L’Islam prône que dans chacune de ses actions l’homme se souvienne de Dieu. Cependant de nos jours, à l’évidence, l’homme semble avoir oublié ce principe dans son rapport à l’environnement naturel. C’est pourquoi, il est urgent que ce dernier mette en œuvre une approche éthique instaurant une nouvelle relation avec la nature.
Après nous avoir montré l’impérieuse nécessité de cette éthique environnementale l’auteure nous explique en quoi ses valeurs constitutives (bien-être, solidarité, respect, responsabilité...) sont en réalité des valeurs intrinsèques de l’Islam ou plus largement encore, des trois monothéismes.
Cet article est publié avec l'aimable autorisation de l'auteure.
Après nous avoir montré l’impérieuse nécessité de cette éthique environnementale l’auteure nous explique en quoi ses valeurs constitutives (bien-être, solidarité, respect, responsabilité...) sont en réalité des valeurs intrinsèques de l’Islam ou plus largement encore, des trois monothéismes.
Cet article est publié avec l'aimable autorisation de l'auteure.
“The obligation of the Shari’ah is to provide the well- being of all Mankind. Which lies in safeguarding their faith, their human self, their intellect, their progeny and their wealth.”
Dans les années 70, l’éthique environnementale s’est développée aux Etats-Unis sous l’impulsion de l’œuvre du défunt Aldo Leopold (1887-1948). Ce philosophe, fervent défenseur de la nature, est considéré comme le père fondateur de l’écologie moderne. Il se distingua par la mise en application de l’éthique qu’il enseignait, dans une expérimentation écologique de réhabilitation écologique qu’il mena avec sa femme et ses enfants. L’éthique appliquée tente d’articuler les théories morales, philosophiques ou théologiques, et la pratique. A cet égard, Aldo Léopold appliquait une éthique biocentrique qui attribue à chaque organisme vivant un centre de vie téléologique dont la valeur est intrinsèque. L’éthique environnementale est une nouvelle voie permettant de répondre aux nouveaux enjeux liés au développement croissant et rapide des technologies qui ont des conséquences néfastes sur l'homme, la biodiversité, l'environnement et la planète dans son ensemble. Elle concerne différents secteurs à la fois : le politique, l’économie, l’éducation, les sciences… C’est en 1980 que le constat est fait, à grande échelle, du déclin de la biodiversité comme conséquence de l’impact néfaste des activités humaines sur la diversité du vivant. La dimension éthique des problématiques environnementales actuelles concerne la manière dont l’humanité va répondre aux défis qu’elle a à relever. Dans cet article, je propose d’exposer l’apport d’une éthique environnementale, ce qui me permettra ensuite de l’articuler à la foi musulmane.
L’éthique environnementale en question
La particularité de l’éthique environnementale est qu’elle s’intéresse au devenir de la planète, à l’environnement et au rapport Homme/nature. Elle se développe dans un contexte où les sociétés post-modernes composent avec des conséquences parfois désastreuses dues au développement technologique: la déforestation, la désertification, le réchauffement climatique, l'extinction d'espèces animales, la pollution, etc.... Appliquer des principes éthiques implique de poser les bonnes questions, celles qui sont essentielles, et nécessite de développer une conscience et une réflexivité sur la nature des actions, leurs objectifs, leurs étendues et leurs justifications. C'est pourquoi l'éthique environnementale est à considérer comme a priori des actions, elle s'impose comme une exigence qui donne du sens aux choix adoptés d’un point de vue stratégique et aux conséquences de ces choix sur l'environnement. Il en résulte qu’une des questions centrales de l'éthique environnementale est de repenser la "place" de l'Homme sur Terre ainsi que du rapport qu'il entretient avec la nature. A cet égard, l’œuvre d’Aldo Léopold a permis une rupture épistémologique dans le rapport à l’environnement. Cet homme contemplatif de la nature, fera sienne une nouvelle relation avec la nature. Il défend « une éthique de la terre qui fait passer l’Homo-sapiens du rôle de conquérant de la communauté terre à celui de membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté. Elle implique le respect des autres membres et aussi le respect de la communauté en tant que telle » [1] . Un grand nombre de valeurs découlent de cette approche éthique: le bien-être des individus et des communautés, la solidarité et l’unité entre individus et entre communautés, l’excellence dans le bien, la solidarité, le respect de la nature et le respect de la biodiversité. Toutes ces valeurs peuvent être mobilisées sous forme de principes qui sont: Ne pas nuire, contribuer au bien-être d’autrui, être juste, être tolérant et respecter la dignité de tous êtres vivants.
