Dans ce numéro, nous poursuivons avec Mustapha Cherif la réflexion sur la question de l'islam radical : a-t-il ses racines dans le Coran? Comment lire certains passages de la révélation? Quelle place pour l'ijtihâd? Telles sont là quelques unes des questions abordées par M. Cherif.
Ces trois Rencontres: deux dans le précédent numéro (G. Bencheikh & O. Marongiu-Perria) et la présente avec M. Cherif, ouvrent le débat sur la question de l'islam radical et permettent de constater les divergences et convergences, au sein de la communauté musulmane, sur la manière adéquate d'y faire face.
Ces trois Rencontres: deux dans le précédent numéro (G. Bencheikh & O. Marongiu-Perria) et la présente avec M. Cherif, ouvrent le débat sur la question de l'islam radical et permettent de constater les divergences et convergences, au sein de la communauté musulmane, sur la manière adéquate d'y faire face.
Mustapha Chérif
L’islam est au dessus de toutes les attaques dont il fait l’objet du dedans et du dehors. Nul n’a le monopole de l’amour du prochain et de la paix. Comme pour d’autres sagesses et spiritualités, en islam la vie humaine est la valeur la plus sacrée. (M.Cherif)
Mustapha Chérif est responsable du Master d'Islamologie à l'université ouverte de Catalogne. Docteur ès lettres en philosophie et Docteur en sociologie, il fut également enseignant à l'université d'Alger. Il est l'auteur d'une centaine d'articles et de plusieurs ouvrages dont : L’Islam, tolérant ou intolérant ? (Edition Odile Jacob, Paris, 2006), Orient-Occident, Jacques Berque , avec Jean Sur (édition Anep, Alger, 2003.), Le Prophète et notre temps, Albouraq, Paris, 2012, Le Coran et notre temps (Albouraq, Paris, 2012).
Pour lire la publication, cliquez sur en haut à droite dans la fenêtre Calaméo.
_________________________
Les Cahiers de l’islam : Au vu de l’actualité tragique, qu’en est-il du point de vue de l’islam de la question de la violence que certains présentent comme intrinsèque à la religion?
Mustapha cherif : Le délire anti-islam nuit à la paix et a pour but de faire diversion aux injustices et aux impasses de notre temps. L’islam est au dessus de toutes les attaques dont il fait l’objet du dedans et du dehors. Nul n’a le monopole de l’amour du prochain et de la paix. Comme pour d’autres sagesses et spiritualités, en islam la vie humaine est la valeur la plus sacrée. C’est un principe éthique axial. Le crime, tout comme la vengeance et la violence aveugle sont clairement et fermement prohibés. Reste à préciser que l'injonction évangélique de «tendre l'autre joue» ne signifie pas qu'on se livre à l'agresseur pour qu'il redouble de violence, mais qu'on initie un geste fort qui le trouble, remet en cause son attitude et lui démontre son échec. Dans cet ordre des valeurs abrahamiques, l’islam se veut une culture de la paix, de la contre-violence pour aboutir à une paix durable.
La civilisation musulmane a forgé des cités du vivre ensemble durant prés de quinze siècles, sur la base du respect de la pluralité et de l'intégration de l'idée de conflit pour négocier la paix, d'adversité à réguler, à canaliser et à ne pas refouler, pour vraiment favoriser la paix. Pour le Coran, l'effort, le djihad, dans ses diverses authentiques significations, que sont la légitime défense de la vie, de la souveraineté, la résistance aux agressions, la maîtrise des tensions, l’élévation spirituelle, l'acceptation de la différence, sont les sources de la paix.
Le terme barbare de « djihadisme », utilisé jusqu'à la nausée par les médias occidentaux, est un néologisme ravageur, inventé par des néorientalistes, pour créer l’amalgame. Il n’existe nul part dans les textes islamiques. Le Prophète a clairement résumé sa mission d’envoyé : « Je suis venu éduquer, parfaire les caractères, pour le bel agir ». Le Coran précise : « Tu est une miséricorde pour les mondes ». Nous sommes à des années lumières de toute idée de bellicisme.
Il ne s’agit pas seulement de dire que l’islam est paix et signifie la paix, ce qui est vrai, et un des beaux noms de Dieu, mais d’expliquer surtout que tous ses repères donnent du sens, favorisent l’humanisation, la maitrise des tensions, en phase avec la réalité et non point un pacifisme qui fait le jeu du rapport du loup et de l’agneau. Tout musulman peut dire avec Ghandi, apôtre de la non violence : « il vaut mieux la contre-violence que l’indignité » ; en sachant que seul l’État a le droit à l’usage de la force, la légitime défense.
Cela selon des conditions encore plus strictes que le concept pertinent de « guerre juste » de St Augustin. D’où que l’Émir Abdelkader l’Algérien, au XIX siècle lors de la résistance à l’occupant, en s’inspirant du Coran et de la Sunna du Prophète a été un des pères fondateurs du droit humanitaire moderne.
