Avant-propos
Nous proposons ici le compte-rendu du colloque " Qu’est-ce que la philosophie Arabe ? " qui s'est tenu en date du 17 Mars du 2014 à la Sorbonne dans le cadre du premier volume de la revue à comité de lecture « Les Cahiers de l’Islam ».
Co-organisé par l’association les Cahiers de l’Islam © et l’Insitute for Epistemological studies-Europe (IESE), avec le soutien de l’UFR d'études arabes et hébraïques de l'Université de Paris-Sorbonne et du Centre de Recherche Moyen-Orient Méditerranée (CERMOM), l’idée principale de ce colloque était d’offrir l’occasion de revisiter la notion même des expressions « philosophie arabe » et « philosophie islamique », voire d’en interroger la pertinence. Dans cette démarche, l’époque contemporaine ne devait pas être négligée.
Du reste, au-delà même de la question de savoir si la philosophie dont il devait être question était arabe ou non, islamique ou non, il nous importait de faire partager au plus grand nombre, à partir de travaux menés sous l’angle philosophique par d’éminents spécialistes, les apports multiples à la pensée humaine de la très riche civilisation arabo-musulmane. Pendant des siècles, celle-ci a puisé son dynamisme, son originalité et sa richesse dans des sources et des ressources multiples recouvrant plusieurs traditions, langues et continents, du persan à l’arabe, de l’Afrique-au sous-continent indien en passant par l’Arabie.
Plus encore, il est de notre avis que, dans un monde en pleine mutation, mondialisé, multi-ethniques et pluri-religieux, à un moment où l'Islam provoque d'incessantes polémiques et fait l'objet de tant de controverses, l’éclairage apporté par les travaux qui seront publiés dans la revue et/ou qui ont été présentés lors du colloque sur les questions traitées par ses philosophes et leur apport à la pensée occidentale, permet de nourrir l’échange et le dialogue, pour lutter contre les préjugés ethniques, culturels et religieux, et enfin pour encourager la tolérance et le respect.
Avant de commencer le compte rendu des différentes interventions, qu’il nous soit donné ici, en tant que co-organisateur, de remercier tous les participants à ce colloque, sans exception, que ce soit les intervenants, parfois venu de très loin, le public venu nombreux ainsi que nos partenaires.
Co-organisé par l’association les Cahiers de l’Islam © et l’Insitute for Epistemological studies-Europe (IESE), avec le soutien de l’UFR d'études arabes et hébraïques de l'Université de Paris-Sorbonne et du Centre de Recherche Moyen-Orient Méditerranée (CERMOM), l’idée principale de ce colloque était d’offrir l’occasion de revisiter la notion même des expressions « philosophie arabe » et « philosophie islamique », voire d’en interroger la pertinence. Dans cette démarche, l’époque contemporaine ne devait pas être négligée.
Du reste, au-delà même de la question de savoir si la philosophie dont il devait être question était arabe ou non, islamique ou non, il nous importait de faire partager au plus grand nombre, à partir de travaux menés sous l’angle philosophique par d’éminents spécialistes, les apports multiples à la pensée humaine de la très riche civilisation arabo-musulmane. Pendant des siècles, celle-ci a puisé son dynamisme, son originalité et sa richesse dans des sources et des ressources multiples recouvrant plusieurs traditions, langues et continents, du persan à l’arabe, de l’Afrique-au sous-continent indien en passant par l’Arabie.
Plus encore, il est de notre avis que, dans un monde en pleine mutation, mondialisé, multi-ethniques et pluri-religieux, à un moment où l'Islam provoque d'incessantes polémiques et fait l'objet de tant de controverses, l’éclairage apporté par les travaux qui seront publiés dans la revue et/ou qui ont été présentés lors du colloque sur les questions traitées par ses philosophes et leur apport à la pensée occidentale, permet de nourrir l’échange et le dialogue, pour lutter contre les préjugés ethniques, culturels et religieux, et enfin pour encourager la tolérance et le respect.
Avant de commencer le compte rendu des différentes interventions, qu’il nous soit donné ici, en tant que co-organisateur, de remercier tous les participants à ce colloque, sans exception, que ce soit les intervenants, parfois venu de très loin, le public venu nombreux ainsi que nos partenaires.
Foreword
We propose here the report of the symposium "What is Arabic philosophy?" which was held dated 17 March 2014 and hosted by the Sorbonne (Paris) as a part of the first volume of the academic revue "Les Cahiers de l'Islam" (forthcoming).
Co-organized by the association Cahiers Islam © and Epistemological Studies Institute for Europe (IESE), with the support of the Faculty of Arabic and Hebrew studies at the University of Paris-Sorbonne and the Research Center Middle East Mediterranean (CERMOM), the main idea of this conference was to provide an opportunity to revisit the notion of the terms "Arab philosophy" and "Islamic philosophy" or to question the relevance of these terms. In addition, in this approach, the contemporary moment should not be overlooked.
