Les cahiers de l'Islam
Les cahiers de l'Islam
Les cahiers de l'Islam


Dimanche 1 Septembre 2019

Fazlur Rahman et le Coran : la recherche méthodique de l’intention de l’Auteur



Allant contre la position majoritaire, Rahman donne ainsi un rôle prépondérant au prophète Mohammed dont la personnalité influença le processus de révélation. « Le Coran est la réponse divine, à travers l’esprit du Prophète, à la situation morale et sociale de l’Arabie de l’époque » [...] Cette conception semi-humaine de la révélation aura pour conséquence d’accorder un rôle déterminant au contexte historique. Le Coran lu par l’homme n’est donc pas le Livre céleste gardé auprès de Dieu. Il en est, dans une certaine mesure, une incarnation dans un langage humain. C’est en ce sens que pour Fazlur Rahman la parole divine a également une dimension humaine. L’enjeu de cette conception de la révélation est avant tout herméneutique. C’est le souci de relire le texte aujourd’hui et de le comprendre autrement qui le poussera à remettre en question l’idée d’une révélation extérieure.

Selami Varlik
EHESS-Fonds Ricoeur

 
In Methodos [Online], 13 | 2013, sous licence Creative Commons (BY NC ND).

Abstracts

L’herméneutique coranique de Fazlur Rahman (1919-1988) repose sur la recherche méthodique du sens objectif du texte. Inspiré par l’herméneutique romantique, telle qu’on peut la trouver chez E. Betti et qui nécessite pour le lecteur d’établir un lien intérieur avec l’esprit de l’auteur, Rahman considère que c’est l’intention divine qui est garante de l’objectivité du sens du Coran. L’empathie avec l’auteur est rendue possible par une conception historique de la révélation, selon laquelle la parole, qui est amenée par un Esprit intérieur et immatériel, passe par le filtre de la conscience prophétique. La méthode historiciste d’interprétation de Rahman, qu’il appelle herméneutique du « double mouvement », repose sur les deux critères d’objectivité que sont le contexte historique de la révélation et la prise en compte de la totalité du livre sacré. Ainsi, l’interprète doit, dans un premier temps, aller à la période de révélation pour, à partir des circonstances particulières, comprendre les finalités objectives du texte, identifiées à l’intention divine. Puis, il doit appliquer ces principes, qui sont moraux et non juridiques, au présent en s’éloignant du sens littéral. Rahman illustre son propos en essayant de montrer que le souci de l’intention divine permet de voir que le Coran s’oppose à la polygamie et à l’esclavage, qui vont contre le principe moral d’une société juste et égalitaire.

Fazlur Rahman (1919-1988) est un intellectuel et philosophe musulman indo-pakistanais qui enseigna pendant longtemps à l’Université de Chicago et développa une approche historiciste et moderniste du Coran. La principale finalité de sa démarche herméneutique est de trouver la « bonne méthode »[1] d’interprétation du texte sacré. Ce souci est à la base de son herméneutique du double mouvement : aller à la période de la révélation pour trouver l’intention divine qui se cache derrière la lettre, puis revenir à l’époque contemporaine en se demandant comment penser de nouvelles façons d’actualiser cette essence du message coranique. C’est à la lumière de cette intention divine que la conception actuelle de la sharia devra être revisitée. Fazlur Rahman s’inscrit dans la continuité d’une vision méthodologique de l’herméneutique, critiquée par les tenants de l’herméneutique philosophique comme Gadamer. Ainsi, pour Schleiermacher, l’herméneutique est une méthode d’interprétation devant servir à réaliser un objectif préalablement défini. En tant que théorie de l’interprétation, elle nécessite de poser la question de la bonne méthode à suivre en vue de comprendre un texte. L’herméneutique s’inscrit dans une logique de finalité, elle est une technique du comprendre[2]. Pour Rahman comme pour Schleiermacher, « la parfaite compréhension d’un discours ou d’un texte est le résultat d’une maîtrise (Kunstleistung) et exige une “Kunstlehre” ou une technique, que nous désignons par l’expression : herméneutique »[3].

De l’herméneutique romantique, Fazlur Rahman reprend le souci méthodologique et l’idée de relation intérieure avec l’intention de l’auteur. Or cette dernière est d’autant plus centrale dans sa méthodologie que son herméneutique repose sur une théorie historique de la révélation. La méthode du double mouvement s’appuie en effet sur la dualité entre la lettre de la révélation tributaire du contexte historique et l’intention divine pleinement contenue dans la « Mère du Livre » (Umm al-kitâb)[4] et qui pourra être vécue autrement dans un autre contexte. C’est en accord avec les valeurs universelles défendues par la volonté divine que, dans le deuxième mouvement, on pourra penser d’autres formes de règles particulières. Fazlur Rahman est pleinement conscient des risques que peut présenter une telle ambition de relecture de la sharia, d’autant qu’il conteste l’application littéraliste de la loi. Pourtant, il se défend précisément en rappelant la nécessité d’une méthode rigoureuse, absente chez la plupart des théories de lecture moderniste du Coran. La méthode objective est donc le garant d’une fidélité à l’intention divine, contre les tentations de l’intention du lecteur. Ainsi, non seulement il n’a pas la prétention d’apporter une nouvelle lecture personnelle du Coran, mais il entend même ériger l’idée de méthode contre la multiplication des lectures subjectives[5]. La seule façon d’éviter ces risques de récupération de la parole divine est d’avoir recours à une méthode solide garantissant une véritable objectivité dans la connaissance de l’intention divine. Mais, contrairement à l’orthodoxie islamique, l’objectivisme ne rime pas chez lui avec littéralisme. Dès lors, une fois quitté le sol du sens littéral sur lequel repose la jurisprudence classique, se pose la question de nouveaux critères de légitimation du sens. L’objet de notre réflexion sera de voir, d’une part, comment Fazlur Rahman articule sa conception historique de la révélation avec l’exigence méthodologique de recherche de l’intention divine et, d’autre part, comment celle-ci consiste essentiellement en un projet éthique de société juste et égalitaire.

