Mosquée d'Abu Dhabi
Par Faker Korchane
Les Emirats arabes unis (EAU) constituent un pays regroupant sept émirats (principautés). Riche grâce au pétrole, le pays s’est construit en très peu de temps (trente ans à partir de 1971). Sa capitale, Abu Dhabi, mais aussi (et surtout) la deuxième ville du pays, Dubaï, passent pour être des places fortes du business mondial. Pour se construire, le pays s’appuie sur deux éléments identitaires forts : la tradition d’hospitalité des tribus arabes et la religion musulmane. Comment les EAU arrivent à concilier leur modernité et leurs valeurs traditionnelles, notamment l’islam ?
Une forte présence « d’invités »
Pour faire face aux énormes besoins en termes de constructions d’infrastructures, d’acquisitions des compétences, et pour mettre en place tous les services nécessaires au bon fonctionnement de l’Etat, les Emirats ont du faire appel à un très grand nombre d’immigrés, venus principalement du sous-continent indien (l’Insulinde).
Nouveau pays sorti du désert, les Emirats arabes unis se construisent patiemment depuis des décennies avec l’aide de travailleurs, voir même de pays étrangers. Mais la tradition arabe joue de son poids, dans ce pays, le mot « immigré » n’est que très rarement usité, toutes les personnes d’influence que nous avons rencontré dans la capitale du pays, des ministres aux conseillers d’Etat, ne l’utilisent jamais. Influencés par la tradition d’hospitalité, eux préfèrent employer le terme « d’invités », voir même de « nobles invités ». Si le respect des invités est une réalité, il ne semble pas être question pour autant d’intégrer ces étrangers dans la société locale à terme. Mais le respect de leurs différences est mis en avant pour montrer la tolérance du pays et l’acceptation de la diversité ethnique, et surtout religieuse.
Nouveau pays sorti du désert, les Emirats arabes unis se construisent patiemment depuis des décennies avec l’aide de travailleurs, voir même de pays étrangers. Mais la tradition arabe joue de son poids, dans ce pays, le mot « immigré » n’est que très rarement usité, toutes les personnes d’influence que nous avons rencontré dans la capitale du pays, des ministres aux conseillers d’Etat, ne l’utilisent jamais. Influencés par la tradition d’hospitalité, eux préfèrent employer le terme « d’invités », voir même de « nobles invités ». Si le respect des invités est une réalité, il ne semble pas être question pour autant d’intégrer ces étrangers dans la société locale à terme. Mais le respect de leurs différences est mis en avant pour montrer la tolérance du pays et l’acceptation de la diversité ethnique, et surtout religieuse.
Respect et tolérance des minorités religieuses
Travailleurs Indiens et Pakistanais à Dubaï. © Jonas Bendiksen
Bien qu’un certain nombre d’entre eux soient musulmans, sunnites ou chiites, beaucoup professent d’autres religions comme le christianisme, l’hindouisme ou le sikhisme. Toutes ces religions disposent de lieux de cultes (Abu Dhabi, Dubaï et Sharjah notamment). Ce qui est particulièrement vrai pour le christianisme. Selon Andrew Thompson, pasteur britannique anglican à la Saint-Andrew church de la capitale Abu Dhabi, et auteur du livre Christianity in the Emirates (le christianisme aux Emirats), « il y a aux Emirats plus ou moins trois millions de personnes originaires de l’Insulinde ; un million de personnes originaires d’autres pays arabes (Liban, Syrie, Maroc, Tunisie…) ; deux millions du reste du monde, spécialement des Philippines, du reste de l’Asie et d’occidentaux ; et un million d’émiratis ». Les paroissiens de l’église anglicane sont originaires pour la plupart du sous-continent indien et d’Occident.
Les minorités religieuses du pays trouvent ici un accueil bienveillant. Le cheikh Zayed Al Nahyane lui-même, fondateur et premier président du pays, a fait bâtir une église à Abu Dhabi, aujourd’hui, la ville en compte une dizaine (catholiques, anglicane, évangéliques, orthodoxes), dont la dernière en date, le centre Saint-Paul (catholique), a été inauguré en juin dans la quartier de Mussaffah (dans le sud ouest d’Abu Dhabi) en la présence du cheikh Nahyane Ibn Mubarak, ministre de la culture, de la jeunesse et du développement social, du cardinal italien Pietro Parolin, et de l’évêque suisse Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du sud.
