" Une foi qui veillait au fond de mon cœur depuis l’enfance, une quête de spiritualité et de sens qui s’intensifiait depuis plusieurs années, la découverte de l’islam qui croise ma route et la prise de conscience qu’elle est la continuité des religions monothéistes dont celle de mon enfance (christianisme protestant). Voilà pour le début du chemin et, pour la suite, cette quête qui prend sens et qui se poursuit jour après jour..."
A l'occasion de la sortie de son ouvrage " Psy, convertie à l'islam et féministe ", nous sommes allés à la rencontre de Dominique Thewissen, psychothérapeute, afin de découvrir son parcours, ses convictions ainsi que son travail au quotidien.
Dominique Thewissen est psychothérapeute formée à l’approche systémique et à la thérapie familiale. Conférencière, elle est régulièrement invitée à des colloques et rencontres-débats, comme celle du Bourget.
Souvent sollicitée par les médias, elle anime notamment l'émission "Et si on en parlait" diffusée sur la chaîne Iqraa, qu'il est possible de revoir ensuite sur Youtube.
Par ailleurs, elle vient de publier un premier ouvrage " Psy, convertie à l'islam et féministe " aux éditions La boite à pandore (25 novembre 2015).
Souvent sollicitée par les médias, elle anime notamment l'émission "Et si on en parlait" diffusée sur la chaîne Iqraa, qu'il est possible de revoir ensuite sur Youtube.
Par ailleurs, elle vient de publier un premier ouvrage " Psy, convertie à l'islam et féministe " aux éditions La boite à pandore (25 novembre 2015).
Les Cahiers de l'Islam : Tout d'abord, pourquoi avoir entrepris l'écriture de cet ouvrage ? Pourquoi avoir voulu partager votre expérience ?
Dominique Thewissen : L’envie de partager mon expérience singulière a pris racine il y a des années, alors que je réalisais que mon parcours et mon identité sortaient du commun, que les épreuves que j’avais traversées pouvaient aider d’autres personnes à trouver en elles des ressources pour surmonter les leurs. Je suis une personne mosaïque aux couleurs de l’arc-en-ciel et je souhaite également faire passer un message de tolérance et d’ouverture, une ode à la liberté de croire, de penser, à la fraternité humaine, au-delà de tout dogme.
Ma conversion à l’islam m’a conduite à occuper une place particulière dans ce que l’on nomme communément la « communauté » en tant que psychothérapeute puis conférencière. Très vite, le mot de « pionnière » est apparu dans mon entourage. Il est vrai qu’à cette époque pas si lointaine (j’ai donné ma première conférence fin 2007) nous n’étions qu’une petite poignée de personnes de confession musulmane impliquées dans des métiers tels que la psychothérapie ou le conseil conjugal et encore moins à donner des conférences, je suis l’une des premières si pas la première à l’avoir fait.
Une anecdote m’a confortée dans l’utilité de partager mon expérience de vie. Cela devait se passer il y a environ 4 ans, lors d’une conférence. Jusqu’alors, je me présentais sous un jour exclusivement « professionnel ». Lors des échanges, il était question de se réaliser en tant que femme, de prendre sa place, de faire des études. Une dame du public a dit que, pour moi, c’était « facile », j’ai étudié, je suis allée à l’université alors qu’elle n’avait pas eu cette opportunité et était maintenant prise par ses obligations de mère et d’épouse.
J’ai réagi d’une manière spontanée dans l’émotion que suscitait pour moi cette réflexion et j’ai raconté comment j’étais devenue psychothérapeute en reprenant des études à l’âge de 36 ans, tout en élevant 3 enfants, sans même avoir mon BAC (CESS en Belgique) en poche. Les échanges qui suivirent furent édifiants, des personnes sont venues vers moi pour me dire que cela leur redonnait espoir.