Intention de l’auteur et objectivité de la méthode

Les influences de l’herméneutique romantique

Pour Rahman comme pour Schleiermacher, comprendre un texte c’est avant tout connaître les intentions de l’esprit qui en est à l’origine. Pour exprimer son vouloir-dire, cet esprit a recours aux « formes » que sont les mots, les expressions et les métaphores. Le processus de compréhension des lecteurs situés dans un autre contexte que celui de production de l’œuvre doit faire le chemin en sens inverse. Ces formes nous permettent de remonter ainsi jusqu’à l’esprit de l’auteur à l’origine du texte et qui doit reprendre vie dans l’esprit du lecteur. Fazlur Rahman s’inscrit dans la continuité d’Emilio Betti et d’E. D. Hirsch, qui eux-mêmes reprenaient l’entreprise méthodologique de l’herméneutique romantique, en cherchant notamment à « imposer des canons rigoureux à l’exercice de l’interprétation en sciences humaines »[6] ; le souci principal étant l’objectivité dans la démarche herméneutique, pour les romantiques l’intention de l’auteur est précisément un critère d’objectivité. Pour Betti, que cite Rahman dans le débat avec Gadamer[7], l’esprit de l’auteur s’adresse au lecteur à travers des « formes porteuses de sens » (sinnhaltige Formen) ou formes représentatives[8]. Elles sont les manifestations ou objectivations de l’esprit de l’auteur par la compréhension desquelles l’interprète pourra accéder à l’intention de l’auteur. Le processus de compréhension comporte trois éléments : l’esprit actif de l’interprète, l’esprit de l’autre qu’est l’auteur et ces formes porteuses permettant au premier de connaître le second, par un processus d’inversion du mouvement par lequel ces formes avaient été produites par l’auteur. Betti, que Gadamer qualifie d’historiciste[9], s’inscrit dans la droite lignée de l’herméneutique romantique pour laquelle la compréhension est l’inversion de l’acte créateur. Le langage, qui permet l’objectivation de l’esprit de l’auteur, a une fonction instrumentale comme s’il « n’était que le véhicule accessoire d’une pensée qui serait par ailleurs purement intellectuelle et conceptuelle »[10]. Dans la continuité de Schleiermacher, Betti compte sur une « humanité partagée » ou « commune » pour que soit possible la reconstruction du sens qui était dans l’esprit de l’auteur et qui a été objectivé dans les formes représentatives. C’est l’autonomie de ces dernières par rapport au lecteur qui permet l’objectivation du sens[11]. Comme chez Fazlur Rahman, la mise en place d’une méthode permet à Betti d’empêcher la subjectivité de l’interprète d’influer dans la recherche du sens[12]. Le processus de reconstruction de l’esprit de l’auteur ne doit tolérer aucune forme d’arbitraire. Betti a donc fixé quatre canons afin d’assurer l’objectivité de la compréhension[13]. La recherche de l’intention de l’auteur s’inscrit dans le lien intime que l’herméneutique romantique, notamment de Schleiermacher, pense possible entre l’esprit du lecteur et celui de l’auteur. La compréhension nécessite une empathie avec l’auteur, afin de comprendre le sens qu’il visait, son intention. Comprendre l’autre, c’est revivre intérieurement ce que lui-même a vécu au moment de la production de l’œuvre. Etant donné que derrière tout discours se trouve une pensée qui la précède, l’interprète doit chercher en pensée ce que l’auteur a voulu exprimer. Schleiermacher suppose donc que le véritable objectif de l’interprétation se trouve dans la pensée qui est derrière les expressions orales et écrites. Le lecteur doit chercher en pensée ce que l’auteur a précisément voulu exprimer et que révèle son discours. Pour Rahman, cette pensée à laquelle il faut accéder derrière la lettre des versets n’est autre que l’intention divine qui s’exprime à travers des principes universels. Ce que l’interprète doit chercher à comprendre, c’est donc « l’intention de sens »[14] qui préside au discours[15]. La « méthode divinatoire » de la compréhension, pour reprendre l’expression de Schleiermacher, permet alors de dissoudre ce qui est étranger dans le texte, abolissant par le biais de l’empathie la distance spatiale et temporelle afin de rendre présent le sens voulu par l’auteur.