In fact, even beyond the question of whether the philosophy which was discussed is Arab or not, Islamic or not, it was important to us to share, in light of works addressed in terms philosophical by leading academics, the multiple contributions to human thought of the rich arab-muslim civilization. For centuries, this civilization drawn its dynamism, its originality and richness on sources and multiple resources that covered several traditions, languages and continents, from Persian to Arabic, from Africa to Indian subcontinent including of course the Arabian Peninsula.
Moreover, it is our opinion that in a changing world, global, multi-ethnic and multi-religious, at a time when Islam causes incessant polemics and is the subject of much controversy, the lighting provided by the works which will be published in the revue and / or which have been presented at the symposium on the issues dealt with by philosophers and their contribution to Western thought, helps to feed the exchange and dialogue to fight against ethnic prejudice, cultural and religious and finally, stimulate tolerance and respect.
Before starting the review of different interventions, as a co-organizer of the conference, and on our behalf, we wish warmly thank all participants and guests of honour, who sometimes came from far, the wide audience which attended this conference, and finally our partners.
Co-organized by the association Cahiers Islam © and Epistemological Studies Institute for Europe (IESE), with the support of the Faculty of Arabic and Hebrew studies at the University of Paris-Sorbonne and the Research Center Middle East Mediterranean (CERMOM), the main idea of this conference was to provide an opportunity to revisit the notion of the terms "Arab philosophy" and "Islamic philosophy" or to question the relevance of these terms. In addition, in this approach, the contemporary moment should not be overlooked.
In fact, even beyond the question of whether the philosophy which was discussed is Arab or not, Islamic or not, it was important to us to share, in light of works addressed in terms philosophical by leading academics, the multiple contributions to human thought of the rich arab-muslim civilization. For centuries, this civilization drawn its dynamism, its originality and richness on sources and multiple resources that covered several traditions, languages and continents, from Persian to Arabic, from Africa to Indian subcontinent including of course the Arabian Peninsula.
Moreover, it is our opinion that in a changing world, global, multi-ethnic and multi-religious, at a time when Islam causes incessant polemics and is the subject of much controversy, the lighting provided by the works which will be published in the revue and / or which have been presented at the symposium on the issues dealt with by philosophers and their contribution to Western thought, helps to feed the exchange and dialogue to fight against ethnic prejudice, cultural and religious and finally, stimulate tolerance and respect.
Before starting the review of different interventions, as a co-organizer of the conference, and on our behalf, we wish warmly thank all participants and guests of honour, who sometimes came from far, the wide audience which attended this conference, and finally our partners.
مؤتمر دولي حول القضية : ماهي الفلسفة العربية ؟
17 مارس 2014 نظمت جمعية Les Cahiers de l’Islam بالتعاون مع معهد الدراسات الابستمولوجية وجاممة السوربون المؤتمر الدولي حول القضية : ماهي الفلسفة العربية ؟ |
وكان المؤتمر بمناسبة صدور المجلد الأول من المجلة الأكاديمية Les Cahiers de l’Islam » |
افتتحت المؤتمر بمقدمة تشارلز باترووث ، من جامعة ماريلاد بالولايات المتحدة؛ ركز خطابه على مفهوم ’الفلسفة الإسلامية‘، و من وجهة باترووث، من الأفضل أن نبدل تسمية ’الفلسفة الإسلامية‘ ب ’الفلسفة في أرض الإسلام‘ أو ’الفلسفة في السياق الإسلامي‘... وأنهى خطابه بترحيب منظمي المؤتمر، ولا سيما جمعية |
Les Cahiers de l’Islam |
بعد مقدمة باتروورث للمؤتمر، تحدث نادر البزري، من الجامعة الأميركية في بيروت، عن قضية "تجديد الفلسفة"، و تركز حديثه على الظروف لتجديد بعض العناصر الأساسية للفلسفة الإسلامية والعربية؛ وقال نادر أن هذا النوع من الاستجواب يؤدي إلى انعكاسات التي يمكن تجديد الفلسفة، وإحياءها، ومنحها مكانا بين المدارس الفلسفية الحديثة، خاصةً في أوروبا |
المتكلم الثاني، روجيرو فيمركاتي سانسفيرنو من جامعة توبينجن الألمانية، قام بقضية : »"الفلسفة النبوية" وتعلم نخبة المسلمين المعاصرين« : معنى وأهمية الفلسفية الإسلامية عند سيد حسين نصر؛ ومن خلال خطابه طرح السؤال التالي : ماهي الفلسفة الإسلامية وما الدور الذي يمكن أن تقوم به لمواجهة التحديات التي تطرحها الحداثة الغربية على العالم الإسلامي المعاصر؟ |