Comment lire les versets fermes ou qui autorise la légitime défense ? La contre-violence, telle que l'autorise l'islam à titre exceptionnel, ultime recours, et dans certaines conditions, – car la fin ne justifie jamais les moyens – a pour but d'éviter que la violence destructive, agressive, anarchique ne dégénère, d'empêcher son extension et sa répétition. Le terrorisme et le fanatisme sont l’anti-islam. Ces vérités sont ignorées par les uns et bafouées par d’autres. Malgré la mauvaise réputation des religions, les traumatismes vécus de par les guerres de religions, les discours islamophobes de dénigrement et les usurpations du nom par des sectes, l’islam est bien paix, spirituelle et temporelle. Trop de médias occultent le fait que 90% des victimes du terrorisme dans le monde sont des musulmans !
Les Cahiers de l’islam : Sur le plan épistémologique, le texte coranique offre-t-il des éléments pouvant servir de fondation à une rhétorique radicale ?
Mustapha Cherif : C’est absurde. 15 siècles de son histoire prouvent que l’islam est libérateur et source de paix. Tout en sachant que même un poème d’amour instrumentalisé peut se transformer en arme de guerre. Le Coran est innocent de toutes les manipulations et contre-sens à son détriment. Par-delà la difficulté parfois à saisir ses visées, ses recommandations, ses injonctions et la nécessité d’enseigner son sens vrai et universel, ceux qui prétendent que « le Coran supporte une lecture belliqueuse du rapport au monde et aux autres » et que la « violence a aussi à voir avec l’islam », sont dans la contre-vérité et la supercherie. Leurs propos sont de la violence. Ils édulcorent le sens du texte, en citant des versets coupés de leur contexte et isolés du reste du corpus. Ils feignent d’ignorer que l’extrémisme et le fanatisme sont des errements anti-islam, liés aux causes d’abord politiques. L’amalgame est un crime intellectuel.
Les Cahiers de l’islam : certains pensent que les condamnations officielles, au sein de la communauté musulmane, ne suffisent plus pour dénoncer le « terrorisme islamiste » et ils regrettent « l’absence de déconstruction du discours radical ». Quel est votre avis ?
Mustapha Cherif : Ce type de modernistes sombre dans l’amalgame. Des chercheurs des deux rives se penchent sur les dérives et les déviances. Ils savent que par delà l’instrumentalisation injustifiable de la religion et l’indigence intellectuelle, la question est d’abord politique. La réponse doit être globale et multiforme pour faire reculer la mondialisation de l’insécurité. Tous les efforts, pour combattre, par les idées, l’obscurantisme, le radicalisme et le terrorisme, sont les bienvenus, d’utilité publique. Toute recherche qui tente de cerner les causes et les conséquences des problèmes pour tarir les sources du rigorisme et de la violence aveugle est un bienfait. Cependant, l’approche, d’une partie des auteurs « musulmans » dits « modernistes », qui donne l’impression d’être audacieuse, est contre-productive et nuisible, pour l’Occident et pour l’Orient.
Il y a deux sortes de chercheurs « modernistes ». Les uns, soucieux d’objectivité scientifique et respectueux du caractère vénérable du Coran, pratiquent l’interprétation, la critique constructive et s’attaquent à juste titre à des productions et structures humaines archaïques. Cette démarche est proche de la ligne du juste milieu auquel je me rattache. Ce qui est légitimement contestée par ce courant moderne est la lecture fermée des « ulémas » et des courants intégristes qui trahissent les références fondatrices. Il est salutaire de s’opposer aux lectures fermées et de revoir les textes à l'aune des vraies sources et de l’évolution de nos sociétés. Conjuguer authenticité et modernité, en traduction de la ligne médiane, est l’aspiration légitime de l’immense majorité des musulmans.
La deuxième catégorie de modernistes pratique le dénigrement et non point la critique constructive. Â sa façon, elle verse dans l’essentialisme et l’amalgame inadmissibles. Elle creuse l’abîme qui la sépare de la réalité historique et de la masse des musulmans. Elle réinterprète l'histoire sous l’angle des préjugés du présent et sur le mode du relativisme. Elle laisse entendre que les références fondatrices, notamment le Coran, portent en elles le germe du problème. C’est comme dire que l’Inquisition est dans l’Évangile, ou le Nazisme dans les textes des Encyclopédistes.