L’Esprit à l’origine de la révélation Cette intériorité exprimée par l’intention de l’auteur, pour Fazlur Rahman, n’est autre que l’intention divine qui se manifeste dans le Coran et que l’interprète doit ressaisir de l’intérieur. Mais chez Rahman, la reformulation de cette herméneutique romantique dans un contexte islamique nécessite une conception particulière de la révélation dans laquelle l’esprit humain peut établir un lien intérieur avec l’esprit divin. Si cette empathie est possible, c’est parce que la parole est passée par le filtre de la conscience prophétique, si bien que l’enquête méthodologique peut déceler l’essence du message derrière la lettre historique. Le travail de « reconstruction » par lequel le lecteur refait en sens inverse le chemin de production de l’œuvre est donc possible également pour le Coran, bien qu’il s’agisse d’un discours révélé à la lettre. On voit par la même occasion l’enjeu de la primauté de l’Esprit dans l’herméneutique de Fazlur Rahman. Pour ce dernier, la révélation est un événement intérieur et spirituel. L’ange Gabriel n’est pas une réalité objective qui apporterait le message divin au Prophète, comme un « facteur »[16] présentant une lettre destinée à être elle-même partagée. Il y a bien révélation d’une parole divine, mais elle se fait dans le cœur du Prophète. Si le contenu de la révélation n’est pas matériel et extérieur, l’ange qui la fait descendre l’est moins encore. Fazlur Rahman conteste l’usage du terme « ange » pour décrire le messager de la révélation, étant donné que le Coran lui-même ne le décrit jamais en ces termes. Il parle de lui plutôt comme « Esprit »[17] ou « Messager spirituel », en s’éloignant de la conception traditionnelle pour laquelle Gabriel est l’ange de la révélation. Celle-ci est une réalité spirituelle et intérieure comme le rappelle le verset indiquant : « Nous t’avons ainsi révélé un Esprit qui provient de notre Commandement »[18]. L’Esprit est donc peut-être un pouvoir ou une faculté qui se développe dans le cœur du Prophète et qui devient révélation quand cela s’avère nécessaire. Pourtant, cette force n’aurait pas été produite par Mohammed lui-même et serait « descendue » sur lui d’en-« haut »[19].

Allant contre la position majoritaire, Rahman donne ainsi un rôle prépondérant au prophète Mohammed dont la personnalité influença le processus de révélation. « Le Coran est la réponse divine, à travers l’esprit du Prophète, à la situation morale et sociale de l’Arabie de l’époque »[20], écrit-il en donnant à l’esprit prophétique[21] une dimension doublement centrale puisque, d’une part, il s’inscrit dans la continuité de l’herméneutique romantique pour laquelle la compréhension passe par la recherche de l’intention de l’auteur et, d’autre part, il annonce la place centrale de l’intériorité prophétique dans la descente de la parole divine. C’est précisément parce que la parole divine est passée par le filtre prophétique que la recherche de l’intention de l’auteur est possible alors même qu’ici ce dernier n’est autre que Dieu lui-même infini et inconnaissable. C’est donc l’idée d’une révélation intérieure qui rendra possible la théorie du double mouvement. Cette conception semi-humaine de la révélation aura pour conséquence d’accorder un rôle déterminant au contexte historique. Le Coran lu par l’homme n’est donc pas le Livre céleste gardé auprès de Dieu. Il en est, dans une certaine mesure, une incarnation dans un langage humain. C’est en ce sens que pour Fazlur Rahman la parole divine a également une dimension humaine. L’enjeu de cette conception de la révélation est avant tout herméneutique. C’est le souci de relire le texte aujourd’hui et de le comprendre autrement qui le poussera à remettre en question l’idée d’une révélation extérieure.

La méthodologie du double mouvement

Prenant position pour Betti dans le débat sur l’objectivité du sens qui l’opposa à Gadamer, Rahman critique l’importance que ce dernier accorde aux préjugés, qui ont une position centrale dans sa pensée et qui empêchent la compréhension d’avoir une quelconque pertinence objective. Il présente cette herméneutique, qui récuse toute possibilité de dépasser le pré-conditionnement notamment en en prenant conscience, comme totalement opposée à la sienne. Si la thèse de Gadamer sur l’historicité de toute interprétation est vraie, précise-t-il, sa méthode du double mouvement n’aurait plus aucun sens. Il ne s’agit pas de nier l’histoire effective, mais de rappeler que le sujet peut en être pleinement conscient puisqu’il lui est possible d’y donner une nouvelle orientation[22]. À l’image de Betti, Rahman dissocie la phase objective de compréhension de la phase subjective d’application, alors que chez Gadamer elles constituent un tout indivisible, si bien que le sujet ne peut se détacher de la situation historique dans laquelle il se trouve. Pour Fazlur Rahman, le moment de compréhension et d’explication, correspondant au premier mouvement herméneutique, se distingue de la phase d’application qui, elle, est subjective. Rahman ne minimise pas l’horizon, l’historicité du sujet, il circonscrit son rôle à l’étape d’application. Car autrement, il aurait été impossible de comprendre objectivement les véritables intentions divines. Fazlur Rahman a été inspiré, disions-nous, par Emilio Betti, lui-même considéré comme dans la lignée de l’historicisme de Schleiermacher et de Dilthey. Si l’objectif de Dilthey était d’assurer la spécificité des sciences humaines face à l’invasion du modèle des sciences exactes de la nature, il n’en resta pas moins séduit par le modèle scientiste, notamment à travers sa recherche d’un fondement inébranlable. En effet, il écrit dans la préface de son Introduction aux sciences humaines qu’il recherche avant tout un appui solide sur lequel pourrait reposer « l’ordre et la structure des propositions susceptibles de certitude et de validité universelle dans le champ des sciences humaines »[23]. Comme le rappelle Grondin, le XIXe siècle ne fut pas seulement l’époque du romantisme, mais sera également marqué par le succès de la science et de la méthodologie, dont la finalité était d’aboutir à une « vérité universelle »[24]. Celle-ci représente le seul espoir d’échapper au cercle de l’historicité et, pour Rahman en particulier et l’historicisme islamique en général, elle est essentielle puisque c’est d’elle que dépend la possibilité même de la parole divine à continuer de faire sens.