Interrogé par nos soins, le ministre de la culture, Nahyane Ibn Mubarak nous explique l’hospitalité locale « Ceux qui sont venus de loin pour travailler ici ont le droit d’être protégés, et doivent jouir du droit de pratiquer leur religion librement ». Plus encore, le ministre de la culture émirati nous explique que le pays connait un climat symbiotique grâce « à la tolérance et au respect qui le caractérisent ». Cette ouverture aux autres, permet au pays d’accueillir des hommes et des femmes d’affaires de tout niveaux et venant des quatre coins du monde. Abu Dhabi et Dubaï, sont aujourd’hui deux villes symboles du business international et des centres d’affaires mondiaux.
Les minorités religieuses du pays trouvent ici un accueil bienveillant. Le cheikh Zayed Al Nahyane lui-même, fondateur et premier président du pays, a fait bâtir une église à Abu Dhabi, aujourd’hui, la ville en compte une dizaine (catholiques, anglicane, évangéliques, orthodoxes), dont la dernière en date, le centre Saint-Paul (catholique), a été inauguré en juin dans la quartier de Mussaffah (dans le sud ouest d’Abu Dhabi) en la présence du cheikh Nahyane Ibn Mubarak, ministre de la culture, de la jeunesse et du développement social, du cardinal italien Pietro Parolin, et de l’évêque suisse Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du sud.
Interrogé par nos soins, le ministre de la culture, Nahyane Ibn Mubarak nous explique l’hospitalité locale « Ceux qui sont venus de loin pour travailler ici ont le droit d’être protégés, et doivent jouir du droit de pratiquer leur religion librement ». Plus encore, le ministre de la culture émirati nous explique que le pays connait un climat symbiotique grâce « à la tolérance et au respect qui le caractérisent ». Cette ouverture aux autres, permet au pays d’accueillir des hommes et des femmes d’affaires de tout niveaux et venant des quatre coins du monde. Abu Dhabi et Dubaï, sont aujourd’hui deux villes symboles du business international et des centres d’affaires mondiaux.
Le rôle du malikisme
Comme la plupart des pays musulmans, la loi locale est un assemblage entre le droit islamique, la fameuse chari’a, et une législation moderne. C’est pourquoi cheikh Ali El Hashim, conseiller juridique et religieux du président des Emirats nous explique que « le droit est une émanation de la religion, or la religion est sagesse ». L’application du droit islamique suit l’école juridique et rituelle –madhhab- malikite (le sunnisme en reconnaît trois autres : le hanafisme, le shafi’isme et le hanbalisme). Le malikisme se caractérise par l’influence qu’il accorde à la coutume de Médine, et aux traditions locales comme sources de la législation.
Cheikh Ali nous explique que « le malikisme était très répandu dans toute la péninsule arabique. Aujourd’hui, la plupart des familles régnantes dans le Golf (aux Emirats, au Bahreïn, au Koweït) appartiennent à ce courant ; à l’exception peut-être du Qatar, où le hanbalisme semble s’être imposé ». Mais le conseiller du président ajoute que le nombre de migrants a changé la donne. Ainsi, il précise que « la majorité des peuples sunnites dans la péninsule, Emirats compris, sont aujourd’hui d’obédience shafi’ite ; les tribus au pouvoir, elles, sont essentiellement malikites ».
Cheikh Ali nous explique que « le malikisme était très répandu dans toute la péninsule arabique. Aujourd’hui, la plupart des familles régnantes dans le Golf (aux Emirats, au Bahreïn, au Koweït) appartiennent à ce courant ; à l’exception peut-être du Qatar, où le hanbalisme semble s’être imposé ». Mais le conseiller du président ajoute que le nombre de migrants a changé la donne. Ainsi, il précise que « la majorité des peuples sunnites dans la péninsule, Emirats compris, sont aujourd’hui d’obédience shafi’ite ; les tribus au pouvoir, elles, sont essentiellement malikites ».
La lutte préventive contre le jihadisme…
Mais les Emirats n’ont pas de mal à s’ouvrir à cette diversité. Dans un contexte géopolitique régional trouble (avec la guerre en Syrie, en Irak, et au Yémen tout prêt), l’EAU ne sont-ils pas l’objet de visées jihadistes ? Cheikh Ali El Hashim, qui nous explique le fonctionnement de son pays alliant ouverture et ancrage dans la tradition, nous rappelle une recommandation du fondateur du pays, le cheikh Zayed Al Nahyane à ses successeurs : « Portez toute votre attention sur l’enseignement », parce que, nous détaille cheikh Ali, « l’enseignement et la connaissance constituent les seules véritables protections contre le jihadisme ».
« Les discours jihadistes sont le fait d’ignorants qui ne connaissent pas les éléments de base de la religion musulmane. Ici, aux Emirats, nous avons une compréhension sereine qui s’appuie sur une connaissance approfondie des textes et sur un réseau de religieux bien formés » conclut-il.