Tout comme les radicaux qui usurpent le nom de l’islam, cette partie des auteurs modernistes s’exclue elle-même du débat interne aux musulmans. Les questions de fond politiques, économiques, stratégiques, civilisationnelles, ne sont pas abordées. Ce qui l’intéresse, n’est pas d’expliquer, de rénover et d’interpréter, mais d’assimiler le citoyen de confession musulmane, de le soumettre à la logique areligieuse, voire antireligieuse, des dominants. Elle accable les musulmans et remet en cause les valeurs fondamentales, sous prétexte de réforme. Ce n’est plus le radicalisme qui est dénoncé, ce sont les références fondatrices, le Coran, le Prophète, la spiritualité, qui sont caricaturés.
Sur la base d’une approche historiciste, matérialiste, laïciste, elle n’exclue pas d’abroger une partie ou tout du Coran, de considérer que c’est une œuvre humaine réduite à une époque particulière. Elle emploie le mot fallacieux « islamisme », qui laisse entendre une relation directe de l’extrémisme avec l’islam. Le plus souvent, ces modernistes n’ont pas la compétence en matière d’islamologie. Ils se définissent comme des « musulmans séculiers », ou de « culture musulmane », pourtant l’islam est intrinsèquement séculier, ouvert et respectueux de la pluralité des opinions, cultures et religions. Alors que la responsabilité est partagée, leur approche innocente les systèmes géopolitiques déstabilisateurs qui ont fabriqué les monstres et les manipulent et partant culpabilisent les musulmans : « nous avons produit des démons » disent-ils.
Les Cahiers de l’islam : Peut-on critiquer l’islam et les musulmans ?
Mustapha Cherif : Évidemment. Reste à tout mettre sur la table, dans un souci de réciprocité et d’équité, à renvoyer la question : peut–on critiquer l’ordre mondial injuste, la politique des deux poids et deux mesures, l’amalgame, l’islamophobie, la montée de la xénophobie, les discriminations ? Aucune religion, ni communauté, ni concept, ne peut se dérober à la critique, mais la posture d’une partie des modernistes et celle des islamophobes est injuste et élude la compréhension du Coran. Rien ne doit laisser planer le doute sur le caractère injustifiable du radicalisme. Le critiquer, le dénoncer, le réfuter, est un devoir. Cependant, les musulmans ont le droit absolu de refuser les stigmatisations, les injures, les offenses et les amalgames. L’amalgame pratiqué par la deuxième catégorie de modernistes alimente le radicalisme et sème l’idée funeste que le Coran, pourtant au dessus de tout soupçon, ne saurait être dédouané des actions mortifères prônées en son nom.
Elle dénigre ses origines, devient un alibi pour légitimer la haine de l’islam et des musulmans. Elle endosse l’habit du musulman assimilé. Mi- consciemment, elle est formatée par la machine politico-médiatique dominante. Les médias dominants et les éditeurs lui sont ouverts à longueur d’année. Elle considère que l’Occident est une chance pour les musulmans qui y vivent, occultant que la chance est mutuelle. Cette catégorie de modernistes est impuissante, elle n’a aucune prise sur le réel et le comportement de jeunes musulmans livrés à aux manipulations des radicaux.
Ses surenchères cherchent à faire admettre l’absurde, c’est-à-dire que l’islam à des difficultés avec la liberté, à tout le moins qu’il n’est pas : « spontanément compatible avec la démocratie, la liberté d'expression, la laïcité… ». Alors qu’il s’agit de changer les attitudes crispées d’une minorité égarée de musulmans, elle préconise une posture qui est une forme de reniement : « L'islam doit… se réformer radicalement ». Elle renforce les préjugés injustes qui dominent dans les sociétés occidentales au sujet de l’islam. Elle se présente avec un complexe marqué par un mépris envers la communauté musulmane profonde. Elle se définie comme la détentrice des « Lumières face à la masse des ignorants ». Sa légèreté est autant rejetée que la trahison des monstres groupuscules criminels manipulés qui instrumentalisent l’islam et pratiquent la violence aveugle, au service de desseins mafieux et géopolitiques.
Les Cahiers de l’islam : Que pensez-vous de l’idée de déjuridicisation de la Révélation » ?
Mustapha Cherif : La révélation n’est pas un code juridique. C’est un souffle libérateur qui s’adresse à la totalité de l’être. Retrouver l’esprit et la lettre du Coran et de la Sunna, mettre l’accent sur la spiritualité, le sens de l’ouvert de l’islam et la nécessité de raisonner, de responsabiliser l’humain, est vital. Mais vouloir amputer le Coran de nombre de ses versets et normes, c’est du n’importe quoi, pathétique, un discours inconsistant, qui répond à l’air du temps. C’est une forme de radicalisme, d’extrémisme infantile voué à l’échec.
Les radicaux intégristes procèdent à une instrumentalisation, une approche arbitraire et fermée de la religion, et d’un autre côté une partie des modernistes sombre dans un autre excès celui de chercher à dévitaliser, diluer le corpus. Les deux courants ratent totalement leur sujet. Le Coran est un Livre ouvert et en même temps, Il est un tout, où l’absolu et le relatif, le permanent et l’évolutif se conjuguent. On ne peut ni le figer, ni le disséquer comme une archive morte, ni sélectionner uniquement des aspects eschatologiques et refuser des aspects normatifs et vis-versa.
