Ainsi, cette disputatio s’attelle à nombre de sujets, certains plus ancrés dans l’actualité que d’autres, mais tous dignes d’intérêt. Si l’on regrette quelques considérations qui nous semblent hasardeuses, [...], et des sujets parfois peu approfondis, l’ouvrage constitue toutefois une formidable introduction à la réflexion sur l’islam.
Victor Mercier
Publiée en partenariat avec " Liens socio ", Le portail francophone des sciences sociales.
Broché: 200 pages
Editeur : Stock (18 septembre 2019)
Collection : Les essais. Philosophie magazine éditeur.
Langue : Français
ISBN-13: 978-2234088122
Editeur : Stock (18 septembre 2019)
Collection : Les essais. Philosophie magazine éditeur.
Langue : Français
ISBN-13: 978-2234088122
Par Victor Mercier
Exercice phare de la scolastique médiévale, la disputatio voyait s’affronter dans un débat un opponens et un respondens, ripostant mutuellement à coup de contre-arguments. Rémi Brague, spécialiste de la philosophie antique et médiévale, et Souleymane Bachir Diagne, spécialiste de la philosophie islamique, occupent successivement ces deux places dans le dialogue que retranscrit cet ouvrage. Comme l’évoque Rémi Brague dans sa postface, les deux philosophes ont ici un « échange franc et poli d’arguments » (p. 174) à propos de l’islam et de son rapport à de multiples sujets.
L’ouvrage issu de ce « dialogue » est d’abord introduit par Michel Eltchaninoff, qui dresse le constat de la place qu’occupe l’islam dans les critiques des religions. Pour le philosophe, si les autorités de toutes les religions font l’objet d’attaques régulières, le « cœur théologique » (p. 8) de celles-ci est souvent préservé, exception faite de celui de l’islam, qui serait une religion intolérante, violente à l’égard des autres religions ou hostile à la démocratie et aux droits de l’homme. Ce sont tous ces sujets qui sont étudiés dans cet ouvrage, à travers neuf chapitres.
« L’islam au temps de la mondialisation » fait figure de première partie. Souleymane Bachir Diagne considère que l’islam, notamment ses têtes pensantes, « est en train d’effectuer une reprise de soi » (p. 15) du fait qu’il devient une religion minoritaire dans certaines régions, comme les États-Unis, suite à d’importantes migrations. Pour Rémi Brague, cette position minoritaire implique un « recentrage » autour de l’islam, qui s’affirme comme un « principe d’identité » plus fort que dans les pays musulmans, « où l’islam fait partie de l’air que l’on respire » (p. 15). Sur l’islamophobie, le philosophe français estime qu’il s’agit d’un mot « dont le but est d’empêcher de penser » (p. 23) en rassemblant sous un même terme critique des musulmans et critique de l’islam. Souleymane Bachir Diagne juge que de nombreuses personnes se targuent de critiquer une religion pour délivrer un réel message de haine à l’encontre des croyants.
Le deuxième chapitre s’intitule « Le Coran et la violence ». Pour Rémi Brague, le Coran contient plus de propos appelant à la violence que les Évangiles ; le philosophe sénégalais estime pour sa part que « la relation entre une religion et la violence n’est pas une relation intrinsèque » (p. 30). Pour ce dernier, il est plus que nécessaire de prendre en compte l’histoire de l’islam, laquelle retrace une « apparition minoritaire […] dans une ville, La Mecque, qui est polythéiste, et qui menace Mahomet et ses compagnons d’éradication » (p. 33). Cette histoire peut donc justifier le fait que la guerre soit autorisée par l’islam. Rémi Brague considère ce récit comme erroné puisque le polythéisme aurait cessé d’exister au IIIe siècle. Il estime également que le problème est plus profond compte tenu de la nature même du Coran, un texte révélé par Dieu et dont Muhammad n’est pas l’auteur, alors que la Bible est rédigée par des humains. L’interprétation est alors beaucoup plus complexe puisque Dieu, « omniscient et éternel, doit avoir prévu tous les cas possibles et imaginables » (p. 32). Toutefois, pour Souleymane Bachir Diagne, cette thèse a été remise en cause par les mutazilites, et la sîra rapporte que le prophète refuse « que l’on cherche à envisager toutes les possibilités dans leur exhaustivité » puisque qu’il faudrait « faire confiance à la capacité de la parole vivante de répondre » (p. 41). Rémi Brague considère aussi comme problématique la théorie de l’abrogation – selon laquelle un verset postérieur remplace un verset antérieur contradictoire –puisque l’islam tolérant est aboli par des versets postérieurs plus violents. Cette théorie, rappelle cependant Souleymane Bachir Diagne, ne concerne que quelques versets, qu’il ne faudrait pas invoquer isolément au détriment de la pluralité du texte coranique.
