on posséder les deux langues à la perfection, toutes deux réunies [dans une même bouche], comme on pourrait le faire d’une seule ? [12]»

 

      Sans prononcer d’arrêts aussi radicaux, la linguistique contemporaine a attiré l’attention sur les redoutables obstacles qui entravent la tâche du traducteur. Elle insiste, on l’a souvent dit, sur l’idée que les langues ne sont pas des « sacs de mots » tout simplement parce que « les mots n’ont pas la même surface conceptuelle dans les langues différentes [13]». Mais même si c’était le cas, la tâche du traducteur n’en serait pas moins difficultueuse. Ce qu’il lui faudrait rendre, ce n’est pas seulement le corps des mots, mais leur âme, le souffle qui les anime, la couleur qui en est la parure et même la saveur et le goût. Et ceci est une gageure. Le bon traducteur est celui qui réussit à surmonter toutes ces difficultés et toutes les chausses trappes que lui opposent certains textes qui ajoutent aux problèmes de langue, ceux des mœurs, de l’époque, des sentiments etc.

        Les Arabes de l’âge classique, tenaient la traduction de la poésie, leur genre littéraire de prédilection, pour infaisable. L’auteur du Livre des Animaux le dit avec vigueur : « On ne saurait traduire de la poésie, pas plus qu’il n’est permis de la translater. Si la poésie [14] était mise dans une autre langue, la composition en serait rompue et la métrique faussée, la beauté en disparaîtrait, et ce qui était objet d’admiration serait fauché ». Après tout, il y eut de bons esprits en Occident qui estimèrent que la traduction, au sens strict et rigoureux du terme, est impraticable [15] ; ainsi Grimm déclarant que « la traduction d’un grand poète est chose absolument impossible ». Moins sévère ou plus nuancé, Montesquieu écrit, dans ses Lettres persanes, que « Les traductions sont comme ces monnaies de cuivre qui ont bien la même valeur qu’une pièce d’or, et même sont d’un plus grand usage pour le peuple, mais elles sont toujours faibles et de mauvais aloi ».

      Ainsi en allait-il de la question de la traduction en Orient à l’âge d’or abbaside. Mais en Europe, les choses se présentaient autrement. La question de la traduction du Coran s’y posa relativement tard. Il a fallu en effet attendre le XIIe siècle pour disposer d’une « version » latine qu’on hésite à qualifier de version tant elle est non seulement fautive, mais animée d’une hostilité qui ne se dément presque jamais. La première « traduction » française est encore plus tardive, la version d’André Du Ryer ne parut qu’en 1647, à l’apogée du classicisme français. En revanche, elle se posa en Orient du vivant même du Prophète. Selon l’érudit Sarakhsi, « Les Perses ont écrit à Salmân al-Fârisî [16] (que Dieu l’agrée), lui demandant de leur traduire la Fatiha en langue persane de sorte qu’ils puissent la lire dans les offices en attendant que l’arabe devînt familier à leur élocution [17]». Dans Kitâb al-Bayân, l’illustre al-J
āhiz (776-868) évoque un certain Mūsa Ibn Sayyār al-Uswārī, un qaṣāṣ (un conteur), l’une des « merveilles de ces temps-là et dont l’éloquence en langue arabe n’avait d’égale que son éloquence en langue persane. Siégeant dans la fameuse assemblée dont il faisait le renom, les Arabes assis à sa droite et les Persans assis à sa gauche. Al Ûswârî citait le verset extrait du livre d’Allah et le commentait à l’attention des Arabes en pure langue arabe, puis se tournant vers les Perses, il commentait le même verset en persan et l’on ne pouvait dire dans quelle langue il était le plus éloquent » [18]. La question qui se pose ici est évidement de savoir si commenter (ou gloser) un passage revient à le traduire. Le commentaire est-il une traduction ? On ne peut, au sens strict, que répondre par la négative. Il est évidemment plus aisé de gloser un texte que de le traduire, chacun le sait, et on s’excuse ici de devoir « enfoncer des portes ouvertes ».

