Docteur en droit musulman comparé, titulaire d'un DEA en anthropologie et histoire des religions, membre du conseil européen de la recherche et de la fatwa de l'union internationale des savants musulmans et Imâm de la mosquée de Montigny (Val d'Oise). Auteur de plusieurs ouvrages spécialisés sur le droit musulman et la théologie, dont "Méthodologie de la pensée juridique en islam", édition dar al-Kalema, 2008.
L'équipe des Cahiers de l'Islam : Chaque année, le début du ramadan en France fait l'objet de polémiques et de confusion concernant la date du premier jour de jeûne. La communauté musulmane est divisée, les uns préférant suivre certaines mosquées, d'autres leur pays d'origine, d'autres enfin appellent à une unité nationale. Cette année, la majorité de la communauté musulmane française a débuté le jeudi 18 juin. D'un point de vue religieux, que mentionnent le Coran et la tradition prophétique sur la détermination du premier jour du mois de jeûne, particulièrement dans un pays ou une région où les musulmans sont minoritaires ?
Tahar Mahdi : Oui en effet, cette division de la communauté musulmane française est constatée chaque année au mois du jeûne. Pourtant le Coran est clair là-dessus puisqu'il mentionne d'une manière très précise qu'il faut utiliser le soleil et la lune pour tout comptage précis. Il dit: "ils t'interrogent sur les étapes lunaires? Dis: ils constituent des calendriers pour les gens..." (La génisse 189)
Donc, on remarque qu'il y a une orientation vers la vraie fonction de la lune dans son évolution céleste. Dans le chapitre le bétail verset 96, le Coran nous informe explicitement : "le soleil et la lune outils de comptage conçus par le tout Puissant, l'Omniscient" et quand on regarde bien les versets coraniques on trouve que même Dieu utilise un calcul précis mis à notre disposition pour ne pas rater les horaires et pour diviser le temps en mois et années, il dit: "c'est lui qui a fait du soleil une lumière, et de la lune un éclairage tout en calculant ses étapes pour que vous sachiez le calcul des années et maîtrisiez le calcul. Il n'a créé cela que par grande vérité. Il détaille les signes pour des gens convaincus." (Jonas 5)
Lorsque l'on voit des érudits qui vivaient il y a dix siècles parler de comptage et de calcul des calendriers du jeûne, des fêtes, du pèlerinage, des prières et des périodes de viduités féminines, on se rend compte combien l'intellect musulman est en retard même par rapport aux enseignement coraniques, sans parler des hommes des temps passés. Malheureusement les disputes intestines qui surviennent chaque année ne sont que la preuve de la carence de la communauté musulmane qui détient un livre l'appelant à l'usage scientifique des phénomènes naturels tandis qu’elle persiste dans l'ignorance privilégiant l'usage de moyens primitifs et rudimentaires à l'ère de la technologie et de la science moderne.
Il faut savoir aussi qu'aucun texte n'interdit la vision téléscopique qui agrandit les éléments des centaines de milliers de fois. De nos jours, il n'existe pas de calcul proprement dit, mais il y a une observation télescopique par l'œil des spécialistes qui suivent le mouvement du soleil et de la lune toute l'année. Je suis personnellement étonné des gens qui croient que les astrophysiciens utilisent un calcul aveugle basé sur l'approximation, ce qui est faux. Car ces spécialistes observent la lune avec leur prestigieux instrument, très développé puis notent ce qu'ils voient, contrairement aux gens qui regardent à l'œil nu. Souvent, ils n’aboutissent pas à une certitude vu la distance et les circonstances.
Quand au hadith du prophète qui dit: "nous sommes une communauté illettrée nous ne savons ni écrire ni compter", il ne véhicule qu'une simple information d'une réalité que le prophète lui-même a combattu en imposant l'enseignement du comptage aux gens surtout, comme disent certains chroniqueurs, aux négociants et aux enfants. Les juristes disent que les textes sont de deux catégories : l'informatif et l'impératif. Le premier n'implique aucune obligation, tandis que le second nécessite l'apprentissage. Comme dans le premier verset révélé: "lis..." (Coran verset 1 sourate l'adhérence). Comment au XXI ème siècle des gens peuvent-ils croire que l'islam favorise le maintien de la communauté dans l'illettrisme ? C'est une aberration contre l'islam et ses enseignements.
Mais heureusement le bien réside dans la communauté jusqu'au jour dernier comme le précise le prophète de l'islam; cette année la majorité des musulmans a jeûné ensemble et nous espérons qu'elle rompe le jeûne ensemble. C’est très important pour l'organisation des congés et des jours de repos au niveau de l'école et du travail.
L'équipe des Cahiers de l'Islam : Nous voyons également chaque année, et à travers le monde, pulluler les repas copieux et les nombreuses pâtisseries orientales qui viennent garnir les tables au moment de l'iftar (rupture du jeûne). Est-ce là une pratique acceptée ou tolérée par les oulémas ? Pouvez-vous nous citer des sources et des exemples sur la pratique du jeûne du prophète Mohammed et de ses contemporains ? Pouvez-vous nous rappeler les finalités du mois de Ramadan ?
