Dans cet essai, Michel Orcel nous ramène aux sources de l’Islam afin de nous éclairer sur la naissance du dernier monothéisme : Dans quels contextes politique et religieux l’Islam est né ? Comment le Coran a-t-il été retranscrit après la mort du prophète Muḥammad en 632 ?
Broché : 224 pages
Éditeur : PERRIN (3 mai 2012)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262033897
ISBN-13 : 978-2262033897
Dimensions du produit : 20,1 x 2 x 13,3 cm
Sur l'auteur
Michel Orcel, docteur ès lettres et sciences humaines, ancien maître de conférences à l'Université de Rennes, a été à La Sorbonne l'élève de Claude Tresmontant (métaphysique chrétienne) et de Roger Arnaldez (islamologie). Poète, spécialiste de l’opéra italien, essayiste, écrivain et psychanalyste, il dirige la revue des Recherches romanes et comparées. Il mène depuis de longues années des recherches sur l’Islam, a publié de nombreux livres, et notamment de très grandes traductions qui lui ont valu de nombreux prix (Leopardi, L’Arioste, fragments du Coran…). Avant L'invention de l'Islam, il a publié De la dignité de l'islam, Bayard, 2011 (voir la recension ici). Il vit entre le Maroc et la France.
Afin de compléter la lecture de cette recension, le lecteur pourra écouter l'interview de l'auteur réalisé par Geneviève Delrue dans l'émission "Religions du monde" sur RFI.
Afin de compléter la lecture de cette recension, le lecteur pourra écouter l'interview de l'auteur réalisé par Geneviève Delrue dans l'émission "Religions du monde" sur RFI.
religions_du_monde_20121021_Invention de l Islam.mp3 (8.93 Mo)
Retour aux sources.
Dans cet essai, Michel Orcel nous ramène aux sources de l’Islam afin de nous éclairer sur la naissance du dernier monothéisme : Dans quels contextes politique et religieux l’Islam est né ? Comment le Coran a-t-il été retranscrit après la mort du prophète Muḥammad en 632 ?
Autant de questions clés pour la compréhension de l’Islam aujourd’hui. Le livre se présente sous la forme d’une enquête sur l’Islam ce qui lui confère un certain dynamisme. Le lecteur est rapidement captivé par l’intrigue. Il convient de préciser que contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre, ce livre « démonte » certaines thèses islamophobes. C'est d'ailleurs à partir des recherches effectués pour le présent ouvrage que l'auteur tirera la matière de son précédent opus: De la dignité de l'islam. Il a s’agit de confronter sereinement avec la plus stricte neutralité le corpus islamique à la science laïque contemporaine.
Pour se faire, comme tout chercheur, Michel Orcel est retourné aux sources. Cependant, prenant en compte que l’essentiel des sources musulmanes est constitué de sources orales et que celles-ci ont été compilées par écrit tardivement (1), deux ou trois siècles après le prophète de l’Islam, Michel Orcel est allé chercher d’autres éléments, des éléments « parallèles », exogènes. Il a ainsi utilisé des sources grecques, arméniennes, syriaques, non musulmanes, ou encore des sources musulmanes secondaires, qui ont été souvent écartées par la tradition.
Autant de questions clés pour la compréhension de l’Islam aujourd’hui. Le livre se présente sous la forme d’une enquête sur l’Islam ce qui lui confère un certain dynamisme. Le lecteur est rapidement captivé par l’intrigue. Il convient de préciser que contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre, ce livre « démonte » certaines thèses islamophobes. C'est d'ailleurs à partir des recherches effectués pour le présent ouvrage que l'auteur tirera la matière de son précédent opus: De la dignité de l'islam. Il a s’agit de confronter sereinement avec la plus stricte neutralité le corpus islamique à la science laïque contemporaine.
Pour se faire, comme tout chercheur, Michel Orcel est retourné aux sources. Cependant, prenant en compte que l’essentiel des sources musulmanes est constitué de sources orales et que celles-ci ont été compilées par écrit tardivement (1), deux ou trois siècles après le prophète de l’Islam, Michel Orcel est allé chercher d’autres éléments, des éléments « parallèles », exogènes. Il a ainsi utilisé des sources grecques, arméniennes, syriaques, non musulmanes, ou encore des sources musulmanes secondaires, qui ont été souvent écartées par la tradition.