      Dans le livre des Merveilles de l’Inde et de la Chine, l’auteur, B
ūzūrg ibn Chahriyār fait référence à une traduction du Coran. « Le Roi de Râ, écrit-il, le puissant des rois de l’Inde, écrivit au sahib de Mansûra, Abd Allah Ibn Umar, ibn Abd al Azîz pour lui demander une traduction des lois de l’islam en langue indienne ». Dans son introduction à sa version du Coran, Muḥammad Hamidullah rapporte qu’« au temps des Samanides, Mansûr ibn Nûh, un comité de savants traduisit en l’an 345 de l’hégire, le Coran en persan et y ajouta la traduction du commentaire de Tabarî ». Il parle aussi de traductions en turc, en syriaque. Si, comme le note S. Larzul, « Très tôt, pour des raisons pragmatiques, des gloses et des traductions plus ou moins littérales ont été composées en persan et en turc notamment à destination des musulmans non arabophones », la question n’a pas semblé préoccuper les Chrétiens d’Orient. « Les communautés chrétiennes de Syrie Palestine et d’Egypte, écrit Blachère, paraissent être parvenues assez vite à connaître avec précision le contenu du Coran et l’enseignement qu’il portait en soi » sans pour autant, selon l’orientaliste, éprouver « le besoin de se donner sinon une traduction , du moins une adaptation du texte coranique en tout ou en partie » Il est pratiquement certain, ajoute Blachère, que « les fonctionnaires civils, presque tous d’origine araméenne ou copte qui se trouvaient au service des califes de Damas et de l’administration provinciale, possédaient des notions précises sur le Livre révéré de leurs nouveaux maîtres [19]» Quoique frappée au coin du bon sens, cette explication n’est guère convaincante et ne peut être admise. Les véritables raisons sont en réalité ailleurs. Parmi les Chrétiens d’Orient, on hésitait à donner des versions du Coran qui eussent pu être lues ou consultées par les fidèles. On craignait, et cette crainte était ô combien fondée, la séduction et même la fascination de la religion nouvelle. On le redoutait d’autant plus que le christianisme, dont les doctrines n’étaient pas définitivement fixées [20], était secoué de graves crises [21]. Il faut en effet replacer les choses dans leur contexte pour en avoir une idée claire. La foudroyante propagation de l’Islam [22], l’attrait presque irrésistible qu’il a exercé sur les populations d’obédience chrétienne dont un nombre considérable embrassa la nouvelle religion [23] était un souci constant pour le clergé. Le christianisme oriental ne présentait pas de surcroît un front uni : querelles trinitaires et controverses christologiques empoisonnaient [24] le climat et conduisaient à des troubles et à des violences entre chrétiens de diverses obédiences. Il n’était pas rare que les populations en vinssent aux mains. Les prêtres se persécutaient et s’anathématisaient, tout l’Orient bruissait de ces fureurs religieuses inexpiables. Sabellianisme, nestorianisme, monophysisme, arianisme : les divisions doctrinales déchiraient le sein de l’Eglise et en morcelaient l’unité. « C’est un christianisme profondément divisé qui était répandu dans les pays du Proche-Orient au début du VIIe siècle » confirme Gérard Troupeau [25].

     

      On comprend mieux pourquoi le Livre saint des musulmans ne fut pas mis entre les mains des fidèles chrétiens, quand on songe que, même plus tard alors que l’islam ne constituait plus une menace aussi prégnante, on ne pouvait livrer au public européen le Coran que précédé de réfutations plus ou moins savantes, toujours accompagnées de condamnations fermes, rappelant l’imposture de son prophète et le caractère hérétique de son message [26]. Une tradition, qui ne répond évidemment à aucun des critères communément reçus de la scientificité ni même de l’impartialité, s’est ainsi constituée de Robert de Ketton [27] à Kasimirski en passant par Bibliander, André du Ryer et Ludovico Marracci.

     On ne peut davantage suivre Blachère quand il affirme que malgré leur ignorance de l’arabe, des énoncés coraniques, en se fondant seulement sur la rumeur publique, les clercs et les théologiens de Byzance, à savoir Nicétas de Byzance et Barthélémy d’Edesse, eurent une connaissance qui lui « paraît avoir été profonde » et « une compréhension sûre du texte coranique » sur la base de laquelle ils purent bâtir une « réfutation [28]». Ni pendant la période byzantine ni plus tard, le clergé n’a disposé d’une traduction, même approximative, du texte coranique [29]. La seule source d’information, si on peut parler d’information, furent les écrits polémiques et apologétiques à l’encontre de l’islam.