Je suis déçu du comportement de la communauté durant ce mois béni. La première vocation du ramadan c'est l'élévation spirituelle, c'est à dire de multiplier les efforts pour évoluer spirituellement, dans la prière, la méditation du Coran, le partage et l'altruisme, la solidarité sociale et familiale, la noblesse du comportement vis à vis de tous, surtout les voisins. Or, ce que l'on remarque c'est tout le contraire, à savoir l'exagération dans la consommation des aliments, ce qui implique une suralimentation qui provoque des maladies graves. Comme le prouve le témoignage de médecins dans les hôpitaux et les cliniques qui reçoivent chaque année des dizaines de fidèles se plaignant de cette suralimentation du fait d'un estomac saturé au point de suffoquer, on a négligé ainsi l'enseignement du jeûne. De ce fait, ces fidèles perdent totalement le but de cette adoration. On doit normalement diminuer les repas habituels : de 3 repas par jour à 2 seulement, et faire du prix un don en le collectant durant tout le mois béni.
Le prophète dit à ce sujet: "tout le mal vient de la saturation du ventre…." (Ibn Qayyim 2/47), il dit aussi: "ne remplissez que le tiers de vos estomacs; laissez un tiers pour l'eau et un tiers pour respirer." (Alalbani 5674) "Dieu n'a que faire de votre jeûne si vous n'abandonnez pas la diffamation et le mensonge"(bayhiqi 1/286). Les savants sont unanimes pour dire que le but de l'abstinence alimentaire est purement spirituel et méditatif. Ce sont les deux éléments qui permettent à l'âme de se purifier et à l' esprit humain de s'éclaircir. J'en veux pour exemple le prophète lui-même qui ne mangeait jamais à sa faim, de plus il ne mangeait qu'en invitant des pauvres chez lui lorsqu'il recevait un repas chaud. Aïcha dit: "nous restions plusieurs jours sans manger un repas chaud et lorsque l'on recevait un repas chaud, le prophète invitait des pauvres pour partager le repas."(Sira d’ibn hicham) Il lui arrivait même de donner la totalité de la nourriture à des mendiants, comme le mentionnent les chroniqueurs de la biographie du prophète; Dieu dit dans le Coran en faisant l'éloge des gens qui, bien qu'ils soient dans le besoin, pratiquent l'altruisme : "ils pratiquent l'altruisme même en cas de besoin, et celui qui évite l'avarice de son égo fera partie des dévots."(Le rassemblement verset 9). On rapporte que la majorité des compagnons et des disciples du prophète ne mangeaient jamais seuls pendant ce mois béni, ils invitaient souvent des nécessiteux à leur table. (La biographie des compagnons)
Nous avons même des versets coraniques qui classent les gaspilleurs au rang des Démons, dans un discours mobilisateur et éducatif Dieu dit: "et ne gaspille pas car les gaspilleurs sont les pairs des démons et le démon est un incrédule."(isra 111) Il précise aussi : "mangez et buvez et évitez le gaspillage."(les limbes 31), et cela même en dehors du mois du ramadan.
L'équipe des cahiers de l'Islam : Est ce qu'un non musulman (e) peut pratiquer le mois de ramadan s'il ou elle le souhaite ? Peut-il (elle) participé occasionnellement à une rupture du jeûne chez des amis musulmans ou dans une mosquée ?
Juridiquement parlant un non musulman n'est pas tenu de jeûner même lorsqu'il vit avec des musulmans. Mais cela étant il peut et a tout à fait le droit de participer à cette expérience magnifique qui relève d’une dévotion, et une privation volontaire et solidaire avec les gens qui souffrent de la faim dans le monde entier. En participant volontairement, le non musulman va constater l'importance de ce sacrifice spirituel et cette dévotion volontaire enseignée et voulue par notre Créateur. Par ailleurs, il y aura un rapprochement à travers les coutumes et les habitudes. Ainsi, nous serions conforme à l'appel éternel de l'éternel: "ô gens nous vous avons créé à partir d'un homme et d'une femme et nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour échanger, le meilleur parmi vous sera le plus pieux." (Les appartement 13)
Pour la rupture du jeûne chez les voisins musulmans, elle est très recommandée, mais c'est aux musulmans de prendre l'initiative et d'inviter leurs voisins, ce serait une magnifique fraternisation entre les hommes de religions différentes. Nous voyons que nos voisins ou concitoyens français aimeraient que l'on participe, nous musulmans, à toutes leurs fêtes, donc pourquoi ne le ferions-nous pas nous même ? Le partage est un comportement noble et une forme de solidarité entre les gens, il les rapproche et les pousse à mieux se connaitre et échanger.
Je clôture ce bref texte en disant à mes coreligionnaires: il faut transmettre à partir du foyer des ancêtres la flamme de l'Islam et non pas les cendres, il faut essayer d'être à la hauteur du message universel de l'islam et cesser de croire que cette religion est la propriété des musulmans uniquement. Sa vocation universelle nécessite qu'on la débarrasse de toutes les mauvaises coutumes qui risquent d'effacer sa beauté initiale.
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