Asma Lamrabet
Le mot « féministe » ou « féminisme » employé dans le champ islamique soulève beaucoup de débats et d'incompréhensions. Des débats et incompréhensions liés pour une grande part à l'histoire chargée de ce mot en contexte occidental et, parfois, à une "idéologie" qui s’y rattache dans ce même contexte.
Pour saisir la portée épistémologique et les enjeux sociaux d'une telle terminologie, nous avons interrogé Asma Lamrabet sur la pertinence d’une telle notion en climat islamique.
Les cahiers de l'Islam : Que faut-il entendre par "lecture féministe" du Coran ? Qu’est-ce qui justifie une telle démarche de nos jours ? Est-ce qu’une "lecture féministe du Coran ou de la tradition islamique est-elle forcément féminine? (et l'inverse ?)".
Pour saisir la portée épistémologique et les enjeux sociaux d'une telle terminologie, nous avons interrogé Asma Lamrabet sur la pertinence d’une telle notion en climat islamique.
Les cahiers de l'Islam : Que faut-il entendre par "lecture féministe" du Coran ? Qu’est-ce qui justifie une telle démarche de nos jours ? Est-ce qu’une "lecture féministe du Coran ou de la tradition islamique est-elle forcément féminine? (et l'inverse ?)".
Réponse de A. Lamrabet
La différence entre féminine et féministe n’a pas lieu d’être si on prend le temps au préalable de déconstruire le concept de « féminisme » qui reste très péjoratif dans l’imaginaire collectif. En effet, ce concept est souvent considéré comme étant soit trop occidentalisé, soit antireligieux soit excluant les hommes. Ceci est certainement vrai pour certaines mouvances féministes mais il serait pour autant réducteur de condamner pour cela le mouvement féministe dans sa globalité.
Pour cela il faudrait revenir à une définition non pas restrictive du féminisme mais plutôt à une définition plus large qui considère que le féminisme est le produit d’une lutte continue des femmes contre l’oppression et qui conçoit donc une continuité de cette lutte au cours de l’histoire de l’humanité en dehors d’un contexte historique ou géographique donné. Le problème c'est qu’il y a confusion entre les principes universels de la lutte des femmes et les différents modèles de féminisme.
Les principes universels sont ceux de l’égalité en droits, de la lutte contre la discrimination, et de la lutte pour la dignité…Ces principes constituent le fondement de la lutte des femmes, de toutes les femmes, à travers le monde. Alors que les modèles restent différents et spécifiques à chaque contexte. Il serait plus juste donc de parler « des féminismes ». Rien qu’en France on dénote plusieurs courants : marxiste, libéral, républicain , radical etc…
Il existe aussi des féminismes dits "religieux", comme c’est le cas du féminisme de la théologie de la libération en Amérique Latine, de celui des femmes chrétiennes ( le réseau l’autre parole Québec) ou juif (judaïsme de réforme) ainsi que le féminisme à partir de la tradition bouddhiste. Sans oublier la grande mouvance du féminisme dit « postcolonial » qui est un féminisme qui dénonce les rapports de domination auxquels sont restées soumises les femmes du Sud. Le féminisme postcolonial est une entité plurielle représentée par le féminisme noir, le féminisme chicana (latino), le féminisme autochtone (des peuples amérindiens), le féminisme arabo-musulman et le féminisme indigène.
Les femmes musulmanes à l’instar des autres femmes du monde entier ont le droit légitime de revendiquer une lutte autonome, celle qui correspond à leur contexte et à leurs priorités sociopolitiques et à des normes qui leurs sont propres.
Donc à partir de cette approche, on peut affirmer que le féminisme islamique n'est ni occidentalisé, ni antireligieux, et encore moins dirigé contre les hommes. Bien au contraire, étant convaincus de l'égalité telle que véhiculée par le message spirituel de l'islam, femmes et hommes sont en tant que croyantes et croyants, alliés les uns des autres (awliyaa) comme stipulé dans le Coran.
