La 38ème session du Conseil des Ministres des Affaires étrangères de l'Organisation de la Coopération Islamique (O.C.I.), tenue à Astana, République du Kazakhstan, du 28 à 30 juin 2011, a adopté la résolution No. 2/38-LEG, sur la création de la Commission permanente et indépendante des droits de l'homme de l'O.C.I.
Mais avant de présenter quelques observations et de soulever des questions concernant le statut de cette Commission, nous voulons mentionner que le paragraphe 9 du rapport de cette session spécifie que le Conseil a adopté un projet de résolution concernant le changement de nom de l'Organisation. Et, elle s'appellera désormais l'Organisation de la Coopération Islamique (O.C.I). Une autre résolution a été également adoptée concernant le nouvel emblème de l'Organisation[1].
Nous voulons tout d'abord saluer ce changement car la « Coopération » entre les membres de cette Organisation, dans tous les domaines, et sa coopération avec les Organisations internationales et régionales doivent être le but final de l'O.C.I. Sans oublier que le mot « Conférence » reflète un processus historique commencé au 19e siècle et concrétisé finalement par la réunion d'un premier sommet islamique à Rabat en septembre 1969[2] .
Il faut aussi préciser que « Le programme d'action décennal pour faire face aux défis auxquels l'Umma islamique se trouve confrontée au 21e siècle » adopté par le Sommet Islamique exceptionnel tenu en Arabie saoudite en 2005, a demandé à la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l'O.C.I. d'envisager « la possibilité de mettre en place un organe permanent et indépendant pour promouvoir les droits de l'homme dans les Etats membres conformément aux dispositions de la Déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam »[3].
Ce n'était pas la première fois que la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l'O.C.I., s'intéresse à la question des droits de l'homme. En effet, la dixième Conférence de ces ministres tenue à Fez du 8 au 12 mars 1979 a demandé la création d'un comité consultatif « ad hoc » composé d'experts musulmans afin de préparer un document sur les droits de l'homme[4].
Nous allons analyser quelques dispositions du statut de la Commission permanente et indépendante des droits de l'homme [5] en présentant nos observations et questions.
I. La composition de la Commission
Le statut de cette Commission annexé à la résolution a consacré les articles 3 à 7 à la composition de celle-ci. Deux points essentiels attirent notre attention :
1. Les membres. Ils sont 18 experts qui ont « la compétence notoire dans le domaine des droits de l'homme ». Les gouvernements des Etats membres proposent leurs noms et ils sont élus par le Conseil des Ministres des Affaires étrangères « pour un mandat de 3 ans renouvelable une seule fois ». Mais la question qui se pose : est-ce que ces experts vont travailler à titre personnel ou en tant que représentant de leurs pays ? Rien dans le statut ne nous aide à répondre à cette question. Mais il est clair qu'il fallait trancher cette question et préciser que ces experts travaillent à titre personnel comme, par exemple, les membres de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, mais pas représentants de leurs pays comme ce fut le cas pour les membres de la Commission permanente arabe des droits de l'homme [6].
2. Candidature féminine. L'article 6 du statut demande aux Etats membres de l'Organisation « d'encourager la candidature des femmes pour être membres de la Commission ». Nous nous réjouissons de cet encouragement et de l'opportunité de voir des candidates féminines comme membres de cette Commission.
Mais avant de présenter quelques observations et de soulever des questions concernant le statut de cette Commission, nous voulons mentionner que le paragraphe 9 du rapport de cette session spécifie que le Conseil a adopté un projet de résolution concernant le changement de nom de l'Organisation. Et, elle s'appellera désormais l'Organisation de la Coopération Islamique (O.C.I). Une autre résolution a été également adoptée concernant le nouvel emblème de l'Organisation[1].
Nous voulons tout d'abord saluer ce changement car la « Coopération » entre les membres de cette Organisation, dans tous les domaines, et sa coopération avec les Organisations internationales et régionales doivent être le but final de l'O.C.I. Sans oublier que le mot « Conférence » reflète un processus historique commencé au 19e siècle et concrétisé finalement par la réunion d'un premier sommet islamique à Rabat en septembre 1969[2] .
Il faut aussi préciser que « Le programme d'action décennal pour faire face aux défis auxquels l'Umma islamique se trouve confrontée au 21e siècle » adopté par le Sommet Islamique exceptionnel tenu en Arabie saoudite en 2005, a demandé à la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l'O.C.I. d'envisager « la possibilité de mettre en place un organe permanent et indépendant pour promouvoir les droits de l'homme dans les Etats membres conformément aux dispositions de la Déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam »[3].
Ce n'était pas la première fois que la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l'O.C.I., s'intéresse à la question des droits de l'homme. En effet, la dixième Conférence de ces ministres tenue à Fez du 8 au 12 mars 1979 a demandé la création d'un comité consultatif « ad hoc » composé d'experts musulmans afin de préparer un document sur les droits de l'homme[4].
Nous allons analyser quelques dispositions du statut de la Commission permanente et indépendante des droits de l'homme [5] en présentant nos observations et questions.
