Avec le recul du temps, au risque de scandaliser, une conclusion politiquement incorrecte s'impose. Eu égard à la politique engagée, la France n'avait rien à faire en Algérie.
André-Paul Weber
Recension par Jean Jolly
Broché: 392 pages
Editeur : Publibook (1 juillet 2010)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2748354669
Dimensions du produit: 22,5 x 2,6 x 14 cm
Né en 1927, André-Paul Weber a été professeur d'économie à l'École supérieure des sciences économiques et commerciales, ESSEC (en 1989). Poète et romancier, il a fondé l'Académie des Marches de l'Est en 1949.
Il a écrit Des Huns et des autres (Ed. Do Bentzinger, 2009) et Jeter un pont entre les hommes, (Ed K, 2007). Il est décédé en 2016.
Recension
Auteur critique de la présence française en Algérie, notamment de la politique suivie par les divers gouvernements et l'administration civile et militaire, André-Paul Weber, professeur honoraire d'économie à l'Essec, a eu la sagesse de ne pas traiter de la période contemporaine dans son livre et de n'aborder que les événements du premier siècle, c'est-à-dire entre 1830 et 1930. La thèse qu'il défend dans son livre La France en Algérie : une malheureuse aventure n'en est que plus originale et sévère.
Pour l'auteur, les principales causes de l'échec des différents gouvernements français ont été leur incapacité à peupler le territoire pour le franciser ou, à défaut, l'européaniser. Le chapitre consacré à l'activisme démographique des autorités françaises comme de nombreux particuliers est surprenant et passionnant. On découvre que des démarches ont été effectuées dans tous les milieux et dans tous les pays : émigration d'ouvriers (dont le transfert en 1848 de 13.902 chômeurs après la fermeture des Ateliers nationaux), d'enfants trouvés (ils sont 127.000 en France en 1847), d'intellectuels de gauche et de condamnés politiques (après la Révolution de 1848 et le coup d'État de 1851), d'Alsaciens-Lorrains (après la défaite de Sedan) ; sollicitation des autorités allemandes et autrichiennes (pour l'émigration d'opposants hongrois), irlandaises, suisses, turques (pour permettre le départ d'Arméniens) ; projet d'implantation de Chinois et d'Indiens pour développer le pays… "La tâche se révèle bien plus difficile car, qu'on le veuille ou non, tout au long du XIXe siècle, l'Algérie n'a rien d'un eldorado et n'est donc nullement attirante," écrit-il.
En fait, les émigrants européens préfèrent les Amériques à l'Afrique. Seuls les Espagnols, les Italiens, les Maltais qui entretenaient des relations commerciales avec l'Algérie avant la présence française arrivèrent en nombre, surtout au début du XXe siècle pour des raisons économiques ou politiques.
En outre, les hésitations, les maladresses, notamment dans le domaine foncier, les politiques contradictoires des divers gouvernements altèrent sérieusement les aspects positifs de la présence française et créent un malaise et des tensions avec les populations locales.
Tout au long de l'ouvrage, Paul Weber étaie sa conviction : "Avec le recul du temps, au risque de scandaliser, une conclusion politiquement incorrecte s'impose. Eu égard à la politique engagée, la France n'avait rien à faire en Algérie. La thèse avancée est d'autant plus justifiée que, tout au long des années examinées les coûts humains liés à la colonisation ont été considérables ; les antagonismes interethniques n'ont pas été éradiqués, tant s'en faut ; la pauvreté a frappé tant les indigènes que bon nombre d'Européens. Les actes de générosité dont, malgré tout, la collectivité française a su faire montre n'ont pas été suffisants pour porter leurs fruits… Le système colonial mis en oeuvre était nécessairement voué à l'échec, même si de nobles idéaux ont pu occasionnellement l'inspirer."
Ces nobles idéaux, même le comte de Bourmont, chef de l'expédition d'Alger en 1830, semblait en avoir. En fait, ce personnage dont l'auteur brosse un portrait bref et féroce, fut un triste sire. Au cours de sa carrière mouvementée, il trahit plusieurs fois la monarchie, la République et l'Empire et ne respecta guère les engagements qu'il prit avec le dey. L'histoire de l'Algérie française fera ultérieurement l'objet d'autres trahisons et d'autres parjures. Une certitude : la conquête de l'Algérie avait mal commencé.