Revue internationale de politique de développement, n° 4, 2013, 268 p., Genève, The Graduate Institute
Ce numéro 4 de la Revue Internationale de politique de développement de l'Institut des hautes études internationales et de développement de Genève porte sur les thématiques de la religion et du développement. Il faut le lire comme un appel à l'exploration plus approfondie de ce champ d'étude. Fruit d'un travail collectif des rédacteurs invités Moncef Kartas [1] et Kalinfa Tudor Silva [2], à la suite de deux jours de discussions avec l'ensemble des treize chercheurs ayant contribué à sa production, ce numéro de la Revue internationale de politique de développement se veut un point de départ à des interrogations sur les définitions des concepts de développement et de religion, dont les terminologies font débat, et sur le champ d'étude qu'ils offrent.
Les articles analysent les discours des divers acteurs (organisations internationales, Etats, représentants des grandes religions, ONG confessionnelles, individus plus ou moins croyants, etc.), mais aussi leurs stratégies, leurs pratiques, leurs offres et leurs demandes, et les limites de celles-ci. Des articles, en s'appuyant parfois sur des enquêtes (principalement ethnologiques) de terrain dans des pays aussi divers que le Brésil, l'Afrique du Sud, la Turquie le Sri Lanka et la Chine, incitent à l'exploration des liens entre développement et religion par l'ensemble de la communauté des chercheurs en sciences sociales. D'autres articles, s'appuient sur les discours de grands représentants d'organisations internationales et de porte-parole de grandes religions. Longtemps, du fait de la domination du discours positiviste prégnant en Occident, la religion a été présentée comme un obstacle au progrès présenté comme rationnel et laïc, le discours majoritaire excluant la religion du champ politique. Cependant, la religion a fait preuve d'une résilience remarquable, à tel point qu'on parle actuellement d'un regain du religieux au détriment de la science.
Les articles analysent les discours des divers acteurs (organisations internationales, Etats, représentants des grandes religions, ONG confessionnelles, individus plus ou moins croyants, etc.), mais aussi leurs stratégies, leurs pratiques, leurs offres et leurs demandes, et les limites de celles-ci. Des articles, en s'appuyant parfois sur des enquêtes (principalement ethnologiques) de terrain dans des pays aussi divers que le Brésil, l'Afrique du Sud, la Turquie le Sri Lanka et la Chine, incitent à l'exploration des liens entre développement et religion par l'ensemble de la communauté des chercheurs en sciences sociales. D'autres articles, s'appuient sur les discours de grands représentants d'organisations internationales et de porte-parole de grandes religions. Longtemps, du fait de la domination du discours positiviste prégnant en Occident, la religion a été présentée comme un obstacle au progrès présenté comme rationnel et laïc, le discours majoritaire excluant la religion du champ politique. Cependant, la religion a fait preuve d'une résilience remarquable, à tel point qu'on parle actuellement d'un regain du religieux au détriment de la science.
Si l'on étudie l'évolution du développement d'un point de vue historique, il peut paraître paradoxal que le religieux, souvent à l'origine de l'aide au développement à l'époque coloniale se soit vu écarté par le discours laïc qui s'est imposé dans le domaine de l'aide au développement sous couvert de rationalisme et de modernisme. Au début des années 1990, la Banque Mondiale a commencé à s'intéresser à la religion, mais aussi aux acteurs de cette sphère religieuse, notamment les ONG religieuses et confessionnelles. Le 11 septembre 2001 se présente comme un tournant décisif puisqu'il impacte le discours liant développement et religion, ce qui force l'intérêt des politiciens, des praticiens et des universitaires. Jusqu'à la fin du XXe siècle, la Banque Mondiale s'investira beaucoup pour promouvoir la compréhension et la mise en place de partenariats avec les grandes organisations religieuses et confessionnelles. Cependant, très laïque, la Banque mondiale n'a pas réussi à surmonter les difficultés de mise en place de partenariats efficaces, principalement liées aux divergences d'interprétation du concept de développement. Cette invitation à un travail main dans la main des institutions internationales et autres acteurs laïcs du développement avec les acteurs religieux et confessionnels s'est soldée par un échec.
