La missiologie a longtemps été considérée comme une science exclusivement chrétienne; or il en existe une dans chaque religion monothéiste (le cas du judaïsme étant particulier puisqu'en principe cette religion n'admet pas la conversion ou avec beaucoup de réserves). L'ouvrage de Yacob Mahi nous donne une intéressante étude du cas d'un missionnaire musulman.
Par Jean Martin
Broché : 254 pages
Editeur : Editions L'Harmattan
Date de Parution : 1 mai 2015
Langue : Français
ISBN-10 : 2343044155
Quatrième de couverture
La vie de l'imam Sadek Charaf est indivisiblement celle d'un savant et d'un militant. Pionnier de l'art discursif islamique en Belgique et au Togo, l'étude du "verbe charafien" permet de déceler les contours d'une figure emblématique de l'islam européen. Sa pensée religieuse tente la réforme en revivifiant la foi dans le coeur du musulman, face à l'ignorance, au matérialisme et à la superstition. Réformiste, érudit, homme d'étude et de prière, il aura joué un rôle important dans l'aménagement des procédures et des implications socio-spirituelles des musulmans belges.
Sa présence, tant depuis sa formation au Caire à l'université Al Azhar, qu'au Togo comme enseignant, ou encore en Belgique comme formateur, la séquence historique de 30 ans de da`wa, aura fait de cet homme qui, à peine atteint l'âge de 57 ans, aura été fidèle à son rêve de 18 ans, et fait de lui, un réformiste de notre temps.
Yacob Mahi est un théologien et islamologue belge. Docteur en Histoire et sciences des religions à l'université Lille 3, enseignant les sciences islamiques à Bruxelles et conférencier autour des questions liées à l'islam et aux débats de société, il est engagé dans le dialogue des civilisations depuis des années, et participe à de nombreux débats télévisés autour de questions liées à l'islam dans les sociétés postmodernes et à l'éthique. Il a écrit de nombreux articles, et il a enseigné l'herméneutique et la pensée islamique à l'université.
Sa présence, tant depuis sa formation au Caire à l'université Al Azhar, qu'au Togo comme enseignant, ou encore en Belgique comme formateur, la séquence historique de 30 ans de da`wa, aura fait de cet homme qui, à peine atteint l'âge de 57 ans, aura été fidèle à son rêve de 18 ans, et fait de lui, un réformiste de notre temps.
Yacob Mahi est un théologien et islamologue belge. Docteur en Histoire et sciences des religions à l'université Lille 3, enseignant les sciences islamiques à Bruxelles et conférencier autour des questions liées à l'islam et aux débats de société, il est engagé dans le dialogue des civilisations depuis des années, et participe à de nombreux débats télévisés autour de questions liées à l'islam dans les sociétés postmodernes et à l'éthique. Il a écrit de nombreux articles, et il a enseigné l'herméneutique et la pensée islamique à l'université.
Recension
Enseignant belge (d'origine marocaine) de sciences religieuses islamiques dans la région bruxelloise, Yacob Mahi est un prédicateur assez connu en Belgique francophone où il participe fréquemment à des entretiens interreligieux et à des débats radiodiffusés et télévisés consacrés à l'islam dans les sociétés postmodernes. Il a enseigné l'herméneutique et la pensée islamique aux facultés Saint Louis. Il se situe dans la mouvance intellectuelle et spirituelle de Tariq Ramadan.
Yacob Mahi a consacré sa thèse, soutenue à Lille 3 en 2008 [1], à l'imam égyptien Sadek Charaf (1936-1993) qui, après avoir étudié à El Azhar se trouva en désaccord avec le pouvoir nassérien. Il se rendit au Togo en 1964 où il exerça son activité missionnaire et pédagogique pendant une dizaine d'années s'efforçant de structurer l'islam togolais. Etabli ensuite en Belgique, il se consacra à des activités d'enseignement et de prédication au sein du CICB (Centre islamique et culturel de Belgique) avec lequel il entra en conflit. Par la suite, il se consacra notamment à la fondation de l'Institut Européen des Hautes études islamiques puis d'une école secondaire musulmane.
Yacob Mahi retrace, sans sombrer dans l'hagiographie, la vie et l'oeuvre du cheikh. Originaire de Mansourah, petite ville à l'est du delta, dans une famille de la petite aristocratie terrienne mamlouk, Sadek suivit le cursus ordinaire de beaucoup de religieux égyptiens. Il fréquenta un Koutab de sa ville natale, où il semble s'être distingué par sa précocité, puisqu'à l'âge dix ans il mémorisait le Coran. Il fut ensuite admis, sur la recommandation de son maître d'école, à la madrasa de Damiette puis en 1952, revenu à Mansourah, il fut admis à l'institut azharite de cette ville où il étudia les sciences religieuses. Il en sortit en 1954 avec un diplôme de fin d'études de premier cycle puis obtint en juin 1958 son diplôme de fin d'études secondaires. Admis sur examen à la faculté de théologie (« usul ad-din ») d'El-Azhar, il allait étudier pendant cinq ans dans cette prestigieuse institution pour en sortir en 1963 avec un diplôme de troisième cycle en dogmatique et philosophie (« Usul al-akida wa al falasafa »). Il lui avait encore fallu faire son service militaire au moment de la guerre du canal (11 mois). L'Egypte nassérienne offrait peu de débouchés aux spécialistes de sciences du kalam. En lui vivait le sens de la mission, de l'appel (« dawa »). Un ministre togolais de passage en Egypte avait demandé des coopérants en sciences islamiques : il se porta volontaire.