Les philosophes discutent ensuite le point clé du verset 256 de la sourate 2 : « pas de contrainte en religion ». Pour Rémi Brague, il signifie que, « lorsqu’on est dans la religion vraie, on ne ressent aucune contrainte, car la vérité se distingue elle-même de l’erreur » (p. 47). Souleymane Bachir Diagne, prenant en considération la suite du verset, estime qu’il révèle que « l’humain est consentement à Dieu, et que la condition de la religion est ce consentement » (p. 49). De la même manière, Rémi Brague considère que l’islam se pétrifie en se revendiquant comme première et dernière des religions. Au contraire, le penseur sénégalais cite le philosophe indien Mohammed Iqbal qui, comme Henri Bergson, pense que « la religion doit être dynamique, dans une société ouverte » (p. 55). Rémi Brague revendique enfin la « logique du vrai », alors que Souleymane Bachir Diagne invoque également celle du « sens ». La vérité historique importerait, mais relativement peu, puisqu’il faudrait s’intéresser davantage à ce qui fait sens pour les croyants.
Le dialogue se poursuit sur l’hostilité qu’entretiendrait l’islam envers les autres religions, selon notamment le verset 5 de la sourate 9 qui appelle à tuer les polythéistes. Pour Souleymane Bachir Diagne, le contexte immédiat de ce verset le relativise puisqu’il fait référence à un pacte entre les musulmans et les « associants », qui aurait été brisé par ces derniers. Selon lui, l’islam serait aussi relativement tolérant avec les autres religions, si l’on étudie le contexte général, réservant un statut particulier aux « gens du Livre », c’est-à-dire principalement les juifs et les chrétiens. Mais, pour Rémi Brague, les textes religieux mentionnés par le Coran sont des « fictions » puisque « l’islam prétend connaître mieux que les juifs ce que c’est que la Torah et mieux que les chrétiens ce qu’il y a dans l’Évangile » (p. 72). Pour lui, la tolérance est intéressée et s’explique avant tout par une « politique habile et patiente » lors des conquêtes.
Le cinquième chapitre interroge la dimension politique de l’islam. Les deux philosophes s’accordent pour dire que le Coran ne prescrit aucune organisation politique. Pour Rémi Brague, c’est parce que le prophète considère que l’apocalypse est proche. Il estime aussi que la charia limite considérablement l’exercice démocratique, car si l’islam n’interdit pas formellement la démocratie, aucune loi ne pourrait aller contre la volonté divine.
Sur la « raison dans l’islam », Souleymane Bachir Diagne cite le Traité décisif d’Averroès qui indique que « non seulement la démarche rationnelle est permise, mais qu’elle est même obligatoire » et que « si la révélation semble en apparente contradiction avec les exigences de la raison, c’est le signe qu’il faut interpréter le texte […] d’une manière qui le réconcilie avec les exigences de la raison » (p. 106). Mais, pour Rémi Brague, Averroès n’a eu ni influence ni postérité dans le monde musulman, d’autant plus qu’il considère « que l’examen rationnel est un devoir, mais uniquement pour ceux qui en sont capables, pas pour les autres » (p. 110). C’est d’ailleurs, pour le philosophe français, une caractéristique de la philosophie islamique : elle est « une affaire d’individus » (p. 116) et il n’y a jamais eu d’enseignement officiel de celle-ci, contrairement à l’Occident. Rémi Brague se demande même si l’on peut parler réellement de philosophie islamique puisque « ce que nous appelons, nous, philosophie est un peu mélangé avec le reste » (kalam, fiqh, tafsir) et que les « philosophes sont comme des raisins secs dans un clafoutis » (p. 117).