      La paucité des sources ne nous permet pas de dresser le portrait de ce théologien qui se fit le détracteur d’un islam conquérant et fut le premier ténor de la polémologie chrétienne à l’encontre de la doctrine islamique. On ne sait guère dans quelles circonstances, saint Jean Damascène prit connaissance de l’islam, sous quel patronage ou quelle influence il conçut son opinion sur cette religion nouvelle. Né à Damas vers 675 et mort en vers 749-50 [30], ce théologien qui était persuadé que les doctrines de l’islam étaient prêchées par un faux prophète (falsus vates [31]) et qu’elles étaient objet de risée (risu dignissimis [32]) était issu d’une famille damascène nantie dont les membres ont exercé de hautes responsabilités, une famille de dignitaires. Comme son grand-père, Il portait le nom arabe de Mansûr, le victorieux. Après avoir servi le califat omeyyade en qualité de logothète, autrement dit, de percepteur des impôts auprès de la communauté chrétienne, emploi qu’occupa avant lui son père, il abandonna tous ses biens, se fit moine et reçut la prêtrise au couvent de saint Sabas, non loin de Jérusalem, couvent qui devint l’un des fiefs de la défense du culte des images. Jean Damascène était mal vu de ses coreligionnaires de Byzance, « l’empereur Constantin le faisait anathématiser une fois l’an [33]». Mais le théologien et polémiste, qui vivait en territoire musulman et jouissait du statut des ahl al-dhimma (اهل الذمة), était à l’abri des fureurs de ses adversaires byzantins [34].

       Pour un chrétien des VII-VIIIe siècles, de surcroît ayant suivi de fortes études, un lettré et un clerc, l’islam ne pouvait apparaître que sous les dehors d’une nouvelle hérésie. Des hérésies, il y en avait déjà eu une quantité impressionnante dans la région, mais que des déserts d’Arabie, région inhospitalière, puisse surgir un prophète et une religion nouvelle, était quelque chose de proprement inouï. Le problème avec cette nouvelle « hérésie » était que le succès semblait la servir. L’alliance du verbe et du sabre confortait son expansion redoutable, d’où la nécessité de lui opposer un argumentaire rigoureux et convaincant. Cette nécessité dictait l’ordre des raisons de la contre-offensive chrétienne. Il fallait donc prouver que le héraut de cette soi-disant religion ne pouvait être qu’un imposteur et il fallait, par la démonstration des dogmes du christianisme, des principaux points de doctrine, montrer que l’islam ne pouvait prétendre ni confirmer ce qu’il y avait de vrai et de juste dans le christianisme ni infirmer ses supposées erreurs [35].