Il s'agit donc de revenir sur l'histoire de cet échec, en comprenant les différentes définitions des concepts de « religion » et de « développement » des divers acteurs, tout en découvrant ainsi la diversité de ces acteurs, de leur position et de leurs stratégies. Ce numéro invite ainsi, au travers de nombreux articles, à s'interroger sur les liens entre le développement, tel qu'il est présenté par les grandes institutions internationales (laïques) et le modèle néolibéral. La religion, entendue selon une acception large, pourrait potentiellement proposer un autre modèle de développement. Cependant au regard des cas exposés, cette potentialité doit être largement nuancée, comme par exemple d'après le cas des frères musulmans en Turquie ou ailleurs qui ne remettent pas fondamentalement en cause ce modèle néolibéral.
Ce numéro est organisé en trois parties : la première laisse un espace ouvert de discussions des concepts et des pratiques du champ d'étude « religion et développement », la deuxième s'intéresse aux organisations confessionnelles et au développement laïque ; la troisième s'interroge sur les religions comme alternatives au développement technocratique néolibéral.
Il s'agit donc de revenir sur l'histoire de cet échec, en comprenant les différentes définitions des concepts de « religion » et de « développement » des divers acteurs, tout en découvrant ainsi la diversité de ces acteurs, de leur position et de leurs stratégies. Ce numéro invite ainsi, au travers de nombreux articles, à s'interroger sur les liens entre le développement, tel qu'il est présenté par les grandes institutions internationales (laïques) et le modèle néolibéral. La religion, entendue selon une acception large, pourrait potentiellement proposer un autre modèle de développement. Cependant au regard des cas exposés, cette potentialité doit être largement nuancée, comme par exemple d'après le cas des frères musulmans en Turquie ou ailleurs qui ne remettent pas fondamentalement en cause ce modèle néolibéral.
Ce numéro est organisé en trois parties : la première laisse un espace ouvert de discussions des concepts et des pratiques du champ d'étude « religion et développement », la deuxième s'intéresse aux organisations confessionnelles et au développement laïque ; la troisième s'interroge sur les religions comme alternatives au développement technocratique néolibéral.
La première partie est composée de trois articles, fruits de discussions entre Philip Fountain[3] et Katherine Marshall[4]. Dans le premier article, Philip Fountain questionne la façon dont le concept de religion est déployé dans les travaux sur le développement, en démontrant les problèmes et les limites que cela pose. Cela permet au lecteur de mieux comprendre l'évolution de la considération des ONG religieuses dans les différentes sphères du développement, en revenant d'abord sur la définition de la religion et de l'importance politique de cette définition qui dépasse la simple opposition entre laïcité et religion. Au travers de l'étude de trois textes importants de l'étude du développement, il questionne le « mythe des ONG religieuses », en incitant la communauté scientifique à s'intéresser davantage aux pratiques des acteurs plutôt qu'aux valeurs du développement. Dans le deuxième article, Katherine Marshall corrobore les propos de Philip Fountain en ce qu'il faut être précautionneux dans l'utilisation des termes fondamentaux, comme celui de religion, qui doivent être questionnés et qui ne sont pas neutres politiquement. Par contre, l'auteure ne va pas dans le sens de Philip Fountain, lequel voit d'un mauvais œil les chevauchements entre les sphères du développement et de la croyance, et fait un examen critique du « développement séculier », que cependant il ne définit pas. Le lecteur peut comprendre les différends entre les auteurs de par leurs parcours diversifiés et leur évolution dans des sphères différentes aux visées parfois divergentes.
La seconde partie est composée de quatre articles et s'intéresse aux organisations confessionnelles et au développement laïc. Dans le premier article, Jeffrey Haynes[5] introduit de manière très pertinente cette deuxième partie, en s'intéressant aux organisations confessionnelles, au développement et à la Banque mondiale, en focalisant son analyse sur l'évolution des discours et des relations entre les acteurs internationaux laïcs avec les organisations confessionnelles dans le cadre de la politique de dialogue instaurée par la Banque mondiale dans les années 1990. L'auteur s'interroge sur les raisons de la rencontre avortée entre acteurs internationaux et organisations confessionnelles, malgré l'existence d'un consensus commun sur la nécessité d'un engagement plus important pour réduire la pauvreté (qui a conduit à l'adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement).
Dans le deuxième article, Gerard Clarke[6] s'intéresse aux enjeux de la collaboration entre les donateurs américains et européens bilatéraux et les organisations confessionnelles et le résultat de cette collaboration qui a tendance à être considérée comme productive. Cette collaboration productive entre les divers acteurs ne va pas de soi, puisque les conditions et les mécanismes pour mener une lutte efficace et conjointe contre la pauvreté et l'exclusion sociale ne sont pas encore totalement créés.