خلال الجزء الثاني من المؤتر، ركزت المناقشات على قضايا متنوعة متعلقة بالفلسفة العربية الإسلامية، مثل : |
تحدثت مريم سبتي، من المعهد الفرنسي للبحث العلمي، عن وظيفة التفسير الفلسفي للقرآن وفقا لابن سين؛ أشارت إلى أن لابن سينا، دور الفيلسوف عند تفسير القرآن هو أن يؤكد التوحيد وأن يدل إلى أن الآيات التجسيمية التي وردت في القرآن يجب أن تؤخذ بالمعنى المجازي. |
كانت الفكرة الرئيسية لهذا المؤتمر تهدف إلى توفير فرصة لإعادة النظر في مفهوم مصطلح "فلسفة عربية" و "الفلسفة الإسلامية"؛ وقد سمحت هذه الندوة لتحقيق هذا الهدف. |
المشتركون الآخرون في المؤتمر : جيل يانسن ، أستاذ وباحث في الجامعة الكاثوليكية في لوفن جان باتيست برني ، أستاذ وباحث في جامعة السوربون اميلي كوترل، باحثة في جامعة برلين الحرة غييوم دوفو بارسي ، وباحث في جامعة السوربون بدي ابنو ، مدير معهد دراسات الابستمولوجية في بروكسيل آن صوفي جوانو ، باحثة في جامعة السوربون جوزيف فان ايس ، أستاذ متقاعد من جامعة توبنجين الألمانية ادريان ليتس ، أستاذ في جامعة السوربون شاون ولنك ، أستاذ وباحث في جامعة لون اسلاند ببروكفيل بالولايات المتحدة |
أعضاء جميعية Les Cahiers de l’Islam : باسكال لميل أمين جبار يوسف ت. سنغاري |
Compte-rendu
Le colloque s’est ouvert sur une introduction réalisée par le professeur, Charles Butterworth , professeur émérite de l’university of Maryland, USA. Celui-ci a commencé par mentionner que l’on peut certainement parler de philosophie arabe dans la mesure où celle-ci fut formulée dans cette langue et que par ailleurs, il est tout à fait légitime de relever qu’elle s’est exprimée dans un contexte islamique. Toutefois, pour C. Butterworth il semble difficile de parler de philosophie Islamique dans la mesure ou certains de ces philosophes étaient chrétiens ou bien encore juifs, sauf à prendre « Islamique » dans le sens de « culture islamique ». Au final, il préféra « Philosophie en terre d’Islam », terminologie proposée en séance par Josef Van-Ess professeur émérite de l’Université de Tübingen, citant les travaux du Père Georges Anawati (1905-1994).
La suite de la matinée porta sur l’actualité de cette philosophie en climat islamique et sur son rapport aux autres champs cognitifs.
Dans une première intervention intitulée « Le renouvellement de la Falsafa. », le professeur Nader El-Bizri , de l’American University of Beirut, Lebanon a rappelé que depuis de nombreuses années, la définition académique de la « philosophie arabe » (ou « philosophie islamique ») est essentiellement déterminée à partir des méthodes historiographiques et philologiques. Or, comme il l’a exposé, cette approche lui parait sclérosante et limitative. C’est pourquoi, il en est venu à s’interroger sur les conditions à mettre en place afin de pouvoir à nouveau penser philosophiquement en arabe dans notre époque moderne, en relation avec la religion musulmane, sans avoir des ruptures épistémiques imposées et artificielles avec l’histoire des idées en Islam. A son sens, une telle renaissance de la falsafa pourrait certainement constituer une source de renouveau pour la pensée philosophique contemporaine.
Dans la seconde intervention, « La "philosophie prophétique" et l’éducation des élites musulmanes contemporaines : signification et actualité de la philosophique islamique d’après Seyyed Hossein Nasr » proposée par Ruggero Vimercati Sanseverino du Center for Islamic Theology (ZITH) de l’Université de Tübingen nous avons été plongé au cœur de la pensée de l’ancien élève d’Henri Corbin : l’islamologue iranien de la Washington University, Washington D.C., Seyyed Hossein Nasr . Pour ce dernier, la philosophie islamique semble correspondre avant tout à une « philosophie prophétique », qu’il identifie à la sagesse (ḥikma) évoquée dans le Coran. Il s’agit d’une pensée qui, tout en faisant usage de la réflexion philosophie, a trouvé son origine dans « la niche de la prophétie », autrement dit, dans cette source supra-rationnelle que serait la révélation coranique reçue et transmise par le Prophète Muḥammad (ç). Comme l’a expliqué Ruggero Vimercati Sanseverino, la contribution la plus importante que puisse apporter cette philosophie prophétique aux défis contemporains concerne selon lui le domaine de l’éducation. C’est ainsi que les concepts éducatifs développés par des falāsifa orientaux comme les Ikhwān al-ṣafā’ ("Les frères de la pureté" ), Ibn Sīnā (Avicenne), al-Suhrawardī et Mullā Ṣadrā, fondées sur une vision holistique de l’homme et de sa finalité, permettraient de constituer une élite intellectuelle musulmane apte à affronter de manière lucide et constructive la pensée moderne, sans sombrer dans les excès faciles du fondamentalisme ou du progressisme.