Le premier mouvement de la méthodologie rahmanienne d’interprétation se subdivise lui-même en deux étapes. Dans un premier temps, l’interprète qui veut comprendre la signification d’un verset coranique doit étudier la situation historique auquel il servit de réponse. Rahman recommande ainsi de procéder à une étude historique de la société et des peuples de l’époque ainsi que de leurs institutions et modes de vie. Il faudra connaître les problèmes particuliers auxquels les propositions divines vinrent apporter des pistes de solution, en lisant ces solutions dans le contexte global du discours coranique. L’interprète devra également mettre en relation la situation particulière en réponse à laquelle se révèle un verset et la situation globale de l’Arabie de l’époque. Mais, à ce critère historique, Rahman ajoute une exigence de lecture du texte dans sa totalité. L’objectif est de connaître aussi bien les prescriptions coraniques particulières que le sens global du livre divin en tant que totalité[25]. Autrement dit, Rahman propose deux outils de recherche du sens objectif dans le premier mouvement de son herméneutique : l’étude de chaque verset dans le contexte historique du moment de la production de l’œuvre et dans le contexte textuel que constitue la totalité de cette œuvre, au nom de laquelle les parties et le tout doivent être lus ensemble[26]. Chaque verset s’inscrit dès lors dans une double relation dialectique : d’une part, entre la situation historique particulière de révélation et le contexte général et, d’autre part, entre le verset isolé et la totalité du discours coranique.

Les sens particuliers ainsi compris seront alors généralisés dans la deuxième étape du premier mouvement herméneutique et constitueront des finalités morales et sociales du Coran[27]. Cette première étape herméneutique suit donc un mouvement du particulier vers l’universel étant donné que la connaissance des significations particulières des versets en fonction de leur contexte de révélation permet de trouver les principes universels que défend le Coran et qui correspondent à l’intention divine. Le deuxième mouvement herméneutique aura dès lors pour finalité de penser de nouvelles possibilités d’application des principes universels qui sont des principes éthiques.

L’intention divine comme finalité éthique

La morale au-delà du littéral et du juridique

La finalité éthique du Coran dépasse la dimension juridique que l’orthodoxie conféra au discours coranique. Mais, de même que la conception semi-humaine de la révélation est au cœur de sa méthodologie herméneutique, de même c’est elle qui donne une légitimité à la dimension éthique que Rahman donne au Coran. Car la parole divine qui passe par le filtre de l’esprit prophétique se révélait précisément dans les moments où la conscience de Mohammed était pleinement identifiée à la loi morale, si bien que l’essence de la révélation passait par le prisme de la personnalité du Prophète pour apporter des réponses aux problèmes sociaux auxquels étaient confrontés ses contemporains. Or Dieu étant infiniment juste, l’un des principaux objectifs du Coran est de construire une société morale : « Sans aucun doute, l’objectif central du Coran est d’établir un ordre social viable sur la terre qui sera juste et éthiquement fondé »
[28]. Les principes éthiques constituent le fond de l’intention divine qui s’est exprimée dans le Coran en tenant compte du contexte historique. Les règles juridiques que le Coran établit ne sont donc pas une fin en soi, elles ne sont que des moyens historiquement déterminés pour atteindre l’objectif ultime du Coran qui est avant tout éthique. La parole divine a des finalités comme la justice ou l’égalité qu’elle a essayé de concrétiser à travers des obligations juridiques qui n’ont pas de valeur en soi. Contrairement aux principes moraux qui représentent l’essence du Coran, soit son archétype céleste qu’est la Table gardée, ces obligations ne sont donc ni universelles ni éternelles, mais sont tributaires du contexte historique et ont une finalité pédagogique. Le but n’est pas de punir, mais de montrer le chemin étant donné qu’il est une « Direction pour les hommes »[29]. Fazlur Rahman pense que l’on a exagéré la portée des versets juridiques en les présentant comme immuables. Ils ne sont qu’une manifestation historique des principes moraux universels correspondant à l’intention divine. Cette différence implique – et ce point est très important – que l’interprète du Coran devra s’éloigner de la lettre, car si celle-ci pourra être dépassée dans d’autres contextes historiques que celui de la révélation, les principes universels eux sont éternels. Conséquence directe de sa conception semi-humaine de la révélation, ce point qui offre la possibilité juridique de s’éloigner de la lettre de la parole divine a été l’objet de toutes les critiques, notamment dans son pays d’origine, au Pakistan. Rahman, quant à lui, reproche surtout à la jurisprudence classique d’avoir pensé le droit comme indépendant des règles morales. C’est pourquoi toutes les théories et les idées qui sont présentées comme ayant été tirées du Coran sous l’appellation de sharia doivent être réexaminées. L’objectif de Fazlur Rahman n’est pas de nier l’importance des règles juridiques, mais de rappeler que, d’une part, elles ne sont pas premières en termes d’importance, d’autre part, même en tant que secondes, elles ne doivent pas immédiatement suivre le sens littéral des versets. Elles ne peuvent être établies qu’une fois les principes moraux du Coran clairement identifiés car elles sont l’objet du Commandement divin (amr). Celles-ci peuvent donc évoluer avec le temps alors que les principes moraux, en tant que fruit de ce Commandement, sont immuables.

La conséquence de cette modification des règles de la jurisprudence est la possibilité de s’éloigner du sens littéral, car pour lui « insister sur une application littérale des règles du Coran, en fermant les yeux sur le changement social qui a eu lieu et qui s’accomplit si clairement sous nos yeux, équivaut à rejeter délibérément ses finalités et objectifs moraux et sociaux »
[30]. Ainsi, quand bien même, sur un plan théologique, l’auteur accepterait le fait que la lettre de la révélation est également divine et que celle-ci n’est pas qu’une simple inspiration des idées, il n’en demeure pas moins qu’en terme d’interprétation des textes le rôle joué par Mohammed, et donc du contexte historique, dans l’arrivée de la parole rend nécessaire de remettre en question l’application littérale des versets coraniques.