Dans ce but, le pays a établi une collaboration académique avec le Maroc (pays malikite comme toute l’Afrique du Nord et de l’Ouest), et a ouvert une branche de l’université Mohamed V à Abu Dhabi, où sont formés les cadres religieux émiratis. A l’occasion de la signature de la convention de la création de cette branche en 2010, le site Jamiati, portail des universités marocaines, affirmait que « Boutaleb Joutei (président de l’université marocaine de l’époque, ndlr) a affirmé que la convention constitue une action très importante visant le renforcement des relations bilatérales et des échanges d'expériences, notamment en matière de formation universitaire ».
« Les discours jihadistes sont le fait d’ignorants qui ne connaissent pas les éléments de base de la religion musulmane. Ici, aux Emirats, nous avons une compréhension sereine qui s’appuie sur une connaissance approfondie des textes et sur un réseau de religieux bien formés » conclut-il.
Dans ce but, le pays a établi une collaboration académique avec le Maroc (pays malikite comme toute l’Afrique du Nord et de l’Ouest), et a ouvert une branche de l’université Mohamed V à Abu Dhabi, où sont formés les cadres religieux émiratis. A l’occasion de la signature de la convention de la création de cette branche en 2010, le site Jamiati, portail des universités marocaines, affirmait que « Boutaleb Joutei (président de l’université marocaine de l’époque, ndlr) a affirmé que la convention constitue une action très importante visant le renforcement des relations bilatérales et des échanges d'expériences, notamment en matière de formation universitaire ».
…et la lutte répressive
Mais l’enseignement n’est pas la seule arme développée par le pays pour lutter contre le jihadisme. En 2014, une nouvelle loi antiterroriste a été adoptée. En décembre de la même année, une femme émiratie d’une trentaine d’années, Ala’a Badr Abdullah Al Hashemi, radicalisée sur le net et poussée par des motifs personnels, assassinait une enseignante américaine dans un centre commercial à Abu Dhabi sur l’île Reem dans le but de faire peur aux étrangers occidentaux, très nombreux dans le pays.
Une image de vidéo surveillance la montrant déambulant au milieu des allées portant un niqab noir (voile intégrale), lui vaudra le surnom de « Fantôme de l’île Reem ». Appréhendée par la police quelques jours plus tard, elle est reconnue coupable en juin 2015, et condamnée à la peine de mort. Peine très rarement appliquée aux Emirats arabes unis, la cour a retenu la nature de « terroriste isolée » de l’attaque et a estimé que celle-ci représentait une « menace directe à la sécurité et à la stabilité de la société [émiratie] ». La jeune femme a été exécutée le 13 juillet dernier au matin. Les autorités du pays veulent ainsi montrer leur détermination à lutter contre le jihadisme, considéré par l’émir de Dubaï et vice-président du pays, le cheikh Mohammed Al Maktoum, cité par The Guardian, comme « le plus grand danger auquel le monde devra faire face dans la prochaine décennie ».
Hospitalité, ouverture, et forte tradition malikite sont les socles sur lesquels les Emirats ont bâti leur société. Dans un climat tendu à cause des guerres qui secouent la région, et de la propagande jihadiste qui tend à se développer partout dans le monde ; les Emirats constituent encore un havre de prospérité et un modèle de société moderne et ouverte tout en étant ancrée dans la religion musulmane.
Une image de vidéo surveillance la montrant déambulant au milieu des allées portant un niqab noir (voile intégrale), lui vaudra le surnom de « Fantôme de l’île Reem ». Appréhendée par la police quelques jours plus tard, elle est reconnue coupable en juin 2015, et condamnée à la peine de mort. Peine très rarement appliquée aux Emirats arabes unis, la cour a retenu la nature de « terroriste isolée » de l’attaque et a estimé que celle-ci représentait une « menace directe à la sécurité et à la stabilité de la société [émiratie] ». La jeune femme a été exécutée le 13 juillet dernier au matin. Les autorités du pays veulent ainsi montrer leur détermination à lutter contre le jihadisme, considéré par l’émir de Dubaï et vice-président du pays, le cheikh Mohammed Al Maktoum, cité par The Guardian, comme « le plus grand danger auquel le monde devra faire face dans la prochaine décennie ».
Hospitalité, ouverture, et forte tradition malikite sont les socles sur lesquels les Emirats ont bâti leur société. Dans un climat tendu à cause des guerres qui secouent la région, et de la propagande jihadiste qui tend à se développer partout dans le monde ; les Emirats constituent encore un havre de prospérité et un modèle de société moderne et ouverte tout en étant ancrée dans la religion musulmane.