Alain Bertho, anthropologue, spécialiste des émeutes urbaines, Paul Clavier, professeur de philosophie à l’ENS, Malik Bezouh, président de l’association Mémoire et Renaissance qui travaille à une meilleure connaissance de l’histoire de France à des fins intégrationnistes, cherchent tous trois à montrer que le jihadisme français est le nom d’une autre réalité de la nation. Terme surchargé sémantiquement, il sert à alimenter les violences plutôt qu’à affronter la difficulté à vivre ensemble dans une période de pauvreté alarmante.
La nation traverse une crise à plusieurs niveaux qui ne sauraient trouver une seule cause ou explication. Tout ramener à une guerre religieuse, souvent appelée, par goût du sensationnel, « choc des civilisations » ou encore « jihadisme », ne vaut pas plus comme explication qu’expliquer un comportement uniquement par la détermination sociale de l’éducation reçue.
La nation traverse une crise à plusieurs niveaux qui ne sauraient trouver une seule cause ou explication. Tout ramener à une guerre religieuse, souvent appelée, par goût du sensationnel, « choc des civilisations » ou encore « jihadisme », ne vaut pas plus comme explication qu’expliquer un comportement uniquement par la détermination sociale de l’éducation reçue.
Cultiver l'humour plutôt que la caricature
Dans Anathèmes, blasphèmes et Cie. Au-delà des caricatures, Paul Clavier aborde cette question du ton à trouver pour évoquer les raisons des meurtres perpétrés à plusieurs reprises au nom du jihadisme. La religion, insiste-t-il en le démontrant tout au long du livre, n’est pas responsable. Alors qui est responsable a-t-on envie de dire ? La réponse est dans le texte qu’il écrit dans un style particulier et curieux, compte-tenu de la tragédie vécue et les traumatismes en retour qui ont frappé l’opinion. Il ne cesse de jouer de l’humour. Ainsi peut-on lire, par exemple : « Délocaliser dans la galaxie quelques scènes de ménage ou querelles de voisinage, passe encore. Mais, aller ensanglanter les terrasses de café sur Mars, les rédactions sur Jupiter, les salles de spectacles de Saturne ou les hypermarchés d’Uranus, voilà qui ne saurait se justifier. » Un exemple parmi d’autres dont le livre regorge. L’humour a cette qualité, écrivait Freud, de contribuer au relâchement des tensions pulsionnelles. Dans L’introduction au mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, il écrivait à ce propos : « L'esprit dit ce qu'il dit, pas toujours en peu mais toujours en trop peu de mots, c'est-à-dire en mots qui, au sens de la logique stricte, aussi bien que des modes cogitatifs et discursifs habituels, sont insuffisants. Il finit par le dire, tout en le passant sous silence. »
La caricature ne dit pas tout. Elle porte en elle une part d’équivocité. L’humour est une manière pour Paul Clavier d’analyser le sens de la caricature à l’origine de la tragédie de Charlie Hebdo. Toute caricature esquisse les traits essentiels de ce qu’elle veut mettre en avant, en accentuant les détails. Son but est de faire rire sur un point précis. Ce n’est pas un discours de vérité, même s’il y a une vérité du rire. Or, nous vivons dans un monde où le sens se confond avec la « communication » et doit être transparent. Ce qui gêne, c’est cette équivocité de la signification introduite par le rire, dans une interprétation qui demeure un acte singulier, à savoir le sens du rire de celui qui rit ou de celui qui le déclenche, pour celui qui le reçoit. Le rire en tant qu’il introduit de l’ambiguïté dans le discours – qui n’est pas moins opaque, par définition – perturbe l’ordre social. C’était le sens du Nom de la Rose d’Umberto Eco, où on peut lire :
Le rire n’est pas à mettre entre toutes les mains, sous peine de mourir, par le poison dans le cas de ce roman.