Suivons l'auteur dans son enquête qui porte sur cinq points.
L'enquête : 1- Le Prophète dans l’histoire.
Après avoir rappelé que les sources historiques, archéologiques ou épigraphiques au sens de la science laïque restent peu nombreuses, autorisant certains scientifiques à faire du Prophète de l’Islam un Mythe (cf John Wansbourg et ses élèves Patricia Crone et Michael Cook) (p.13), l’auteur dresse une rapide biographie (canonique, Sīra) du Prophète (pp.14-16). Il donne ensuite quelques précisions, description et fiabilité, sur les sources de ces éléments biographiques, à savoir les Hadiths. Pour les lecteurs non aguerris, nous reprenons ici la définition qu’il en donne : « Témoignages sur les dits et gestes de Mahomet, officiellement transmis – à défaut de témoignages écrits – par des chaines orales de ‘’garants’’, selon le schéma ‘’Un tel a dit qu’un tel a dit qu’un tel a entendu (ou vu) le Prophète, etc. » (p.16). Précisant que l’ensemble du Corpus des ‘aḥādiṭh ne peut être retenu comme authentique, de l’avis même des oulémas, il n’en reste pas moins que de l’avis général, un certain consensus (oulémas et scientifiques occidentaux) se dégage pour considérer un noyau de ‘aḥādiṭh comme totalement authentiques (p.20). Cependant, cela ne lui semblant pas satisfaisant, il nous expose ensuite les traces non musulmanes, contemporaines au Prophète. Rappelant la quasi-inexistence de preuves « historiques » de l’existence de Jésus, au sein des écrits de l’époque (Romains, Syriaques, Juifs …), il souligne qu’ « il n’en va pas de même pour l’existence du Prophète de l’islam, sur laquelle on possède des témoignages assez précis et quasiment contemporains des événements ».
Son enquête hors des sources musulmanes commence par une citation de la Doctrina Jacobi : sorte de conversation romancée entre des juifs de Carthage parlant du messie chrétien et du prophète des Arabes. Ce texte rédigé entre 634 et 640, laisse entendre que le « prophète des Sarrasins » est toujours vivant. L’auteur juge que cette différence de deux ans (minimum) entre la mort supposée de Mahomet (632) et ce récit est négligeable, au point même de confirmer l’exactitude de la biographie officielle du prophète. (p.23). Nous continuons ensuite avec la chronique syriaque de Thomas le Presbytre, texte à vocation historique, rédigée en 640 ou l’on mentionne « les Arabes de Mahomet en Palestine » qui auraient combattu les Romains en 634. Autre source chrétienne, une Histoire d’Héraclius datée de 660, dont on ignore l’auteur, et dans laquelle sur une vingtaine de lignes, il est question d’un enfant d’Ismaël nommé Muḥammad qui ressemble beaucoup au Prophète de l’islam. Le texte le dit marchand devenu prédicateur, très instruit, très versé dans l’histoire de Moïse, qui pousse les Arabes à revenir au culte d’Abraham, à ne pas manger de charogne, ne pas boire de vin, ne pas mentir et ne pas forniquer. (p25). On notera avec l’auteur que cette source « confirme, de l’extérieur, le portrait canonique du Prophète, négociant puis chef de guerre, connaissant bien ‘’le Dieu d’Abraham’’ … » (p.25). Nous en venons ensuite à une source anonyme nestorienne plus tardive (660-670 est-il précisé) : on raconte ici les misères des Perses contre les Arabes (aussi nombreux que les sables au bord de la mer), dirigés par un Muḥammad. Mais une nouvelle fois, le Prophète, n’est pas censé avoir dirigé les attaques en Perse, qui ont commencé en 637, cinq ans après sa mort supposée. Autre aspect intéressant de ce texte: on y parle de la « coupole d’Abraham », qui aurait été bâtie dans un lieu isolé et qui existerait encore. L’auteur du texte suppose que le bâtiment est à Médine (en lieu et place de la Mecque, qu’il ne mentionne pas), (p.28). Enfin dernier indice : les Secrets de Rabbi Siméon ben Yohay, un fragment d’Apocalypse juive. C’est l’histoire, contée au VIIe siècle, d’un rabbin qui vivait au IIe siècle et à qui un ange annonce la venue d’un prophète arabe, qui répandra la terreur et libérera les Arabes du joug byzantin.