I. La composition de la Commission
Le statut de cette Commission annexé à la résolution a consacré les articles 3 à 7 à la composition de celle-ci. Deux points essentiels attirent notre attention :
1. Les membres. Ils sont 18 experts qui ont « la compétence notoire dans le domaine des droits de l'homme ». Les gouvernements des Etats membres proposent leurs noms et ils sont élus par le Conseil des Ministres des Affaires étrangères « pour un mandat de 3 ans renouvelable une seule fois ». Mais la question qui se pose : est-ce que ces experts vont travailler à titre personnel ou en tant que représentant de leurs pays ? Rien dans le statut ne nous aide à répondre à cette question. Mais il est clair qu'il fallait trancher cette question et préciser que ces experts travaillent à titre personnel comme, par exemple, les membres de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, mais pas représentants de leurs pays comme ce fut le cas pour les membres de la Commission permanente arabe des droits de l'homme [6].
2. Candidature féminine. L'article 6 du statut demande aux Etats membres de l'Organisation « d'encourager la candidature des femmes pour être membres de la Commission ». Nous nous réjouissons de cet encouragement et de l'opportunité de voir des candidates féminines comme membres de cette Commission.
II. Les buts de la Commission
Les articles 8 à 11 du statut traitent des buts de la Commission. Ces buts sont :
1. Promouvoir les droits de l'homme et la Commission doit « servir les intérêts de l'Oummah islamique » concernant ces droits. Elle doit également « s'efforcer d'encourager le respect des cultures et des valeurs islamiques de tolérance et le dialogue des civilisations », mais toujours selon les objectifs et principes de la Charte de l'Organisation (article 8).
2. Appuyer les efforts des Etats membres de l'Organisation pour la promotion « des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels » (article 9). D'autre part, la Commission appuie les efforts de ces Etats pour « promouvoir les droits des femmes, des jeunes et des personnes ayant des besoins spécifiques dans les domaines économique, social, politique et culturel, conformément aux dispositions de la Charte; et veille à l'élimination de toute forme de discrimination et de violence » (article 11). C'est très bien de mentionner les femmes, les jeunes et les personnes « ayant des besoins spécifiques », mais pourquoi le statut n'a pas mentionné « les enfants » ?
3. La collaboration entre la Commission et les Etats membres de l'Organisation pour garantir « la promotion des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que pour veiller au respect des droits humains des communautés et minorités musulmanes », mais conformément à la Charte de l'Organisation (article 10).
Ces buts montrent bien que le rôle de la Commission est limité à la promotion des droits de l'homme. Les différents organes des droits de l'homme fonctionnant au sein des Organisations régionales ou créés par des Conventions régionales des droits de l'homme s'occupent des questions de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Ainsi, ce fut le cas de la Commission interaméricaine des droits de l'homme créée en 1959, organe de l'Organisation des Etats américains, et organes de la Convention américaine des droits de l'homme de 1969 et de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, organe de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981. Ces deux Commission jouent un rôle de promotion et de protection (la Commission interaméricaine depuis 1965) des droits de l'homme.
III. Les compétences de la Commission
Les compétences de la Commission sont définies par les articles 12 à 17 du statut. Ces compétences tournent autour de la « promotion » des droits de l'homme, la présentation des « recommandations » aux différents organes de l'Organisation, la « collaboration » entre celle-ci et les autres Organisations internationales et régionales, la « coopération » entre les Etats membres dans le domaine des droits de l'homme, et la « promotion » du rôle des institutions nationales et des organisations de la société civile « agréées au sein des Etats membres », dans ce domaine.
Mais, nous ne retrouvons aucune mention de « plaintes » ou « communications » étatiques ou individuelles qui pourraient être présentées à cette Commission par les victimes des violations des droits de l'homme protégés par les instruments adoptés par l'O.C.I ! Aucune possibilité de mener des enquêtes dans les Etats membres par la Commission ne figure non plus parmi les compétences de celle-ci.
En guise de conclusion, nous nous réjouissons de l'adoption du statut de cette Commission mais nous aurions voulu que ce statut réponde aux attentes des spécialistes et activistes des droits de l'homme dans les Etats membres de l'O.C.I., et donne la possibilité aux victimes des violations des droits de l'homme de présenter les plaintes et communications à cette Commission qui, reste à notre avis, est un organe de promotion en premier lieu.
Les articles 8 à 11 du statut traitent des buts de la Commission. Ces buts sont :
1. Promouvoir les droits de l'homme et la Commission doit « servir les intérêts de l'Oummah islamique » concernant ces droits. Elle doit également « s'efforcer d'encourager le respect des cultures et des valeurs islamiques de tolérance et le dialogue des civilisations », mais toujours selon les objectifs et principes de la Charte de l'Organisation (article 8).
2. Appuyer les efforts des Etats membres de l'Organisation pour la promotion « des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels » (article 9). D'autre part, la Commission appuie les efforts de ces Etats pour « promouvoir les droits des femmes, des jeunes et des personnes ayant des besoins spécifiques dans les domaines économique, social, politique et culturel, conformément aux dispositions de la Charte; et veille à l'élimination de toute forme de discrimination et de violence » (article 11). C'est très bien de mentionner les femmes, les jeunes et les personnes « ayant des besoins spécifiques », mais pourquoi le statut n'a pas mentionné « les enfants » ?