Les principes éthiques islamiques
Ces principes éthiques, nous les retrouvons dans les qawa’id qui sont des principes islamiques, au nombre de cinq et qui forment un système interdépendant. « Les cinq qawa’id, qui ont servis de base à l’établissement des principes secondaires et les règles, sont les suivants: Ne pas nuire à autrui et autrui ne doit pas te nuire : là darar wa-là diràr” [2]. En ce qui concerne le respect à l’environnement, là darar wa là diràr, est le principe central le plus influent (Hakim, 2012). Ce principe est fondamental et dépendant de l’objectif de justice sociale. En termes de justice sociale appliquée à l’environnement, il est important de préciser que les conséquences des dérèglements climatiques affectent, en premier lieu, les personnes les plus vulnérables. Et cela nécessite de s’interroger sur la vulnérabilité des individus qui y sont le plus exposés et aux manières d’y remédier.
La dimension éthique de la question environnementale met en avant la distribution ou la redistribution des ressources naturelles et vitales avec les autre membres de l’humanité, entre et à travers les générations à travers un accès partagé et raisonné. Le souci de laisser une planète vivable et viable aux futures générations, est l’un des points crucial de ce principe d’équité. Aussi se pose la question de savoir combien de sacrifices peuvent être raisonnablement et éthiquement attendu des hommes au nom du bien-être des générations futures et pour combien de générations de tels sacrifices doivent être faits. Le principe d’équité nécessite d’agir sur une base intentionnelle de partage tout en agissant en harmonie avec la nature. La conservation de la nature est un moyen de pérenniser les ressources naturelles qui permettrait d’en assurer une exploitation durable[3].
La dimension éthique de la question environnementale met en avant la distribution ou la redistribution des ressources naturelles et vitales avec les autre membres de l’humanité, entre et à travers les générations à travers un accès partagé et raisonné. Le souci de laisser une planète vivable et viable aux futures générations, est l’un des points crucial de ce principe d’équité. Aussi se pose la question de savoir combien de sacrifices peuvent être raisonnablement et éthiquement attendu des hommes au nom du bien-être des générations futures et pour combien de générations de tels sacrifices doivent être faits. Le principe d’équité nécessite d’agir sur une base intentionnelle de partage tout en agissant en harmonie avec la nature. La conservation de la nature est un moyen de pérenniser les ressources naturelles qui permettrait d’en assurer une exploitation durable[3].
Responsabilité et développement durable
Cette articulation entre éthique, principes, valeurs et pratiques est révélatrice d’une disposition plus générale qui est la responsabilité. Elle est une disposition globale de la vie humaine qui conditionne à la fois l’avenir lointain et la pérennité de l’espèce [4] . Les actions mobilisées par ce principe auraient des effets compatibles avec les exigences d’une permanence de la vie humaine sur terre [5] . Ce principe implique de repenser profondément la relation que l’individu entretient avec son environnement :
“With these global concerns: humanity's relationship to the environment, its understanding of and responsibility to nature, and its obligations to leave some of nature's resources to posterity. Pollution, population control resource use, food production and distribution, energy production and consumption, the preservation of the wilderness and of species diversity- all far under its purview. It asks comprehensive, global questions and applies its principles to the daily lives of men and women everywhere on Earth.” [6]
Cette prise de conscience soulève la question du développement durable. En effet, les questions environnementales ne se limitent pas à une gestion écologique. Il existe une interaction importante entre les actions humaines et l’environnement. Le très complet rapport Brundtland [7] précise que l'environnement n'existe pas en tant que domaine distinct des actions humaines, des ambitions, des besoins et des tentatives pour le défendre indépendamment des préoccupations de l'homme. Le concept de développement a également été réduit par certains dans un champ très limité comme "ce que les pays pauvres devraient faire pour devenir riche". L’environnement, comme lieu de vie et le développement comme amélioration de notre situation dans ce milieu, sont inséparables. Et les décisions relatives au développement de certains pays, en raison de leur puissance économique et politique considérable, auront un effet profond sur la capacité de tous à soutenir le progrès humain pour les générations à venir.
A l’échelle internationale, diverses initiatives dans le domaine du développement durable émergent, portées par des initiatives locales qui invitent à une prise de conscience collective. La nécessité conséquente à la dégradation environnementale implique d’établir des changements dans nos modes de vie et dont le modèle serait à contre-courant d’une vie consumériste. Le but étant de réapprendre à utiliser de manière raisonnée les ressources locales en vue de pourvoir aux besoins de la vie quotidienne. Ainsi, consommer local, adapter ses consommations aux aléas climatiques, partager, jardiner bio ou encore limiter les intermédiaires dans la chaîne de consommation, créer de nouveau circuit d’approvisionnement sont autant d’initiatives qui renouent avec une gestion écologique à dimension humaine. Dans certaines régions, comme en Afrique, l’accès à l’eau, l’agriculture ou l’adaptabilité aux changements climatiques sont autant de critères restrictifs qui imposent à l’Homme une adaptation. Cette prise de conscience passe nécessairement par l'appropriation du sens et du lien avec la nature, des réels besoins et du respect d'un niveau ontologique de la nature.
