La réception francophone des travaux de Talal Asad est désormais bien entamée. S’il manque encore à celle-ci la traduction des principaux ouvrages de l’anthropologue, plusieurs de ses articles ont été publiés en français, auxquels s’ajoutent des textes écrits par d’autres chercheurs et inspirés – ou dédiés à la présentation – de l’œuvre asadienne. Au cœur de cette bibliographie en cours de construction, « L’idée d’une anthropologie de l’islam » – article originellement publié en 1986 et traduit en 2017 – fait figure de texte charnière. À l’encontre du concept de religion excessivement centré sur l’adhésion au dogme, Asad y propose la notion de tradition discursive, c’est-à-dire un lieu d’énonciation où s’articulent et se confrontent des formes de vie, de savoir et d’autorité. Cette manière d’aborder l’islam est explicitement opposée tant à l’approche nominaliste affirmant l’existence d’une infinité de réalités de l’islam – ce qui revient à abolir l’objet de recherche qu’il constitue – qu’au postulat inverse d’une essence musulmane à l’œuvre par-delà les significations que les acteurs attribuent aux contextes historiques où ils évoluent. La dernière perspective – qu’Asad attribue aussi bien à Ernest Gellner qu’à une profusion de discours profanes – est en particulier longuement réfutée dans l’article de 1986. Plutôt qu’une structure sociale anhistorique reliée à la pratique religieuse par une modulation ou une autre de la vielle antienne que constitue la théorie du reflet, la tradition discursive de l’islam est définie par Asad comme un espace partiellement autonome où s’agrègent des modes d’investissements solidairement intellectuels, éthiques et politiques.
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