ce volume offre une synthèse presque exhaustive des connaissances historiques sur l’Iran médiéval. Insistant à la fois sur les héritages des dynasties antérieures à l’islam, sur les innovations apparues après la conquête islamique et sur le caractère singulier de l’espace iranien, l’a. y met en valeur l’apport unique de la culture iranienne dans la construction de la civilisation islamique.
Cécile Bresc
Cette recension a déjà fait l'objet d'une publication dans les Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 247 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2019, sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 4.0).
Broché: 320 pages
Éditeur : Les Belles Lettres; Illustrated édition (12 septembre 2018)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2251448411
Éditeur : Les Belles Lettres; Illustrated édition (12 septembre 2018)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2251448411
Quatrième de couverture
Ispahan, Boukhara, Samarcande… Un rêve d’Orient. La Perse médiévale de l’islamisation à l’invasion mongole, du VIIe au XIIIe siècle. Un territoire beaucoup plus vaste que l’Iran actuel, une civilisation déjà millénaire entre monde méditerranéen et Asie. Rapidement, la Perse fut bien plus qu’une simple province de l’Empire musulman : elle aussi conquit son farouche vainqueur. Ce guide culturel met en lumière ce que lui doit la civilisation musulmane, des institutions aux productions intellectuelles et artistiques. Ce qui ne fut pas sans conséquences, y compris sur la géopolitique contemporaine
Recension
Cet ouvrage vient prendre place dans l’importante collection des Guides Belles Lettres des civilisations, qui compte désormais une trentaine de titres destinés à un large public d’étudiants, de spécialistes et tout simplement de curieux. Se voulant à la fois livres pour grand public et manuels de base, les volumes de cette collection répondent tous à un plan prédéterminé et présentent des chapitres dont les thématiques sont les mêmes. Précisons tout de suite que cet ouvrage en est le premier à aborder le monde musulman médiéval, cet immense ensemble qui, dans son extension maximale, s’étendait de l’océan Atlantique à l’Indus. Ici, ce sont l’Iran et les provinces orientales qui servent de faire-valoir pour l’ensemble du dār al-islām et à la présentation de la civilisation musulmane médiévale en Orient.
La définition géographique retenue par l’a., Ève Feuillebois, pourrait surprendre, et effectivement nous a un peu surpris. Dès l’avant-propos, l’a. précise ce qu’elle entend par « Iran médiéval » : un espace plus large que l’Iran d’aujourd’hui, englobant à la fois les territoires situés sur le plateau iranien, au sud de la mer Caspienne, et des territoires voisins, comme la Mésopotamie et les autres provinces irakiennes, l’Afghanistan, les provinces situées au-delà de l’Oxus ou encore l’Arménie. Ainsi, sont concernés l’essentiel des territoires qui étaient ceux de l’empire sassanide et qui correspondent également au gouvernorat de l’Irak à l’époque du califat omeyyade, alors en pleine expansion. Toutes ces régions étant, d’après l’a., profondément iranisées ou sous l’influence culturelle perse. Autre justification avancée par l’a. pour cette définition territoriale large, la résistance, malgré l’islamisation, à l’arabisation de cette entité géographique singulière. Cette délimitation de l’Iran médiéval, englobant par conséquent le siège du califat abbasside, légitime donc l’a. à faire de son ouvrage un véritable manuel de l’histoire du califat et de son démantèlement avec l’essor de dynasties locales.
L’avant-propos permet donc de légitimer les bornes géographiques, mais aussi d’introduire les dix chapitres, organisés en deux grandes parties, aux thématiques historiques, sociales, religieuses, artistiques et littéraires, à partir desquelles petit à petit l’a. nous dresse un panorama du monde iranien. Les quatre premiers chapitres forment une première partie orientée vers le cadre historique. Dans le premier chapitre, après avoir rappelé la particularité de l’historiographie persane, l’a. retrace le cadre chronologique de cet espace, de la conquête arabe aux invasions mongoles. Sont présentées successivement les étapes de la conquête arabo-musulmane dans les territoires sassanides, puis la naissance des premières autonomies locales et finalement l’avènement des Sultanats turcs. De nombreuses cartes, une longue chronologie et des tableaux généalogiques très utiles illustrent cette présentation. Le deuxième chapitre, sobrement intitulé « le Territoire », est divisé en sept rubriques qui décrivent la diversité du cadre géographique et des infrastructures : géographie physique et humaine, importance des campagnes, composition urbaine et voies de circulation. Puis l’organisation politique et sociale (la composition de la nouvelle société musulmane et la division entre Khassa « élite » et ‘Amma « peuple », le califat et les autres formes de souveraineté développées avec la mise sous tutelle du califat abbasside, l’administration, la justice, les impôts et les finances, les armées et leurs réformes successives) et la vie économique (le rôle essentiel de l’agriculture, la spécialisation urbaine de l’artisanat et du commerce, les poids et mesures, l’instauration du système monétaire islamique par ‘Abd al-Malik) sont traitées respectivement dans le troisième et le quatrième chapitre.