La suite de la matinée porta sur l’actualité de cette philosophie en climat islamique et sur son rapport aux autres champs cognitifs.
Dans une première intervention intitulée « Le renouvellement de la Falsafa. », le professeur Nader El-Bizri , de l’American University of Beirut, Lebanon a rappelé que depuis de nombreuses années, la définition académique de la « philosophie arabe » (ou « philosophie islamique ») est essentiellement déterminée à partir des méthodes historiographiques et philologiques. Or, comme il l’a exposé, cette approche lui parait sclérosante et limitative. C’est pourquoi, il en est venu à s’interroger sur les conditions à mettre en place afin de pouvoir à nouveau penser philosophiquement en arabe dans notre époque moderne, en relation avec la religion musulmane, sans avoir des ruptures épistémiques imposées et artificielles avec l’histoire des idées en Islam. A son sens, une telle renaissance de la falsafa pourrait certainement constituer une source de renouveau pour la pensée philosophique contemporaine.
Dans la seconde intervention, « La "philosophie prophétique" et l’éducation des élites musulmanes contemporaines : signification et actualité de la philosophique islamique d’après Seyyed Hossein Nasr » proposée par Ruggero Vimercati Sanseverino du Center for Islamic Theology (ZITH) de l’Université de Tübingen nous avons été plongé au cœur de la pensée de l’ancien élève d’Henri Corbin : l’islamologue iranien de la Washington University, Washington D.C., Seyyed Hossein Nasr . Pour ce dernier, la philosophie islamique semble correspondre avant tout à une « philosophie prophétique », qu’il identifie à la sagesse (ḥikma) évoquée dans le Coran. Il s’agit d’une pensée qui, tout en faisant usage de la réflexion philosophie, a trouvé son origine dans « la niche de la prophétie », autrement dit, dans cette source supra-rationnelle que serait la révélation coranique reçue et transmise par le Prophète Muḥammad (ç). Comme l’a expliqué Ruggero Vimercati Sanseverino, la contribution la plus importante que puisse apporter cette philosophie prophétique aux défis contemporains concerne selon lui le domaine de l’éducation. C’est ainsi que les concepts éducatifs développés par des falāsifa orientaux comme les Ikhwān al-ṣafā’ ("Les frères de la pureté" ), Ibn Sīnā (Avicenne), al-Suhrawardī et Mullā Ṣadrā, fondées sur une vision holistique de l’homme et de sa finalité, permettraient de constituer une élite intellectuelle musulmane apte à affronter de manière lucide et constructive la pensée moderne, sans sombrer dans les excès faciles du fondamentalisme ou du progressisme.
Le second groupe d’interventions proposées en début d’après-midi, nous a entraînés au cœur de la philosophie arabe médiévale. Au travers de trois exemples concrets de nature et de portée totalement différentes, les intervenants nous ont proposé une vision de la « philosophie arabe ou islamique classique » diversifiée et riche.
La première intervention : « La fonction de l'exégèse philosophique du Coran selon Avicenne. » par Mme Meryem Sebti chercheuse au CNRS, (UPR 76, Paris), a porté sur une étude originale des commentaires qu’Avicenne (980-1037) a consacré à des sourates et versets du Coran. Il s’agissait ici d’essayer de déterminer la fonction qu'occupa l’exégèse coranique dans l'économie de la pensée d'Avicenne. Pour ce faire la chercheuse, s’est basée sur une épître qu’Avicenne a consacré à l’eschatologie, « al-Risāla al-Aḍḥawīya fī amr al-ma‘ād (L’Epître sur le retour) », et où ce dernier consacre tout un passage à la fonction de l’exégèse coranique. Le rôle du philosophe est, selon lui, lorsqu’il interprète le Coran, d’affirmer le tawḥīd, à savoir l’absolue unité et unicité de Dieu. Il apparait que pour Avicenne, le devoir du philosophe est de montrer que les versets coraniques qui décrivent Dieu en termes anthropomorphiques doivent être pris dans un sens métaphorique (rejoignant ainsi certaines conceptions de l’école Mu’tazilite). Leur utilité est simplement de ne pas perturber dans leur foi ceux qui seraient incapables d’appréhender rationnellement l’expression d’une unicité absolue de la nature divine.