« Au total, s’ils ne sont pas des « preuves », ces documents attestent avec un haut degré de fiabilité de l’existence de Mahomet, prophète arabe, et d’une partie de son enseignement. » conclu Michel Orcel. (p.30)
Pour finir sur cette enquête, l'auteur envisage ensuite l’hypothèse judéo-nazaréenne, c’est-à-dire l’origine de l’islam dans un christianisme non trinitaire et mêlé de judaïsme. Les nazaréens se réclamaient d’un « évangile aux Hébreux » qui a disparu et auquel le Coran ferait parfois référence (cf. V-82) (2). De même, l’un courant de pensée chrétien primaire, l’Arianisme considérait que Jésus était le messie, un prophète, sans penser cependant qu’il était le fils de Dieu. Il semble en effet que la doxa musulmane ressemble plus à celle des non-trinitaires qu’à n’importe quoi d’autre. Muḥammad vient restaurer le monothéisme initial (hanif) tout en « acceptant » non seulement la figure des prophètes bibliques mais celle de Jésus. Hors, il s’agit justement ici, pratiquement du cœur du judéo-nazaréisme. L’auteur conforte cette hypothèse à partir de l’épisode, rapporté par un hadith figurant dans les recueils de Bukhārī et Muslim, ou la révélation faite au Prophète fut attesté par un cousin de sa femme, Waraqa ibn Nawfal, qui était chrétien (nazaréen d’après des sources « moins autorisées », non citées par l’auteur). (p.37).
L'enquête : 2- Les énigmes du Coran.
Cette partie de l'enquête vise à élucider la constitution du Coran en vulgate et à vérifier que sa composition correspond bien à la version qui fut révélée au Prophète. L'auteur commence par narrer les circonstances de la découverte des manuscrits de Sanaa (du nom de la ville du Yemen où ils furent découverts) et des premières études qui portèrent sur ces derniers (pp.41-47). Composés de palimpsestes (3), il s’agit quasiment des plus anciennes versions de Coran disponibles. Dans un premier temps, il fut annoncé que ces manuscrits contenaient des variations par rapport à la vulgate. Cependant, les études menées montrèrent qu’il s’agissait de copies ayant servi à l’apprentissage, expliquant ainsi ces différentes variantes relevées entre les textes inférieurs et les textes supérieurs des feuillets (p.47). L’auteur nous explique ensuite la constitution de la vulgate selon la Tradition musulmane (pp.49-52) et passe en revue les interrogations s’y rattachant (pp.53-55). Une fois encore, afin de répondre à ces interrogations, l’auteur tente de faire appel aux sources externes, chrétiennes en l’occurrence (pp.55-62), mais aussi aux historiens hétérodoxes arabes du IX siècle. De tous ces témoignages nulle certitude ne se dégage sur la véracité de la version canonique de la constitution de la vulgate, mais dans le même temps rien ne vient formellement la contredire. Quant au contenu proprement dit du Coran, nous sommes dans la même configuration. Comme l’indique la version « officielle », des variantes « non valides » du Coran ont pu cohabiter dans les premiers temps (comme le Codex d’Ibn mas’ud) (p.65). Pour finir, la problématique des versets abrogés (Mansukh) et abrogeant (Nasikh) est abordée comme nouvelle pièce à conviction (p.67). L’auteur conclut : « On voit que même si le récit officiel de la fixation par écrit du Texte saint paraît aujourd’hui substantiellement fiable, les énigmes entourant la constitution du Coran ne sont pas peu nombreuses. » (p.68).