Son séjour au Togo (1964-1973) a particulièrement retenu notre attention. Il se trouvait en contact avec une autre aire culturelle de l'islam, dans un pays non-arabophone et au milieu d'une population qui n'était pas majoritairement musulmane. Cet islam noir, bien étudié par Vincent Monteil, Triaud et quelques autres allait constituer pour Sadek Charaf, selon les termes de Yacob Mahi, un « environnement formatif » (chapitre 2) et contribua à l'édification de sa personnalité. Il se fixa d'abord à Sokodé, ville de la savane du nord où l'islam était implanté de longue date. La localité était dotée d'une grande mosquée depuis 1948 et d'une madrasa depuis 1962. Il est bien connu que les pays de savane sont assez réceptifs à l'islamisation.
Mais il se trouvait en présence d'un islam archaïque et confrérique qu'il lui fallut structurer en même temps qu'il s'employait à réduire les tensions entre confréries (Qadiriyya et Tijaniyya essentiellement). Dans ce pays francophone, il lui fallut apprendre le français et ce savant théologien ne dédaigna pas de se présenter au CEP (1969). Il lui fallait enfin relever le niveau des « fuqaha » et des imams qui n'avaient souvent reçu qu'une formation des plus rudimentaires. Deux ans après son arrivée, une grande école coranique fut construite à Sokodé. Yacob Mahi nous donne force détails sur les programmes et le corps enseignant de cet établissement. Se consacrant inlassablement à l'action missionnaire, Sadek Charaf fut également un collaborateur actif de l'UMT (Union Musulmane du Togo) qui regroupait diverses associations et tendances de l'islam togolais.
En 1974 s'ouvre une nouvelle phase de la vie de Sadek Charaf. Après un bref retour en Egypte, l'imam se rendit en Belgique, l'année même où le culte musulman venait d'être reconnu (officialisé dirions-nous) par les pouvoirs publics [2]. Il se trouvait en présence d'une communauté hétérogène dont Marocains et Turcs étaient les deux éléments principaux, sans grandes affinités culturelles. Il exercera son ministère dans ce pays pendant dix neuf ans, jusqu'à sa fin prématurée survenue en 1993, au sein de cette communauté en mutation. (Elle devient progressivement francophone).
Engagé d'abord au sein du CICB (Centre islamique culturel de Belgique), il connaîtra quelques tensions avec les dirigeants de cet organisme qu'il quittera momentanément en 1978. Devenu une figure très populaire et très respectée de la prédication islamique, il crée une union des imams (1986) et parcourt divers pays d'Europe occidentale, assurant partout des prédications dans les mosquées avant de dispenser des enseignements au sein de l'Institut des Hautes Etudes Islamiques de Bruxelles (rattaché au CICB) tout en assumant la direction du Dar Al-Ifta (maison de la jurisprudence).
Dans une seconde partie intitulée: « Sadek Charaf, un réformiste pour notre temps » Yacob Mahi analyse les thèmes principaux (moral, social et spirituel) du discours charafien et étudie ses méthodes de commentaire (« tafsir ») et de prédication.
La missiologie a longtemps été considérée comme une science exclusivement chrétienne; or il en existe une dans chaque religion monothéiste (le cas du judaïsme étant particulier puisqu'en principe cette religion n'admet pas la conversion ou avec beaucoup de réserves). L'ouvrage de Yacob Mahi nous donne une intéressante étude du cas d'un missionnaire musulman.
Yacob Mahi a consacré sa thèse, soutenue à Lille 3 en 2008 [1], à l'imam égyptien Sadek Charaf (1936-1993) qui, après avoir étudié à El Azhar se trouva en désaccord avec le pouvoir nassérien. Il se rendit au Togo en 1964 où il exerça son activité missionnaire et pédagogique pendant une dizaine d'années s'efforçant de structurer l'islam togolais. Etabli ensuite en Belgique, il se consacra à des activités d'enseignement et de prédication au sein du CICB (Centre islamique et culturel de Belgique) avec lequel il entra en conflit. Par la suite, il se consacra notamment à la fondation de l'Institut Européen des Hautes études islamiques puis d'une école secondaire musulmane.