Des intellectuels reconnaissent pourtant que le « Divin » a laissé aux hommes l’intelligence de procéder à l’élaboration de leur droit selon l’évolution et les cas particuliers, mais des critères et repères sont proposés par la Révélation et le Prophète. La Loi n’est pas qu’une construction humaine. Les uns de manière pédante, les autres en donneurs de leçons, n’arrivent pas à comprendre qu’il n’y a pas de liberté sans loi. En raison de leur caractère simpliste, réducteur et caricatural, les dénigrements essentialistes sont médiatisés, leurs portes–voix sont devenues les auxiliaires des xénophobes.
Les modernistes du dénigrement, censés interroger le Texte et éclairer le chemin, affirment de manière erronée que le Coran n’est pas en lui même explicite. Alors que l’immense majorité de ses versets sont péremptoires, muhkam, dit le Coran, explicites, clairs, dans une langue limpide et d’un sens évident. Seule une minorité de versets est ambiguë, au sens caché, ou difficile à comprendre, nécessitant d’être interprétée, pour mettre à l’épreuve la raison humaine.
Les Cahiers de l’islam : Il faut donc s’atteler à la pratique de l’interprétation, de l’ijtihad ?
Mustapha Cherif : Tout à fait. Le Coran et le bon sens l’exigent. Contrairement à ceux qui, peut-être pour tenter d’apparaître audacieux, répondent de manière hâtive et avec légèreté « Pratiquer l’ijtihâd pourquoi faire ? », c’est pourtant bien d’interprétation qu’il s’agit. Il y a urgence à se remettre à l’écoute du Coran et de la Sunna, réinterpréter, interpréter, rénover, adapter, innover, non pas pour « jeter le bébé avec l’eau du bain », mais en articulant le permanent et l’évolutif, le spécifique et l’universel.
Le terrorisme non seulement n’a rien à voir avec la religion, mais est l’anti-religion. Il relève du politique déviant. Arrêtons de faire porter la responsabilité à la religion utilisée comme masque et prétexte, ce qui relève surtout du politique et d’autres contradictions. Cela n’empêche pas d’éduquer à une juste compréhension de la religion, au juste milieu et à la modernité liée à l’authenticité, d’encourager une pensée théologique fidèle aux sources et conforme à la marche du temps, à partir d’un renouveau, tajdid, du sens et de pratiques sociales ouvertes.
Les Cahiers de l’islam : Qui est habilité à dire la norme, la loi, la bonne interprétation ?
Mustapha Cherif : L’absence de magister officiel, considéré abusivement comme un déficit d’instances d’autorité, ne signifie pas anarchie, absence de consensus et de ligne dominante lié au juste milieu. Les faits le prouvent. Le Coran responsabilise chaque musulman. Il appelle à le recevoir comme s’il était révélé ici et maintenant, à suivre l’exemple du Prophète, à respecter les voix savantes, à consulter, à intérioriser la foi, à raisonner et interroger notre conscience critique. Cette alchimie fonctionne. Elle repose sur une vision du monde cohérente et claire.
La préférence culturelle des musulmans est pour une organisation basée sur la subsidiarité, le souci de la délibération, le lien entre l’autonomie de l’individu et la régulation collective. Il ne s’agit pas de se couper des sources authentiques. La réappropriation critique de la tradition est la juste voie. Ceux qui s’imaginent que la modernité peut se construire contre la Tradition se fourvoient.
L’immense majorité des musulmans depuis 15 siècles sait que la liberté est le fondement de l’existence, que le respect du droit à la différence est fondamental, que toute contrainte et violence contredisent l’esprit et la lettre du Coran. En Europe, les citoyens de confession musulmane, qui ont la compétence théologique nécessaire, peuvent et doivent barrer la route aux apprentis sorciers, aux extrémistes de tous bords, à rechercher la synergie et l’inventivité, afin de se libérer de toutes les formes d’interférences et contribuer à maintenir vivante une spiritualité de l’excellence.
Durant le temps de sa civilisation dominante, malgré des heurts et péripéties, l’islam n’a pas été belliqueux, ni mû par une ambition hégémonique. En outre, le législateur n'est pas que Dieu, et même si le texte coranique, pour nombre de principes, parle de Lui-même, il est pédagogique. L’humain est responsabilisé. L’un n’empêche pas l’autre. Contrairement à ce qui est colporté par des modernistes hâtifs et des islamophobes haineux, les théologiens musulmans sunnites, n’ont pas divergé à peu près sur tout.