Depuis, j’ai pris l’habitude de commencer mes interventions en racontant mon parcours en quelques minutes, pour que les gens sachent de quelle place je leur parle. En procédant de la sorte, les personnes sont beaucoup plus réceptives à ce que je raconte, elles peuvent s’identifier en partie à moi et se sentir comprises. Lorsque je parle d’éducation, savoir que je suis aussi mère, que je l’ai été sans être une professionnelle, que j’étais comme tous ces parents qui se trouvent face à moi, leur permet de réaliser qu’évoluer, changer, c’est possible. A l’occasion des interventions, lorsque je rencontre des personnes qui m’ont entendue, je reçois régulièrement des témoignages qui me disent combien cela les a encouragées à se mettre en route, à reprendre des études, à croire qu’elles pouvaient changer. Il est bon de rêver sa vie mais encore meilleur de vivre ses rêves, c’est ce qu’il se passe avec la sortie de ce livre.
Ma conversion à l’islam m’a conduite à occuper une place particulière dans ce que l’on nomme communément la « communauté » en tant que psychothérapeute puis conférencière. Très vite, le mot de « pionnière » est apparu dans mon entourage. Il est vrai qu’à cette époque pas si lointaine (j’ai donné ma première conférence fin 2007) nous n’étions qu’une petite poignée de personnes de confession musulmane impliquées dans des métiers tels que la psychothérapie ou le conseil conjugal et encore moins à donner des conférences, je suis l’une des premières si pas la première à l’avoir fait.
Une anecdote m’a confortée dans l’utilité de partager mon expérience de vie. Cela devait se passer il y a environ 4 ans, lors d’une conférence. Jusqu’alors, je me présentais sous un jour exclusivement « professionnel ». Lors des échanges, il était question de se réaliser en tant que femme, de prendre sa place, de faire des études. Une dame du public a dit que, pour moi, c’était « facile », j’ai étudié, je suis allée à l’université alors qu’elle n’avait pas eu cette opportunité et était maintenant prise par ses obligations de mère et d’épouse.
J’ai réagi d’une manière spontanée dans l’émotion que suscitait pour moi cette réflexion et j’ai raconté comment j’étais devenue psychothérapeute en reprenant des études à l’âge de 36 ans, tout en élevant 3 enfants, sans même avoir mon BAC (CESS en Belgique) en poche. Les échanges qui suivirent furent édifiants, des personnes sont venues vers moi pour me dire que cela leur redonnait espoir.
Depuis, j’ai pris l’habitude de commencer mes interventions en racontant mon parcours en quelques minutes, pour que les gens sachent de quelle place je leur parle. En procédant de la sorte, les personnes sont beaucoup plus réceptives à ce que je raconte, elles peuvent s’identifier en partie à moi et se sentir comprises. Lorsque je parle d’éducation, savoir que je suis aussi mère, que je l’ai été sans être une professionnelle, que j’étais comme tous ces parents qui se trouvent face à moi, leur permet de réaliser qu’évoluer, changer, c’est possible. A l’occasion des interventions, lorsque je rencontre des personnes qui m’ont entendue, je reçois régulièrement des témoignages qui me disent combien cela les a encouragées à se mettre en route, à reprendre des études, à croire qu’elles pouvaient changer. Il est bon de rêver sa vie mais encore meilleur de vivre ses rêves, c’est ce qu’il se passe avec la sortie de ce livre.
Les Cahiers de l'Islam : Quels furent les facteurs déterminants de votre conversion ?
Dominique Thewissen : Une foi qui veillait au fond de mon cœur depuis l’enfance, une quête de spiritualité et de sens qui s’intensifiait depuis plusieurs années, la découverte de l’islam qui croise ma route et la prise de conscience qu’elle est la continuité des religions monothéistes dont celle de mon enfance (christianisme protestant). Voilà pour le début du chemin et, pour la suite, cette quête qui prend sens et qui se poursuit jour après jour au travers de tout ce que je découvre : de belles choses et des déceptions, au travers aussi de mes prises de consciences, de mes remises en question, de mon sens critique qui s’aiguise. Ma pensée et ma foi continuent d’évoluer, de s’enrichir.
Les Cahiers de l'Islam : Pensez-vous, en prenant en compte votre expérience de psychothérapeute, qu’il est possible d’affirmer que le religieux ou la religion ait une incidence sur la santé des personnes ? Que nous dit le Coran ou la Sunna à ce sujet ?
