Après avoir été élu démocratiquement président de la République Égyptienne le 24 juin 2012, Mohamed Morsi fut destitué suite à un ultimatum lancé par les forces armées à la fin du mois de juin 2013. Durant les jours qui ont précédé cette éviction forcée, des millions d'égyptiens descendirent dans la rue pour organiser un mouvement protestataire d'une ampleur égale à celle qui précéda la chute d'Hosni Moubarak en février 2011. Pour comprendre ces récents évènements, la rédaction des cahiers de l'Islam vous propose l'article de Gianluca Solera paru sur le site Babelmed. Vous retrouverez le lien vers l'article d'origine en bas de texte.
Cet article est publié avec l'aimable accord du site Babelmed.
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Par Gianluca Solera
« Les forces armées n’ont pas pu boucher leurs oreilles aux demandes du peuple » : avec cette formule le chef de l’armée égyptienne ʿAbdel Fattāh as-Sīsī a justifié la décision d’intervenir politiquement trois jours après la massive marche populaire du 30 juin dernier, en déposant le président Mohammed Mursi et en le remplaçant ad interim par ʿAdlī al-Mansour, suite à un tour de consultations qui a inclus entre autre l’opposition, Le Grand Sheikh de al-Azhar et le Pape copte. Une partie importante de la presse étrangère a qualifié la manœuvre d’un coup d’État sans tenir compte de tous les facteurs qui ont joué dans ces récents événements. Tout d’abord, l’armée n’a pas pris le pouvoir comme ce fut le cas en février 2011. Deuxièmement, c’est la campagne Tamarrud(Rébellion!) qui a poussé à la destitution du président Mursi. Lancée par le mouvement Kifāya (Assez!) cette campagne a recueilli en deux mois, du 1er mai au 29 juin 2013, 22.134.465 signatures de tous les gouvernorats d’Egypte, autour de quatre revendications : le transfert de l’autorité présidentielle au président de la Cour constitutionnelle, la création d’un gouvernement qualifié capable de gérer les émergences économique et sécuritaire, la révision de la constitution à travers un comité de sages et son approbation par un referendum populaire, la convocation de nouvelles élections présidentielles et parlementaires dans le délai de six mois.
« Les forces armées n’ont pas pu boucher leurs oreilles aux demandes du peuple » : avec cette formule le chef de l’armée égyptienne ʿAbdel Fattāh as-Sīsī a justifié la décision d’intervenir politiquement trois jours après la massive marche populaire du 30 juin dernier, en déposant le président Mohammed Mursi et en le remplaçant ad interim par ʿAdlī al-Mansour, suite à un tour de consultations qui a inclus entre autre l’opposition, Le Grand Sheikh de al-Azhar et le Pape copte. Une partie importante de la presse étrangère a qualifié la manœuvre d’un coup d’État sans tenir compte de tous les facteurs qui ont joué dans ces récents événements. Tout d’abord, l’armée n’a pas pris le pouvoir comme ce fut le cas en février 2011. Deuxièmement, c’est la campagne Tamarrud(Rébellion!) qui a poussé à la destitution du président Mursi. Lancée par le mouvement Kifāya (Assez!) cette campagne a recueilli en deux mois, du 1er mai au 29 juin 2013, 22.134.465 signatures de tous les gouvernorats d’Egypte, autour de quatre revendications : le transfert de l’autorité présidentielle au président de la Cour constitutionnelle, la création d’un gouvernement qualifié capable de gérer les émergences économique et sécuritaire, la révision de la constitution à travers un comité de sages et son approbation par un referendum populaire, la convocation de nouvelles élections présidentielles et parlementaires dans le délai de six mois.
Plusieurs positions prises dans la presse internationale au moments des faits représentent les Egyptiens comme un peuple qui n’aurait pas l’intelligence et la force nécessaires pour doter d’une ligne politique claire leur pays, dont le destin serait d’ailleurs exclusivement aux mains des grands pouvoirs et des généraux. Ainsi l’analyse, d’un misérable orientalisme, de David Brooks qui écrivait le 5 juillet dernier sur le New York Times : « Ce n'est pas que l'Egypte n'a pas de recette pour une transition démocratique. Ce sont les ingrédients mentaux de base qui semblent lui manquer (It’s not that Egypt doesn’t have a recipe for a democratic transition. It seems to lack even the basic mental ingredients) », ou encore celle, d’un anti-impérialisme élémentaire, signée par Tommaso di Francesco dans Il Manifesto du même jour, qui considère que le coup d’Augusto Pinochet fut aussi populaire que celui du 3 juillet dernier en Egypte.