Dans le troisième article, Eliott Mourier[7] présente le cas du Brésil contemporain en matière de développement puisque la religion y joue un rôle essentiel, sur un territoire où l'Etat semble dépassé et relativement absent. Ainsi dans une analyse de cas critique, les organisations religieuses paraissent particulièrement bien implantées sur l'ensemble du territoire, et se voient déléguer une importante partie des activités de services publiques au travers d'un « partenariat public-religieux » ce qui peut être vu comme une sorte de concurrence à l'Etat, et qui nous amène à interroger les frontières sociales entre le politique et le religieux.
La seconde partie est composée de quatre articles et s'intéresse aux organisations confessionnelles et au développement laïc. Dans le premier article, Jeffrey Haynes[5] introduit de manière très pertinente cette deuxième partie, en s'intéressant aux organisations confessionnelles, au développement et à la Banque mondiale, en focalisant son analyse sur l'évolution des discours et des relations entre les acteurs internationaux laïcs avec les organisations confessionnelles dans le cadre de la politique de dialogue instaurée par la Banque mondiale dans les années 1990. L'auteur s'interroge sur les raisons de la rencontre avortée entre acteurs internationaux et organisations confessionnelles, malgré l'existence d'un consensus commun sur la nécessité d'un engagement plus important pour réduire la pauvreté (qui a conduit à l'adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement).
Dans le deuxième article, Gerard Clarke[6] s'intéresse aux enjeux de la collaboration entre les donateurs américains et européens bilatéraux et les organisations confessionnelles et le résultat de cette collaboration qui a tendance à être considérée comme productive. Cette collaboration productive entre les divers acteurs ne va pas de soi, puisque les conditions et les mécanismes pour mener une lutte efficace et conjointe contre la pauvreté et l'exclusion sociale ne sont pas encore totalement créés.
Dans le troisième article, Eliott Mourier[7] présente le cas du Brésil contemporain en matière de développement puisque la religion y joue un rôle essentiel, sur un territoire où l'Etat semble dépassé et relativement absent. Ainsi dans une analyse de cas critique, les organisations religieuses paraissent particulièrement bien implantées sur l'ensemble du territoire, et se voient déléguer une importante partie des activités de services publiques au travers d'un « partenariat public-religieux » ce qui peut être vu comme une sorte de concurrence à l'Etat, et qui nous amène à interroger les frontières sociales entre le politique et le religieux.
Dans le quatrième article, Hannah Lindiwe de Wet examine le cas du développement transformationnel, comme réponse de l'ONG World Vision en Afrique du Sud à la pauvreté, et ses effets aux différents niveaux au sein de la hiérarchie de l'ONG. Cette étude de cas met à jour la difficulté de traduire une conception en pratique, et les écarts que cela crée entre le haut de la hiérarchie de l'ONG qui opère les choix stratégiques et les travailleurs sur le terrain qui ont pour rôle l'exécution de la politique de l'ONG. Cette analyse critique conduit au questionnement du jeu des différents acteurs au sein d'une ONG confessionnelle, leurs intérêts divergents dans le processus de développement et l'importance de leur interaction avec les autres acteurs.
La troisième partie de ce numéro de revue s'interroge sur le fait de savoir si les religions pourraient être une alternative au développement technocratique libéral. Dans le premier article, Ludovic Bertina[8] analyse la doctrine catholique du « développement humain intégral » et son influence sur la communauté internationale du développement. Il opère une analyse intéressante de l'évolution de la doctrine papale dans une perspective comparative vis-à-vis des théories du développement.
Le deuxième article de Zidane Meriboute[9] s'intéresse à la vision du mouvement des Frères musulmans en Egypte sur le développement, la place de l'Etat, et la doctrine politico-religieuse. Ainsi au travers de l'étude de leur modèle de finance islamique, réalisé au nom de la justice sociale et du rejet de l'usure, les frères musulmans adhèrent au modèle capitaliste qui vise à maximiser les profits. L'auteur invite à une démocratisation de l'accès à la finance islamique, notamment dans les pays musulmans, en suggérant la mise en place de programmes de microfinance.