L'enquête : 3- La Mecque
Il s’agit ici de retrouver les origines de la ville sainte. Face une nouvelle génération de chercheurs occidentaux mettant en doute jusqu’à la réalité historique de la Mecque (Patricia Crone par exemple, pp.71-78 puis p.82), l’auteur fait valoir un ensemble de témoignages antiques, ou issue de la traditions islamique prouvant son existence. Puis dans un second mouvement, après une digression sur le Wahhabisme et l’apparente volonté de ses membres de détruire toutes traces archéologiques (attitude qualifiée de « compulsion meurtrière » p.88) , autorisant du même coup certains « déconstructionnistes » à affirmer qu’il s’agit pour ces derniers de masquer l’imposture de l’Islam, l’auteur produit de nombreux témoignages prouvant l’existence d’un sanctuaire sacré pour les Musulmans, situé plus ou moins à l’endroit actuel de la Mecque.
L'enquête : 4- La Kaaba
De la Mecque à la Kaaba, il n’y a qu’un pas. Dans ce chapitre, traitant de la Kaaba, Michel Orcel commence par nous rappeler que « la forme cubique du temple Mecquois s’inscrit dans une vielle typologie architecturale et religieuse propre au Moyen-Orient, ce qui semble conforter une partie de la Tradition musulmane selon laquelle – pour la rendre au culte monothéiste institué par Abraham- le prophète aurait nettoyé de ses idoles la Kaaba païenne ».(p.105) Après une discussion rapide sur la forme antique qu’aurait pu prendre la Ka’ba (forme arrondie de la tente se transformant progressivement en cube, pp.105-110), l’auteur revient sur « l’islamisation » du sanctuaire. La question est de savoir à quelle date et comment s’opéra l’adoption de la Kaaba en tant que lieu sacral. Est-ce « que les rites attachés au sanctuaire furent innovation (présentée comme une « restauration » de la tradition abrahamique), ou faut-il admettre que le Prophète se contenta d’Islamiser des coutumes païenne ? » (p.119). Afin de répondre à cette question, nous accompagnons l’auteur dans un passage en revue de l’ensemble des rites en lien avec le sanctuaire pour tenter d’en élucider les origines à partir des études réalisées par les chercheurs occidentaux augmentées parfois d’informations en provenance des sources traditionnelles : origine hébraïque du vocabulaire religieux et choix de la qibla (pp.110-118), Pierre noire (p.119), ablutions (p.120), Tawāf et orientation de la Kaaba par rapport aux données astronomiques et solaires (selon un mode païen donc), course entre les collines de Safā et Marwah, présence de la source de ZamZam, lapidation de Satan, sacrifice du mouton qui clôt le pèlerinage (pp.121-124). La conclusion de l’auteur serait que « la science laïque contemporaine retrouve à sa manière la tradition musulmane, en mettant l’accent sur la façon dont le Prophète aurait "dépaganisé" la Kaaba et le pèlerinage pour en faire le centre de la nouvelle communauté religieuse, rétablie dans sa filiation abrahamique. » (p.125).
L'enquête : 5- Le Dôme du Rocher
Dans le cinquième et dernier volet de son enquête, Michel Orcel, s’interroge sur le Dôme du Rocher, appelé à tort "Mosquée d’Omar", mystérieux sanctuaire, presque interdit d’accès par le pouvoir hébreu. Troisième lieu saint de l'islam sunnite (après La Mecque et Médine), situé dans la vieille ville de Jérusalem sur le mont du Temple, le « Noble Sanctuaire » (en arabe : al-Ḥaram aš-Šarīf) continue de rayonner sur Jérusalem.
L’auteur va s’interroger sur le pourquoi de la construction du dôme, sur l’identité du commanditaire ainsi que sur la date exacte de la construction. Autant de sujets qui restent encore aujourd’hui soumis à controverse.
Sur l’identité du commanditaire, pour l’auteur, il est impossible de se fier à l’inscription externe du Dôme. Se basant sur les travaux de spécialistes, il indique que le Calife Abd el-Malik a peut-être fait achever le Dôme, mais si l’on prend en compte les délais et les conditions de construction, il y a peu de chance qu’il en fut le commanditaire. Nous devons certainement rechercher ce dernier parmi les califes omeyyades antérieures (p.138).
