Spécialiste du monde arabe et professeur associé à l’Ecole des affaires internationales de Sciences-Po, Stéphane Lacroix ne croit pas que la mort de l'ancien président égyptien Mohamed Morsi lundi, alors qu'il comparaissait devant un tribunal, puisse engendrer des violences en Egypte. Depuis l'étranger, les partisans de la confrérie ont vivement réagi, dénonçant un «assassinat» et assimilant Morsi à un «martyr».
Le signe de rabia, devant le poster de l'ancien président Mohamed Morsi le 18 juin à Istanbul. Photo AFP
La mort de Mohamed Morsi risque-t-elle de provoquer un embrasement en Egypte ?
Non, même si c’est ce que le régime laisse entendre et qu’il joue sur cette peur. Il en a besoin pour nourrir sa propagande. Il ne cesse de répéter que les groupes jihadistes et les Frères musulmans, c’est la même chose. Et que donc, les groupes jihadistes vont se battre pour venger la mort de leur «chef», Mohamed Morsi. Mais en réalité, les jihadistes n’ont que faire de Morsi, notamment parce qu’il a pris part au jeu démocratique qu’ils rejettent.
Non, même si c’est ce que le régime laisse entendre et qu’il joue sur cette peur. Il en a besoin pour nourrir sa propagande. Il ne cesse de répéter que les groupes jihadistes et les Frères musulmans, c’est la même chose. Et que donc, les groupes jihadistes vont se battre pour venger la mort de leur «chef», Mohamed Morsi. Mais en réalité, les jihadistes n’ont que faire de Morsi, notamment parce qu’il a pris part au jeu démocratique qu’ils rejettent.
D’autres groupes pourraient-ils passer à l’offensive ?
Il y a effectivement un autre type de violence insurrectionnelle qui s’est développée en Egypte et qui cible l’armée et la police. Ce sont des groupes, tel Hasm (le mouvement des forces égyptiennes), nés en 2015, et dont les membres appartenaient aux Frères musulmans ou étaient proches de leur ligne. Ils ont surtout été actifs en 2015 et 2016, notamment en commettant des assassinats ciblés. On peut penser qu’ils seront plus affectés par la mort de Morsi que les jihadistes. Mais ils constituent également une scission des Frères musulmans, et reprochaient à Morsi d’avoir été trop accomodant avec l’armée et d’avoir pris Abdel Fattah al-Sissi [l'actuel président, ndlr] comme ministre de la Défense, une faute originelle selon eux.
Quelle est la situation actuelle des Frères musulmans en Egypte ?
Ils sont invisibles, ils n’ont pas le choix. Leur parti a été dissous et la confrérie a été déclarée organisation terroriste en 2013. Il n’y a plus d’organisation nationale, tout s’est décentralisé. En 2012, on estimait que les Frères musulmans englobaient jusqu’à deux millions de personnes. Plus de 60 000 ont été emprisonnés et au moins 10 000 à 20 000 se sont exilés. Il reste donc 95% des troupes. On peut penser qu’une partie s’est démobilisée et que la confrérie n’existe plus que très localement, et de façon minimale. Mais être membre des Frères, c’est aussi s’inscrire dans un cercle social, avec des amis, des collègues qui sont aussi Frères. C’est un entre-soi, même s’il n’y a pas d’activité politique. Le pouvoir ne peut pas dissoudre ces liens sociaux, et il ne peut pas non plus mettre en prison 2 millions de personnes.
Les salafistes, eux, ont décidé de s’allier avec le pouvoir actuel...
Oui, leur principal parti Al Nour a passé une alliance avec Al-Sissi contre les Frères. Cela a nourri la rhétorique du régime contre la confrérie. Les salafistes ont, eux, conservé le contrôle de leurs mosquées et n’ont pas été envoyés en prison. Mais leur base n’a pas beaucoup apprécié et le pouvoir les a utilisés avant de les marginaliser. Ils n’ont obtenu que 12 sièges, sur 588, au Parlement.
Il y a effectivement un autre type de violence insurrectionnelle qui s’est développée en Egypte et qui cible l’armée et la police. Ce sont des groupes, tel Hasm (le mouvement des forces égyptiennes), nés en 2015, et dont les membres appartenaient aux Frères musulmans ou étaient proches de leur ligne. Ils ont surtout été actifs en 2015 et 2016, notamment en commettant des assassinats ciblés. On peut penser qu’ils seront plus affectés par la mort de Morsi que les jihadistes. Mais ils constituent également une scission des Frères musulmans, et reprochaient à Morsi d’avoir été trop accomodant avec l’armée et d’avoir pris Abdel Fattah al-Sissi [l'actuel président, ndlr] comme ministre de la Défense, une faute originelle selon eux.
Quelle est la situation actuelle des Frères musulmans en Egypte ?
Ils sont invisibles, ils n’ont pas le choix. Leur parti a été dissous et la confrérie a été déclarée organisation terroriste en 2013. Il n’y a plus d’organisation nationale, tout s’est décentralisé. En 2012, on estimait que les Frères musulmans englobaient jusqu’à deux millions de personnes. Plus de 60 000 ont été emprisonnés et au moins 10 000 à 20 000 se sont exilés. Il reste donc 95% des troupes. On peut penser qu’une partie s’est démobilisée et que la confrérie n’existe plus que très localement, et de façon minimale. Mais être membre des Frères, c’est aussi s’inscrire dans un cercle social, avec des amis, des collègues qui sont aussi Frères. C’est un entre-soi, même s’il n’y a pas d’activité politique. Le pouvoir ne peut pas dissoudre ces liens sociaux, et il ne peut pas non plus mettre en prison 2 millions de personnes.
Les salafistes, eux, ont décidé de s’allier avec le pouvoir actuel...
Oui, leur principal parti Al Nour a passé une alliance avec Al-Sissi contre les Frères. Cela a nourri la rhétorique du régime contre la confrérie. Les salafistes ont, eux, conservé le contrôle de leurs mosquées et n’ont pas été envoyés en prison. Mais leur base n’a pas beaucoup apprécié et le pouvoir les a utilisés avant de les marginaliser. Ils n’ont obtenu que 12 sièges, sur 588, au Parlement.