     On comprend pourquoi dans toute la littérature médiévale les attaques contre le Prophète prirent une telle place. Par sa naissance, Saint Jean était familier et de la langue arabe et de la religion musulmane, d’où le crédit dont bénéficia sa satire et sa critique de l’islam. Pourtant quand on regarde les choses de près, c’est-à-dire les écrits de saint Jean, on reste dubitatif devant ses propos, notamment quand il cite ou traduit les passages du Coran dont il excipe pour conforter la « vérité » de ses opinions. Après examen, on voit comment sa grille de lecture et ses a priori religieux- l’islam ne pouvant être qu’une hérésie et son promoteur un imposteur-, commandent sa façon de comprendre l’islam et d’en traduire les passages. Il s’étend complaisamment sur la sourate « les Femmes » et sur la polygamie [36], sur le mariage du Prophète avec Zeynab, sujets de prédilection dont se sont rengorgés les adversaires du prophète. On en déduisait la lubricité évidente de l’Envoyé d’Allah, qui, du point de vue de ses détracteurs, en confirme l’imposture [37]. Mais sur ce point, Saint Jean se trompe. Il situe dans la sourate « Les Femmes » le verset 223 qui figure en réalité dans la sourate « La Vache » [38], et, de toute façon, la sourate « les Femmes » ne comporte pas de verset 223, puisqu’elle ne contient que 176 versets. De surcroît, la traduction est loin d’être fidèle au fragment coranique original. Nous lisons dans nos traductions modernes : « Vos femmes sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme vous voudrez » alors que saint Jean traduit : « Travaille la terre que Dieu t’a donnée avec zèle ; fais-le et de telle façon [39]». Il y a pis ; saint Jean cite des passages tronqués du Coran et fait référence à des choses qui n’y figurent pas verbatim [40]. Ainsi le passage, « Les Apôtres dirent : Ô Jésus fils de Marie, ton Seigneur peut-il du ciel faire descendre sur nous une table servie ? Il (Le Christ) dit : '' Craignez Dieu si vous êtes croyants'' », devient, sous la plume de saint Jean, « Je t’ai donné ainsi qu’aux tiens une table incorruptible [41]» (sic). Il y a pis : saint Jean fait référence à une sourate (γραφη) qu’il nomme Cameli Dei (καμηλου ||| του||| θεου [42]). Or, cette sourate n’existe tout simplement pas. Il est certes question dans le Coran d’une chamelle en rapport avec les Thamoud et le prophète Salih qui leur a été envoyé, mais pas dans les termes dont parle saint Jean Damascène. En faisant fond sur la rumeur publique, sur des connaissances de seconde main, saint Jean construit un récit circonstancié par lequel « il cherche à confondre et à ridiculiser aux yeux des chrétiens la doctrine coranique sur le paradis, un paradis matériel et malodorant [43]».

       A l’époque de saint Jean Damascène, pourrait-on objecter, le texte du Coran n’était pas encore fixé [44]. Après tout, bien des spécialistes en études coraniques répètent à l’envi que le Coran a une histoire [45] qui s’étend sur tout le VIIe et le VIIIe siècles. Il en est même comme F. Déroche, professeur au collège de France, qui élargissent encore le spectre temporel au IXe siècle [46]. Cette opinion, ou plutôt cette spéculation, ne nous semble pas devoir être retenue. A supposer que toutes ces supputations aient quelque ombre de vérité, faire remonter la constitution de la « vulgate » au-delà du début du VIIIe ne paraît pas vraisemblable. Alfred-Louis de Prémare semble, de ce point de vue, plus proche de la vérité, quand il remarque que « sans doute, le corpus que nous connaissons était-il constitué, pour l’essentiel au moins, au début du VIIIe siècle [47]». En outre al Hajj
āj ibn Yūsūf al-Thaqafi dont l’orientalisme nous répète qu’il est mainte fois intervenu, à la fin du VIIe siècle, pour élaguer, supprimer, et tendancieusement orienter les versets coraniques, est mort vers 714, à une époque où très certainement saint Jean Damascène n’avait pas commencé à méditer ces questions. En effet, c’est après 720, probablement en 725, au moment où Saint Jean se retire dans le monastère de saint Sabas qu’il s’attelle à cette tâche.

      On pourrait peut-être envisager une autre hypothèse selon laquelle saint Jean aurait entre les mains un Coran ou, du moins un corpus de versets coraniques différent de celui que nous possédons actuellement. Mais rien ne permet de l’affirmer avec sûreté. Quoi qu’il en soit, il est avéré, les faits que nous alléguons le montrent, que saint Jean prend des libertés inexplicables avec les textes originaux. Comment saint Jean qui, par son origine, sa formation et sa culture, était mieux disposé que quiconque de ses coreligionnaires à comprendre le Coran a pu ainsi s’en éloigner jusqu’à trahir la teneur des versets ? A-t-il été aveuglé par sa passion polémique ? Par son zèle religieux ? Ce ne serait certes pas la première fois qu’un théologien ou un polémiste déformerait les faits ou travestirait les textes. On ne peut cependant que le constater, cette tradition de la citation coranique tronquée, du commentaire tendancieux du Livre saint des musulmans, du persiflage, de la pure et simple invention de légendes et de mythes à l’adresse du fidèle chrétien et du lecteur occidental qu’inaugure saint Jean au VIIe siècle a eu une très longue postérité. Les théologiens byzantins suivent dans leurs « réfutations [48] » de l’islam et de sa doctrine les voies tracées par Mans
ūr ibn Sardjūn, alias saint Jean Damascène, dans ses écrits polémiques [49] contre l’islam, et notamment celui qui est, du point de vue de notre étude, le plus indiqué, le De Haerisibus [50] dont l’authenticité a d’ailleurs été contestée [51]. Les théologiens et les traducteurs occidentaux du Coran qui succéderont à saint Jean s’inscriront dans le sillage de cette tradition dont le damascène a frappé presque tous les thèmes.