Les six chapitres suivants forment une seconde partie centrée sur la vie des hommes dans cet Iran médiéval. Comme pour la première partie, de nombreuses informations réunies ici par l’a. ne sont pas spécifiques à cet espace mais commun avec les autres régions du dār al-islām, comme les étapes du pèlerinage à La Mecque qui bénéficient d’un traitement graphique luxueux ou le calendrier musulman. Elle réussit néanmoins à en présenter les particularités religieuses, culturelles, sociales et linguistiques. Ainsi dans le cinquième chapitre, dédié au temps : la présentation des calendriers, jours de fête, rites et étapes de la vie, très tôt islamisés, témoigne encore de la survivance de nombreuses fêtes et coutumes antéislamiques comme Now Ruz (Nouvel An) et Mehragan (équinoxe d’automne). Justement, les religions et l’islamisation de l’Iran sont abordées dans le chapitre suivant. Sur huit rubriques, cinq sont consacrées à l’islam (et à l’influence iranienne dans la construction de cette nouvelle religion) et seulement trois aux nombreuses religions pratiquées avant la conquête arabe et désormais en déclin (zoroastrisme, manichéisme, judaïsme, christianisme, bouddhisme et mandéisme).
Le septième et huitième chapitre sont l’occasion pour l’a. de revenir sur la contribution incommensurable de l’Iran à la construction de la culture islamique. Le chapitre 7 est consacré à la littérature et au développement des différentes sciences et savoirs. Y sont abordés la renaissance de la langue persane, son expansion vers l’est, l’apparition d’une tradition littéraire persane tant en poésie qu’en prose et ses apports dans la littérature arabe, en particulier dans le genre de l’adab et en filigrane l’échec de l’arabisation de l’Iran. Une foule de poètes, historiens, géographes, philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens sont convoqués dans ce chapitre, dont, pour certains, le lecteur retrouvera la biographie résumée en annexe dans l’utile rubrique intitulée « Repères biographiques » (qui comprend quand même deux arabes, le calife ‘Alī b. Abī Tālib, neveu et gendre de Muhammad, et le gouverneur omeyyade al-Hajjāj, ainsi qu’une seule et unique femme, la qayna ‘Arīb). Quant au chap. 8, il traite des arts et de la culture matérielle, profondément islamisés, mais largement tributaires, là aussi, du passé antéislamique. C’est le cas en architecture (ziggourats mésopotamiennes), ou encore dans les arts appliqués (héritage de la verrerie sassanide, continuation de la tradition de textiles et soieries antiques, productions en métal). L’Iran médiéval apparaît cependant dans ce chapitre comme moteur dans l’élaboration d’un art islamique original, berceau d’innovations largement diffusées dans le reste du dār al-islām (iwān, madrasa, écritures kufique et cursive, lustre métallique). Plus encore que dans les chapitres précédents, les illustrations très nombreuses viennent aider le lecteur à visualiser la richesse de cette production artistique.
Les deux derniers chapitres permettent d’entrer dans les divertissements et la vie privée des hommes et des femmes. Si on y retrouve des jeux très anciens (le jeu d’échecs, le trictrac), ce sont cependant les plaisirs princiers qui dominent (d’une part, le polo, les courses de chevaux et la chasse entrant dans l’art équestre de la furūsiyya, considérée comme une préparation à l’art de la guerre et d’autre part, le monde de la musique, des esclaves-chanteuses et de la poésie). Quant à la vie quotidienne, elle est abordée dans le dixième et dernier chapitre. Y abondent anecdotes et récits pittoresques sur des sujets prédéterminés comme l’éducation, la condition féminine ou encore sur les habitudes alimentaires, vestimentaires et sexuelles.