Dominique Thewissen : Plutôt que de religieux ou de religion, il faudrait commencer par parler de spiritualité au sens large. Les gens qui me consultent proviennent de tous les horizons philosophiques, religieux ou non, et le constat est général : la spiritualité est facteur d’épanouissement et d’équilibre, quelle que soit la forme qu’elle prend. Il y a donc une incidence positive sur la santé des personnes.
Si l’on considère la prière rituelle musulmane, elle est facteur d’équilibre pour qui la pratique comme une méditation qui le connecte à la transcendance du Divin. Pour une personne qui n’accèderait pas à cette dimension, elle garde des aspects positifs comme une pratique structurante mais on en perd l’apport le plus intéressant au niveau de la santé. Les personnes qui, dans d’autres spiritualités comme le bouddhisme, par exemple, pratiquent la médiation ou le yoga en retirent une source d’équilibre appréciable pour le bien-être psychique et physique.
Etre en quête spirituelle, c’est aussi être en quête de sens. Les personnes qui sont dans cette dynamique sont généralement plus équilibrées. L’être humain a besoin de spiritualité, c’est, à côté des dimensions physique et psychique, une dimension qu’il est nécessaire de prendre en compte comme les deux premières. On pourrait évoquer : un esprit sain dans un corps sain, éclairé par une âme en éveil.
Un élément de la spiritualité qui est source de bien-être intérieur est la conscience que notre vie terrestre est un passage. Avant et après, chacun y met ce qui relève de sa conviction intime, de sa foi, de sa spiritualité mais avoir cette vision de la vie terrestre est apaisant. Nous avons tous des appréhensions à propos de la mort, de ce qui nous attend après.
Le « tawakul », abandon confiant en Dieu et dans le destin qu’Il nous a réservé et toute démarche spirituelle s’y apparentant, se rapproche du « lâcher prise » des méthodes de développement personnel et psychothérapeutiques. Il est également source de sagesse et de sérénité. Il nous permet de dépasser nos peurs et d’être pleinement conscients et présents au monde pour nous y accomplir.
En ce qui concerne l’aspect religieux, il est à double tranchant. On pourrait considérer, pour faire court, que le religieux, constituerait un ensemble de balises, sous-tendues par des valeurs (dont l’islam partage la plupart avec les autres religions et philosophies) qui auraient pour fonction de structurer nos relations à l’ensemble de la création : nous-mêmes, les autres humains, la nature en tant que ressources nous permettant de survivre, l’univers…
Ces balises, si elles s’inscrivent dans une démarche spirituelle consciente et éclairée, qui fait place à l’initiative, à la créativité, au doute constructif, à la remise en question, au libre choix (pas de contrainte en religion nous dit le Coran), peuvent être des repères rassurants.
Par contre, si ces balises se réduisent à un ensemble de contraintes et d’interdits vides de sens, où la peur remplace la conscience morale et le sens des responsabilités, elle peut alors être un obstacle à l’épanouissement spirituel et, même, être source de mal-être.
Quant au Coran et la Sunna, il nous est prescrit le juste milieu, l’équilibre en tout, y compris entre la vie présente que nous ne devons pas négliger et la vie dernière dont nous devons nous soucier, entre les devoirs religieux et les plaisirs licites de la vie quotidienne, entre l’âme et le corps. Il est aussi intéressant de souligner que la sagesse sous-tendue par certaines règles de vie évoquées dans le Coran et la Sunna concernent la santé : manger sain, en quantité raisonnable, éviter l’alcool, pratiquer le jeûne…
Les émotions y trouvent leur place légitime, y compris la tristesse et la colère qui font si peur à certains musulmans, mais aussi l’amour, et l’attirance entre homme et femme. Il s’agit de canaliser plutôt que d’étouffer.
L’être humain qui vit selon ces sages principes librement consentis, en lien avec Dieu en s’inspirant de l’exemple prophétique, connaîtra la paix du cœur et donc le bien-être intérieur, ingrédient précieux au niveau de la santé. C’est cela que j’ai compris du Coran et de la Sunna.