(A suivre).
 

_____________________

[1] « C’est une assertion assez courante en Occident qu’il n’y a rien de mystique ni de philosophique dans le Qorân, et que philosophes et mystiques ne lui doivent rien » écrit H. Corbin rejetant ainsi une idée reçue. (Histoire de la philosophie islamique, Gallimard).

[2] « وكلمة الله هي العليا » Coran IX, 40.)

[3] « تلك من انباء الغيب نوحيها اليك » « Tels sont parmi les récits de l’Invisible que Nous te révélons… », Coran, XI, 49.

[4] On ne peut assigner à la conquête islamique, qui est, comme l’a rappelé H. Djaït, l’« un des événements majeurs de l’histoire universelle » d’une part et de l’autre, comme le remarque Kasimirski « un des faits les plus extraordinaires dans les annales de l’humanité », une cause unique, par exemple la seule appétence du butin. « Rien n’est plus faux que de faire de la conquête arabe une sorte d’explosion d’énergie guerrière de nomades se jetant comme des hordes sur les riches pays de l’Orient » (H. Djaït, La Grande discorde, Gallimard, 1989). On ne saurait pas davantage l’expliquer, comme le fait B. Lewis (Les Arabes dans l’Histoire, repris dans Islam, Gallimard) par le seul affaiblissement des deux empires, byzantin et perse, affrontés l’un à l’autre dans des guerres de 602 à 628. Le jugement de l’historien R.A Fletcher nous semble plus pertinent : « la rapidité des conquêtes islamiques –particulièrement les premières des décennies 630 et 640-ont toujours stupéfié et déconcerté les historiens…une explication moderne et satisfaisante de l’expansion initiale de l’Islam reste encore à trouver » écrit-il, en 2003, dans son essai « La croix et le croissant, le christianisme et l’islam de Mahomet à la Réforme », Louis Audibert éditeur ».

[5] On l’a constaté lors de la première guerre du Golfe notamment, et le phénomène s’est reproduit à intervalles réguliers.

[6] Le Coran juge sévèrement les poètes, sourate « Les Poètes », versets 224-228.

[7] Un « Coran glorieux [écrit) sur une table bien gardée », Coran LXXXV, 22.

[8]
« Tertullien (160-230) une figure assez singulière du christianisme africain, devenu montaniste, il est notamment l’auteur d’un ouvrage intitulé « Apologeticus adversus Gentes » (« Apologétique ou défense des Chrétiens contre les Gentils »).

[9] « و لا بد للترجمان ان يكون في بيانه في نفس الترجمة في وزن علمه في نفس المعرفة ».Al-Jâhiz, Kitâb al-Hayawân, éd. Abd as-Salâm Muhammad Harûn, tome 1.

[10] « و ينبغي ان يكون اعلم الناس باللغة المنقولة و المنقول اليها حتى يكون فيهما سواء و غاية » Al-Jahiz, op cité..

[11]
« لأن كل واحدة من اللغتين تجذب الأخرى و تأخذ منها و تعترض عليها », op. cité ».

[12]
« و كيف يكون تمّكن اللسان منهما مجتمعتين فيه كتمكّنه اذا انفرد بالواحدة », op. cité. 

[13] G. Mounin, Les problèmes théoriques de la traduction, Gallimard, 1963 » ?

[14] Al-Jâhiz, Kitâb al-Hayawân, p. 75. Éd. Muhammad Harûn, sans nom d’éditeur.