Unité divine et égalité humaine : la critique de l’esclavage et de la polygamie

Le projet social et moral du Coran qui permet de dépasser le sens littéral du texte repose essentiellement sur les notions de justice et d’égalité. Cette dernière peut être pensée entre les hommes, avec l’exemple de l’esclavage, mais elle peut également toucher les relations entre les hommes et les femmes, avec la polygamie. Or ce principe d’égalité entre les créatures est une conséquence directe de l’unicité et de la transcendance du créateur. C’est précisément parce que Dieu est infiniment supérieur à tous les êtres humains, que ces derniers ne peuvent qu’être égaux entre eux. L’humanité est une parce que Dieu est un. Les versets coraniques concernant, par exemple, la polygamie ou l’esclavage, et qui s’opposent à l’idée d’une égalité entre les hommes doivent donc être lus dans le cadre du contexte historique de l’époque de la révélation. La pratique traditionnelle de la polygamie est, pour Fazlur Rahman, en nette contradiction avec ce principe moral d’égalité. Pour lui, contrairement aux apparences, le Coran a en vérité pris position à ce sujet contre les pratiques antéislamiques. L’intention du verset IV/331, lu avec les versets 127 à 129 de la même sourate, doit être correctement comprise et, à cette fin, l’interprète doit tenir compte du contexte historique et des autres versets liés au même thème. Rahman propose donc d’appliquer ici sa double exigence des contextes textuel et historique. Or le verset précédent montre que le sujet touche les orphelines, que le Coran voudrait protéger contre leurs tuteurs ne respectant pas leurs biens et leurs droits. Suite à la multiplication des guerres, le nombre d’orphelins avait augmenté, explique l’auteur. Dès la période mecquoise, des versets mettent en garde contre l’envie de prendre possession des biens de l’orphelin
[32]. Le phénomène prenant de l’ampleur à Médine, la mise en garde coranique est encore plus violente puisque c’est l’enfer qui est promis aux tuteurs injustes[33]. Pour Rahman, ce contexte prouve que l’autorisation de quatre épouses concerne en vérité uniquement les orphelines, alors que les interprétations traditionnelles ont généralisé le propos à toutes les femmes[34]. Le Coran parle donc de la polygamie à propos des jeunes filles auxquelles leurs tuteurs ne restituent pas leurs biens alors qu’elles ont atteint la majorité. Dès lors, la possibilité d’en épouser quatre au maximum représentait le moindre mal. Par ailleurs, le Coran ajoute une condition à cette possibilité. L’homme doit être sûr d’être équitable entre les épouses, alors que le texte précise dans la même sourate que, de toute façon, l’homme n’y parviendra pas[35]. Rahman insiste sur le procédé méthodologique qui lui permet d’aboutir à de telles conclusions et qui le distingue des autres modernistes qui, eux, tombent dans un subjectivisme bien intentionné, mais absolument pas rigoureux puisqu’ils ne tiennent généralement pas compte de la totalité du texte et du contexte historique. Ils procèdent de façon sélective en se concentrant sur le verset de l’impossibilité de l’équité pour conclure trop vite à une impossibilité de la polygamie. En vérité, le Coran ne parle que des orphelines tout en conditionnant la possibilité des quatre épouses à l’exigence de justice. Précisons que, pour lui, la nécessité d’être équitable ne doit pas être comprise en termes financiers. Car quelqu’un de riche peut très bien également subvenir aux besoins de ses quatre femmes. Il s’agit plutôt d’équité affective, ce que le Coran peut effectivement décréter comme impossible[36]. Conformément à l’importance dans sa méthode d’interprétation du cercle herméneutique entre les parties et le tout, Rahman explicite ses positions en ayant recours à une lecture transversale de versets qui se recoupent entre eux[37]. Il cite ainsi les versets XXX/21 – « Et il a établi l’amour et la bonté entre vous » – et II/187, qui évoque la relation entre Adam et Eve, pour dire que la relation maritale ne saurait être réduite à des considérations matérielles. Cette impossible équité désigne donc, selon lui, l’impossibilité d’aimer plusieurs femmes à la fois avec la même intensité. En guise d’argument coranique en faveur de la monogamie, Rahman cite également les nombreuses occurrences de l’idée de couple dans la conception coranique de la nature : « Nous avons créé un couple de chaque chose »[38], « Dieu vous a créés de terre, puis d’une goutte de sperme. Il vous a ensuite établis en couple »[39].