Bien au contraire, les divergences sont mineures y compris entre les quatre fondateurs des Écoles juridiques, par delà des controverses et des pluralités. Il a fallu attendre l’ère moderne, dans le contexte colonial et aujourd’hui du désordre mondial, pour que des sectes perturbent la ligne de toujours et nuisent aux fondements. Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de saper les lectures rigoristes et nihilistes, mais de poser aussi les questions politiques et éthiques qui se posent à l’humanité.
Les citoyens de confession musulmane à travers le monde sont conscients des difficultés, de leurs faiblesses actuelles et de leurs atouts. Ils ne sont pas dupes. Ils savent qu’il n’y a pas d’alternative à l’articulation entre raison et foi, origine et devenir, spécifique et universel. Face aux duplicités, ils résistent aux chants des sirènes de tous bords, qui pour les uns les appellent à se nier, et d’autres à s’enfermer. Je reste confiant. Sera préserver la ligne du juste milieu, en mettant l’accent sur l’État de droit, une éducation équilibrée et une bonne gouvernance. L'islam est une chance, en alliance avec d’autres cultures, pour contribuer à réinventer de la civilisation qui en ces temps modernes fait défaut.
Mustapha cherif : Le délire anti-islam nuit à la paix et a pour but de faire diversion aux injustices et aux impasses de notre temps. L’islam est au dessus de toutes les attaques dont il fait l’objet du dedans et du dehors. Nul n’a le monopole de l’amour du prochain et de la paix. Comme pour d’autres sagesses et spiritualités, en islam la vie humaine est la valeur la plus sacrée. C’est un principe éthique axial. Le crime, tout comme la vengeance et la violence aveugle sont clairement et fermement prohibés. Reste à préciser que l'injonction évangélique de «tendre l'autre joue» ne signifie pas qu'on se livre à l'agresseur pour qu'il redouble de violence, mais qu'on initie un geste fort qui le trouble, remet en cause son attitude et lui démontre son échec. Dans cet ordre des valeurs abrahamiques, l’islam se veut une culture de la paix, de la contre-violence pour aboutir à une paix durable.
La civilisation musulmane a forgé des cités du vivre ensemble durant prés de quinze siècles, sur la base du respect de la pluralité et de l'intégration de l'idée de conflit pour négocier la paix, d'adversité à réguler, à canaliser et à ne pas refouler, pour vraiment favoriser la paix. Pour le Coran, l'effort, le djihad, dans ses diverses authentiques significations, que sont la légitime défense de la vie, de la souveraineté, la résistance aux agressions, la maîtrise des tensions, l’élévation spirituelle, l'acceptation de la différence, sont les sources de la paix.
Le terme barbare de « djihadisme », utilisé jusqu'à la nausée par les médias occidentaux, est un néologisme ravageur, inventé par des néorientalistes, pour créer l’amalgame. Il n’existe nul part dans les textes islamiques. Le Prophète a clairement résumé sa mission d’envoyé : « Je suis venu éduquer, parfaire les caractères, pour le bel agir ». Le Coran précise : « Tu est une miséricorde pour les mondes ». Nous sommes à des années lumières de toute idée de bellicisme.
Il ne s’agit pas seulement de dire que l’islam est paix et signifie la paix, ce qui est vrai, et un des beaux noms de Dieu, mais d’expliquer surtout que tous ses repères donnent du sens, favorisent l’humanisation, la maitrise des tensions, en phase avec la réalité et non point un pacifisme qui fait le jeu du rapport du loup et de l’agneau. Tout musulman peut dire avec Ghandi, apôtre de la non violence : « il vaut mieux la contre-violence que l’indignité » ; en sachant que seul l’État a le droit à l’usage de la force, la légitime défense.
Cela selon des conditions encore plus strictes que le concept pertinent de « guerre juste » de St Augustin. D’où que l’Émir Abdelkader l’Algérien, au XIX siècle lors de la résistance à l’occupant, en s’inspirant du Coran et de la Sunna du Prophète a été un des pères fondateurs du droit humanitaire moderne.
Comment lire les versets fermes ou qui autorise la légitime défense ? La contre-violence, telle que l'autorise l'islam à titre exceptionnel, ultime recours, et dans certaines conditions, – car la fin ne justifie jamais les moyens – a pour but d'éviter que la violence destructive, agressive, anarchique ne dégénère, d'empêcher son extension et sa répétition. Le terrorisme et le fanatisme sont l’anti-islam. Ces vérités sont ignorées par les uns et bafouées par d’autres. Malgré la mauvaise réputation des religions, les traumatismes vécus de par les guerres de religions, les discours islamophobes de dénigrement et les usurpations du nom par des sectes, l’islam est bien paix, spirituelle et temporelle. Trop de médias occultent le fait que 90% des victimes du terrorisme dans le monde sont des musulmans !
Les Cahiers de l’islam : Sur le plan épistémologique, le texte coranique offre-t-il des éléments pouvant servir de fondation à une rhétorique radicale ?