Le rire s’est longtemps confondu avec le mépris. Toutefois il a aussi une force rhétorique comme l’expliquera Quintilien. En suscitant l’émotion, il pousse à l’action (é-motion/mouvoir). Ce qui fait la force de ce livre de Paul Clavier, c’est de ne pas en rester à la condamnation morale de la caricature, mais de rappeler qu’en cultivant l’ambiguïté, on ne peut que s’attendre à un rejet de celui qui ne fait pas partie du groupe qui rit, ce qui renforce le sentiment d’exclusion. Caricaturer est risqué au plan du langage. Une des lectures possibles de son livre est le statut du discours de la morale. Comment montrer finalement que l’humour n’est pas incompatible avec elle, tel est peut-être un de ses fils conducteurs essentiel. Indépendamment de l’objet du livre qui est de clarifier la question de Dieu, Paul Clavier engage ainsi, en la pratiquant, une réflexion souterraine sur la puissance du rire. Tout son projet est de dissocier humour, anathème et blasphème.
Reconnaître l'ébranlement de la légitimité des Etats par la mondialisation
Dans Les enfants du chaos, essai sur le temps des martyrs, Alain Bertho refuse de rendre responsable le jihadisme de la crise nationale. « La fin des grands récits annoncée par Jean-François Lyotard s’est réalisée » écrit-il . Notre appareillage intellectuel, idéologique, voire utopique, hérité du XXe siècle est dépassé ou abandonné. Il y a en outre un « processus de dislocation » à plusieurs niveaux : le territoire par la mise en place des zones sensibles en 1996, le peuple avec la catégorie de migrants introduite dans les catégories de l’Insee en 1987, ce qui va contribuer à diaboliser les violences urbaines et identifier de « nouvelles classes dangereuses » . Vingt ans après la marche des Beurs, il semble plus « urgent de condamner l’incendie d’une voiture que la mort d’un adolescent » ajoute-t-il. En 2005, il y eut les émeutes… et le silence des politiques. On a préféré regarder ailleurs. Que sont devenus ces jeunes de 2005 interroge Alain Bertho ? « Ce peuple-là est devenu invisible et son malheur n’est plus qu’un « reste de la politique » comme le disait Michel Foucault » . On n’a pas voulu voir le glissement vers le « temps des émeutes », en réaction à l’impuissance politique. Le sens des massacres du 13 novembre 2015, Alain Bertho le résume ainsi : « un piège tendu pour transformer le désarroi en injonction identitaire et disciplinaire, la politique en marche militaire et instiller l’esprit de guerre dans ce qui reste d’esprit de liberté. »
Le chaos est à notre porte, conclut-il, mais il n’a pas le djihad pour seul moteur : à la lutte des classes s’est substitué le conflit communautaire. La prise en mains d’un destin national collectif et constituant a laissé place à l’éparpillement et à l’absence de projets. C’en est fini des idéaux révolutionnaires. Il n’y plus rien d’autre que le présent (Alain Bertho parle avec François Hartog de « présentisme » ) et le constat de la mort d’idéaux non religieux. Il s’avère alors indispensable pour ce dernier, de penser la « radicalité » sans la confondre avec la radicalisation. Faire jaillir de nouvelles idées pour occuper l’espace d’un « nous » à construire. Résister à la mondialisation qui a semé le chaos, œuvrer à un intérêt commun, redonner du sens à ce qu’est un peuple, voilà ce qui peut nous sauver du chaos, selon Alain Bertho.