Le septième chapitre s’ouvre sur une interrogation : « l’islam est-il soluble dans la modernité ? » (p. 123). Pour le philosophe sénégalais, « l’islam possède une faculté d’aggiornamento » et il peut résister aux « forces obscurantistes » (p. 126). Sur le statut des femmes en islam, il estime qu’il est nécessaire de saisir l’intention de la religion, entendant par exemple l’autorisation d’avoir quatre femmes comme la limitation d’une polygamie sans bornes, d’autant plus que la monogamie peut être considérée comme une exigence coranique. En effet, si le verset 3 de la sourate 4 autorise la polygamie lorsque le mari est équitable et juste, le verset 129 de cette même sourate énonce que « vous ne pouvez être parfaitement équitables à l’égard de chacune de vos femmes » (traduction de D. Masson). Rémi Brague regrette cependant que l’interdiction de la polygamie ne soit pas inscrite textuellement dans le Coran.
Pour Rémi Brague, l’islamisme est « un islam » et la différence entre islamisme et religion musulmane « est plutôt de degré que de nature » (p. 136). Pour Souleymane Bachir Diagne, cette distinction sert à différencier une religion d’une idéologie politique pouvant être violente, et manifeste ainsi « un respect pour la grande majorité des musulmans » (p. 139).
L’ultime chapitre s’intitule « Quelle liberté dans l’islam ? ». Souleymane Bachir Diagne y rappelle que cette question divise la théologie, avec un camp rationaliste pour qui « poser que les actions de l’humain et le cours du monde sont prédéterminés par le décret divin semble […] nier la justice de Dieu », et un camp littéraliste pour qui « affirmer une liberté totale de l’humain semble nier la puissance absolue de Dieu » (p. 156). Rémi Brague ajoute que le christianisme « s’appuie sur une revendication de liberté », ce qui explique que les chrétiens ont parlé d’un fatum mahometanum, « car ils ne trouvaient pas chez eux, sauf chez Spinoza, de penseurs ayant défendu une position déterministe » (p. 161).
Ainsi, cette disputatio s’attelle à nombre de sujets, certains plus ancrés dans l’actualité que d’autres, mais tous dignes d’intérêt. Si l’on regrette quelques considérations qui nous semblent hasardeuses, comme celle de Rémi Brague sur la Révolution, qui serait la période la plus « dictatoriale » de la France (p. 90), et des sujets parfois peu approfondis, l’ouvrage constitue toutefois une formidable introduction à la réflexion sur l’islam.
L’ouvrage issu de ce « dialogue » est d’abord introduit par Michel Eltchaninoff, qui dresse le constat de la place qu’occupe l’islam dans les critiques des religions. Pour le philosophe, si les autorités de toutes les religions font l’objet d’attaques régulières, le « cœur théologique » (p. 8) de celles-ci est souvent préservé, exception faite de celui de l’islam, qui serait une religion intolérante, violente à l’égard des autres religions ou hostile à la démocratie et aux droits de l’homme. Ce sont tous ces sujets qui sont étudiés dans cet ouvrage, à travers neuf chapitres.
« L’islam au temps de la mondialisation » fait figure de première partie. Souleymane Bachir Diagne considère que l’islam, notamment ses têtes pensantes, « est en train d’effectuer une reprise de soi » (p. 15) du fait qu’il devient une religion minoritaire dans certaines régions, comme les États-Unis, suite à d’importantes migrations. Pour Rémi Brague, cette position minoritaire implique un « recentrage » autour de l’islam, qui s’affirme comme un « principe d’identité » plus fort que dans les pays musulmans, « où l’islam fait partie de l’air que l’on respire » (p. 15). Sur l’islamophobie, le philosophe français estime qu’il s’agit d’un mot « dont le but est d’empêcher de penser » (p. 23) en rassemblant sous un même terme critique des musulmans et critique de l’islam. Souleymane Bachir Diagne juge que de nombreuses personnes se targuent de critiquer une religion pour délivrer un réel message de haine à l’encontre des croyants.