Dans l’intervention suivante : « La naissance tolédane de la "philosophie arabe ". Sur les intentions des traducteurs du Liber de anima de l’Avicenne latin. » réalisée par Anne-Sophie Jouanneau de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne (UMR 7219 SPHERE), celle-ci a tenté de se positionner au cœur de de l’intention philosophique qui a aboutie à la vaste entreprise de traduction des œuvres des philosophes arabes « classiques » (Avicenne, Averroès, etc..), réalisée à Tolède au XIIe siècle. En prenant comme point de départ l’argument dit de l’Homme volant chez Avicenne et en étudiant les introductions réalisées par les traducteurs latin du De anima d’Avicenne, Anne-Sophie Jouanneau a montré combien le travail de ces derniers était avant tout philosophique. C’est que ces traducteurs étaient également philosophes. Pour la chercheuse, ils ont ainsi constitué, un corpus à part entière : le prisme aristotélicien, le choix des œuvres traduites, les intentions qui ont présidé à ce travail ainsi que les innovations conceptuelles pour rendre l’arabe ont fourni des caractéristiques originales à l’ensemble, que l’on doit impérativement prendre en compte lorsque l’on use de l’expression « philosophie arabe ».
Enfin dans la derniere intervention de ce groupe, « The Discoverer of Being: Law or Philosophy ? » le professeur Shawn Welnak de la Long Island University, Brookville, USA, a essayé de montrer, à partir de la controverse qui s’était tenue à quelques années d’intervalles entre al-Ġazālī et Averroès, en quoi celle-ci a constitué un débat éminemment philosophique au sens Straussien (Léo Stauss, 1899-1973) du terme. Ainsi, pour le professeur Shawn Welnak, la « philosophie arabe » , en tant que forme de philosophie pré-moderne profondément préoccupée par la querelle entre la raison et la révélation, nous offre un lieu quasi idéal permettant de comprendre la philosophie en tant que telle et, partant de là, son caractère essentiel. Car, comme la rappelé le professeur Welnak, pour Strauss, deux distinctions semblent relever du cœur de la philosophie: le rejet intransigeant de l’autorité (la tradition) et l’adhésion à l’hypothèse du caractère aveugle de la nécessité de nature. Il apparait donc une tension entre deux pôles irréductibles : la raison et la Révélation, la philosophie et la théologie, la société régie par la loi ordonnée au bien commun et la société régie par une morale parfaite. C’est ainsi, nous rappelle le professeur Welnak, qu’au nom de la Révélation, al-Ġazālī argumentera en faveur d'un renversement de la démarche philosophique : abandonner l’hypothèse philosophique sur la nature au profit de son équivalent pré-philosophique et religieux, c’est à dire la tradition, alors qu’Averroès, ayant pour objectif d’atteindre la sagesse, soutiendra que l’on doit supposer la possibilité d’une connaissance solidaire de l’existence de nature et du rejet de l’autorité.
Dans l’intervention suivante : « La naissance tolédane de la "philosophie arabe ". Sur les intentions des traducteurs du Liber de anima de l’Avicenne latin. » réalisée par Anne-Sophie Jouanneau de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne (UMR 7219 SPHERE), celle-ci a tenté de se positionner au cœur de de l’intention philosophique qui a aboutie à la vaste entreprise de traduction des œuvres des philosophes arabes « classiques » (Avicenne, Averroès, etc..), réalisée à Tolède au XIIe siècle. En prenant comme point de départ l’argument dit de l’Homme volant chez Avicenne et en étudiant les introductions réalisées par les traducteurs latin du De anima d’Avicenne, Anne-Sophie Jouanneau a montré combien le travail de ces derniers était avant tout philosophique. C’est que ces traducteurs étaient également philosophes. Pour la chercheuse, ils ont ainsi constitué, un corpus à part entière : le prisme aristotélicien, le choix des œuvres traduites, les intentions qui ont présidé à ce travail ainsi que les innovations conceptuelles pour rendre l’arabe ont fourni des caractéristiques originales à l’ensemble, que l’on doit impérativement prendre en compte lorsque l’on use de l’expression « philosophie arabe ».