Ceci étant dit, l’armée est une armée, et elle l’a démontré le matin du 8 juillet dernier en tuant plus de cinquante personnes devant le Club de la Garde républicaine au Caire, où Mursi est détenu. L’armée n’est pas une force révolutionnaire, elle a le monopole de la force et lorsque elle l’utilise, elle ne fait pas preuve de demi mesure. Ce qui est arrivé devant le Club de la Garde républicaine doit faire l’objet d’une enquête indépendante, avec la participation des associations égyptiennes pour les droits de l’Homme, car les contraintes et les nécessités de cette nouvelle transition ne sauraient justifier la violence militaire, quand bien même celle-ci aurait été une riposte à des provocations. A cet égard, le nouveau président intérimaire doit montrer la même détermination dans la condamnation de la violence envers les manifestants des Frères musulmans que celle dont il fait preuve en menant de l’avant le processus politique.
De l’autre côté, les révolutionnaires doivent poursuivre sur leur voie, eux aussi savent que cette armée est la même qui les a torturés et tués pendant la transition suite à la chute de Moubarak. Tout le monde se souvient des tests de virginité sur les femmes activistes, du massacre de manifestants coptes devant le siège de la Tv égyptienne (octobre 2011), ou des violences perpétrées dans la rue Mohammed Mahmoud contre un processus électoral dessiné pour faciliter la victoire des islamistes (novembre 2011). A cette époque-là, les Frères musulmans se turent en prenant leurs distances vis à vis des jeunes révolutionnaires. L’histoire tourne, elle joue désormais contre eux, en leur apprenant qu’il faut savoir traiter avec l’armée tout en gardant une autonomie de pensée et d’action.
Une déclaration constitutionnelle de 33 articles a été publiée dans la nuit du 8 juillet dernier par ʿAdlī al-Mansour. Cette déclaration lui attribue l’autorité d’émettre des lois après consultation du nouveau gouvernement. Elle prévoit également la création de deux comités de révision de la constitution, un de dix juristes et l’autre de cinquante représentants de tous les secteurs de la société égyptienne. Malgré cela les organisateurs de Tamarrud, le Front pour le salut national qui inclut Mohamed el-Baradei et des personnalités comme Khāled ʿAlī, ont manifesté leur mécontentement en refusant de souscrire au texte vu l’absence de consultation qui a précédé sa publication. Ces acteurs contestent aussi la centralisation des pouvoirs législatifs et exécutifs dans les mains du président intérimaire. Cette réaction des forces vives de la société est un bon signe, un signe d’autonomie de jugement et de supervision civile du processus.
Il est à souhaiter que ce processus de transition sache persuader les Frères musulmans d’y contribuer et leur permette de participer à la prochaine échéance électorale, à condition toutefois que ses comités armés renoncent à utiliser les armes et que sa direction accepte de reconnaître les fautes politiques commises depuis le mois de novembre dernier avec la déclaration constitutionnelle du 22 novembre, et enfin qu’elle accepte de travailler à un projet de réconciliation nationale. Le fait queTamarrud ait recueilli neuf millions de signatures de plus par rapport aux voix obtenues par Mursi au ballotage d’il y a un an n’est pas un argument de taille qui va dans ce sens.
Notre intérêt en tant que citoyens de la Méditerranée doit être de défendre la volonté populaire, soutenir le rôle de la société civile comme superviseur des évolutions postrévolutionnaires, faciliter le rapprochement entre les communautés politiques et culturelles du pays, et refuser la violence sanguinaire, qu’elle provienne de l’Armée ou des forces politiques organisées. Enfin, mais cela va de soi, avoir confiance dans l’avenir que le peuple égyptien se construira.
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