[15] Quant à A.Théry, il déclare : « si traduire veut dire calquer et en même temps rendre les hautes et vives qualités du texte, il n’y a pas de doute que la traduction ne soit impossible. Il faut jeter au feu tous les essais et proclamer bien haut la maxime italienne : tradittore, traditore ».

[16]
Compagnon persan du Prophète.

[17] Shams al-dîn al-Sarakhsi, Mabsût, tome 1, p. 37. Dar al-Ma’arifa, Beyrouth, sd.

[18] Al-Jâhîz, Kitâb al-Bayân, 1, p. 368.

[19] R. Blachère, Le Coran, Puf, 1966..

[20]
Rappel : « oportet haereses in Ecclesia » : ou de la nécessité de l’hérésie afin de fixer le dogme..

[21]
Les premières crises avaient commencé tôt, arianisme, montanisme, monothélisme, donatisme, manichéisme : « L’hérésie était vieille comme l’Eglise ; le grain évangélique était à peine semé sur la terre que, mêlée à lui, était apparue l’ivraie. Et le sang des martyrs n’était pas encore bu par le sable des amphithéâtres qu’à l’horreur de la persécution s’était ajoutée celle du déchirement entre chrétiens ».

[22] Daniel-Rops, « L’Église de la Cathédrale et de la Croisade », Fayard, Paris, 1952.

[23] « L’Empire byzantin et les Églises chrétiennes se voyaient menacés dans leur existence même. Les régions asiatiques et africaines furent occupées et les territoires soumis se convertissaient massivement à la nouvelle religion ». A Argyriou, Perception de l’Islam et traductions du Coran dans le monde byzantin grec, Byzantion, v. 75, 2005.

[24] « Lors des premiers siècles chrétiens, les débats théologiques qui ont suscité les controverses les plus vives et les plus passionnées portaient sur les dogmes inséparables de la Trinité et de l’Incarnation. Dieu est Un mais il est aussi Trois, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Qu’est-ce que cela signifie précisément ? Quelles sont les relations entre ces Trois Personnes de la Trinité ? Que veut dire ‘Fils de Dieu’ ? Comment Dieu peut-Il être son propre Fils ? En quel sens Jésus était-il homme autant que Dieu ? (…) Les doctrines chrétiennes de la Trinité et de l’Incarnation sont pour l’austère monothéisme qu’est l’islam une chose incompréhensible et détestable » R. A. Fletcher, La Croix et le Croissant, op.cit..

[25]
Les controverses n’étaient pas seulement intellectuelles : « Ces chrétiens, clercs et laïcs s’entre-déchiraient, se disputant les évêchés, les églises et les monastères et n’hésitaient pas à faire appel au pouvoir en place pour persécuter les chrétiens des autres confessions. » G. Troupeau, « La situation religieuse du Proche-Orient à l’aube de l’islam » in Chrétiens face à l’islam, premiers temps, premières controverses, Bayard, Paris, 2009..

[26]
Hérésie d’une hérésie selon Nicolas de Cues (1401-1464), philosophe et théologien. Nommé cardinal en 1448, il était évêque de Brixen (Tyrol) et ami du pape Pie II (1405-1464), [lequel tenta de relancer l’élan d’une croisade contre Mehmet II qui venait, en 1453, de s’emparer de Constantinople], mais les rois et princes européens ne manifestèrent pas d’enthousiasme à ce projet de croisade. Plusieurs papes confièrent à Nicolas de Cues de délicates missions diplomatiques. Il est l’auteur du fameux De la docte ignorance. Dans son Coran tamisé (traduction française aux Presses Univ. De France), Il utilise la « traduction » du XIIe siècle, faite sous le haut patronage de Pierre le Vénérable..

[27]
« J’ai fait traduire d’arabe en latin toute la doctrine de cet homme néfaste [Mahomet] ainsi que la loi qu’il a appelée Alcoran, c’est-à-dire Collection de préceptes faisant croire à d’infortunés hommes qu’elle lui avait été révélée du ciel par l’intermédiaire de l’ange Gabriel » écrit Pierre Le Vénérable dans une missive adressée à saint Bernard. Cité dans l’article de Marie-Thérèse d’Alverny, « Deux traductions latines du Coran au Moyen-âge », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen âge, vol. 16, 1947-1948..