Le troisième article, de Levent Ünsaldi[10], étudie la conception musulmane du développement en Turquie, situé entre le néolibéralisme et la morale. Ce modèle semble centré sur la norme marchande, et éclipse les autres modèles de développement. Cependant, cette alliance entre islam politique et approche néolibérale, défendue par l'AKP, ne va pas sans mettre à jour de nombreuses contradictions entre le développement économique et le développement moral.
Le quatrième article, de Win Van Daele[11] porte sur l'économie politique du désir dans le rituel et le militantisme au Sri Lanka, deux structures dénonçant les dégâts sociaux du néolibéralisme dans des termes différents. Ainsi, les guérisseurs locaux chassent des fantômes affamés et avides (formation fétichiste du désir) qui condensent et matérialisent les angoisses dans le but de guérir les individus des maux de la société. Tandis que les militants du Mouvement pour une réforme de l'agriculture et de la terre nationale (MONLAR) se mobilisent pour traduire leur mécontentement en des termes économiques, politiques et scientifiques plus abstraits pour promouvoir une vision alternative du développement.
Le cinquième article de Sam Wong[12] s'intéresse à l'utilisation du capital religieux pour réduire la pauvreté dans le cas de la migration transfrontalière des paysans chinois de l'intérieur des terres à Hong Kong. En reprenant la notion de capital religieux[13], l'auteur expose comment le fait d'avoir accès au capital religieux ne garantit pas la réduction de la pauvreté, bien que ce capital religieux puisse potentiellement être converti en d'autres formes de capital (humain, social et financier), puisque les contraintes qui entravent l'accès au capital religieux sont si importantes qu'elles contribuent à perpétuer les inégalités sociales et les discriminations existantes, car les membres des élites utilisent ce capital religieux pour renforcer leur domination.
Le septième article, d’Indika Bulankulame[14] porte sur les interactions entre violence, religion et développement au Sri Lanka. En réalisant des entretiens portant sur l'évolution de leur rapport au religieux auprès de victimes d'un attentat à la bombe, Indika Bulankulame s'intéresse à la manière dont les victimes traumatisées (physiquement et psychologiquement) ont réussi à survivre notamment grâce à un changement de rapport à la religion dans un contexte de néolibéralisme féroce, qui n'est pas favorable à ces victimes laissées en marge du développement généralement à la suite de l'accident.
Le numéro de la revue s'achève sur un article portant sur les réflexions sur le rôle de la religion et de la foi dans le discours et la pratique du développement, co-écrits par Moncef Kartas et Kalinga Tudor Silva. Cette conclusion se compose d'un bref retour historique sur l'évolution des relations entre religion et développement, puis de l'examen du rôle des mouvements spirituels dans la proposition d'alternatives au développement néolibéral, du fait des valeurs divergentes entre ONG confessionnelles et organisations internationales laïques, pour s'achever sur une énumération critique des défis que cela pose à l'heure de la mondialisation.
Au travers d'articles généraux et de cas relativement classiques présentant des grandes organisations religieuses ou confessionnelles, ce numéro présente les rapports entre développement et religion. Cependant, il est dommage qu'il n'ait pas inclus une étude mentionnant des mouvements questionnant la sphère de la religion, comme pourrait l'être éventuellement le mouvement spirite au Brésil. Il est également regrettable qu'il n'y ait pas eu un article présentant un cas de conflit entre les acteurs internationaux laïcs, une scène politique nationale, et les acteurs religieux locaux ayant par exemple un soutien d'ONG internationales confessionnelles, avec une étude de l'évolution des rapports entre les différents acteurs durant la décennie 1990. Il serait intéressant également, puisque la question du développement semble sociale et politique, de s'interroger sur la religion comme vecteur de politisation grâce à la mise en avant des thématiques de développement dans le discours des acteurs religieux. Dans certains pays très religieux, la thématique du développement est-elle vue comme une opportunité pour les acteurs religieux d'intervenir à grande échelle dans le jeu politique national et/ou local ? Ou au contraire, dans le cadre d'une lutte de certains acteurs religieux pour jouer un rôle politique, le domaine du développement n'est pas mis en avant car il paraît trop polarisant voire conflictuel ? Nous ne pouvons donc que souscrire à l'appel des chercheurs pour réaliser davantage d'études de terrain sur des sujets variés en matière de développement et de religion.