Pour lui, la question de la polygamie est similaire à celle de l’esclavage, où il est également question d’égalité entre les hommes et de justice. Dans le verset XXIV/33, le Coran recommande de libérer des esclaves en rédigeant des « contrats d’affranchissement » ; et, dans le même passage, il est demandé aux maîtres de donner aux esclaves des biens que Dieu leur a accordés. Mais, constate Rahman, pour de nombreux juristes, il ne s’agissait là que de recommandations, de conseils ; lecture qui a été facilitée par les circonstances historiques. La jurisprudence islamique classique n’a donc pas été capable de constater que « le véritable objectif du Coran à ce propos est bien évidement de mettre totalement fin à l’esclavage »[40]. Ainsi, le Coran conseille aux croyants de faciliter aux esclaves le rachat de leur liberté, de racheter ceux des autres afin de les libérer[41] ou inflige comme peine l’affranchissement d’esclaves pour certains délits[42]. Le Coran accepte donc l’esclavage sur un plan juridique, mais met également en place les dispositions nécessaires pour l’éradiquer progressivement[43]. En matière de législation, le Coran a toujours fonctionné ainsi, explique Rahman. Les versets qui posent une loi générale ou une règle juridique fournissent également la ratio legis (‘illa), qui, pour être pleinement comprise, nécessite une bonne connaissance du contexte historique et une lecture globale du texte. Dès lors, si le contexte historique a changé, la loi elle-même devrait pouvoir évoluer[44]. Pour la polygamie comme pour l’esclavage, nous avons là une illustration de la portée pédagogique de l’enseignement coranique. Le livre divin est une guidance, un chemin au sens propre du terme, c’est-à-dire qu’il porte l’individu et la société d’un point à un autre[45]. Le Coran ne réforme pas le monde de l’époque, il le forme, le met dans les bonnes dispositions pour pouvoir évoluer. Le Prophète n’était pas un idéaliste utopiste, précise Rahman, il ne se contentait pas de rêver d’un monde meilleur. Il était chargé de faire en sorte que les principes moraux du Coran, seule universalité acceptable, prennent vie dans le particulier du vécu de chacun.

Le principal problème que pose la méthodologie proposée par Fazlur Rahman est celle de la possibilité pour l’interprète de dépasser ses préjugés dans le premier mouvement herméneutique[46]. En effet, ce saut vers le passé est-il seulement possible ? S’il peut être tentant d’adresser à Rahman la critique que Gadamer fera de l’historicisme romantique dans Vérité et méthode, Rahman tente d’y répondre en indiquant que le chemin du premier au second mouvement n’est pas linéaire mais circulaire, dans la mesure où le second mouvement peut toujours a posteriori corriger le premier. Rahman tient compte de l’historicité du sujet, mais seulement au moment de l’application des règles universelles à la situation actuelle de l’interprète. Si le premier mouvement est pleinement cognitif, dans le sens où la détermination des principes coraniques relève d’un processus épistémologique destiné à obtenir des connaissances théoriques, le deuxième mouvement est existentiel, étant donné qu’il s’agit d’actualiser la dimension pratique des principes coraniques[47]. Or compte tenu de la relation circulaire entre les deux mouvements, la subjectivité intervient indirectement également dans le premier mouvement. Rahman précise en effet que des problèmes rencontrés au moment de l’application des principes universels peuvent inciter à questionner la légitimité des finalités obtenues avec le premier mouvement. À la double dialectique entre tout et parties dans le texte et dans le contexte historique, s’en ajoute une troisième entre les deux mouvements de l’herméneutique rahmanienne qui constituent un va-et-vient entre l’universel et le particulier. Si les principes universels ne peuvent être appliqués à la situation contemporaine, soit celle-ci a mal été évaluée, soit l’interprète a commis une erreur durant l’étape de détermination de la finalité du texte. Le second mouvement a donc également une fonction « corrective »[48] par rapport au premier, et l’accès au sens objectif relèverait alors moins de l’acquis que d’un processus sans fin à jamais perfectible. Mais il n’en demeure pas moins que la tâche herméneutique a pour finalité le sens parfaitement objectif, même si ce dernier est difficile à atteindre. Le cercle herméneutique est donc aussi bien présent dans le premier mouvement de l’herméneutique rahmanienne que dans la dialectique même qui relie les deux mouvements entre eux. Selon Rahman, les parties doivent être comprises à partir du tout, qui lui-même doit être compris par le biais des parties[49].

Ainsi, si Rahman laisse souvent entendre que la connaissance objective du sens est pleinement accessible à l’homme pourvu qu’il use de sa raison pour appliquer la bonne méthode, il suggère également que cette pleine objectivité est sans doute impossible et qu’il s’agit davantage de limiter au maximum l’influence de la subjectivité. Car « toutes les exégèses et toutes les méthodes qui prétendent mener à la vérité sont subjectives, et c’est là quelque chose d’indépassable »[50] si bien que l’objectivité relève plutôt d’un « telos asymptotique »[51].

Bibliography

_____________________

Betti E., « Hermeneutics as the general methodology of the Geisteswissenschaften », Contemporary Hermeneutics, ed. J. Bleicher, Londres, Routledge et Kegan Paul, 1980.

Le Coran, trad. D. Masson, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1967.

Ferjani M.-C., Le politique et le religieux dans le champ islamique, Paris, Fayard, 2005.

Grondin J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993.

Petit J.-C., « Herméneutique philosophique et théologie », Laval théologique et philosophique, v. 41, n°2, 1985. DOI : 10.7202/400164ar

Rahman F., « Approaches to Islam in Religious Studies: A Review », Approaches to Islam in Religious Studies, ed. R. C. Martin, Tucson, University of Arizona Press, 1985.

Rahman F., « Controversy Over the Muslim Family Laws Ordinance », South Asian Politics and Religion, ed. D. Smith, New Jersey, Princeton University Press, 1966.

Rahman F., Islam, Chicago, University of Chicago Press, 1982, 2e éd.

Rahman F., Islamic Methodology in History, Karachi, Iqbal Academy, 1965.

Rahman F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982.

Rahman F., « Islamic Modernism: Its Scope, Method, and Alternatives », International Journal of Middle East Studies, v. 1, n°4, 1970. DOI : 10.1017/S0020743800000714

Rahman F., Major Themes of the Qur’an, Chigaco, Bibliotheca Islamica, 1980.

Rahman F., « Review of Islamic Jurisprudence by Kemal Faruki », Islamic Studies, v. 1, n° 71, 1962.