Enfin dans la derniere intervention de ce groupe, « The Discoverer of Being: Law or Philosophy ? » le professeur Shawn Welnak de la Long Island University, Brookville, USA, a essayé de montrer, à partir de la controverse qui s’était tenue à quelques années d’intervalles entre al-Ġazālī et Averroès, en quoi celle-ci a constitué un débat éminemment philosophique au sens Straussien (Léo Stauss, 1899-1973) du terme. Ainsi, pour le professeur Shawn Welnak, la « philosophie arabe » , en tant que forme de philosophie pré-moderne profondément préoccupée par la querelle entre la raison et la révélation, nous offre un lieu quasi idéal permettant de comprendre la philosophie en tant que telle et, partant de là, son caractère essentiel. Car, comme la rappelé le professeur Welnak, pour Strauss, deux distinctions semblent relever du cœur de la philosophie: le rejet intransigeant de l’autorité (la tradition) et l’adhésion à l’hypothèse du caractère aveugle de la nécessité de nature. Il apparait donc une tension entre deux pôles irréductibles : la raison et la Révélation, la philosophie et la théologie, la société régie par la loi ordonnée au bien commun et la société régie par une morale parfaite. C’est ainsi, nous rappelle le professeur Welnak, qu’au nom de la Révélation, al-Ġazālī argumentera en faveur d'un renversement de la démarche philosophique : abandonner l’hypothèse philosophique sur la nature au profit de son équivalent pré-philosophique et religieux, c’est à dire la tradition, alors qu’Averroès, ayant pour objectif d’atteindre la sagesse, soutiendra que l’on doit supposer la possibilité d’une connaissance solidaire de l’existence de nature et du rejet de l’autorité.
Dans la seconde partie de l’après-midi, le dernier groupe d’intervenants s’est attaché à revenir à la définition même de la philosophie arabe, source de tant de controverses.
Dans cette optique Mr. Beddy Ebnou, directeur de l’Insitute for Epistemological studies-Europe (IESE) s’est proposé de partir de la définition de la philosophie donnée par les philosophes arabes eux-mêmes. C’est ainsi qu’il nous a proposé l’étude de la définition qu’en avait donné Averroes dans son œuvre Faṣl al-maqâl (le Discours décisif). Plus exactement, par la définition qu’il avait donné de l’acte de philosopher, en tant que juriste Musulman, à savoir : « […] l'acte de philosopher ne consiste en rien d'autre que dans l'examen rationnel des étants, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu'ils constituent la preuve de l'existence de l'Artisan [Dieu], c'est-à-dire en tant qu'ils sont [analogues à] des artefacts — car de fait, c'est dans la seule mesure où l'on en connaît la fabrique que les "étants" constituent une preuve de l'existence de l'Artisan ; […] ». Or, Mr Beddy Ebnou fait remarquer que cette définition ne constitue pas une définition usuelle, « normée », de la philosophie et que de fait, d’autres philosophes arabes donneront des définitions différentes de la philosophie. C’est ainsi qu’Al-Kindî indiquera qu’il s’agit de l’atteinte du savoir (la connaissance de, l’épistémè), le fait de connaitre les « choses » dans leur vérité (‘Ilm). En sachant, que le terme « choses » a pu recouvrir à la fois les « choses qui sont », mais aussi les « choses qui ne sont pas » en tant qu’elles sont des « causes ». Cette distinction se retrouvera chez Fârâbî. De même, Mr Beddy Ebnou précisa que la philosophie première fut distinguée de la philosophie générale. Dans cette dernière, il s’agissait de la connaissance des choses dans leur rapport à la vérité alors que dans la philosophie première il s’agissait d'étudier la connaissance des choses dans ce qu’elles sont de plus vrai, ce qui semble assez opposé en apparence, à la définition que donne Aristote de la « philosophie première ». Fârâbî reprendra ces définitions en précisant la notion d’existant et en indiquant que qu'elles induisent le plus souvent, chez les gens, une confusion entre le tawḥīd et la métaphysique. Cette confusion vient notamment de ce que la métaphysique traite de l’existant par lui-même (c’est-à-dire Dieu), même si elle ne part pas du même point de vue. Une autre confusion vient aussi de ce que la définition du « ‘Ilm » fut largement débattue et discutée par les Mutakallimūn et par les théologiens. Enfin, avant de conclure, Mr Beddy Ebnou nous a montré en quoi la seconde partie de la définition, portant sur « les artefacts », a elle aussi suscitée des confusions dans la mesure où elle fut utilisée par ailleurs dans le cadre des Uṣūl al-fiqh et notamment par al-Ġazālī.