Yacob Mahi retrace, sans sombrer dans l'hagiographie, la vie et l'oeuvre du cheikh. Originaire de Mansourah, petite ville à l'est du delta, dans une famille de la petite aristocratie terrienne mamlouk, Sadek suivit le cursus ordinaire de beaucoup de religieux égyptiens. Il fréquenta un Koutab de sa ville natale, où il semble s'être distingué par sa précocité, puisqu'à l'âge dix ans il mémorisait le Coran. Il fut ensuite admis, sur la recommandation de son maître d'école, à la madrasa de Damiette puis en 1952, revenu à Mansourah, il fut admis à l'institut azharite de cette ville où il étudia les sciences religieuses. Il en sortit en 1954 avec un diplôme de fin d'études de premier cycle puis obtint en juin 1958 son diplôme de fin d'études secondaires. Admis sur examen à la faculté de théologie (« usul ad-din ») d'El-Azhar, il allait étudier pendant cinq ans dans cette prestigieuse institution pour en sortir en 1963 avec un diplôme de troisième cycle en dogmatique et philosophie (« Usul al-akida wa al falasafa »). Il lui avait encore fallu faire son service militaire au moment de la guerre du canal (11 mois). L'Egypte nassérienne offrait peu de débouchés aux spécialistes de sciences du kalam. En lui vivait le sens de la mission, de l'appel (« dawa »). Un ministre togolais de passage en Egypte avait demandé des coopérants en sciences islamiques : il se porta volontaire.
Son séjour au Togo (1964-1973) a particulièrement retenu notre attention. Il se trouvait en contact avec une autre aire culturelle de l'islam, dans un pays non-arabophone et au milieu d'une population qui n'était pas majoritairement musulmane. Cet islam noir, bien étudié par Vincent Monteil, Triaud et quelques autres allait constituer pour Sadek Charaf, selon les termes de Yacob Mahi, un « environnement formatif » (chapitre 2) et contribua à l'édification de sa personnalité. Il se fixa d'abord à Sokodé, ville de la savane du nord où l'islam était implanté de longue date. La localité était dotée d'une grande mosquée depuis 1948 et d'une madrasa depuis 1962. Il est bien connu que les pays de savane sont assez réceptifs à l'islamisation.
Mais il se trouvait en présence d'un islam archaïque et confrérique qu'il lui fallut structurer en même temps qu'il s'employait à réduire les tensions entre confréries (Qadiriyya et Tijaniyya essentiellement). Dans ce pays francophone, il lui fallut apprendre le français et ce savant théologien ne dédaigna pas de se présenter au CEP (1969). Il lui fallait enfin relever le niveau des « fuqaha » et des imams qui n'avaient souvent reçu qu'une formation des plus rudimentaires. Deux ans après son arrivée, une grande école coranique fut construite à Sokodé. Yacob Mahi nous donne force détails sur les programmes et le corps enseignant de cet établissement. Se consacrant inlassablement à l'action missionnaire, Sadek Charaf fut également un collaborateur actif de l'UMT (Union Musulmane du Togo) qui regroupait diverses associations et tendances de l'islam togolais.
En 1974 s'ouvre une nouvelle phase de la vie de Sadek Charaf. Après un bref retour en Egypte, l'imam se rendit en Belgique, l'année même où le culte musulman venait d'être reconnu (officialisé dirions-nous) par les pouvoirs publics [2]. Il se trouvait en présence d'une communauté hétérogène dont Marocains et Turcs étaient les deux éléments principaux, sans grandes affinités culturelles. Il exercera son ministère dans ce pays pendant dix neuf ans, jusqu'à sa fin prématurée survenue en 1993, au sein de cette communauté en mutation. (Elle devient progressivement francophone).
Engagé d'abord au sein du CICB (Centre islamique culturel de Belgique), il connaîtra quelques tensions avec les dirigeants de cet organisme qu'il quittera momentanément en 1978. Devenu une figure très populaire et très respectée de la prédication islamique, il crée une union des imams (1986) et parcourt divers pays d'Europe occidentale, assurant partout des prédications dans les mosquées avant de dispenser des enseignements au sein de l'Institut des Hautes Etudes Islamiques de Bruxelles (rattaché au CICB) tout en assumant la direction du Dar Al-Ifta (maison de la jurisprudence).
Dans une seconde partie intitulée: « Sadek Charaf, un réformiste pour notre temps » Yacob Mahi analyse les thèmes principaux (moral, social et spirituel) du discours charafien et étudie ses méthodes de commentaire (« tafsir ») et de prédication.
La missiologie a longtemps été considérée comme une science exclusivement chrétienne; or il en existe une dans chaque religion monothéiste (le cas du judaïsme étant particulier puisqu'en principe cette religion n'admet pas la conversion ou avec beaucoup de réserves). L'ouvrage de Yacob Mahi nous donne une intéressante étude du cas d'un missionnaire musulman.
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[1] Jury composé de Fabienne Brion (Louvain), Denis Gril (Aix en Provence), Larbi Kechat (expert) Sami Zemni (Gand) et nous même. Mention très honorable.
[2] La Belgique n'est pas un Etat laïc comme la France mais un Etat neutre. Les cultes officiellement reconnus ont un statut. Leurs ministres et leurs enseignants de religion sont rétribués sur fonds publics.
[2] La Belgique n'est pas un Etat laïc comme la France mais un Etat neutre. Les cultes officiellement reconnus ont un statut. Leurs ministres et leurs enseignants de religion sont rétribués sur fonds publics.