Sur la signification, cinq thèses sont successivement présentées au lecteur.
Tout d’abord, il aurait s’agit pour les premiers Musulmans de s’approprier symboliquement l’héritage juif, en construisant sur l’emplacement du Temple. Le Dôme serait donc une figure métonymique (pp.132-133).
Et ensuite avancée, la possibilité d’un monument élevé en souvenir du voyage nocturne et de l’ascension (Isra et Miraj) du prophète de l’Islam (pp.133-134). Toutefois, l’auteur indique que contrairement à ce que l’on croit de nos jours, il semblerait que les premiers croyants ne faisaient pas de lien entre le voyage nocturne et Jérusalem (que l’on considère normalement comme la destination du Prophète de l’Islam avant d’entamer son ascension). Il en veut pour preuve la présence d’un monument dédié construit à côté du dôme (dans ce cas pourquoi avoir construit deux monuments) ou encore la tradition même, au travers par exemple de textes laissés par Ibn Sa'd (m. 230/845) ou encore l’historien Al-Wasiti ( Fadâ'il al-Bayt al-Muqqadas). (pp.134&136).
La troisième hypothèse semble être la plus plausible pour l’auteur. A la suite d’Oleg Grabar, il considère que « ce n’est qu’au travers de la personne d’Abraham que le symbolisme ancien du Rocher peut avoir été adapté à la religion nouvelle » (p.137). Les premiers musulmans auraient « confondus » le « pays de Moriah » ou Dieu avait demandé à Abraham de sacrifier Isaac avec le « mont Moriah » où la tradition juive identifie le lieu de la ligature d’Isaac (p136). Nous devons préciser ici au lecteur, ce que ne fait pas Michel Orcel, que la vulgate Coranique ne donne pas de précision quant à l’identité exacte du sacrifié et le lieu du sacrifice (cf S37- V102-107).(4) Tant et si bien que pour les Musulmans contemporains, ce n’est pas Isaac qui a été sacrifié mais Ismaël, autre fils d’Abraham (Ibrahim) et ce n’est pas au « pays de Moriah » mais dans les parages de la Ka’aba que l’épisode du sacrifice s’est tenu (5). Nous ne sommes donc pas certain de pouvoir suivre l’auteur sur ce point.
Quant à la quatrième thèse, qui consiste à prétendre que les Califes omeyyades auraient voulu « détourner » le pèlerinage de la Mecque vers Jérusalem (p.140), elle est jugée comme très peu crédible par l’auteur. L’architecture du Dôme est peu adaptée. On voit mal un Calife essayer d’abolir un Pilier de l’Islam (alors qu’il a déjà fort à faire par ailleurs). Et pour finir, même pendant les guerres qui opposèrent le calife Omeyyade résidant à Damas et l’anti calife gouver-nant sur le Hedjaz et donc sur la Mecque, des cessez le feu furent convenus pendant la période du pèlerinage. Au mieux, il est peut-être possible que l’on songea à un moment ou un autre de l’utiliser comme substitution ponctuelle (pp.142-144).
Enfin, la cinquième thèse, se basant sur l’analyse de l’architecture du Dôme, qui lui parait comme singulière, ainsi que sur les différentes inscriptions que l’on peut relever à l’intérieur comme à l’extérieur, il finit par conclure que le Dôme est l’expression de la mise en œuvre d’un triple programme : politique (les musulmans affirment leur supériorité sur les empires voisins), religieux (affichage de l’héritage biblique et judéo-nazaréen de l’Islam tout en rejetant la trinité) et enfin sotériologique (préfiguration du Paradis). (pp.144-152) Enfin, revenant sur les origines du Coran, et suivant Estelle Whelan, l’auteur considère qu’au travers leur fonction sermonnaire, les inscriptions du Dôme témoignent de l’existence d’un Coran fermement établi et diffusé dans le monde arabe dès la fin du VIIè siècle.
L’auteur va s’interroger sur le pourquoi de la construction du dôme, sur l’identité du commanditaire ainsi que sur la date exacte de la construction. Autant de sujets qui restent encore aujourd’hui soumis à controverse.