Publication en partenariat avec Lectures.Revues.org
La troisième partie de ce numéro de revue s'interroge sur le fait de savoir si les religions pourraient être une alternative au développement technocratique libéral. Dans le premier article, Ludovic Bertina[8] analyse la doctrine catholique du « développement humain intégral » et son influence sur la communauté internationale du développement. Il opère une analyse intéressante de l'évolution de la doctrine papale dans une perspective comparative vis-à-vis des théories du développement.
Le deuxième article de Zidane Meriboute[9] s'intéresse à la vision du mouvement des Frères musulmans en Egypte sur le développement, la place de l'Etat, et la doctrine politico-religieuse. Ainsi au travers de l'étude de leur modèle de finance islamique, réalisé au nom de la justice sociale et du rejet de l'usure, les frères musulmans adhèrent au modèle capitaliste qui vise à maximiser les profits. L'auteur invite à une démocratisation de l'accès à la finance islamique, notamment dans les pays musulmans, en suggérant la mise en place de programmes de microfinance.
Le troisième article, de Levent Ünsaldi[10], étudie la conception musulmane du développement en Turquie, situé entre le néolibéralisme et la morale. Ce modèle semble centré sur la norme marchande, et éclipse les autres modèles de développement. Cependant, cette alliance entre islam politique et approche néolibérale, défendue par l'AKP, ne va pas sans mettre à jour de nombreuses contradictions entre le développement économique et le développement moral.
Le quatrième article, de Win Van Daele[11] porte sur l'économie politique du désir dans le rituel et le militantisme au Sri Lanka, deux structures dénonçant les dégâts sociaux du néolibéralisme dans des termes différents. Ainsi, les guérisseurs locaux chassent des fantômes affamés et avides (formation fétichiste du désir) qui condensent et matérialisent les angoisses dans le but de guérir les individus des maux de la société. Tandis que les militants du Mouvement pour une réforme de l'agriculture et de la terre nationale (MONLAR) se mobilisent pour traduire leur mécontentement en des termes économiques, politiques et scientifiques plus abstraits pour promouvoir une vision alternative du développement.
Le cinquième article de Sam Wong[12] s'intéresse à l'utilisation du capital religieux pour réduire la pauvreté dans le cas de la migration transfrontalière des paysans chinois de l'intérieur des terres à Hong Kong. En reprenant la notion de capital religieux[13], l'auteur expose comment le fait d'avoir accès au capital religieux ne garantit pas la réduction de la pauvreté, bien que ce capital religieux puisse potentiellement être converti en d'autres formes de capital (humain, social et financier), puisque les contraintes qui entravent l'accès au capital religieux sont si importantes qu'elles contribuent à perpétuer les inégalités sociales et les discriminations existantes, car les membres des élites utilisent ce capital religieux pour renforcer leur domination.
Le septième article, d’Indika Bulankulame[14] porte sur les interactions entre violence, religion et développement au Sri Lanka. En réalisant des entretiens portant sur l'évolution de leur rapport au religieux auprès de victimes d'un attentat à la bombe, Indika Bulankulame s'intéresse à la manière dont les victimes traumatisées (physiquement et psychologiquement) ont réussi à survivre notamment grâce à un changement de rapport à la religion dans un contexte de néolibéralisme féroce, qui n'est pas favorable à ces victimes laissées en marge du développement généralement à la suite de l'accident.
Le numéro de la revue s'achève sur un article portant sur les réflexions sur le rôle de la religion et de la foi dans le discours et la pratique du développement, co-écrits par Moncef Kartas et Kalinga Tudor Silva. Cette conclusion se compose d'un bref retour historique sur l'évolution des relations entre religion et développement, puis de l'examen du rôle des mouvements spirituels dans la proposition d'alternatives au développement néolibéral, du fait des valeurs divergentes entre ONG confessionnelles et organisations internationales laïques, pour s'achever sur une énumération critique des défis que cela pose à l'heure de la mondialisation.