L’éthique musulmane basée sur le Coran et la Sunna [8], somme l’Homme d’agir sur Terre bil mahrouf, pour le bien commun en toute responsabilité. L’être humain a des devoirs et des responsabilités en ce qui concerne la préservation de l’ordre naturel écologique. L’Islam se distingue du christianisme par sa rupture avec la position de domination de l’Homme sur la nature qui avait été comprise par les chrétiens. En effet, en acceptant le statut de Calife sur Terre, l’Homme s’est lié à la nature dans une relation de dépendance mutuelle [9]. Le statut de Calife induit la bonne gouvernance comme un devoir religieux ce qui vient renforcer le principe de responsabilité. L’objectif des actions est ainsi nécessairement réfléchi en amont. L’Islam, de par sa spiritualité englobant l’agir humain, vient signifier que les actes du musulman doivent être motivés par la foi. Ainsi, sa façon de consommer les biens récoltés sur Terre sont un élément de culte. En ce sens, c’est précisément ce qui permet et qui permettrait de replacer l’environnement au cœur d’une éthique religieuse. Le respect de l’ordre divin sur Terre relève de l’adoration. Extrapoler ces principes à toute la communauté musulmane, dans ce que cela implique en termes de modération et d’usage raisonné à l’exemple de notre prophète Muhammad (ç), se traduirait par un impact positif sur l’environnement, si l’on considère que la population musulmane compte plus de 1,5 milliards d’individus. C’est le défi qui est à la base d’une nouvelle branche de la théologie présente aux Etats-Unis sous le nom d’ecotheology. Cette théologie de l’écologie s’intéresse à la manière dont les croyants pourraient être amenés à changer de comportement concernant l’environnement grâce à une morale religieuse.
Dans les trois monothéismes, une des réponses se trouve dans la relecture des sources religieuses afin d’y puiser les ressources éthiques qui font sens pour les croyants. Ce qui permettrait de rassembler une communauté de foi qui agit pour le bien de la planète, comme elle agit pour d’autres causes. Chez les musulmans, la mobilisation des versets et hadiths qui recommandent la bonne gouvernance, le respect, le non gaspillage dans le rapport aux biens naturels, à l’environnement permettraient de limiter les effets d’une catastrophe annoncée qui est de la responsabilité de tous.
“With these global concerns: humanity's relationship to the environment, its understanding of and responsibility to nature, and its obligations to leave some of nature's resources to posterity. Pollution, population control resource use, food production and distribution, energy production and consumption, the preservation of the wilderness and of species diversity- all far under its purview. It asks comprehensive, global questions and applies its principles to the daily lives of men and women everywhere on Earth.” [6]
Cette prise de conscience soulève la question du développement durable. En effet, les questions environnementales ne se limitent pas à une gestion écologique. Il existe une interaction importante entre les actions humaines et l’environnement. Le très complet rapport Brundtland [7] précise que l'environnement n'existe pas en tant que domaine distinct des actions humaines, des ambitions, des besoins et des tentatives pour le défendre indépendamment des préoccupations de l'homme. Le concept de développement a également été réduit par certains dans un champ très limité comme "ce que les pays pauvres devraient faire pour devenir riche". L’environnement, comme lieu de vie et le développement comme amélioration de notre situation dans ce milieu, sont inséparables. Et les décisions relatives au développement de certains pays, en raison de leur puissance économique et politique considérable, auront un effet profond sur la capacité de tous à soutenir le progrès humain pour les générations à venir.
A l’échelle internationale, diverses initiatives dans le domaine du développement durable émergent, portées par des initiatives locales qui invitent à une prise de conscience collective. La nécessité conséquente à la dégradation environnementale implique d’établir des changements dans nos modes de vie et dont le modèle serait à contre-courant d’une vie consumériste. Le but étant de réapprendre à utiliser de manière raisonnée les ressources locales en vue de pourvoir aux besoins de la vie quotidienne. Ainsi, consommer local, adapter ses consommations aux aléas climatiques, partager, jardiner bio ou encore limiter les intermédiaires dans la chaîne de consommation, créer de nouveau circuit d’approvisionnement sont autant d’initiatives qui renouent avec une gestion écologique à dimension humaine. Dans certaines régions, comme en Afrique, l’accès à l’eau, l’agriculture ou l’adaptabilité aux changements climatiques sont autant de critères restrictifs qui imposent à l’Homme une adaptation. Cette prise de conscience passe nécessairement par l'appropriation du sens et du lien avec la nature, des réels besoins et du respect d'un niveau ontologique de la nature.