3. La collaboration entre la Commission et les Etats membres de l'Organisation pour garantir « la promotion des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que pour veiller au respect des droits humains des communautés et minorités musulmanes », mais conformément à la Charte de l'Organisation (article 10).
Ces buts montrent bien que le rôle de la Commission est limité à la promotion des droits de l'homme. Les différents organes des droits de l'homme fonctionnant au sein des Organisations régionales ou créés par des Conventions régionales des droits de l'homme s'occupent des questions de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Ainsi, ce fut le cas de la Commission interaméricaine des droits de l'homme créée en 1959, organe de l'Organisation des Etats américains, et organes de la Convention américaine des droits de l'homme de 1969 et de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, organe de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981. Ces deux Commission jouent un rôle de promotion et de protection (la Commission interaméricaine depuis 1965) des droits de l'homme.
III. Les compétences de la Commission
Les compétences de la Commission sont définies par les articles 12 à 17 du statut. Ces compétences tournent autour de la « promotion » des droits de l'homme, la présentation des « recommandations » aux différents organes de l'Organisation, la « collaboration » entre celle-ci et les autres Organisations internationales et régionales, la « coopération » entre les Etats membres dans le domaine des droits de l'homme, et la « promotion » du rôle des institutions nationales et des organisations de la société civile « agréées au sein des Etats membres », dans ce domaine.
Mais, nous ne retrouvons aucune mention de « plaintes » ou « communications » étatiques ou individuelles qui pourraient être présentées à cette Commission par les victimes des violations des droits de l'homme protégés par les instruments adoptés par l'O.C.I ! Aucune possibilité de mener des enquêtes dans les Etats membres par la Commission ne figure non plus parmi les compétences de celle-ci.
En guise de conclusion, nous nous réjouissons de l'adoption du statut de cette Commission mais nous aurions voulu que ce statut réponde aux attentes des spécialistes et activistes des droits de l'homme dans les Etats membres de l'O.C.I., et donne la possibilité aux victimes des violations des droits de l'homme de présenter les plaintes et communications à cette Commission qui, reste à notre avis, est un organe de promotion en premier lieu.
Article publié par le site aidh.org/Genève
http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Arabe/crea_com_dh_06_11.htm.
Mohammed Amin Al-Midani est Président du Centre Arabe pour l'Education aux Droit International Humanitaire et aux Droits Humains, France. Professeur visiteur, Université de Strasbourg, France.
http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Arabe/crea_com_dh_06_11.htm.
Mohammed Amin Al-Midani est Président du Centre Arabe pour l'Education aux Droit International Humanitaire et aux Droits Humains, France. Professeur visiteur, Université de Strasbourg, France.
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[1] Voir www.oic-oci.org/38cfm/fr/documents/res/RAPPORT.pdf
[2] Voir concernant la création de l'Organisation de la Conférence Islamique, Mohammed Amin Al-Midani, « Le mouvement du panislamisme : son origine, son développement, et la création de l'Organisation de la Conférence Islamique », Le Courrier du Geri. Recherches d'islamologie et de théologie musulmane, 5-6 années, volumes 5-6, n° 1-2, 2002-2003, pp. 109-117
[3] Voir, Mohammed Amin Al-Midani, Les droits de l'homme et l'Islam. Textes des Organisations arabes et islamiques. 2ème édition, Préface Jean-François Collange, Avant-propos Alexandre Kiss, l'Association Orient-Occident et le Centre Arabe pour l'Education au Droit International Humanitaire et aux Droits Humains, Université de Strasbourg, 2010, pp. 1 et s. (Ci-après, Al-Midani, Les droits de l'homme et l'Islam).
[4] Résolution, N° 9/10 (C).
[5] OIC/IPCHR/2010/DR.STATUTE.
[6] Al-Midani, Les droits de l'homme et l'Islam, pp. 25 et s.
[1] Voir www.oic-oci.org/38cfm/fr/documents/res/RAPPORT.pdf
[2] Voir concernant la création de l'Organisation de la Conférence Islamique, Mohammed Amin Al-Midani, « Le mouvement du panislamisme : son origine, son développement, et la création de l'Organisation de la Conférence Islamique », Le Courrier du Geri. Recherches d'islamologie et de théologie musulmane, 5-6 années, volumes 5-6, n° 1-2, 2002-2003, pp. 109-117
[3] Voir, Mohammed Amin Al-Midani, Les droits de l'homme et l'Islam. Textes des Organisations arabes et islamiques. 2ème édition, Préface Jean-François Collange, Avant-propos Alexandre Kiss, l'Association Orient-Occident et le Centre Arabe pour l'Education au Droit International Humanitaire et aux Droits Humains, Université de Strasbourg, 2010, pp. 1 et s. (Ci-après, Al-Midani, Les droits de l'homme et l'Islam).
[4] Résolution, N° 9/10 (C).
[5] OIC/IPCHR/2010/DR.STATUTE.
[6] Al-Midani, Les droits de l'homme et l'Islam, pp. 25 et s.