Rahman F., « Some Islamic Issues in the Ayyub Khan Era », Essays On Islamic Civilization: Presented to Niyazi Berkes, ed. D. P. Little, Leiden, E. J. Brill, 1976.

Rahman F., « The Status of Women in Islam: A Modernist Interpretation », Separate Worlds: Studies of Purdah in South Asia, ed. H. Papanek et G. Minault, Delhi, Chanakya Publications, 1982.

Schleiermacher F., Kurze Darstellung des theologischen Studiums, Berlin, G. Reimer, 1830.

Talbi M., Plaidoyer pour un islam moderne, Tunis, Cérès Editions, 2006.

Tatar B., Interpretation and the Problem of the Intention of the Author: H.-G. Gadamer vs E. D. Hirsch, Washington, Council for Research in Values and Philosophy, 1998.

Notes

_____________________

1 Rahman, F., Islam, Chicago, University of Chicago Press, 1982, 2e éd., p. 261. L’auteur présente la méthode qu’il propose comme la plus satisfaisante et la « seule possible », car elle est « honnête, réaliste et applicable » : « Although this method of interpretation of the Qur’ân and the Sunna seems to be the most satisfactory and perhaps the only possible one – it is honest, true and practical – there is no reason to believe that Muslims are ready to accept it ». Rahman, F., « Islamic Modernism: Its Scope, Method, and Alternatives », International Journal of Middle East Studies, v. 1, n°4, 1970, p. 331.

2 Petit, J.-C., « Herméneutique philosophique et théologie », Laval théologique et philosophique, v. 41, n° 2, 1985, p. 161. Jean-Claude Petit précise que l’idée d’une dualité entre herméneutique et critique, telle qu’on la trouve chez Schleiermacher, a également alimenté cette vision de l’herméneutique comme une technique.

3 Schleiermacher, F., Kurze Darstellung des theologischen Studiums, Berlin, G. Reimer, 1830, § 132, p. 59. Nous citons la traduction qu’en fait Petit.

4 Elle est également appelée « Table gardée » (Coran, LXXXV/21-22), « feuillets purifiés » (XCVIII/2) ou « Livre caché » (LVI/78) et désigne l’archétype céleste de la révélation divine dont le Coran est une manifestation terrestre.

5 Rahman, F., « Islamic Modernism: Its Scope, Method, and Alternatives », International Journal of Middle East Studies, v. 1, n°4, 1970, p. 329.

6 Grondin, J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 127.

7 Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 8.

8 Betti, E., « Hermeneutics as the General Methodology of the Geisteswissenschaften », Contemporary Hermeneutics, ed. J. Bleicher, Londres, Routledge et Kegan Paul, 1980, p. 53.

9 Grondin, J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 196.

10 Ibid., p. 199.

11 Tatar, B., Interpretation and the Problem of the Intention of the Author: H.-G. Gadamer vs E. D. Hirsch, Washington, Council for Research in Values and Philosophy, 1998, p. 72.

12 Pour Körner, l’idée de mouvement aurait également été inspirée à Rahman par Betti. Mais il ajoute que Rahman apporte deux modifications au modèle de Betti. D’une part, l’esprit de l’auteur ne saurait être pensé indépendamment du contexte historique de production de l’œuvre. D’autre part, Rahman complète le système en ajoutant le deuxième mouvement que constitue l’application au monde du lecteur. Körner, Revisionist Koran Hermeneutics in Contemporary Turkish University Theology: Rethinking Islam, p. 115.

13 Voir Grondin, J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 201-202.

14 Grondin, J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 88.

15 Schleiermacher distingue, d’une part, le « côté grammatical » relevant de la philologie classique et qui désigne le fait que tout discours est une partie de la totalité du langage à travers lequel s’exprime une communauté et, d’autre part, le « côté technique » étant donné qu’en tant que témoignage d’une âme individuelle, ce même discours se distingue de n’importe quel autre discours tenu par un autre auteur.

16 Rahman, F., « Some Islamic Issues in the Ayyub Khan Era », Essays On Islamic Civilization: Presented to Niyazi Berkes, ed. D. P. Little, Leiden, E. J. Brill, 1976, p. 309.

17 Rahman, F., Major Themes of the Qur’an, Chigaco, Bibliotheca Islamica, 1980, p. 95.

18 XLII/52.

19 Rahman, F., Major Themes of the Qur’an, Chigaco, Bibliotheca Islamica, 1980, p. 97.

20 Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 5.

21 Nous traduirons les termes « mind », désignant le récepteur de la révélation, et « Spirit », désignant le véhicule de la révélation, par le même mot « esprit », mais en mettant une majuscule pour le second sens, conformément à l’usage employé par l’auteur qui, quand il l’emploie dans ce sens, met une majuscule à « Spirit ».

22 Rahman rappelle que des Saint-Thomas d’Aquin ou des Gazâlî ont pu donner de nouvelles orientations à la tradition, qui, après eux, ne sera plus jamais la même. Or la critique et la modification d’une tradition suppose une pleine conscience de ce qui est critiqué et, par la même occasion, une conscience de soi. Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 10.

23 Grondin, J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 116.

24 Ibid., p. 103.

25 Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 6.

26 Pour lui, la méthode est d’autant plus objective que le premier moment de son herméneutique relève plus d’une connaissance que d’une compréhension, si bien que la foi n’est pas un élément déterminant dans la découverte des finalités éthiques du Coran. Rahman, F.,« Approaches to Islam in Religious Studies: A Review », Approaches to Islam in Religious Studies, éd. Richard C. Martin, Tucson, University of Arizona Press, 1985, p. 192. Pour la distinction entre la « pure cognition » (pure cognition) et la « foi émotionnelle » (emotive faith) voir : Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 4.

27 « The second step is to generalize those specific answers and enunciate them as statements of general moral-social objectives that can be ‘distilled’ from specific texts in the light of the socio-historical background and the often-stated rationes legis. ». Tatar, B., Interpretation and the Problem of the Intention of the Author: H.-G. Gadamer vs E. D. Hirsch, Washington, Council for Research in Values and Philosophy, 1998, p. 171.

28 Rahman, F., Major Themes of the Qur’an, Chigaco, Bibliotheca Islamica, 1980, p. 37.

29 II/185. Mohamed-Chérif Ferjani indique, de même, que la sharia est moins une loi qu’une voie, une direction. La sharia désigne moins un code juridique découlant directement du Coran que, conformément à l’étymologie de sharî’a, l’idée de « voie menant à une source ». Ferjani, M.-C., Le politique et le religieux dans le champ islamique, Paris, Fayard, 2005, p. 73.

30 Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 19.

31 « Si vous craignez de ne pas être équitables à l’égard des orphelins… Épousez, comme il vous plaira, deux, trois ou quatre femmes. Mais si vous craignez de ne pas être équitables, prenez une seule femme ou vos captives de guerre ».

32 VI/152 ; XVII/34.

33 IV/10.

34 Rahman, F., « The Status of Women in Islam: A Modernist Interpretation », Separate Worlds: Studies of Purdah in South Asia, ed. H. Papanek et G. Minault, Delhi, Chanakya Publications, 1982, p. 299.

35 IV/129.

36 Rahman, F., « Controversy Over the Muslim Family Laws Ordinance », South Asian Politics and Religion, ed. D. Smith, New Jersey, Princeton University Press, 1966, p. 417.

37 De même, il rappelle la façon dont le calife Omar s’éloigna du sens littéral du Coran sur la répartition du butin entre les combattants et refusa de partager la terre de Sawâd. Il ne fit pas appel aux versets habituels sur le partage du butin, mais au verset LIX/7 en vue de se conformer à la finalité morale et sociale du Coran. Les terres nouvellement conquises devaient profiter à l’ensemble des musulmans et non pas uniquement aux guerriers. Rahman, F., Islamic Methodology in History, Karachi, Iqbal Academy, 1965, p. 179-181. Le verset en question indique que le butin appartient « à Dieu et à son Prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, au voyageur » afin qu’il ne soit pas attribué aux riches. Cette illustration à travers l’histoire de l’islam témoigne également de l’effort permanent de Rahman de s’inscrire, malgré ses critiques, dans une filiation traditionnelle en refusant d’être vu comme un moderniste qui voudrait, sans légitimité méthodologique, conférer de nouvelles significations au Coran.

38 LI/49.

39 XXXV/11.

40 Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 19.

41 XC/12-13.

42 LVIII/3.

43 Rahman, F., Major Themes of the Qur’an, Chigaco, Bibliotheca Islamica, 1980, p. 48 : « The Qur’ân legally accepted the institution of slavery, since it was impossible to legislate it away at one stroke, but strongly recommended and encouraged emancipation of slaves ».

44 « When the situation so changes that the law fails to reflect the ratio, the law must change. Traditional lawyers, however, while recognizing the ratio legis, generally stuck to the letter of the law and enunciated the principlethat "Although a law is occasioned by a specific situation, its application nevertheless becomes universal" ». Rahman, F., Major Themes of the Qur’an, Chigaco, Bibliotheca Islamica, 1980, p. 48.

45 De façon similaire, Mohammed Talbi a recours à la métaphore du « vecteur orienté ». « Comme un mathématicien », l’historien doit déterminer les points permettant de tracer un vecteur. Dès lors, « une bonne exégèse doit aller dans le sens de ce vecteur », afin d’aller dans le sens même voulu par Dieu. La prise en compte de l’évolution historique de la société qui reçut la révélation, en tenant notamment compte de ce qu’elle était avant et de ce qu’elle devint après, permet d’expliciter la finalité du Législateur. Talbi, M., Plaidoyer pour un islam moderne, Tunis, Cérès Editions, 2006, p. 67.

46 « If Gadamer's thesis is correct, then the double-movement theory I have put forward has no meaning at all » : Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 8.

47 Tatar, B., Interpretation and the Problem of the Intention of the Author: H.-G. Gadamer vs E. D. Hirsch, Washington, Council for Research in Values and Philosophy, 1998, p. 173.

48 Rahman, F., Islam and Modernity: Transformation of an Intellectual Tradition, Chicago, University of Chicago Press, Publications of the Center for Middle Eastern Studies, n° 15, 1982, p. 7 : « If the results of understanding fail in application now, then either there has been a failure to assess the present situation correctly or a failure in understanding the Qur’ân ».

49 Rahman, F., « Review of Islamic Jurisprudence by Kemal Faruki », Islamic Studies, v. 1, n° 71, 1962, p. 289.

50 Rahman, F., « Islamic Modernism: Its Scope, Method, and Alternatives », International Journal of Middle East Studies, v. 1, n°4, 1970, p. 330.

51 Grondin, J., L’universalité de l’herméneutique, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 201.

Fazlur Rahman et le Coran : la recherche méthodique de l’intention de l’Auteur






LinkedIn
Facebook
Twitter
Academia.edu
ResearchGate


Notre newsletter



Nos éditions




Vient de paraître
Ordre du monde islam
Nietzche au paradis
SANGARE_Penser_couv_France_Dumas-scaled
Omero
Alc
rivet
islam et science
Mino
Sulami