Dans Anathèmes, blasphèmes et Cie. Au-delà des caricatures, Paul Clavier aborde cette question du ton à trouver pour évoquer les raisons des meurtres perpétrés à plusieurs reprises au nom du jihadisme. La religion, insiste-t-il en le démontrant tout au long du livre, n’est pas responsable. Alors qui est responsable a-t-on envie de dire ? La réponse est dans le texte qu’il écrit dans un style particulier et curieux, compte-tenu de la tragédie vécue et les traumatismes en retour qui ont frappé l’opinion. Il ne cesse de jouer de l’humour. Ainsi peut-on lire, par exemple : « Délocaliser dans la galaxie quelques scènes de ménage ou querelles de voisinage, passe encore. Mais, aller ensanglanter les terrasses de café sur Mars, les rédactions sur Jupiter, les salles de spectacles de Saturne ou les hypermarchés d’Uranus, voilà qui ne saurait se justifier. » Un exemple parmi d’autres dont le livre regorge. L’humour a cette qualité, écrivait Freud, de contribuer au relâchement des tensions pulsionnelles. Dans L’introduction au mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, il écrivait à ce propos : « L'esprit dit ce qu'il dit, pas toujours en peu mais toujours en trop peu de mots, c'est-à-dire en mots qui, au sens de la logique stricte, aussi bien que des modes cogitatifs et discursifs habituels, sont insuffisants. Il finit par le dire, tout en le passant sous silence. »
La caricature ne dit pas tout. Elle porte en elle une part d’équivocité. L’humour est une manière pour Paul Clavier d’analyser le sens de la caricature à l’origine de la tragédie de Charlie Hebdo. Toute caricature esquisse les traits essentiels de ce qu’elle veut mettre en avant, en accentuant les détails. Son but est de faire rire sur un point précis. Ce n’est pas un discours de vérité, même s’il y a une vérité du rire. Or, nous vivons dans un monde où le sens se confond avec la « communication » et doit être transparent. Ce qui gêne, c’est cette équivocité de la signification introduite par le rire, dans une interprétation qui demeure un acte singulier, à savoir le sens du rire de celui qui rit ou de celui qui le déclenche, pour celui qui le reçoit. Le rire en tant qu’il introduit de l’ambiguïté dans le discours – qui n’est pas moins opaque, par définition – perturbe l’ordre social. C’était le sens du Nom de la Rose d’Umberto Eco, où on peut lire :
« Frère Guillaume : Mais qu’y a-t-il de si inquiétant… dans le rire ?
Jorge : Le rire... tue la peur, et sans la peur il n’est pas de foi ! Car sans la peur du Diable, il n’y a plus besoin de Dieu.
Frère Guillaume : Mais vous n’éliminerez pas le rire en éliminant ce livre !
Jorge : Non, certes ! Le rire restera le divertissement des hommes. Mais qu’adviendra-t-il si, à cause de ce livre... l’homme cultivé déclarait tolérable que l’on rie de tout ? Pouvons-nous rire de Dieu ? Le monde retomberait dans le chaos !»
Le rire n’est pas à mettre entre toutes les mains, sous peine de mourir, par le poison dans le cas de ce roman.
Le rire s’est longtemps confondu avec le mépris. Toutefois il a aussi une force rhétorique comme l’expliquera Quintilien. En suscitant l’émotion, il pousse à l’action (é-motion/mouvoir). Ce qui fait la force de ce livre de Paul Clavier, c’est de ne pas en rester à la condamnation morale de la caricature, mais de rappeler qu’en cultivant l’ambiguïté, on ne peut que s’attendre à un rejet de celui qui ne fait pas partie du groupe qui rit, ce qui renforce le sentiment d’exclusion. Caricaturer est risqué au plan du langage. Une des lectures possibles de son livre est le statut du discours de la morale. Comment montrer finalement que l’humour n’est pas incompatible avec elle, tel est peut-être un de ses fils conducteurs essentiel. Indépendamment de l’objet du livre qui est de clarifier la question de Dieu, Paul Clavier engage ainsi, en la pratiquant, une réflexion souterraine sur la puissance du rire. Tout son projet est de dissocier humour, anathème et blasphème.