Il y a aussi la notions de liens, familiaux, fraternels qui rencontre notre instinct grégaire, nous sommes faits pour vivre en groupe structurés, complémentaires les uns des autres, femmes et hommes, forts et faibles, riches et pauvres. Un humain seul est voué à la mort ou à souffrir de sa solitude. Le Coran et la Sunna nous enjoignent à prendre soin des liens qui nous unissent et à être solidaires les uns des autres, notamment au travers de la Zakat et des Sadaqas. Bien sûr, comme tous les principes, ils sont à appliquer dans le juste milieu et à nuancer dans des situations parfois délicates, j’y reviendrai.
Si l’on considère la prière rituelle musulmane, elle est facteur d’équilibre pour qui la pratique comme une méditation qui le connecte à la transcendance du Divin. Pour une personne qui n’accèderait pas à cette dimension, elle garde des aspects positifs comme une pratique structurante mais on en perd l’apport le plus intéressant au niveau de la santé. Les personnes qui, dans d’autres spiritualités comme le bouddhisme, par exemple, pratiquent la médiation ou le yoga en retirent une source d’équilibre appréciable pour le bien-être psychique et physique.
Etre en quête spirituelle, c’est aussi être en quête de sens. Les personnes qui sont dans cette dynamique sont généralement plus équilibrées. L’être humain a besoin de spiritualité, c’est, à côté des dimensions physique et psychique, une dimension qu’il est nécessaire de prendre en compte comme les deux premières. On pourrait évoquer : un esprit sain dans un corps sain, éclairé par une âme en éveil.
Un élément de la spiritualité qui est source de bien-être intérieur est la conscience que notre vie terrestre est un passage. Avant et après, chacun y met ce qui relève de sa conviction intime, de sa foi, de sa spiritualité mais avoir cette vision de la vie terrestre est apaisant. Nous avons tous des appréhensions à propos de la mort, de ce qui nous attend après.
Le « tawakul », abandon confiant en Dieu et dans le destin qu’Il nous a réservé et toute démarche spirituelle s’y apparentant, se rapproche du « lâcher prise » des méthodes de développement personnel et psychothérapeutiques. Il est également source de sagesse et de sérénité. Il nous permet de dépasser nos peurs et d’être pleinement conscients et présents au monde pour nous y accomplir.
En ce qui concerne l’aspect religieux, il est à double tranchant. On pourrait considérer, pour faire court, que le religieux, constituerait un ensemble de balises, sous-tendues par des valeurs (dont l’islam partage la plupart avec les autres religions et philosophies) qui auraient pour fonction de structurer nos relations à l’ensemble de la création : nous-mêmes, les autres humains, la nature en tant que ressources nous permettant de survivre, l’univers…
Ces balises, si elles s’inscrivent dans une démarche spirituelle consciente et éclairée, qui fait place à l’initiative, à la créativité, au doute constructif, à la remise en question, au libre choix (pas de contrainte en religion nous dit le Coran), peuvent être des repères rassurants.
Par contre, si ces balises se réduisent à un ensemble de contraintes et d’interdits vides de sens, où la peur remplace la conscience morale et le sens des responsabilités, elle peut alors être un obstacle à l’épanouissement spirituel et, même, être source de mal-être.
Quant au Coran et la Sunna, il nous est prescrit le juste milieu, l’équilibre en tout, y compris entre la vie présente que nous ne devons pas négliger et la vie dernière dont nous devons nous soucier, entre les devoirs religieux et les plaisirs licites de la vie quotidienne, entre l’âme et le corps. Il est aussi intéressant de souligner que la sagesse sous-tendue par certaines règles de vie évoquées dans le Coran et la Sunna concernent la santé : manger sain, en quantité raisonnable, éviter l’alcool, pratiquer le jeûne…
Les émotions y trouvent leur place légitime, y compris la tristesse et la colère qui font si peur à certains musulmans, mais aussi l’amour, et l’attirance entre homme et femme. Il s’agit de canaliser plutôt que d’étouffer.
