Editeur : BAYARD
Date de parution : 10/04/2015
EAN13 : 9782227488083
Genre : religion-spiritualites
Poids : 264 g
Nombre de page(s) : 214
Recension de l'Académie des sciences d'outre-mer sous Licence Creative Commons Paternité.
Etant donné la popularité du pape François, le nombre de livres publiés sur ses activités pontificales est particulièrement étendu. Le livre du père jésuite Antoine Spadaro, qui avait, en 2013, publié un livre d’entretien avec le souverain pontife l’Eglise que j’espère (Flammarion), porte sur des éléments biographiques de sa période argentine, relatifs à des amis proches non catholiques. Lorsque le pape s’est rendu à Amman, Bethléem et Jérusalem, il a voulu que deux de ses confidents argentins l’accompagnent, le rabbin Abraham Skorka et le directeur actuel du Centre islamique de Buenos Aires, Omar Abboud. Le père Spadaro a donc interrogé successivement ces deux amis et reproduit les conférences prononcées par le pape au cours de son voyage en Terre sainte.
Abraham Skorka est né dans la capitale argentine en 1950 de parents polonais immigrés dans les années 1920. Rabbin de la communauté Benei Tikva et recteur du Séminaire israélite, il a coécrit avec François, alors archevêque de Buenos Aires, un livre de dialogue interreligieux intitulé Sur la terre comme au ciel et, à la demande du Primat d’Argentine, préfacé la biographie qui lui était consacrée. Il nous fait savoir que le personnage des Evangiles que le pape apprécie le plus est celui du Bon Samaritain. Le 13 juin 2013, grâce à Monsieur Skorka, la télévision israélienne sera admise au Vatican pour réaliser une émission.
Le grand-père libanais d’Omar Abboud fonda à Buenos Aires une maison d’édition arabophone qu’il appela Arabigo Argentina El Nilo et traduisit le Coran en langue espagnole ; Omar étudia l’arabe et la religion musulmane auprès d’un imam émigré diplômé d’Al Azhar, devint secrétaire général du Centre islamique et de l’Association islamique arabo-argentine, mais il n’est pas devenu imam, étudiant d’ailleurs les sciences islamiques auprès de René Guénon ou de Titus Burckhardt, orientalistes occidentaux plus passionnés de mystique que de théologie musulmane. Il occupe des responsabilités importantes au sein de la municipalité de la capitale argentine dans le domaine du développement social. Avec le père Guillermo Marco, le rabbin Daniel Goldman, il a fondé l’Instituto para el Dialogo interreligioso, vivement encouragé par Mgr Bergoglio.
Devant le Mur des Lamentations (Kotel), le pape et ses deux amis s’étreignirent et ce geste reproduit sur tous les écrans du monde prit une valeur symbolique considérable « contribuant à construire un imaginaire de paix » (page 51). Cette accolade en ce lieu fut comprise, non comme un geste diplomatique mais de confiance, de totale reconnaissance réciproque entre trois êtres de religion différente au nom d’une simple amitié.
Ce message destiné à toute l’humanité, le lecteur va le retrouver dans tous les discours et homélies prononcés à l’occasion du pèlerinage à Jérusalem. Ainsi, au stade international d’Amman le 24 mai 2014, le pape dit : « La paix est un don à rechercher avec patience artisanalement par des petits et des grands gestes qui impliquent notre vie quotidienne » (page 177) ; à Bethléem le 25 mai 2014, il s’exprime devant le président Mahmoud Abbas : « Le respect du droit humain fondamental… témoigne que les choses que nous avons en commun sont si nombreuses et si importantes qu’il est possible de trouver une voie de cohabitation sereine… dans la joie d’être frères » (page 181) ; à Bethléem, le pape invitera le même jour les présidents israélien Shimon Pérès et palestinien Mahmoud Abbas à se rendre pour une prière commune dans les jardins du Vatican ; ce qui aura lieu le 9 juin 2014, dimanche de la Pentecôte, en présence du patriarche orthodoxe Bartolomé ; le 26 mai, reçu par le Grand Mufti de Jérusalem sur l’Esplanade des Mosquées, le pape lui dira : « Respectons-nous et aimons-nous les uns les autres comme des frères et des sœurs. Apprenons à comprendre la douleur de l’autre » (page 191) ; enfin, dans l’émouvant Mémorial de Yad Vashem, l’êvêque de Rome s’écrie : « Donne-nous la grâce d’avoir honte de ce que, en tant qu’hommes, nous avons été capables de faire » (page 194).
Le dernier chapitre (page 199) décrit toutes les étapes de ce voyage en Terre sainte qui fit découvrir au Saint-Père les populations israélienne, palestinienne, jordanienne, parmi lesquelles il reste si peu de chrétiens. Pour être plus proche de cette diversité d’êtres humains, François avait donc convié à l’accompagner ses amis argentins les plus chers qui retrouvaient chacun, sa communauté d’origine et pouvaient avec lui donner un véritable message de paix. C’est le sens de ce petit livre qui fait mieux comprendre la personnalité d’un grand pape.
Christian Lochon