Reconnaître l'ébranlement de la légitimité des Etats par la mondialisation
Dans Les enfants du chaos, essai sur le temps des martyrs, Alain Bertho refuse de rendre responsable le jihadisme de la crise nationale. « La fin des grands récits annoncée par Jean-François Lyotard s’est réalisée » écrit-il . Notre appareillage intellectuel, idéologique, voire utopique, hérité du XXe siècle est dépassé ou abandonné. Il y a en outre un « processus de dislocation » à plusieurs niveaux : le territoire par la mise en place des zones sensibles en 1996, le peuple avec la catégorie de migrants introduite dans les catégories de l’Insee en 1987, ce qui va contribuer à diaboliser les violences urbaines et identifier de « nouvelles classes dangereuses » . Vingt ans après la marche des Beurs, il semble plus « urgent de condamner l’incendie d’une voiture que la mort d’un adolescent » ajoute-t-il. En 2005, il y eut les émeutes… et le silence des politiques. On a préféré regarder ailleurs. Que sont devenus ces jeunes de 2005 interroge Alain Bertho ? « Ce peuple-là est devenu invisible et son malheur n’est plus qu’un « reste de la politique » comme le disait Michel Foucault » . On n’a pas voulu voir le glissement vers le « temps des émeutes », en réaction à l’impuissance politique. Le sens des massacres du 13 novembre 2015, Alain Bertho le résume ainsi : « un piège tendu pour transformer le désarroi en injonction identitaire et disciplinaire, la politique en marche militaire et instiller l’esprit de guerre dans ce qui reste d’esprit de liberté. »
Le chaos est à notre porte, conclut-il, mais il n’a pas le djihad pour seul moteur : à la lutte des classes s’est substitué le conflit communautaire. La prise en mains d’un destin national collectif et constituant a laissé place à l’éparpillement et à l’absence de projets. C’en est fini des idéaux révolutionnaires. Il n’y plus rien d’autre que le présent (Alain Bertho parle avec François Hartog de « présentisme » ) et le constat de la mort d’idéaux non religieux. Il s’avère alors indispensable pour ce dernier, de penser la « radicalité » sans la confondre avec la radicalisation. Faire jaillir de nouvelles idées pour occuper l’espace d’un « nous » à construire. Résister à la mondialisation qui a semé le chaos, œuvrer à un intérêt commun, redonner du sens à ce qu’est un peuple, voilà ce qui peut nous sauver du chaos, selon Alain Bertho.
Opposer le choc des préjugés au choc des civilisations
Pour Malik Bezouh, la démarche est toute autre. France-Islam, le choc des préjugés. Notre histoire des croisades à nos jours, a pour objectif de construire une histoire commune qui cesse d’entretenir des préjugés sur le rapport entre « l’Arabe et le Français ». C’est la nature du préjugé que de nous faire adhérer immédiatement et sans réfléchir à des affirmations non fondées et encore moins justifiées. C’est pourquoi son ouvrage raconte l’histoire des Arabes vue par la France. Ainsi le siècle « des Lumières » est-il parcouru par de vives querelles autour de Mahomet. Volney, adepte du salon du Baron d’Holbach, va étudier l’Orient en tant que berceau du monothéisme. Mais pour éviter toute partialité, il part en Egypte et en Syrie, en janvier 1783. En 1787 son Voyage en Syrie et en Egypte est publié. Il parvient à fragiliser la théorie du climat par une approche plus géographique. Si la tyrannie sévit dans ces pays, expliquera-t-il, c’est du fait de leurs mauvais gouvernements, pas du climat. Montesquieu avait en effet, identifié le despotisme aux climats orientaux, mais ce n’était pas le seul. A l’inverse, Malik Bezouh découvrira que les Arabes ont eux aussi pratiqué l’esclavagisme. Toute vision manichéenne est teintée de préjugés.
Ce qui explique ce livre, commencé en 2005, c’est la crise identitaire qui le mena au début des années 90 à militer dans l’Association des Jeunes Musulmans de la vallée du Gier qu’il avait créée avec quelques autres. Puis ce furent les dissensions entre les partisans du Front Islamique du Salut et les Frères Musulmans. Si les modérés rejoignirent l’UOIF après la dissolution de l’association en 1995, Malik Bezouh décida de tout abandonner. Voulant comprendre sa haine de la France, il se mit à lire et s’instruire à son propos :« C’est dans ce singulier contexte où s’entrechoquent identité, arabité, islamité, intégration, préjugés, que mon livre allait voir le jour. Il serait ma renaissance » .