Le deuxième chapitre s’intitule « Le Coran et la violence ». Pour Rémi Brague, le Coran contient plus de propos appelant à la violence que les Évangiles ; le philosophe sénégalais estime pour sa part que « la relation entre une religion et la violence n’est pas une relation intrinsèque » (p. 30). Pour ce dernier, il est plus que nécessaire de prendre en compte l’histoire de l’islam, laquelle retrace une « apparition minoritaire […] dans une ville, La Mecque, qui est polythéiste, et qui menace Mahomet et ses compagnons d’éradication » (p. 33). Cette histoire peut donc justifier le fait que la guerre soit autorisée par l’islam. Rémi Brague considère ce récit comme erroné puisque le polythéisme aurait cessé d’exister au IIIe siècle. Il estime également que le problème est plus profond compte tenu de la nature même du Coran, un texte révélé par Dieu et dont Muhammad n’est pas l’auteur, alors que la Bible est rédigée par des humains. L’interprétation est alors beaucoup plus complexe puisque Dieu, « omniscient et éternel, doit avoir prévu tous les cas possibles et imaginables » (p. 32). Toutefois, pour Souleymane Bachir Diagne, cette thèse a été remise en cause par les mutazilites, et la sîra rapporte que le prophète refuse « que l’on cherche à envisager toutes les possibilités dans leur exhaustivité » puisque qu’il faudrait « faire confiance à la capacité de la parole vivante de répondre » (p. 41). Rémi Brague considère aussi comme problématique la théorie de l’abrogation – selon laquelle un verset postérieur remplace un verset antérieur contradictoire –puisque l’islam tolérant est aboli par des versets postérieurs plus violents. Cette théorie, rappelle cependant Souleymane Bachir Diagne, ne concerne que quelques versets, qu’il ne faudrait pas invoquer isolément au détriment de la pluralité du texte coranique.
Les philosophes discutent ensuite le point clé du verset 256 de la sourate 2 : « pas de contrainte en religion ». Pour Rémi Brague, il signifie que, « lorsqu’on est dans la religion vraie, on ne ressent aucune contrainte, car la vérité se distingue elle-même de l’erreur » (p. 47). Souleymane Bachir Diagne, prenant en considération la suite du verset, estime qu’il révèle que « l’humain est consentement à Dieu, et que la condition de la religion est ce consentement » (p. 49). De la même manière, Rémi Brague considère que l’islam se pétrifie en se revendiquant comme première et dernière des religions. Au contraire, le penseur sénégalais cite le philosophe indien Mohammed Iqbal qui, comme Henri Bergson, pense que « la religion doit être dynamique, dans une société ouverte » (p. 55). Rémi Brague revendique enfin la « logique du vrai », alors que Souleymane Bachir Diagne invoque également celle du « sens ». La vérité historique importerait, mais relativement peu, puisqu’il faudrait s’intéresser davantage à ce qui fait sens pour les croyants.
Le dialogue se poursuit sur l’hostilité qu’entretiendrait l’islam envers les autres religions, selon notamment le verset 5 de la sourate 9 qui appelle à tuer les polythéistes. Pour Souleymane Bachir Diagne, le contexte immédiat de ce verset le relativise puisqu’il fait référence à un pacte entre les musulmans et les « associants », qui aurait été brisé par ces derniers. Selon lui, l’islam serait aussi relativement tolérant avec les autres religions, si l’on étudie le contexte général, réservant un statut particulier aux « gens du Livre », c’est-à-dire principalement les juifs et les chrétiens. Mais, pour Rémi Brague, les textes religieux mentionnés par le Coran sont des « fictions » puisque « l’islam prétend connaître mieux que les juifs ce que c’est que la Torah et mieux que les chrétiens ce qu’il y a dans l’Évangile » (p. 72). Pour lui, la tolérance est intéressée et s’explique avant tout par une « politique habile et patiente » lors des conquêtes.