L’être humain qui vit selon ces sages principes librement consentis, en lien avec Dieu en s’inspirant de l’exemple prophétique, connaîtra la paix du cœur et donc le bien-être intérieur, ingrédient précieux au niveau de la santé. C’est cela que j’ai compris du Coran et de la Sunna.
Il y a aussi la notions de liens, familiaux, fraternels qui rencontre notre instinct grégaire, nous sommes faits pour vivre en groupe structurés, complémentaires les uns des autres, femmes et hommes, forts et faibles, riches et pauvres. Un humain seul est voué à la mort ou à souffrir de sa solitude. Le Coran et la Sunna nous enjoignent à prendre soin des liens qui nous unissent et à être solidaires les uns des autres, notamment au travers de la Zakat et des Sadaqas. Bien sûr, comme tous les principes, ils sont à appliquer dans le juste milieu et à nuancer dans des situations parfois délicates, j’y reviendrai.
Les Cahiers de l'Islam : Intégrez-vous cette dimension religieuse dans le cadre de votre pratique professionnelle ? Si oui, sous quelle forme ? N’y-a-t-il pas incompatibilité entre psychologie et Islam ?
Dominique Thewissen : Comme je viens de le développer, il s’agit plutôt d’une dimension spirituelle que religieuse. En tant que psychothérapeute, je me dois d’accueillir chaque personne dans ce que l’on nomme, dans notre jargon, la neutralité bienveillante. Cela ne veut pas dire que je nie la spiritualité des gens mais que je les prends là où ils se situent au niveau de leurs convictions, religieuses ou non. Il est utile de rappeler que les musulmans ne forment pas une communauté monolithique, bien au contraire et que la psychothérapie telle que je la pratique, même si elle prend en compte la dimension spirituelle des gens, ne peut certainement pas se confondre avec la prédication ou le prosélytisme.
Ceci dit, à partir du moment où une personne se réfère à un cadre religieux précis, j’y fais évidemment une place, toujours en partant du cadre de référence de la personne, quel qu’il soit, sans jugement de valeur.
Par contre, dans le travail psychothérapeutique, il y a une grande part de réflexion sur soi-même, sur sa manière de concevoir les choses, sur ses relations avec autrui, sur la manière dont s’incarnent nos choix philosophiques et religieux ainsi que les valeurs qu’ils sous-tendent pour nous dans notre vie quotidienne.
Il y a aussi des situations où il est primordial d’aider les gens à prendre du recul face à certaines évidences apparentes. Par exemple, lorsqu’il est question d’obligations liées à la piété filiale dans des situations de négligence ou maltraitance parentale, voire même d’abus sexuels. Notre communauté n’est, bien malheureusement, épargnée par aucun de ces fléaux.
Dans certaines situations, des personnes sont aux prises avec une culpabilité dont elles ont du mal à sortir et qui les mine véritablement. Cette culpabilité se fonde souvent sur des principes mal compris comme ne pas dénoncer la faute de son frère, ne pas dévoiler de secrets conjugaux ou familiaux. J’en propose alors une lecture plus nuancée mais surtout, j’invite à la réflexion en ce qui concerne certaines priorités comme l’intégrité physique et psychologique d’un enfant et la responsabilité des parents de tout mettre en œuvre pour préserver cette intégrité afin qu’ils aient un maximum de chance de devenir des citoyens équilibrés et responsables.
Au passage, il est important de rappeler qu’un(e) psychothérapeute est soumis(e) au secret professionnel. Dès lors qu’au cours d’une consultation, des secrets sont évoqués, ils ne sont pas pour autant divulgués d’une manière qui peut porter préjudice aux personnes qu’ils concernent, et le dépôt d’un secret dans ce cadre a pour objectif le mieux-être de la personne en thérapie, mieux-être qui profitera autant à son entourage qu’à elle-même.
