Des manifestants le 27 décembre 2013 à Ankara (AFP, Adem Altan)
Par Samim Akgönül, décembre 2013
L’histoire est le présent du passé. Les faits et notions du passé sont dynamiques et changent de signification selon le moment où on les étudie. Le passé, pourrait-on dire, a un passé. Cela se confirme à la lecture du Manière de voir consacré à cette « entité » (pays, Etat, peuple, nation…) toujours mystérieuse qu’est la Turquie (1). Les textes de ce dossier s’étalent sur soixante ans. On ne peut qu’être surpris de la clairvoyance de certains d’entre eux, comme ceux d’Ali Kazancigil consacrés à l’ère des dictatures militaires. Et ce numéro est superbement illustré par des photographies de Frances Dal Chele qui présentent la Turquie des périphéries (Kayseri, Konya, Diyarbakır...) et proposent des portraits de jeunes.
Le premier chapitre évoque l’Empire ottoman, un empire d’un genre original où la continuité territoriale est essentielle, avec un centre fort (Constantinople-Istanbul), certes, mais où il y a à la fois des formes de gouvernance pragmatique selon la région dominée — l’Egypte n’a pas le même statut que le Péloponnèse, par exemple — et une sorte d’autonomie non territorialisée, à travers le système des « millets » (nom des communautés religieuses entre les XVe et XIXe siècles).
L’âge des Etats-nations met à mal ce système. A partir de la République, c’est l’heure de l’uniformisation et de la centralisation. Les partisans de Mustafa Kemal Atatürk sont là pour créer, à partir de peu de chose, une nation, tenue d’une main de fer par Ankara, nouvelle capitale au cœur de l’Anatolie, jacobine, nationaliste et laïciste. C’est une démocratie prétorienne, sous le contrôle paternaliste de l’armée, de l’appareil judiciaire et de la bureaucratie, qui se charge de changer le peuple au nom du peuple.
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