Sur l’identité du commanditaire, pour l’auteur, il est impossible de se fier à l’inscription externe du Dôme. Se basant sur les travaux de spécialistes, il indique que le Calife Abd el-Malik a peut-être fait achever le Dôme, mais si l’on prend en compte les délais et les conditions de construction, il y a peu de chance qu’il en fut le commanditaire. Nous devons certainement rechercher ce dernier parmi les califes omeyyades antérieures (p.138).
Sur la signification, cinq thèses sont successivement présentées au lecteur.
Tout d’abord, il aurait s’agit pour les premiers Musulmans de s’approprier symboliquement l’héritage juif, en construisant sur l’emplacement du Temple. Le Dôme serait donc une figure métonymique (pp.132-133).
Et ensuite avancée, la possibilité d’un monument élevé en souvenir du voyage nocturne et de l’ascension (Isra et Miraj) du prophète de l’Islam (pp.133-134). Toutefois, l’auteur indique que contrairement à ce que l’on croit de nos jours, il semblerait que les premiers croyants ne faisaient pas de lien entre le voyage nocturne et Jérusalem (que l’on considère normalement comme la destination du Prophète de l’Islam avant d’entamer son ascension). Il en veut pour preuve la présence d’un monument dédié construit à côté du dôme (dans ce cas pourquoi avoir construit deux monuments) ou encore la tradition même, au travers par exemple de textes laissés par Ibn Sa'd (m. 230/845) ou encore l’historien Al-Wasiti ( Fadâ'il al-Bayt al-Muqqadas). (pp.134&136).
La troisième hypothèse semble être la plus plausible pour l’auteur. A la suite d’Oleg Grabar, il considère que « ce n’est qu’au travers de la personne d’Abraham que le symbolisme ancien du Rocher peut avoir été adapté à la religion nouvelle » (p.137). Les premiers musulmans auraient « confondus » le « pays de Moriah » ou Dieu avait demandé à Abraham de sacrifier Isaac avec le « mont Moriah » où la tradition juive identifie le lieu de la ligature d’Isaac (p136). Nous devons préciser ici au lecteur, ce que ne fait pas Michel Orcel, que la vulgate Coranique ne donne pas de précision quant à l’identité exacte du sacrifié et le lieu du sacrifice (cf S37- V102-107).(4) Tant et si bien que pour les Musulmans contemporains, ce n’est pas Isaac qui a été sacrifié mais Ismaël, autre fils d’Abraham (Ibrahim) et ce n’est pas au « pays de Moriah » mais dans les parages de la Ka’aba que l’épisode du sacrifice s’est tenu (5). Nous ne sommes donc pas certain de pouvoir suivre l’auteur sur ce point.
Quant à la quatrième thèse, qui consiste à prétendre que les Califes omeyyades auraient voulu « détourner » le pèlerinage de la Mecque vers Jérusalem (p.140), elle est jugée comme très peu crédible par l’auteur. L’architecture du Dôme est peu adaptée. On voit mal un Calife essayer d’abolir un Pilier de l’Islam (alors qu’il a déjà fort à faire par ailleurs). Et pour finir, même pendant les guerres qui opposèrent le calife Omeyyade résidant à Damas et l’anti calife gouver-nant sur le Hedjaz et donc sur la Mecque, des cessez le feu furent convenus pendant la période du pèlerinage. Au mieux, il est peut-être possible que l’on songea à un moment ou un autre de l’utiliser comme substitution ponctuelle (pp.142-144).
Enfin, la cinquième thèse, se basant sur l’analyse de l’architecture du Dôme, qui lui parait comme singulière, ainsi que sur les différentes inscriptions que l’on peut relever à l’intérieur comme à l’extérieur, il finit par conclure que le Dôme est l’expression de la mise en œuvre d’un triple programme : politique (les musulmans affirment leur supériorité sur les empires voisins), religieux (affichage de l’héritage biblique et judéo-nazaréen de l’Islam tout en rejetant la trinité) et enfin sotériologique (préfiguration du Paradis). (pp.144-152) Enfin, revenant sur les origines du Coran, et suivant Estelle Whelan, l’auteur considère qu’au travers leur fonction sermonnaire, les inscriptions du Dôme témoignent de l’existence d’un Coran fermement établi et diffusé dans le monde arabe dès la fin du VIIè siècle.
