Alors que le conflit israélo-palestinien connaît soudain une nouvelle escalada dans une région minée par les guerres, le cinquième tome de l'oeuvre monumentale de l'historien, professeur au Collège de France Henry Laurens sur la question de Palestine paraît en librairie*. Le conflit s'éternise, tandis qu'un autre, de bien plus grande ampleur, la tragédie syrienne, entraîne toute la région dans un chaos mortel.
La "guerre des couteaux" qui a lieu en Israël est-elle une nouvelle forme d'Intifada?
Je ne crois pas, même si des attaques au couteau dans la rue ont déjà eu lieu à la fin de la première Intifada [1987-1993]. Il ne semble pas qu'il y ait le même effet d'entraînement de la part des deux grandes tendances politiques palestiniennes que lors des précédents soulèvements. Le Hamas essaie de pousser au mouvement, mais il est peu présent en Cisjordanie du fait de la répression de l'Autorité palestinienne et des autorités israéliennes.
Pour l'instant, le Fatah n'entre pas en jeu. Une question reste en suspens: combien de temps les forces de sécurité palestiniennes accepteront-elles de voir des jeunes lanceurs de pierre se faire tuer par l'armée israélienne? En 2000, cela avait conduit à l'élargissement du conflit. A l'époque, les moyens de mobilisation étaient banals: le tract, le fax, la radio... Aujourd'hui, Facebook et les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel. Preuve que ces jeunes ne sont pas reliés à une organisation centralisée.
Pourquoi cette nouvelle crise éclate-t-elle maintenant?
Dans une situation où tout futur est absent, l'exaspération finit par éclater. Il y a le sentiment, chez les Palestiniens, que l'occupation, la colonisation et la répression s'accentuent. Avant la première Intifada, certains juifs allaient faire leurs courses en Cisjordanie et la main d'oeuvre arabe alimentait l'économie israélienne; les uns et les autres avaient une certaine vision des deux sociétés. Tout cela a disparu. Les Palestiniens ne connaissent plus les Israéliens que sous la forme de policiers, de soldats et de colons. Des générations entières d'Israéliens ont fait leur service militaire dans les territoires occupés, donc, à titre divers, dans des entreprises qui passent par la "brutalisation" de la population palestinienne. L'occupation pacifique, cela n'existe pas.
Les tensions montent au sujet de l'esplanade des Mosquées, lieu saint de l'islam, où était édifié, jadis, le temple de Salomon, vénéré par les juifs...
Le premier conflit autour de ce lieu emblématique du judaïsme et de l'islam est ancien, puisqu'il remonte à 1929. En 1967, Israël a proclamé sa souveraineté sur Jérusalem et sur l'esplanade des Mosquées - ce qui n'est pas reconnu sur le plan international. Un statu quo confie la gestion du lieu saint aux Jordaniens. Depuis deux ans, cependant, les Palestiniens ont le sentiment très fort que les Israéliens veulent imposer un partage de l'esplanade, voire davantage. Comme à Hébron, en Cisjordanie, où le tombeau des Patriarches est désormais accessible aux juifs autant qu'aux musulmans. L'expérience a démontré aux Palestiniens qu'ils ne peuvent avoir aucune confiance dans les engagements verbaux des autorités israéliennes à maintenir ce statu quo. Lire la suite .