Ces trois ouvrages tentent chacun à leur manière d’éclairer le djihadisme français. Les solutions proposées ont toutes ceci en commun que la connaissance nous libère des affects. Ce n’est pas la seule solution bien sûr, comme le montrent aussi la diversité des réflexions des auteurs. Ils en appellent notamment au rôle décisionnel de la politique car un pays dont la nation est malade, se doit de décider. Connaître pour décider disait Aristote ne suffit pas. Le politique appartient au domaine de l’action, pas de la connaissance. Celui qui gouverne se doit d’être prudent, dans l’action, écrivait encore le Stagirite, c’est-à-dire pratiquer la sagacité, non la sagess, le calcul réfléchi et non pas la théorie détachée des tourments du monde contingent qui est le nôtre : « La sagacité n’est pas non plus seulement connaissance des choses universelles ; au contraire, elle doit aussi avoir connaissance des choses particulières, puisqu’elle est exécutive, et que l’action met en jeu ces choses-là. »
Pour Malik Bezouh, la démarche est toute autre. France-Islam, le choc des préjugés. Notre histoire des croisades à nos jours, a pour objectif de construire une histoire commune qui cesse d’entretenir des préjugés sur le rapport entre « l’Arabe et le Français ». C’est la nature du préjugé que de nous faire adhérer immédiatement et sans réfléchir à des affirmations non fondées et encore moins justifiées. C’est pourquoi son ouvrage raconte l’histoire des Arabes vue par la France. Ainsi le siècle « des Lumières » est-il parcouru par de vives querelles autour de Mahomet. Volney, adepte du salon du Baron d’Holbach, va étudier l’Orient en tant que berceau du monothéisme. Mais pour éviter toute partialité, il part en Egypte et en Syrie, en janvier 1783. En 1787 son Voyage en Syrie et en Egypte est publié. Il parvient à fragiliser la théorie du climat par une approche plus géographique. Si la tyrannie sévit dans ces pays, expliquera-t-il, c’est du fait de leurs mauvais gouvernements, pas du climat. Montesquieu avait en effet, identifié le despotisme aux climats orientaux, mais ce n’était pas le seul. A l’inverse, Malik Bezouh découvrira que les Arabes ont eux aussi pratiqué l’esclavagisme. Toute vision manichéenne est teintée de préjugés.
Ce qui explique ce livre, commencé en 2005, c’est la crise identitaire qui le mena au début des années 90 à militer dans l’Association des Jeunes Musulmans de la vallée du Gier qu’il avait créée avec quelques autres. Puis ce furent les dissensions entre les partisans du Front Islamique du Salut et les Frères Musulmans. Si les modérés rejoignirent l’UOIF après la dissolution de l’association en 1995, Malik Bezouh décida de tout abandonner. Voulant comprendre sa haine de la France, il se mit à lire et s’instruire à son propos :« C’est dans ce singulier contexte où s’entrechoquent identité, arabité, islamité, intégration, préjugés, que mon livre allait voir le jour. Il serait ma renaissance » .
Ces trois ouvrages tentent chacun à leur manière d’éclairer le djihadisme français. Les solutions proposées ont toutes ceci en commun que la connaissance nous libère des affects. Ce n’est pas la seule solution bien sûr, comme le montrent aussi la diversité des réflexions des auteurs. Ils en appellent notamment au rôle décisionnel de la politique car un pays dont la nation est malade, se doit de décider. Connaître pour décider disait Aristote ne suffit pas. Le politique appartient au domaine de l’action, pas de la connaissance. Celui qui gouverne se doit d’être prudent, dans l’action, écrivait encore le Stagirite, c’est-à-dire pratiquer la sagacité, non la sagess, le calcul réfléchi et non pas la théorie détachée des tourments du monde contingent qui est le nôtre : « La sagacité n’est pas non plus seulement connaissance des choses universelles ; au contraire, elle doit aussi avoir connaissance des choses particulières, puisqu’elle est exécutive, et que l’action met en jeu ces choses-là. »