Conclusion
Finalement, pour Michel Orcel, les éléments externes à la Tradition musulmane viennent le plus souvent corroborer celle-ci. Que ce soit sur l’existence du Prophète de l’Islam ou bien sur la « constitution » du Coran, « il semble bien que l’islam soit mieux loti que le christianisme » pour lequel les plus anciens témoignages et textes (biographiques et dogmatiques) date de prés d’un siècle après la mort de Jésus (p.156). De même, nier l’existence de la Mecque et de la Kaaba avant l’époque des califes Omeyyades comme le font certains tenant de l’hyper-criticisme (pour ne pas dire certains « révisionnistes »), pour l’auteur « cela relève aujourd’hui non de l’hypothèse scientifique, mais de l’idéologie et presque de la mauvaise foi, tant sont nombreux les indices et témoignages contredisant cette thèse » (p.157). En revanche, la biographie officielle du Prophète de l’Islam et surtout les origines du dernier monothéisme restent à ses yeux « enveloppées d’obscurité » (p.157). Relevant « les points de contact dogmatiques entre le judéo-nazaréisme et la religion naissante », il forme l’hypothèse que l’Islam est « le produit d’une hérésie judéo-chrétienne » (p.158). Hypothèse, qui selon lui, est étayée par le fait même que l’Islam considère son message « comme le successeur et rénovateur des monothéismes précédents, juif et chrétien notamment » (p.158). Cette « communauté d’origine », qu’il considère comme validée par la facilité avec laquelle la civilisation « romano-chrétienne s’est appropriée sans mal et sans embarras les normes civilisationnelles du conquérant Arabe » constitue d’ailleurs, à ses yeux la meilleure réfutation de la théorie du choc des civilisations.
Pascal Lemmel
Pascal Lemmel
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(1) Sous forme de (recueil de ‘aḥādiṭh) On citera pour le lecteur intéressé les recueils de Boukhari et Muslim. Ces deux recueils sont considérés comme contenant les traditions les plus fiables.
(2) Sourate La table servie (Al-Maidah)-Verset 82. " Tu trouveras certainement que les Juifs et les associateurs sont les ennemis les plus acharnés des croyants. Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent: ‹Nous sommes chrétiens.› C'est qu'il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu'ils ne s'enflent pas d'orgueil."
(3) Un palimpseste est un manuscrit constitué d’un parchemin déjà utilisé, dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire de nouveau.
(4) Sourate 37. SAFFAT (Les RANGÉES)102-107 (1) Sous forme de (recueil de ‘aḥādiṭh) On citera pour le lecteur intéressé les recueils de Boukhari et Muslim. Ces deux recueils sont considérés comme contenant les traditions les plus fiables.
(2) Sourate La table servie (Al-Maidah)-Verset 82. " Tu trouveras certainement que les Juifs et les associateurs sont les ennemis les plus acharnés des croyants. Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent: ‹Nous sommes chrétiens.› C'est qu'il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu'ils ne s'enflent pas d'orgueil."
(3) Un palimpseste est un manuscrit constitué d’un parchemin déjà utilisé, dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire de nouveau.
102. Puis quand celui-ci fut en âge de l'accompagner, [Abraham] dit : "Ô mon fils, je me vois en songe en train de t'immoler. Vois donc ce que tu en penses". (Ismaël) dit : "Ô mon cher père, fais ce qui t'es commandé : tu me trouveras, s'il plaît à Allah, du nombre des endurants".
103. Puis quand tous deux se furent soumis (à l'ordre d'Allah) et qu'il l'eut jeté sur le front,
104. voilà que Nous l'appelâmes "Abraham!
105. Tu as confirmé la vision. C'est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants".
106. C'était là certes, l'épreuve manifeste.
107. Et Nous le rançonnâmes d'une immolation généreuse .