Ainsi qu’il apparaît dans le déroulé des chapitres, ce volume offre une synthèse presque exhaustive des connaissances historiques sur l’Iran médiéval. Insistant à la fois sur les héritages des dynasties antérieures à l’islam, sur les innovations apparues après la conquête islamique et sur le caractère singulier de l’espace iranien, l’a. y met en valeur l’apport unique de la culture iranienne dans la construction de la civilisation islamique. Il s’agit par ailleurs d’un ouvrage richement illustré, comportant quantité de cartes et plans, chronologies, généalogies et biographies. En conséquence, et ainsi que l’encourage l’avant-propos, le recours aux index et à la bibliographie proposés en annexe permettent à la fois une lecture efficace et la possibilité d’explorations ultérieures. Malgré son titre, ce livre pourrait être utilisé aussi comme un guide des califats et de leurs successeurs en Orient avant la conquête mongole, tant on y trouve d’informations générales qui concernent non seulement l’Iran et l’Irak, mais aussi la Syrie-Palestine et la péninsule Arabique..
Cécile Bresc
UMR 8167 – Orient et Méditerranée Université Paris-Sorbonne
La définition géographique retenue par l’a., Ève Feuillebois, pourrait surprendre, et effectivement nous a un peu surpris. Dès l’avant-propos, l’a. précise ce qu’elle entend par « Iran médiéval » : un espace plus large que l’Iran d’aujourd’hui, englobant à la fois les territoires situés sur le plateau iranien, au sud de la mer Caspienne, et des territoires voisins, comme la Mésopotamie et les autres provinces irakiennes, l’Afghanistan, les provinces situées au-delà de l’Oxus ou encore l’Arménie. Ainsi, sont concernés l’essentiel des territoires qui étaient ceux de l’empire sassanide et qui correspondent également au gouvernorat de l’Irak à l’époque du califat omeyyade, alors en pleine expansion. Toutes ces régions étant, d’après l’a., profondément iranisées ou sous l’influence culturelle perse. Autre justification avancée par l’a. pour cette définition territoriale large, la résistance, malgré l’islamisation, à l’arabisation de cette entité géographique singulière. Cette délimitation de l’Iran médiéval, englobant par conséquent le siège du califat abbasside, légitime donc l’a. à faire de son ouvrage un véritable manuel de l’histoire du califat et de son démantèlement avec l’essor de dynasties locales.
L’avant-propos permet donc de légitimer les bornes géographiques, mais aussi d’introduire les dix chapitres, organisés en deux grandes parties, aux thématiques historiques, sociales, religieuses, artistiques et littéraires, à partir desquelles petit à petit l’a. nous dresse un panorama du monde iranien. Les quatre premiers chapitres forment une première partie orientée vers le cadre historique. Dans le premier chapitre, après avoir rappelé la particularité de l’historiographie persane, l’a. retrace le cadre chronologique de cet espace, de la conquête arabe aux invasions mongoles. Sont présentées successivement les étapes de la conquête arabo-musulmane dans les territoires sassanides, puis la naissance des premières autonomies locales et finalement l’avènement des Sultanats turcs. De nombreuses cartes, une longue chronologie et des tableaux généalogiques très utiles illustrent cette présentation. Le deuxième chapitre, sobrement intitulé « le Territoire », est divisé en sept rubriques qui décrivent la diversité du cadre géographique et des infrastructures : géographie physique et humaine, importance des campagnes, composition urbaine et voies de circulation. Puis l’organisation politique et sociale (la composition de la nouvelle société musulmane et la division entre Khassa « élite » et ‘Amma « peuple », le califat et les autres formes de souveraineté développées avec la mise sous tutelle du califat abbasside, l’administration, la justice, les impôts et les finances, les armées et leurs réformes successives) et la vie économique (le rôle essentiel de l’agriculture, la spécialisation urbaine de l’artisanat et du commerce, les poids et mesures, l’instauration du système monétaire islamique par ‘Abd al-Malik) sont traitées respectivement dans le troisième et le quatrième chapitre.