[28]
« Dans leur réfutation, ces auteurs [Blachère nomme Nicétas de Byzance et Barthélémy d’Edesse] ont senti avec subtilité les points faibles à leurs yeux des thèses qu’ils combattaient. Ce qui implique une connaissance sûre du texte coranique mis en cause ».

[29] « Il a fallu attendre 1879 pour que Gerassimos I. Pentakis publie, à Alexandrie, une version grecque du Coran, la première du genre. (A. Argyriou, Perception de l’islam et traductions du Coran dans le monde byzantin grec).

[30] Le Dictionnaire de théologie catholique de Vacant et Mangenot fixe la date du décès de saint Jean Damascène au 4 décembre 749..

[31]
Le mot grec que saint Jean Damascène utilise est ψευδοπροφητης, qu’on rend en français en général par « faux prophète » ou, mieux, par « imposteur »

[32] En grec, γελωτος ||| αχια.

[33]
« Vacant et Mangenot, Dictionnaire de théologie catholique, entrée saint Jean Damascène.

[34] Dans le « De fide orth. », Saint Jean plaide avec ferveur la cause du culte des saints, des reliques et des images..

[35]
« Nombre d’absurdités dignes d’être un objet de risée sont rapportées dans cette Ecriture et il (Mamed pour Muhammad) prétend qu’elle lui a été révélée par Dieu ». écrit saint Jean Damascène. Patrologie grecque, 765 C.

[36] « Cujusmodi est scriptura (Sur. 4), seu caput mulieris, in qua propalam lege sancit quaternas uxores accipere, et concubinas, si fieri possit, mille, quotque manus ejus subditas contineat, praeter quatuor illas uxores » (Patrologie grecque, 770, C) ».

[37]
Comment un véritable messager de Dieu pouvait-il être aussi sensuel, aussi sujet aux plaisirs charnels sans compter l’aspect guerrier du personnage. Tout cela ne pouvait qu’infirmer sa qualité de véritable prophète..

[38]
Ainsi le verset 223 de la sourate « Les Femmes » : « Operare terram quam tibi dedit Deus, et studiose illam cole : atque hoc facito, et ad hunc modum… » (Patrologie grecque, 770 C)

[39] Nous donnons le verset dans la traduction D Masson.

[40] « Dedi tibi, tuisque mensam nulli corruptelae obnoxiam » ou « Δεδοκα || σοι|| και || τοις || σοις || τραπεζαν || αφθαρτον » Patrologie grecque, 772, D..

[41] Verset cité dans la traduction D Masson.

[42] Saint Jean parle d’un écrit (γραφη ||| της ||| καμελου ||| του ||| θεου)

[43] A. Argyriou, op cité, p.29.

[44] Michel Orcel, L’invention de l’islam, enquête historique sur les origines, Perrin, 2012..

[45]
« Que le Coran ait une histoire, nul n’en disconvient » écrit F. Micheau dans « Les débuts de l’Islam, jalons pour une nouvelle histoire » éd. Téraèdre, 2012. Voir aussi « Le Coran, nouvelles approches, sous la direction de M. Azaiez, CNRS éditions, notamment toute la première partie intitulée « L’histoire du texte ».

[46] « La traduction manuscrite….montre que le cheminement vers le texte tel que nous le connaissons s’est prolongé jusqu’au IXe siècle ». F Déroche, « Deux siècles de composition », Le Monde des religions, hors-série, juin 17.

[47] « Le Coran, enquête sur un livre sacré » dans « L’islam et le Coran, un livre, une religion, des empires », les collections de l’histoire, janvier-mars 2006. Tout le chapitre 15, dans « Les Fondations de l’Islam », Seuil, 2002.