Dès lors que je suis assurée que, pour la personne qui me consulte, la prière, le dhikr, le jeûne sont des ressources, je l’encourage à y recourir, par exemple, la prière de consultation. Mais aucune pratique n’exempt qui que ce soit de faire sa part. Le Coran nous dit que Dieu ne changera la destinée d’un peuple que lorsque celui-ci se changera. Un hadith évoque également le conseil donné par le prophète à un homme qui le questionnait sur l’utilité d’attacher son chameau puisqu’il n’arrivait que ce que Dieu avait décrété. Mohammed lui a répondu d’attacher d’abord son chameau puis de s’en remettre à Dieu.
Là où la dimension religieuse prend également sa place dans les consultations, c’est dans le travail que certaines personnes ont besoin de faire pour se pardonner des choses qu’elles ont sur la conscience, de manière fondée ou non. Se rappeler que Dieu est d’abord miséricorde, 113 sourates du Coran débutent avec la basmallah « Bismillâhi rrahmâni, rrahîm » souligne que notre foi est d’abord une ressource, que revenir à Dieu, c’est d’abord croire en Sa Miséricorde.
Certains discours religieux opposent l’islam et la psychologie, le plus souvent parce que les sciences psychologiques sont considérées avec suspicion. Elles le sont, d’ailleurs, pas seulement par le religieux ; parce que récentes, issues de la philosophie, évolutives et multiples par les différentes approches.
Quoiqu’il en soit, les sciences psychologiques ont pris une place évidente dans le champ des sciences humaines et de la santé mentale. Depuis le début du 20ème siècle et l’avènement de Freud, même si ses préceptes sont critiquables, on ne peut nier l’avancée phénoménale et l’humanisation de la prise en charge des souffrances humaines.
Comme toutes les sciences, la psychologie émet des hypothèses dont certaines sont vérifiées, puis remises en question au fur et à mesure des découvertes, d’une compréhension de plus en plus fine de l’esprit humain, de la manière dont se construit notre personnalité, dont fonctionnent nos intelligences, nos relations ainsi que les pathologies qui les affectent.
La psychologie est une science qui a acquis ses lettres de noblesse et trouve sa place dans une multitude de domaines, en lien avec d’autres sciences auxquelles elle s’articule dans une dynamique de complémentarité réciproque. Elle permet, notamment, d’aider nos enfants à mieux apprendre en adaptant les méthodes pédagogiques, en prenant en charge d’éventuelles difficultés.
Elle n’est donc pas à mettre en opposition avec la religion, tout comme aujourd’hui, personne n’hésite à utiliser les connaissances ou technologies modernes pour améliorer sa vie ou préserver sa santé. Il ne viendrait à l’idée de personne de faire face à une maladie ou une rage de dents en se contentant d’invoquer Dieu. On se tourne vers le spécialiste en demandant à Dieu de nous faciliter la résolution de nos difficultés ou notre guérison. C’est une question de bon sens et l’islam est une religion de bon sens.
Cela n’empêche que tout le monde peut critiquer une science, remettre en question certaines connaissances, se questionner sur certaines pratiques. Mais il faut le faire en connaissance de cause, en prenant la peine de savoir un minimum de quoi on parle. On trouve aujourd’hui sur le net et dans certains ouvrages, des positions aberrantes de la part de pseudo-savants religieux qui remettent en question le fait que la terre tourne autour du soleil ou qui comparent l’hypnose thérapeutique à du shirk sans savoir en quoi consiste cette technique.
Ceci dit, à partir du moment où une personne se réfère à un cadre religieux précis, j’y fais évidemment une place, toujours en partant du cadre de référence de la personne, quel qu’il soit, sans jugement de valeur.
Par contre, dans le travail psychothérapeutique, il y a une grande part de réflexion sur soi-même, sur sa manière de concevoir les choses, sur ses relations avec autrui, sur la manière dont s’incarnent nos choix philosophiques et religieux ainsi que les valeurs qu’ils sous-tendent pour nous dans notre vie quotidienne.
Il y a aussi des situations où il est primordial d’aider les gens à prendre du recul face à certaines évidences apparentes. Par exemple, lorsqu’il est question d’obligations liées à la piété filiale dans des situations de négligence ou maltraitance parentale, voire même d’abus sexuels. Notre communauté n’est, bien malheureusement, épargnée par aucun de ces fléaux.
