Hicham Abdel Gawad et Gregory Vandamme, islamologues et doctorants à l’Université catholique de Louvain (Belgique)
Alors que le Ramadan doit se terminer jeudi 13 mai, après un mois sacré marqué notamment par l’attentat de Rambouillet, La Croix a demandé à deux chercheurs musulmans en sciences des religions ce que l’islamologie pouvait opposer au terrorisme islamiste.
Dans une tribune parue dans L’Obs, un collectif d’intellectuels musulmans condamne l’attentat de Rambouillet en s’appuyant sur des passages du Coran qui interdisent la violence, sauf en cas de légitime défense. Qu’en pensez-vous ?
Hicham Abdel Gawad : Tout d’abord, je salue cette réaction. Car si la société n’a pas à exiger des citoyens qui se trouvent être musulmans de condamner les attentats au nom de leur seule appartenance religieuse, il me semble nécessaire que les dignitaires et responsables musulmans le fassent, systématiquement. En revanche, je crois que partir à la pêche aux versets coraniques pour affirmer que l’islam n’incite pas à la violence n’est pas une méthode valable : on pourrait tout aussi bien trouver des versets disant l’inverse ! Cette exégèse sauvage où l’on sélectionne uniquement ce qui va dans notre sens est précisément le paradigme à renverser, car elle est aussi pratiquée par les salafistes.
Estimez-vous, comme une partie des islamologues contemporains, qu’il est temps que l’islam connaisse une « crise réformiste » ?
Gregory Vandamme : Cette idée d’une réforme de l’islam est devenue omniprésente, beaucoup de gens la réclament. Pour ma part, je ne me sens pas l’âme d’un réformateur. Je préfère parler de revivification. Sans être non plus un traditionaliste, il me semble que retourner à la tradition islamique aurait du bon. Car cette tradition, c’est avant tout l’histoire d’une longue conversation, d’un long commentaire. La pensée musulmane traditionnelle n’est que nuance. Or aujourd’hui, on ne cherche plus qu’à imposer une lecture univoque, que ce soit dans le salafisme ou dans le réformisme.
H. A. G. : Plutôt qu’attendre une réforme descendante, je préfère pour ma part remonter du bas vers le haut : par le biais de l’enseignement, donner aux jeunes musulmans des outils intellectuels qui leur permettent d’enrichir leur pensée. Si cela débouche sur une réforme à terme, tant mieux !
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Alors que le Ramadan doit se terminer jeudi 13 mai, après un mois sacré marqué notamment par l’attentat de Rambouillet, La Croix a demandé à deux chercheurs musulmans en sciences des religions ce que l’islamologie pouvait opposer au terrorisme islamiste.
Dans une tribune parue dans L’Obs, un collectif d’intellectuels musulmans condamne l’attentat de Rambouillet en s’appuyant sur des passages du Coran qui interdisent la violence, sauf en cas de légitime défense. Qu’en pensez-vous ?
Hicham Abdel Gawad : Tout d’abord, je salue cette réaction. Car si la société n’a pas à exiger des citoyens qui se trouvent être musulmans de condamner les attentats au nom de leur seule appartenance religieuse, il me semble nécessaire que les dignitaires et responsables musulmans le fassent, systématiquement. En revanche, je crois que partir à la pêche aux versets coraniques pour affirmer que l’islam n’incite pas à la violence n’est pas une méthode valable : on pourrait tout aussi bien trouver des versets disant l’inverse ! Cette exégèse sauvage où l’on sélectionne uniquement ce qui va dans notre sens est précisément le paradigme à renverser, car elle est aussi pratiquée par les salafistes.
Estimez-vous, comme une partie des islamologues contemporains, qu’il est temps que l’islam connaisse une « crise réformiste » ?
Gregory Vandamme : Cette idée d’une réforme de l’islam est devenue omniprésente, beaucoup de gens la réclament. Pour ma part, je ne me sens pas l’âme d’un réformateur. Je préfère parler de revivification. Sans être non plus un traditionaliste, il me semble que retourner à la tradition islamique aurait du bon. Car cette tradition, c’est avant tout l’histoire d’une longue conversation, d’un long commentaire. La pensée musulmane traditionnelle n’est que nuance. Or aujourd’hui, on ne cherche plus qu’à imposer une lecture univoque, que ce soit dans le salafisme ou dans le réformisme.
H. A. G. : Plutôt qu’attendre une réforme descendante, je préfère pour ma part remonter du bas vers le haut : par le biais de l’enseignement, donner aux jeunes musulmans des outils intellectuels qui leur permettent d’enrichir leur pensée. Si cela débouche sur une réforme à terme, tant mieux !
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