[48] Saint-Jean Damascène annonce, pour ainsi dire, « franchement la couleur » : « Sed et hactenus viget populorum seductrix Ismaelitarum superstitio quae Antichristi adventum antevertit (…) Usque ad Heraclii tempora palam est eos idola coluisse : inde autem ad nostram usque aetatem falsus illis exortus est vates, Mamed nomine ; qui cum in libros Veteris Novique Testamenti incidisset, habitis cum Ariano quodam monacho colloquiis, propriam sectam condidit » Migne, Patrologie grecque, p. 763, 101. Le passage évoque la secte des Ismaéliens alors puissante qui séduit les peuples et présage l’arrivée de l’Antéchrist. Jusqu’au règne d’Héraclius, les Ismaélites furent idolâtres jusqu’à ce que surgisse parmi eux un Mamed (nom déformé de Mûhammad) qui, après avoir consulté fortuitement l’Ancien et le Nouveau Testament et connut un moine arien, a fondé sa propre secte.

[49]
Saint Jean Damascène a soutenu des controverses et engagé des polémiques non pas seulement contre l’islam mais aussi contre les « hérésies » chrétiennes, nestorianisme, monophysisme, monothélisme, manichéisme, paulicianisme : -secte de manichéens, issu d’une interprétation des écrits de l’apôtre, doctrine attribuée à Marcion, philosophe gnostique qui vécut au IIe siècle de notre ère ; l’ombrageux Tertullien (160-230) a aussi polémiqué contre cette secte, ses Cinq livres contre Marcion, en sont l’attestation - du nom de Constantin qui vécut à la fin du VIIe siècle)

[50] Le De Haerisibus, où l’auteur recense 103 hérésies, (l’islam est la centième ou la cent-unième selon les numérotages), est une sorte de préambule historique à son Exposé de la foi orthodoxe.

[51]
Armand Abel, Le chapitre CI du Livre des Hérésies de Jean Damascène : son inauthenticité, Studia Islamica, n°19, 1963.

 


Petit Glossaire
 
Arianisme : « hérésie » d’Arius et de ses partisans. Né vers 270, à Alexandrie ou en Cyrénaïque selon les versions, Arius alluma les feux d’une discorde religieuse qui fit beaucoup de bruit. D’après la doctrine catholique orthodoxe, il existe en Dieu unité de substance et trinité de personnes qu’on distingue sous les noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit, égales en substance et en dignité, ces trois hypostases possèdent également le caractère de la divinité, c’est-à-dire qu’elles sont éternelles et incréées, le Christ étant la seconde de ces personnes. Arius rejetait l’idée que le Père et le Fils fussent égaux, faisant ainsi du Fils une créature subordonnée au Père.

Nestorianisme : Doctrine de Nestorius, patriarche de Constantinople. Né en Syrie à une date inconnue, mort en Lybie vers 438, il fut de tous les combats contre les sectateurs d’Arius. Il persécuta et chassa les ariens de Constantinople. Il enseigna qu’il y avait deux personnes en Jésus-Christ, que ces deux personnes ne pouvaient être confondues, que la Vierge Marie ne pouvait être considérée comme étant la mère de Dieu.

Monophysisme : On appelle monophysites ceux qui adhèrent à l’idée que le Christ n’a qu’une seule nature. Les monophysites soutiennent qu’il y a fusion entre l’humanité et la divinité de Jésus, si bien qu’il n’y a qu’une seule nature dans le Christ. Le monophysisme a été condamné par les deux conciles qui se tinrent à Ephèse, le premier en 431 et le second en 449.

Monothélisme : doctrine de ceux qui croient que Jésus a deux natures, mais une seule volonté.

Donatisme : C’est le nom d’un schisme plutôt que d’une hérésie. Donat fut l’évêque des Cases-Noires en Numidie, vers 305. Par ses écrits contre la secte, saint Augustin en accrut le renom, mais en précipita aussi la chute. Donat se rebella contre la communion des traditeurs, de ceux qui avaient consenti à livrer au plus fort de la persécution ordonnée par l’empereur Dioclétien (245-313) les livres et les vases sacrés aux persécuteurs. D’où leur croyance que les traditeurs n’étaient plus habilités à leurs yeux à délivrer les sacrements et que s’ils en délivraient, ces derniers n’étaient pas valides.

Sabellianisme : du nom de Sabellius, hérésiarque de la première moitié du IIIe siècle qui donna son nom à cette hérésie. Il enseigna que le Fils et le Saint-Esprit ne sont que des aspects divers du Père, et non des personnes a sens plein du terme.


 





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