Les six chapitres suivants forment une seconde partie centrée sur la vie des hommes dans cet Iran médiéval. Comme pour la première partie, de nombreuses informations réunies ici par l’a. ne sont pas spécifiques à cet espace mais commun avec les autres régions du dār al-islām, comme les étapes du pèlerinage à La Mecque qui bénéficient d’un traitement graphique luxueux ou le calendrier musulman. Elle réussit néanmoins à en présenter les particularités religieuses, culturelles, sociales et linguistiques. Ainsi dans le cinquième chapitre, dédié au temps : la présentation des calendriers, jours de fête, rites et étapes de la vie, très tôt islamisés, témoigne encore de la survivance de nombreuses fêtes et coutumes antéislamiques comme Now Ruz (Nouvel An) et Mehragan (équinoxe d’automne). Justement, les religions et l’islamisation de l’Iran sont abordées dans le chapitre suivant. Sur huit rubriques, cinq sont consacrées à l’islam (et à l’influence iranienne dans la construction de cette nouvelle religion) et seulement trois aux nombreuses religions pratiquées avant la conquête arabe et désormais en déclin (zoroastrisme, manichéisme, judaïsme, christianisme, bouddhisme et mandéisme).
Le septième et huitième chapitre sont l’occasion pour l’a. de revenir sur la contribution incommensurable de l’Iran à la construction de la culture islamique. Le chapitre 7 est consacré à la littérature et au développement des différentes sciences et savoirs. Y sont abordés la renaissance de la langue persane, son expansion vers l’est, l’apparition d’une tradition littéraire persane tant en poésie qu’en prose et ses apports dans la littérature arabe, en particulier dans le genre de l’adab et en filigrane l’échec de l’arabisation de l’Iran. Une foule de poètes, historiens, géographes, philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens sont convoqués dans ce chapitre, dont, pour certains, le lecteur retrouvera la biographie résumée en annexe dans l’utile rubrique intitulée « Repères biographiques » (qui comprend quand même deux arabes, le calife ‘Alī b. Abī Tālib, neveu et gendre de Muhammad, et le gouverneur omeyyade al-Hajjāj, ainsi qu’une seule et unique femme, la qayna ‘Arīb). Quant au chap. 8, il traite des arts et de la culture matérielle, profondément islamisés, mais largement tributaires, là aussi, du passé antéislamique. C’est le cas en architecture (ziggourats mésopotamiennes), ou encore dans les arts appliqués (héritage de la verrerie sassanide, continuation de la tradition de textiles et soieries antiques, productions en métal). L’Iran médiéval apparaît cependant dans ce chapitre comme moteur dans l’élaboration d’un art islamique original, berceau d’innovations largement diffusées dans le reste du dār al-islām (iwān, madrasa, écritures kufique et cursive, lustre métallique). Plus encore que dans les chapitres précédents, les illustrations très nombreuses viennent aider le lecteur à visualiser la richesse de cette production artistique.
Les deux derniers chapitres permettent d’entrer dans les divertissements et la vie privée des hommes et des femmes. Si on y retrouve des jeux très anciens (le jeu d’échecs, le trictrac), ce sont cependant les plaisirs princiers qui dominent (d’une part, le polo, les courses de chevaux et la chasse entrant dans l’art équestre de la furūsiyya, considérée comme une préparation à l’art de la guerre et d’autre part, le monde de la musique, des esclaves-chanteuses et de la poésie). Quant à la vie quotidienne, elle est abordée dans le dixième et dernier chapitre. Y abondent anecdotes et récits pittoresques sur des sujets prédéterminés comme l’éducation, la condition féminine ou encore sur les habitudes alimentaires, vestimentaires et sexuelles.
Ainsi qu’il apparaît dans le déroulé des chapitres, ce volume offre une synthèse presque exhaustive des connaissances historiques sur l’Iran médiéval. Insistant à la fois sur les héritages des dynasties antérieures à l’islam, sur les innovations apparues après la conquête islamique et sur le caractère singulier de l’espace iranien, l’a. y met en valeur l’apport unique de la culture iranienne dans la construction de la civilisation islamique. Il s’agit par ailleurs d’un ouvrage richement illustré, comportant quantité de cartes et plans, chronologies, généalogies et biographies. En conséquence, et ainsi que l’encourage l’avant-propos, le recours aux index et à la bibliographie proposés en annexe permettent à la fois une lecture efficace et la possibilité d’explorations ultérieures. Malgré son titre, ce livre pourrait être utilisé aussi comme un guide des califats et de leurs successeurs en Orient avant la conquête mongole, tant on y trouve d’informations générales qui concernent non seulement l’Iran et l’Irak, mais aussi la Syrie-Palestine et la péninsule Arabique..
Cécile Bresc
UMR 8167 – Orient et Méditerranée Université Paris-Sorbonne