Dans l’intervention suivante, « La philosophie en terre d'Islam se limite-t-elle à la seule école de falsafa ? » Jules Janssens de l’Université Catholique de Louvain, a commencé dans un premier temps par dresser un panorama des opinions des divers spécialistes contemporains de l’historiographie arabe sur ce qu’est la falsafa. Commençant par la position du père Georges Anawati (1905-1994), qui comme nous l’avons déjà vu proposa la terminologie « philosophie en terre d’islam » de façon à garder un maximum d’ouverture, tant au niveau de la langue utilisée (non seulement l’arabe, mais aussi le persan, l’hébraïque, voire le turc et le latin) que de la religion (musulmane, chrétienne, juive) et à inclure kalām et la mystique, il poursuivit son intervention avec la position de Dimitri Gutas (Yale University, USA) qui rejette le kalām en tant que courant philosophique (alors que d’autre part, il inclut al-Ġazālī, al-Shahrastānī,, voire Ibn Taymiyya, bien qu’ils n’appartiennent clairement pas à la falsafa), et qu’il fait d’Avicenne l’élément central de cette philosophie tout en mentionnant finalement les écoles ottomane et indienne des XVe-XVIIe siècles. Enfin, il termine en exposant la position de Robert Wisnovsky (Institute of Islamic Studies at McGill) qui à l’inverse de Dimitri Gutas insiste sur les intérêts communs qui existèrent entre les falāsifa et les Mutakallimūn à l’époque post-avicennienne, et cela dans des domaines aussi différents que la logique, la métaphysique (générale et spéciale) et la psychologie. C’est pourquoi, celui-ci ne voit pas de raison de ne pas les considérer comme présentant de la philosophie. Dans un second temps, Jules Janssens a évoqué la position de certains historiographes arabes, en commençant par Ibn al-Nadīm, auteur d’un chapitre entier, dans son Fihrist où il parle des falāsifa, et qui considère clairement la falsafa comme une prolongation du projet philosophique entamé en Grèce. Le professeur Janssens a souligné, qu’il apparaît dans ses écrits que l’appartenance religieuse (ou ethnique) ne constitue pas un critère pour désigner, ou ne pas désigner, quelqu’un comme faylasūf. Pour Ibn al-Nadīm, fait-il remarquer, l’utilisation de la langue arabe ne constitue nullement une condition préalable à l’inclusion d’une œuvre dans la falsafa. C’est ainsi qu’il cite le cas d’Abū Yaḥyā al-Marwazī, mentionné par Ibn al-Nadīm, bien qu’il rédigeait ses ouvrages en syriaque. Furent évoquées ensuite les positions d’al-Shahrastānī, qui consacra la seconde section de la deuxième partie de son K.al-Milal wa-l-Niḥal aux falāsifa avant de terminer par celle d’Ibn Khaldūn, qui fut exposée dans sa Muqaddima. La communication fut conclue par le professeur Janssens en précisant qu’à son sens, « La philosophie en terre d’Islam » ne pouvait pas se limiter à la seule falsafa, même si d’un autre côté, il pouvait sembler délicat, voire impossible, de la délimiter de façon précise.
Enfin le colloque se termina sur une courte allocution de Jean Baptiste Brenet professeur Paris I Panthéon Sorbonne. Celui-ci souligna à cette occasion que la question même de savoir ce qu’est la philosophie arabe ne constituait peut-être pas l’essentiel, mais qu’il fallait peut-être plutôt s’employer à « réactiver la falsafa, en la faisant « jouer » philosophiquement », de façon à « reconnecter tous ces éléments pour les réinscrire dans une seule et même histoire, et faire que sur un seul pan de notre bibliothèque il y ait aussi bien Aristote, que Descartes, qu’Ibn Rushd, qu’Al Fārābī ou je ne sais qui d’autre, strictement au même niveau, parce qu’ils appartiennent à la même Histoire. »
Dans cette optique Mr. Beddy Ebnou, directeur de l’Insitute for Epistemological studies-Europe (IESE) s’est proposé de partir de la définition de la philosophie donnée par les philosophes arabes eux-mêmes. C’est ainsi qu’il nous a proposé l’étude de la définition qu’en avait donné Averroes dans son œuvre Faṣl al-maqâl (le Discours décisif). Plus exactement, par la définition qu’il avait donné de l’acte de philosopher, en tant que juriste Musulman, à savoir : « […] l'acte de philosopher ne consiste en rien d'autre que dans l'examen rationnel des étants, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu'ils constituent la preuve de l'existence de l'Artisan [Dieu], c'est-à-dire en tant qu'ils sont [analogues à] des artefacts — car de fait, c'est dans la seule mesure où l'on en connaît la fabrique que les "étants" constituent une preuve de l'existence de l'Artisan ; […] ». Or, Mr Beddy Ebnou fait remarquer que cette définition ne constitue pas une définition usuelle, « normée », de la philosophie et que de fait, d’autres philosophes arabes donneront des définitions différentes de la philosophie. C’est ainsi qu’Al-Kindî indiquera qu’il s’agit de l’atteinte du savoir (la connaissance de, l’épistémè), le fait de connaitre les « choses » dans leur vérité (‘Ilm). En sachant, que le terme « choses » a pu recouvrir à la fois les « choses qui sont », mais aussi les « choses qui ne sont pas » en tant qu’elles sont des « causes ». Cette distinction se retrouvera chez Fârâbî. De même, Mr Beddy Ebnou précisa que la philosophie première fut distinguée de la philosophie générale. Dans cette dernière, il s’agissait de la connaissance des choses dans leur rapport à la vérité alors que dans la philosophie première il s’agissait d'étudier la connaissance des choses dans ce qu’elles sont de plus vrai, ce qui semble assez opposé en apparence, à la définition que donne Aristote de la « philosophie première ». Fârâbî reprendra ces définitions en précisant la notion d’existant et en indiquant que qu'elles induisent le plus souvent, chez les gens, une confusion entre le tawḥīd et la métaphysique. Cette confusion vient notamment de ce que la métaphysique traite de l’existant par lui-même (c’est-à-dire Dieu), même si elle ne part pas du même point de vue. Une autre confusion vient aussi de ce que la définition du « ‘Ilm » fut largement débattue et discutée par les Mutakallimūn et par les théologiens. Enfin, avant de conclure, Mr Beddy Ebnou nous a montré en quoi la seconde partie de la définition, portant sur « les artefacts », a elle aussi suscitée des confusions dans la mesure où elle fut utilisée par ailleurs dans le cadre des Uṣūl al-fiqh et notamment par al-Ġazālī.