Mustapha Cherif : C’est absurde. 15 siècles de son histoire prouvent que l’islam est libérateur et source de paix. Tout en sachant que même un poème d’amour instrumentalisé peut se transformer en arme de guerre. Le Coran est innocent de toutes les manipulations et contre-sens à son détriment. Par-delà la difficulté parfois à saisir ses visées, ses recommandations, ses injonctions et la nécessité d’enseigner son sens vrai et universel, ceux qui prétendent que « le Coran supporte une lecture belliqueuse du rapport au monde et aux autres » et que la « violence a aussi à voir avec l’islam », sont dans la contre-vérité et la supercherie. Leurs propos sont de la violence. Ils édulcorent le sens du texte, en citant des versets coupés de leur contexte et isolés du reste du corpus. Ils feignent d’ignorer que l’extrémisme et le fanatisme sont des errements anti-islam, liés aux causes d’abord politiques. L’amalgame est un crime intellectuel.
Les Cahiers de l’islam : certains pensent que les condamnations officielles, au sein de la communauté musulmane, ne suffisent plus pour dénoncer le « terrorisme islamiste » et ils regrettent « l’absence de déconstruction du discours radical ». Quel est votre avis ?
Mustapha Cherif : Ce type de modernistes sombre dans l’amalgame. Des chercheurs des deux rives se penchent sur les dérives et les déviances. Ils savent que par delà l’instrumentalisation injustifiable de la religion et l’indigence intellectuelle, la question est d’abord politique. La réponse doit être globale et multiforme pour faire reculer la mondialisation de l’insécurité. Tous les efforts, pour combattre, par les idées, l’obscurantisme, le radicalisme et le terrorisme, sont les bienvenus, d’utilité publique. Toute recherche qui tente de cerner les causes et les conséquences des problèmes pour tarir les sources du rigorisme et de la violence aveugle est un bienfait. Cependant, l’approche, d’une partie des auteurs « musulmans » dits « modernistes », qui donne l’impression d’être audacieuse, est contre-productive et nuisible, pour l’Occident et pour l’Orient.
Il y a deux sortes de chercheurs « modernistes ». Les uns, soucieux d’objectivité scientifique et respectueux du caractère vénérable du Coran, pratiquent l’interprétation, la critique constructive et s’attaquent à juste titre à des productions et structures humaines archaïques. Cette démarche est proche de la ligne du juste milieu auquel je me rattache. Ce qui est légitimement contestée par ce courant moderne est la lecture fermée des « ulémas » et des courants intégristes qui trahissent les références fondatrices. Il est salutaire de s’opposer aux lectures fermées et de revoir les textes à l'aune des vraies sources et de l’évolution de nos sociétés. Conjuguer authenticité et modernité, en traduction de la ligne médiane, est l’aspiration légitime de l’immense majorité des musulmans.
La deuxième catégorie de modernistes pratique le dénigrement et non point la critique constructive. Â sa façon, elle verse dans l’essentialisme et l’amalgame inadmissibles. Elle creuse l’abîme qui la sépare de la réalité historique et de la masse des musulmans. Elle réinterprète l'histoire sous l’angle des préjugés du présent et sur le mode du relativisme. Elle laisse entendre que les références fondatrices, notamment le Coran, portent en elles le germe du problème. C’est comme dire que l’Inquisition est dans l’Évangile, ou le Nazisme dans les textes des Encyclopédistes.
Tout comme les radicaux qui usurpent le nom de l’islam, cette partie des auteurs modernistes s’exclue elle-même du débat interne aux musulmans. Les questions de fond politiques, économiques, stratégiques, civilisationnelles, ne sont pas abordées. Ce qui l’intéresse, n’est pas d’expliquer, de rénover et d’interpréter, mais d’assimiler le citoyen de confession musulmane, de le soumettre à la logique areligieuse, voire antireligieuse, des dominants. Elle accable les musulmans et remet en cause les valeurs fondamentales, sous prétexte de réforme. Ce n’est plus le radicalisme qui est dénoncé, ce sont les références fondatrices, le Coran, le Prophète, la spiritualité, qui sont caricaturés.
Sur la base d’une approche historiciste, matérialiste, laïciste, elle n’exclue pas d’abroger une partie ou tout du Coran, de considérer que c’est une œuvre humaine réduite à une époque particulière. Elle emploie le mot fallacieux « islamisme », qui laisse entendre une relation directe de l’extrémisme avec l’islam. Le plus souvent, ces modernistes n’ont pas la compétence en matière d’islamologie. Ils se définissent comme des « musulmans séculiers », ou de « culture musulmane », pourtant l’islam est intrinsèquement séculier, ouvert et respectueux de la pluralité des opinions, cultures et religions. Alors que la responsabilité est partagée, leur approche innocente les systèmes géopolitiques déstabilisateurs qui ont fabriqué les monstres et les manipulent et partant culpabilisent les musulmans : « nous avons produit des démons » disent-ils.
