NDLR : Statisticien de formation et ancien trader, Marwan Muhammad est un militant associatif français. Il fut Directeur exécutif du Collectif Contre l'Islamophobie en France (CCIF) de mars 2016 à octobre 2017 et également diplomate au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) entre 2014 et 2016. Il a publié "Foul Express" aux éditions Les sentinelles (2009) et "Nous (aussi) sommes la nation " aux éditions La Découverte (2017).
Club Mediapart
Le 23 avril 2018
Par Marwann Muhammad
Il y a des moments où la haine est nue. Où elle ne prend même plus la précaution de la nuance sémantique pour se déverser. Où ceux qui la portent, ivres de leurs privilèges comme de l’impunité de leur parole, se livrent en public à ce qu’un bienveillant clinicien qualifierait de thérapie de groupe et que des historiens auront un jour la responsabilité de nommer précisément pour ce que c’est :
L’expression politique d’un racisme totalement assumé.
Le temps que nous traversons est de ceux-là et le « manifeste contre le nouvel antisémitisme » paru ce dimanche, rassemblant plus de 300 signatures de personnalités, où il est question « d’épuration ethnique » des Juifs et « d’obsolescence » de versets du Coran, en est une bien coupable culmination.
Puisqu’il n’est apparemment plus question d’avoir un débat rationnel dans ce moment de rapports de force, de désaveux, de clivages et de confrontations, qu’il nous soit tout de même permis de faire quelques remarques et rappels d’évidences pour des historiens qui, pour leur salut, n’ont pas encore l’âge de lire ces lignes, avec l’espoir de les voir un jour rire avec tendresse de ces parents dont l’amnésie (souvent) consentie ne les empêchait pas de crier « plus jamais ça ».
1) Il n’y a pas « d’antisémitisme musulman », tout comme il n’y a pas « d’islamophobie juive ». Il y a par contre des comportements et des actes antisémites, parmi lesquels certains sont commis (aussi et entre autres) par des musulmans. Et il y a des comportements et des actes islamophobes, parmi lesquels certains sont commis (aussi et entre autres) par des juifs. Je parle ici des deux groupes que l'on cherche à antagoniser, mais cela est valable quelle que soit l'appartenance. C’est une considération strictement statistique et non un déterminisme causal ou prédictif. L’ensemble des travaux universitaires et des études de terrain confirme cela avec constance. Il n’y a rien dans l’appartenance musulmane qui conditionne et prédestine une personne à des comportements d’intolérance, d’exclusion ou de violence envers des juifs (ou toute autre personne), tout comme il n’y a rien dans l’appartenance juive (ou toute autre appartenance) qui conditionne automatiquement les personnes à la violence, à la colonisation ou au rejet de l’autre. Il est confondant de devoir le rappeler (notamment à quelques philosophes) mais les êtres humains étant doués de raison et du libre arbitre, leurs comportements, leurs déclarations et les idées qu’ils propagent relèvent de leur responsabilité individuelle. Pas de celle des millions (ou milliards) de personnes qui auraient l'heur de partager, par ailleurs, leur religion ou leur couleur de peau. Il n’y a pas de déterminisme ethnoculturel ni religieux des comportements fautifs. Les faits sont têtus et les mensonges que contient ce manifeste, même répétés 300 fois, ne deviendront pas pour autant une vérité.
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