Le cinquième chapitre interroge la dimension politique de l’islam. Les deux philosophes s’accordent pour dire que le Coran ne prescrit aucune organisation politique. Pour Rémi Brague, c’est parce que le prophète considère que l’apocalypse est proche. Il estime aussi que la charia limite considérablement l’exercice démocratique, car si l’islam n’interdit pas formellement la démocratie, aucune loi ne pourrait aller contre la volonté divine.
Sur la « raison dans l’islam », Souleymane Bachir Diagne cite le Traité décisif d’Averroès qui indique que « non seulement la démarche rationnelle est permise, mais qu’elle est même obligatoire » et que « si la révélation semble en apparente contradiction avec les exigences de la raison, c’est le signe qu’il faut interpréter le texte […] d’une manière qui le réconcilie avec les exigences de la raison » (p. 106). Mais, pour Rémi Brague, Averroès n’a eu ni influence ni postérité dans le monde musulman, d’autant plus qu’il considère « que l’examen rationnel est un devoir, mais uniquement pour ceux qui en sont capables, pas pour les autres » (p. 110). C’est d’ailleurs, pour le philosophe français, une caractéristique de la philosophie islamique : elle est « une affaire d’individus » (p. 116) et il n’y a jamais eu d’enseignement officiel de celle-ci, contrairement à l’Occident. Rémi Brague se demande même si l’on peut parler réellement de philosophie islamique puisque « ce que nous appelons, nous, philosophie est un peu mélangé avec le reste » (kalam, fiqh, tafsir) et que les « philosophes sont comme des raisins secs dans un clafoutis » (p. 117).
Le septième chapitre s’ouvre sur une interrogation : « l’islam est-il soluble dans la modernité ? » (p. 123). Pour le philosophe sénégalais, « l’islam possède une faculté d’aggiornamento » et il peut résister aux « forces obscurantistes » (p. 126). Sur le statut des femmes en islam, il estime qu’il est nécessaire de saisir l’intention de la religion, entendant par exemple l’autorisation d’avoir quatre femmes comme la limitation d’une polygamie sans bornes, d’autant plus que la monogamie peut être considérée comme une exigence coranique. En effet, si le verset 3 de la sourate 4 autorise la polygamie lorsque le mari est équitable et juste, le verset 129 de cette même sourate énonce que « vous ne pouvez être parfaitement équitables à l’égard de chacune de vos femmes » (traduction de D. Masson). Rémi Brague regrette cependant que l’interdiction de la polygamie ne soit pas inscrite textuellement dans le Coran.
Pour Rémi Brague, l’islamisme est « un islam » et la différence entre islamisme et religion musulmane « est plutôt de degré que de nature » (p. 136). Pour Souleymane Bachir Diagne, cette distinction sert à différencier une religion d’une idéologie politique pouvant être violente, et manifeste ainsi « un respect pour la grande majorité des musulmans » (p. 139).
L’ultime chapitre s’intitule « Quelle liberté dans l’islam ? ». Souleymane Bachir Diagne y rappelle que cette question divise la théologie, avec un camp rationaliste pour qui « poser que les actions de l’humain et le cours du monde sont prédéterminés par le décret divin semble […] nier la justice de Dieu », et un camp littéraliste pour qui « affirmer une liberté totale de l’humain semble nier la puissance absolue de Dieu » (p. 156). Rémi Brague ajoute que le christianisme « s’appuie sur une revendication de liberté », ce qui explique que les chrétiens ont parlé d’un fatum mahometanum, « car ils ne trouvaient pas chez eux, sauf chez Spinoza, de penseurs ayant défendu une position déterministe » (p. 161).
Ainsi, cette disputatio s’attelle à nombre de sujets, certains plus ancrés dans l’actualité que d’autres, mais tous dignes d’intérêt. Si l’on regrette quelques considérations qui nous semblent hasardeuses, comme celle de Rémi Brague sur la Révolution, qui serait la période la plus « dictatoriale » de la France (p. 90), et des sujets parfois peu approfondis, l’ouvrage constitue toutefois une formidable introduction à la réflexion sur l’islam.