Les Cahiers de l’islam : Peut-on critiquer l’islam et les musulmans ?
Mustapha Cherif : Évidemment. Reste à tout mettre sur la table, dans un souci de réciprocité et d’équité, à renvoyer la question : peut–on critiquer l’ordre mondial injuste, la politique des deux poids et deux mesures, l’amalgame, l’islamophobie, la montée de la xénophobie, les discriminations ? Aucune religion, ni communauté, ni concept, ne peut se dérober à la critique, mais la posture d’une partie des modernistes et celle des islamophobes est injuste et élude la compréhension du Coran. Rien ne doit laisser planer le doute sur le caractère injustifiable du radicalisme. Le critiquer, le dénoncer, le réfuter, est un devoir. Cependant, les musulmans ont le droit absolu de refuser les stigmatisations, les injures, les offenses et les amalgames. L’amalgame pratiqué par la deuxième catégorie de modernistes alimente le radicalisme et sème l’idée funeste que le Coran, pourtant au dessus de tout soupçon, ne saurait être dédouané des actions mortifères prônées en son nom.
Elle dénigre ses origines, devient un alibi pour légitimer la haine de l’islam et des musulmans. Elle endosse l’habit du musulman assimilé. Mi- consciemment, elle est formatée par la machine politico-médiatique dominante. Les médias dominants et les éditeurs lui sont ouverts à longueur d’année. Elle considère que l’Occident est une chance pour les musulmans qui y vivent, occultant que la chance est mutuelle. Cette catégorie de modernistes est impuissante, elle n’a aucune prise sur le réel et le comportement de jeunes musulmans livrés à aux manipulations des radicaux.
Ses surenchères cherchent à faire admettre l’absurde, c’est-à-dire que l’islam à des difficultés avec la liberté, à tout le moins qu’il n’est pas : « spontanément compatible avec la démocratie, la liberté d'expression, la laïcité… ». Alors qu’il s’agit de changer les attitudes crispées d’une minorité égarée de musulmans, elle préconise une posture qui est une forme de reniement : « L'islam doit… se réformer radicalement ». Elle renforce les préjugés injustes qui dominent dans les sociétés occidentales au sujet de l’islam. Elle se présente avec un complexe marqué par un mépris envers la communauté musulmane profonde. Elle se définie comme la détentrice des « Lumières face à la masse des ignorants ». Sa légèreté est autant rejetée que la trahison des monstres groupuscules criminels manipulés qui instrumentalisent l’islam et pratiquent la violence aveugle, au service de desseins mafieux et géopolitiques.
Les Cahiers de l’islam : Que pensez-vous de l’idée de déjuridicisation de la Révélation » ?
Mustapha Cherif : La révélation n’est pas un code juridique. C’est un souffle libérateur qui s’adresse à la totalité de l’être. Retrouver l’esprit et la lettre du Coran et de la Sunna, mettre l’accent sur la spiritualité, le sens de l’ouvert de l’islam et la nécessité de raisonner, de responsabiliser l’humain, est vital. Mais vouloir amputer le Coran de nombre de ses versets et normes, c’est du n’importe quoi, pathétique, un discours inconsistant, qui répond à l’air du temps. C’est une forme de radicalisme, d’extrémisme infantile voué à l’échec.
Les radicaux intégristes procèdent à une instrumentalisation, une approche arbitraire et fermée de la religion, et d’un autre côté une partie des modernistes sombre dans un autre excès celui de chercher à dévitaliser, diluer le corpus. Les deux courants ratent totalement leur sujet. Le Coran est un Livre ouvert et en même temps, Il est un tout, où l’absolu et le relatif, le permanent et l’évolutif se conjuguent. On ne peut ni le figer, ni le disséquer comme une archive morte, ni sélectionner uniquement des aspects eschatologiques et refuser des aspects normatifs et vis-versa.
Des intellectuels reconnaissent pourtant que le « Divin » a laissé aux hommes l’intelligence de procéder à l’élaboration de leur droit selon l’évolution et les cas particuliers, mais des critères et repères sont proposés par la Révélation et le Prophète. La Loi n’est pas qu’une construction humaine. Les uns de manière pédante, les autres en donneurs de leçons, n’arrivent pas à comprendre qu’il n’y a pas de liberté sans loi. En raison de leur caractère simpliste, réducteur et caricatural, les dénigrements essentialistes sont médiatisés, leurs portes–voix sont devenues les auxiliaires des xénophobes.