Dans l’intervention suivante, « La philosophie en terre d'Islam se limite-t-elle à la seule école de falsafa ? » Jules Janssens de l’Université Catholique de Louvain, a commencé dans un premier temps par dresser un panorama des opinions des divers spécialistes contemporains de l’historiographie arabe sur ce qu’est la falsafa. Commençant par la position du père Georges Anawati (1905-1994), qui comme nous l’avons déjà vu proposa la terminologie « philosophie en terre d’islam » de façon à garder un maximum d’ouverture, tant au niveau de la langue utilisée (non seulement l’arabe, mais aussi le persan, l’hébraïque, voire le turc et le latin) que de la religion (musulmane, chrétienne, juive) et à inclure kalām et la mystique, il poursuivit son intervention avec la position de Dimitri Gutas (Yale University, USA) qui rejette le kalām en tant que courant philosophique (alors que d’autre part, il inclut al-Ġazālī, al-Shahrastānī,, voire Ibn Taymiyya, bien qu’ils n’appartiennent clairement pas à la falsafa), et qu’il fait d’Avicenne l’élément central de cette philosophie tout en mentionnant finalement les écoles ottomane et indienne des XVe-XVIIe siècles. Enfin, il termine en exposant la position de Robert Wisnovsky (Institute of Islamic Studies at McGill) qui à l’inverse de Dimitri Gutas insiste sur les intérêts communs qui existèrent entre les falāsifa et les Mutakallimūn à l’époque post-avicennienne, et cela dans des domaines aussi différents que la logique, la métaphysique (générale et spéciale) et la psychologie. C’est pourquoi, celui-ci ne voit pas de raison de ne pas les considérer comme présentant de la philosophie. Dans un second temps, Jules Janssens a évoqué la position de certains historiographes arabes, en commençant par Ibn al-Nadīm, auteur d’un chapitre entier, dans son Fihrist où il parle des falāsifa, et qui considère clairement la falsafa comme une prolongation du projet philosophique entamé en Grèce. Le professeur Janssens a souligné, qu’il apparaît dans ses écrits que l’appartenance religieuse (ou ethnique) ne constitue pas un critère pour désigner, ou ne pas désigner, quelqu’un comme faylasūf. Pour Ibn al-Nadīm, fait-il remarquer, l’utilisation de la langue arabe ne constitue nullement une condition préalable à l’inclusion d’une œuvre dans la falsafa. C’est ainsi qu’il cite le cas d’Abū Yaḥyā al-Marwazī, mentionné par Ibn al-Nadīm, bien qu’il rédigeait ses ouvrages en syriaque. Furent évoquées ensuite les positions d’al-Shahrastānī, qui consacra la seconde section de la deuxième partie de son K.al-Milal wa-l-Niḥal aux falāsifa avant de terminer par celle d’Ibn Khaldūn, qui fut exposée dans sa Muqaddima. La communication fut conclue par le professeur Janssens en précisant qu’à son sens, « La philosophie en terre d’Islam » ne pouvait pas se limiter à la seule falsafa, même si d’un autre côté, il pouvait sembler délicat, voire impossible, de la délimiter de façon précise.
Enfin le colloque se termina sur une courte allocution de Jean Baptiste Brenet professeur Paris I Panthéon Sorbonne. Celui-ci souligna à cette occasion que la question même de savoir ce qu’est la philosophie arabe ne constituait peut-être pas l’essentiel, mais qu’il fallait peut-être plutôt s’employer à « réactiver la falsafa, en la faisant « jouer » philosophiquement », de façon à « reconnecter tous ces éléments pour les réinscrire dans une seule et même histoire, et faire que sur un seul pan de notre bibliothèque il y ait aussi bien Aristote, que Descartes, qu’Ibn Rushd, qu’Al Fārābī ou je ne sais qui d’autre, strictement au même niveau, parce qu’ils appartiennent à la même Histoire. »