Parler de lecture « féminine » ou « féministe », toujours selon cette approche, participe du même objectif : celui de revaloriser la place des femmes au sein de la tradition et production intellectuelle islamique et leur redonner la parole au nom des valeurs et principes égalitaires du message spirituel de l’islam. Malheureusement, pendant des siècles, l’interprétation et l’étude des textes sacrés a été l’apanage des seuls hommes musulmans, ce qui a forcément donné lieu à une exégèse très masculine voire patriarcale et donc très peu sensible aux femmes et à leur conditions de minorité vulnérable. L’apport des femmes quoique présent pendant les premiers siècles après la Révélation a été peu visible et s'est retrouvé à la longue marginalisé par une institutionnalisation du religieux (Imams, Muftis, Cadis, etc..) essentiellement masculine, alors que nulle part, il est prescrit que seuls les hommes ont droit à l’interprétation du sacré ! Ce qui d’ailleurs est à l’antipode de l’exemple que nous a laissé le prophète (ç) et qui est celui de Aicha, mère des croyantes « véritable érudite » et première femme Mufti de l’histoire de l’islam !
Pour cela il faudrait revenir à une définition non pas restrictive du féminisme mais plutôt à une définition plus large qui considère que le féminisme est le produit d’une lutte continue des femmes contre l’oppression et qui conçoit donc une continuité de cette lutte au cours de l’histoire de l’humanité en dehors d’un contexte historique ou géographique donné. Le problème c'est qu’il y a confusion entre les principes universels de la lutte des femmes et les différents modèles de féminisme.
Les principes universels sont ceux de l’égalité en droits, de la lutte contre la discrimination, et de la lutte pour la dignité…Ces principes constituent le fondement de la lutte des femmes, de toutes les femmes, à travers le monde. Alors que les modèles restent différents et spécifiques à chaque contexte. Il serait plus juste donc de parler « des féminismes ». Rien qu’en France on dénote plusieurs courants : marxiste, libéral, républicain , radical etc…
Il existe aussi des féminismes dits "religieux", comme c’est le cas du féminisme de la théologie de la libération en Amérique Latine, de celui des femmes chrétiennes ( le réseau l’autre parole Québec) ou juif (judaïsme de réforme) ainsi que le féminisme à partir de la tradition bouddhiste. Sans oublier la grande mouvance du féminisme dit « postcolonial » qui est un féminisme qui dénonce les rapports de domination auxquels sont restées soumises les femmes du Sud. Le féminisme postcolonial est une entité plurielle représentée par le féminisme noir, le féminisme chicana (latino), le féminisme autochtone (des peuples amérindiens), le féminisme arabo-musulman et le féminisme indigène.
Les femmes musulmanes à l’instar des autres femmes du monde entier ont le droit légitime de revendiquer une lutte autonome, celle qui correspond à leur contexte et à leurs priorités sociopolitiques et à des normes qui leurs sont propres.
Donc à partir de cette approche, on peut affirmer que le féminisme islamique n'est ni occidentalisé, ni antireligieux, et encore moins dirigé contre les hommes. Bien au contraire, étant convaincus de l'égalité telle que véhiculée par le message spirituel de l'islam, femmes et hommes sont en tant que croyantes et croyants, alliés les uns des autres (awliyaa) comme stipulé dans le Coran.
Parler de lecture « féminine » ou « féministe », toujours selon cette approche, participe du même objectif : celui de revaloriser la place des femmes au sein de la tradition et production intellectuelle islamique et leur redonner la parole au nom des valeurs et principes égalitaires du message spirituel de l’islam. Malheureusement, pendant des siècles, l’interprétation et l’étude des textes sacrés a été l’apanage des seuls hommes musulmans, ce qui a forcément donné lieu à une exégèse très masculine voire patriarcale et donc très peu sensible aux femmes et à leur conditions de minorité vulnérable. L’apport des femmes quoique présent pendant les premiers siècles après la Révélation a été peu visible et s'est retrouvé à la longue marginalisé par une institutionnalisation du religieux (Imams, Muftis, Cadis, etc..) essentiellement masculine, alors que nulle part, il est prescrit que seuls les hommes ont droit à l’interprétation du sacré ! Ce qui d’ailleurs est à l’antipode de l’exemple que nous a laissé le prophète (ç) et qui est celui de Aicha, mère des croyantes « véritable érudite » et première femme Mufti de l’histoire de l’islam !