Dans certaines situations, des personnes sont aux prises avec une culpabilité dont elles ont du mal à sortir et qui les mine véritablement. Cette culpabilité se fonde souvent sur des principes mal compris comme ne pas dénoncer la faute de son frère, ne pas dévoiler de secrets conjugaux ou familiaux. J’en propose alors une lecture plus nuancée mais surtout, j’invite à la réflexion en ce qui concerne certaines priorités comme l’intégrité physique et psychologique d’un enfant et la responsabilité des parents de tout mettre en œuvre pour préserver cette intégrité afin qu’ils aient un maximum de chance de devenir des citoyens équilibrés et responsables.
Au passage, il est important de rappeler qu’un(e) psychothérapeute est soumis(e) au secret professionnel. Dès lors qu’au cours d’une consultation, des secrets sont évoqués, ils ne sont pas pour autant divulgués d’une manière qui peut porter préjudice aux personnes qu’ils concernent, et le dépôt d’un secret dans ce cadre a pour objectif le mieux-être de la personne en thérapie, mieux-être qui profitera autant à son entourage qu’à elle-même.
Dès lors que je suis assurée que, pour la personne qui me consulte, la prière, le dhikr, le jeûne sont des ressources, je l’encourage à y recourir, par exemple, la prière de consultation. Mais aucune pratique n’exempt qui que ce soit de faire sa part. Le Coran nous dit que Dieu ne changera la destinée d’un peuple que lorsque celui-ci se changera. Un hadith évoque également le conseil donné par le prophète à un homme qui le questionnait sur l’utilité d’attacher son chameau puisqu’il n’arrivait que ce que Dieu avait décrété. Mohammed lui a répondu d’attacher d’abord son chameau puis de s’en remettre à Dieu.
Là où la dimension religieuse prend également sa place dans les consultations, c’est dans le travail que certaines personnes ont besoin de faire pour se pardonner des choses qu’elles ont sur la conscience, de manière fondée ou non. Se rappeler que Dieu est d’abord miséricorde, 113 sourates du Coran débutent avec la basmallah « Bismillâhi rrahmâni, rrahîm » souligne que notre foi est d’abord une ressource, que revenir à Dieu, c’est d’abord croire en Sa Miséricorde.
Certains discours religieux opposent l’islam et la psychologie, le plus souvent parce que les sciences psychologiques sont considérées avec suspicion. Elles le sont, d’ailleurs, pas seulement par le religieux ; parce que récentes, issues de la philosophie, évolutives et multiples par les différentes approches.
Quoiqu’il en soit, les sciences psychologiques ont pris une place évidente dans le champ des sciences humaines et de la santé mentale. Depuis le début du 20ème siècle et l’avènement de Freud, même si ses préceptes sont critiquables, on ne peut nier l’avancée phénoménale et l’humanisation de la prise en charge des souffrances humaines.
Comme toutes les sciences, la psychologie émet des hypothèses dont certaines sont vérifiées, puis remises en question au fur et à mesure des découvertes, d’une compréhension de plus en plus fine de l’esprit humain, de la manière dont se construit notre personnalité, dont fonctionnent nos intelligences, nos relations ainsi que les pathologies qui les affectent.
La psychologie est une science qui a acquis ses lettres de noblesse et trouve sa place dans une multitude de domaines, en lien avec d’autres sciences auxquelles elle s’articule dans une dynamique de complémentarité réciproque. Elle permet, notamment, d’aider nos enfants à mieux apprendre en adaptant les méthodes pédagogiques, en prenant en charge d’éventuelles difficultés.
Elle n’est donc pas à mettre en opposition avec la religion, tout comme aujourd’hui, personne n’hésite à utiliser les connaissances ou technologies modernes pour améliorer sa vie ou préserver sa santé. Il ne viendrait à l’idée de personne de faire face à une maladie ou une rage de dents en se contentant d’invoquer Dieu. On se tourne vers le spécialiste en demandant à Dieu de nous faciliter la résolution de nos difficultés ou notre guérison. C’est une question de bon sens et l’islam est une religion de bon sens.