Les modernistes du dénigrement, censés interroger le Texte et éclairer le chemin, affirment de manière erronée que le Coran n’est pas en lui même explicite. Alors que l’immense majorité de ses versets sont péremptoires, muhkam, dit le Coran, explicites, clairs, dans une langue limpide et d’un sens évident. Seule une minorité de versets est ambiguë, au sens caché, ou difficile à comprendre, nécessitant d’être interprétée, pour mettre à l’épreuve la raison humaine.
Les Cahiers de l’islam : Il faut donc s’atteler à la pratique de l’interprétation, de l’ijtihad ?
Mustapha Cherif : Tout à fait. Le Coran et le bon sens l’exigent. Contrairement à ceux qui, peut-être pour tenter d’apparaître audacieux, répondent de manière hâtive et avec légèreté « Pratiquer l’ijtihâd pourquoi faire ? », c’est pourtant bien d’interprétation qu’il s’agit. Il y a urgence à se remettre à l’écoute du Coran et de la Sunna, réinterpréter, interpréter, rénover, adapter, innover, non pas pour « jeter le bébé avec l’eau du bain », mais en articulant le permanent et l’évolutif, le spécifique et l’universel.
Le terrorisme non seulement n’a rien à voir avec la religion, mais est l’anti-religion. Il relève du politique déviant. Arrêtons de faire porter la responsabilité à la religion utilisée comme masque et prétexte, ce qui relève surtout du politique et d’autres contradictions. Cela n’empêche pas d’éduquer à une juste compréhension de la religion, au juste milieu et à la modernité liée à l’authenticité, d’encourager une pensée théologique fidèle aux sources et conforme à la marche du temps, à partir d’un renouveau, tajdid, du sens et de pratiques sociales ouvertes.
Les Cahiers de l’islam : Qui est habilité à dire la norme, la loi, la bonne interprétation ?
Mustapha Cherif : L’absence de magister officiel, considéré abusivement comme un déficit d’instances d’autorité, ne signifie pas anarchie, absence de consensus et de ligne dominante lié au juste milieu. Les faits le prouvent. Le Coran responsabilise chaque musulman. Il appelle à le recevoir comme s’il était révélé ici et maintenant, à suivre l’exemple du Prophète, à respecter les voix savantes, à consulter, à intérioriser la foi, à raisonner et interroger notre conscience critique. Cette alchimie fonctionne. Elle repose sur une vision du monde cohérente et claire.
La préférence culturelle des musulmans est pour une organisation basée sur la subsidiarité, le souci de la délibération, le lien entre l’autonomie de l’individu et la régulation collective. Il ne s’agit pas de se couper des sources authentiques. La réappropriation critique de la tradition est la juste voie. Ceux qui s’imaginent que la modernité peut se construire contre la Tradition se fourvoient.
L’immense majorité des musulmans depuis 15 siècles sait que la liberté est le fondement de l’existence, que le respect du droit à la différence est fondamental, que toute contrainte et violence contredisent l’esprit et la lettre du Coran. En Europe, les citoyens de confession musulmane, qui ont la compétence théologique nécessaire, peuvent et doivent barrer la route aux apprentis sorciers, aux extrémistes de tous bords, à rechercher la synergie et l’inventivité, afin de se libérer de toutes les formes d’interférences et contribuer à maintenir vivante une spiritualité de l’excellence.
Durant le temps de sa civilisation dominante, malgré des heurts et péripéties, l’islam n’a pas été belliqueux, ni mû par une ambition hégémonique. En outre, le législateur n'est pas que Dieu, et même si le texte coranique, pour nombre de principes, parle de Lui-même, il est pédagogique. L’humain est responsabilisé. L’un n’empêche pas l’autre. Contrairement à ce qui est colporté par des modernistes hâtifs et des islamophobes haineux, les théologiens musulmans sunnites, n’ont pas divergé à peu près sur tout.
Bien au contraire, les divergences sont mineures y compris entre les quatre fondateurs des Écoles juridiques, par delà des controverses et des pluralités. Il a fallu attendre l’ère moderne, dans le contexte colonial et aujourd’hui du désordre mondial, pour que des sectes perturbent la ligne de toujours et nuisent aux fondements. Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de saper les lectures rigoristes et nihilistes, mais de poser aussi les questions politiques et éthiques qui se posent à l’humanité.
Les citoyens de confession musulmane à travers le monde sont conscients des difficultés, de leurs faiblesses actuelles et de leurs atouts. Ils ne sont pas dupes. Ils savent qu’il n’y a pas d’alternative à l’articulation entre raison et foi, origine et devenir, spécifique et universel. Face aux duplicités, ils résistent aux chants des sirènes de tous bords, qui pour les uns les appellent à se nier, et d’autres à s’enfermer. Je reste confiant. Sera préserver la ligne du juste milieu, en mettant l’accent sur l’État de droit, une éducation équilibrée et une bonne gouvernance. L'islam est une chance, en alliance avec d’autres cultures, pour contribuer à réinventer de la civilisation qui en ces temps modernes fait défaut.