Au travers d'articles généraux et de cas relativement classiques présentant des grandes organisations religieuses ou confessionnelles, ce numéro présente les rapports entre développement et religion. Cependant, il est dommage qu'il n'ait pas inclus une étude mentionnant des mouvements questionnant la sphère de la religion, comme pourrait l'être éventuellement le mouvement spirite au Brésil. Il est également regrettable qu'il n'y ait pas eu un article présentant un cas de conflit entre les acteurs internationaux laïcs, une scène politique nationale, et les acteurs religieux locaux ayant par exemple un soutien d'ONG internationales confessionnelles, avec une étude de l'évolution des rapports entre les différents acteurs durant la décennie 1990. Il serait intéressant également, puisque la question du développement semble sociale et politique, de s'interroger sur la religion comme vecteur de politisation grâce à la mise en avant des thématiques de développement dans le discours des acteurs religieux. Dans certains pays très religieux, la thématique du développement est-elle vue comme une opportunité pour les acteurs religieux d'intervenir à grande échelle dans le jeu politique national et/ou local ? Ou au contraire, dans le cadre d'une lutte de certains acteurs religieux pour jouer un rôle politique, le domaine du développement n'est pas mis en avant car il paraît trop polarisant voire conflictuel ? Nous ne pouvons donc que souscrire à l'appel des chercheurs pour réaliser davantage d'études de terrain sur des sujets variés en matière de développement et de religion.
Publication en partenariat avec Lectures.Revues.org
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[1] Chercheur à l'IHEI de Genève.
[2] Professeur de sociologie à l'Université de Peradeniya au Sri Lanka.
[3] Post-doctorant en ethnologie au Asia Research Institute de l'Université nationale de Singapour.
[4] Chercheuse associée au Berkley Center for Religion, Peace and Word Affairs de l'Université de Georgetown ; elle a par ailleurs la directrice du Dialogue interreligieux sur le développement WFDD.
[5] Doyen associé de la Faculty of Law, Governance and International relations et directeur du Centre for the Study of Religion, Conflict and Cooperation, professeur de sciences politiques à la Metrpolitan University de Londres.
[6] Maître de conférences en politique et développement international au Department of Political and Cultural Studies de l'Université de Swansea au Royaume-Uni.
[7] Doctorant en science politique à l'Institut des Hautes Etudes sur Amérique Latine de l'Université de la Sorbonne. Nouvelle-Paris 3.
[8] Doctorant en science politique à l’École pratique des auteurs études EPHE.
[9] Chercheur au Centre for International Studies and Diplomacy de la SOAS à Londres et consultant.
[10] Maître de conférences à l'Université d'Ankara en Turquie.
[11] Doctorant au Center Leo Apostel de la Vrije Universiteit Brussel.
[12] Maître de conférences au Departement of Geography and Planning de la School of Environmental Sciences de l'Université de Liverpool.
[13] L'auteur s'appuie sur les écrits de Pierre Bourdieu pour ce qui est des différents types de capital, et surtout sur les écrits de Laurence Iannaccone sur le concept de capital religieux.
[14] Enseignante au sein de la faculté des sciences humaines de l'Université ouverte du Sri Lanka.
[1] Chercheur à l'IHEI de Genève.
[2] Professeur de sociologie à l'Université de Peradeniya au Sri Lanka.
[3] Post-doctorant en ethnologie au Asia Research Institute de l'Université nationale de Singapour.
[4] Chercheuse associée au Berkley Center for Religion, Peace and Word Affairs de l'Université de Georgetown ; elle a par ailleurs la directrice du Dialogue interreligieux sur le développement WFDD.
[5] Doyen associé de la Faculty of Law, Governance and International relations et directeur du Centre for the Study of Religion, Conflict and Cooperation, professeur de sciences politiques à la Metrpolitan University de Londres.
[6] Maître de conférences en politique et développement international au Department of Political and Cultural Studies de l'Université de Swansea au Royaume-Uni.
[7] Doctorant en science politique à l'Institut des Hautes Etudes sur Amérique Latine de l'Université de la Sorbonne. Nouvelle-Paris 3.
[8] Doctorant en science politique à l’École pratique des auteurs études EPHE.
[9] Chercheur au Centre for International Studies and Diplomacy de la SOAS à Londres et consultant.
[10] Maître de conférences à l'Université d'Ankara en Turquie.
[11] Doctorant au Center Leo Apostel de la Vrije Universiteit Brussel.
[12] Maître de conférences au Departement of Geography and Planning de la School of Environmental Sciences de l'Université de Liverpool.
[13] L'auteur s'appuie sur les écrits de Pierre Bourdieu pour ce qui est des différents types de capital, et surtout sur les écrits de Laurence Iannaccone sur le concept de capital religieux.
[14] Enseignante au sein de la faculté des sciences humaines de l'Université ouverte du Sri Lanka.