L’éthique musulmane basée sur le Coran et la Sunna [8], somme l’Homme d’agir sur Terre bil mahrouf, pour le bien commun en toute responsabilité. L’être humain a des devoirs et des responsabilités en ce qui concerne la préservation de l’ordre naturel écologique. L’Islam se distingue du christianisme par sa rupture avec la position de domination de l’Homme sur la nature qui avait été comprise par les chrétiens. En effet, en acceptant le statut de Calife sur Terre, l’Homme s’est lié à la nature dans une relation de dépendance mutuelle [9]. Le statut de Calife induit la bonne gouvernance comme un devoir religieux ce qui vient renforcer le principe de responsabilité. L’objectif des actions est ainsi nécessairement réfléchi en amont. L’Islam, de par sa spiritualité englobant l’agir humain, vient signifier que les actes du musulman doivent être motivés par la foi. Ainsi, sa façon de consommer les biens récoltés sur Terre sont un élément de culte. En ce sens, c’est précisément ce qui permet et qui permettrait de replacer l’environnement au cœur d’une éthique religieuse. Le respect de l’ordre divin sur Terre relève de l’adoration. Extrapoler ces principes à toute la communauté musulmane, dans ce que cela implique en termes de modération et d’usage raisonné à l’exemple de notre prophète Muhammad (ç), se traduirait par un impact positif sur l’environnement, si l’on considère que la population musulmane compte plus de 1,5 milliards d’individus. C’est le défi qui est à la base d’une nouvelle branche de la théologie présente aux Etats-Unis sous le nom d’ecotheology. Cette théologie de l’écologie s’intéresse à la manière dont les croyants pourraient être amenés à changer de comportement concernant l’environnement grâce à une morale religieuse.
Dans les trois monothéismes, une des réponses se trouve dans la relecture des sources religieuses afin d’y puiser les ressources éthiques qui font sens pour les croyants. Ce qui permettrait de rassembler une communauté de foi qui agit pour le bien de la planète, comme elle agit pour d’autres causes. Chez les musulmans, la mobilisation des versets et hadiths qui recommandent la bonne gouvernance, le respect, le non gaspillage dans le rapport aux biens naturels, à l’environnement permettraient de limiter les effets d’une catastrophe annoncée qui est de la responsabilité de tous.
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[1] Aldo Léopold, A Sand County Almanac, New York, 1949
[2] C’est moi qui traduis.
[3] Gifford Pinchot , Breaking new ground, New York, 1947 BIBLIOGRAPHIE
Hakim, Besim S., “Built Environment in Law”, Encyclopaedia of Islam, THREE, Edited by: Gudrun Krämer, Denis Matringue, John Nawas, Everett Rowson; Brill Online, 2012
Hans Jonas, Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Editions du Cerf, 1990
Aldo Leopold, A Sand county almanach, New York, Oxford University Press, 1949
Gifford Pinchot, Breaking new ground, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1947
Directed by L.P Pojman, “Environmental Ethics, Readings in Theory and Application”, Boston, Wadsworth Thomson Learning, 2008
Report:
World commission on Environment and development, Our Common Future, New York, Oxford University Press, 1987 disponible sur: http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf
[4] Hans Jonas, Principe responsabilité, Paris 1990 (1979)
[5] Ibidem
[6] Dir. L.P.Pojman, Environmental Ethics, Introduction, Boston, 2008
[7] Report Our Common future, UN document, 1987
[8] Tradition prophétique
[9] Stewardship dans la littérature américaine.
Hakim, Besim S., “Built Environment in Law”, Encyclopaedia of Islam, THREE, Edited by: Gudrun Krämer, Denis Matringue, John Nawas, Everett Rowson; Brill Online, 2012
Hans Jonas, Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Editions du Cerf, 1990
Aldo Leopold, A Sand county almanach, New York, Oxford University Press, 1949
Gifford Pinchot, Breaking new ground, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1947
Directed by L.P Pojman, “Environmental Ethics, Readings in Theory and Application”, Boston, Wadsworth Thomson Learning, 2008
Report:
World commission on Environment and development, Our Common Future, New York, Oxford University Press, 1987 disponible sur: http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf