AOC
le 19 février 2018
Par Phillipe Marlière, Politiste, Professeur de Science Politique à l'University College London
La querelle autour du hijab, ce vieux feuilleton français. Il est apparu dans nos médias en 1989, lorsque trois collégiennes qui portaient un foulard ont été exclues de leur établissement scolaire. La saga dite du foulard/voile/hijab n’est pas de bonne qualité. Ses acteur.ice.s principaux.les sont fatigué.e.s et récitent leur rôle sans grande conviction. Depuis le temps, les positions se sont durcies : au nom de la laïcité, les partisan.e.s de l’interdiction des signes religieux à l’école s’opposent à celles et ceux qui voient dans le rejet virulent du hijab une atteinte à la laïcité car celle-ci garantit l’expression des croyances dans l’espace public.
Au nom de la défense de la laïcité (entendue ici comme un espace a-religieux) et de l’égalité entre élèves, les député.e.s ont voté en 2004 une loi interdisant le port de signes religieux « ostentatoires ». Cette décision est troublante à double titre : en vertu de la loi de 1905 qui aménage la séparation de l’Église et de l’État, seul.e.s les fonctionnaires sont tenu.e.s à un devoir de neutralité. Pourquoi avoir étendu cette prescription à des élèves qui ne sont que des usagers d’un service public ? Par ailleurs, on peut s’interroger sur cette conception de l’égalité qui impose à toutes et à tous de se conformer à un modèle vestimentaire dominant. De fait, en interdisant le pluralisme vestimentaire dans les écoles, on ne respecte pas les croyances de tous.tes élèves et on les traite en conséquence de manière inégale. Une égalité réelle ne devrait-elle pas, au contraire, respecter les choix et croyances de toutes et tous ? Peut-on parler d’égalité quand des élèves sont brimées ou humiliées par une injonction vestimentaire qui s’impose à elles contre leur gré ?
La loi de 2004 a donné raison aux partisan.e.s d’une interprétation communautarienne de la laïcité. Cette lecture est « communautarienne » (le terme est utilisé ici dans son acception en philosophie politique) dans le sens où elle a pour principe l’obligation pour chaque élève de se conformer aux normes et pratiques dominantes de la communauté nationale (dans le cas français, il s’agit d’une culture ambiante qui est hostile aux religions, notamment l’islam). Une interprétation pluraliste et libérale (dans l’esprit des débats qui ont amené au vote de la loi de 1905) aurait toléré le port de signes religieux en classe. Force est de constater que les interdictions des signes religieux restent rares dans les écoles en Europe. On s’aperçoit alors que ces signes religieux n’entravent ni le déroulement des enseignements, ni n’incommodent les autres élèves.
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