Cela n’empêche que tout le monde peut critiquer une science, remettre en question certaines connaissances, se questionner sur certaines pratiques. Mais il faut le faire en connaissance de cause, en prenant la peine de savoir un minimum de quoi on parle. On trouve aujourd’hui sur le net et dans certains ouvrages, des positions aberrantes de la part de pseudo-savants religieux qui remettent en question le fait que la terre tourne autour du soleil ou qui comparent l’hypnose thérapeutique à du shirk sans savoir en quoi consiste cette technique.
Les Cahiers de l'Islam : Enfin, pour finir, pouvez-vous nous dire, ce qui selon vous fonde les spécificités de la famille Musulmane ? N’y-a-t-il pas incompatibilité entre psychologie et Islam ?
Dominique Thewissen : La famille musulmane est d’abord une famille comme les autres, c’est-à-dire unique, composée d’individus uniques. Elle trouve sa source dans l’union d’un homme et d’une femme. En dehors des accidents de la vie (décès, divorce), elle se construit donc autour d’un couple qui engendre ensuite des enfants et les accompagne jusqu’à l’âge adulte où ils prendront à leur tour leur place dans la société.
Parler de famille, c’est parler de vie de couple et d’éducation. Sur ce dernier point, la mission de la famille est primordiale dans la transmission de valeurs qui contribueront à l’amélioration du monde de demain. Il ne s’agit pas seulement de transmettre « la religion » mais d’un travail d’éveil, de sensibilisation et d’appropriation par les enfants de ces valeurs, pour qu’elles s’incarnent dans leur actes et leurs choix de vie.
Cette responsabilité des parents à laquelle j’attache beaucoup d’importance est partagée par toutes les familles, quelles que soient leurs convictions, religieuses ou non. Le monde de demain aura la couleur que nous lui donnerons, notamment au travers de ce que nous aurons transmis à nos enfants et ainsi de suite.
Si l’on devait évoquer les spécificités de la famille musulmane « idéale », je penserais à des parents responsables, citoyens engagés, habités par une foi consciente et éclairée, portant un regard critique (dans le sens constructif du terme) sur le monde, prenant leur place de guide devant leurs enfants, leur montrant le chemin par leur exemple, faisant face de manière responsable et cohérente aux épreuves de la vie, favorisant leur épanouissement dans tous les domaines, y compris leur spiritualité, le développement de leur sens critique, de leur sens moral, pour leur donner toutes les chances de devenir à leur tour des citoyens engagés dont les valeurs imprègnent les actes et les choix.
Parler de famille, c’est parler de vie de couple et d’éducation. Sur ce dernier point, la mission de la famille est primordiale dans la transmission de valeurs qui contribueront à l’amélioration du monde de demain. Il ne s’agit pas seulement de transmettre « la religion » mais d’un travail d’éveil, de sensibilisation et d’appropriation par les enfants de ces valeurs, pour qu’elles s’incarnent dans leur actes et leurs choix de vie.
Cette responsabilité des parents à laquelle j’attache beaucoup d’importance est partagée par toutes les familles, quelles que soient leurs convictions, religieuses ou non. Le monde de demain aura la couleur que nous lui donnerons, notamment au travers de ce que nous aurons transmis à nos enfants et ainsi de suite.
Si l’on devait évoquer les spécificités de la famille musulmane « idéale », je penserais à des parents responsables, citoyens engagés, habités par une foi consciente et éclairée, portant un regard critique (dans le sens constructif du terme) sur le monde, prenant leur place de guide devant leurs enfants, leur montrant le chemin par leur exemple, faisant face de manière responsable et cohérente aux épreuves de la vie, favorisant leur épanouissement dans tous les domaines, y compris leur spiritualité, le développement de leur sens critique, de leur sens moral, pour leur donner toutes les chances de devenir à leur tour des citoyens engagés dont les valeurs imprègnent les actes et les choix.