Le Monde Edition Afrique
Publié le 5 mai 2017
Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)
Mohamed Talbi, l’éclaireur du Coran
Disparu le 1er mai, l’historien tunisien a ouvert la voie à un « islam des lumières » libéré de la charia, tout en prenant ses distances avec le dialogue interreligieux.
Il aimait dire que « l’islam est liberté ». Il prétendait même que « l’islam est né laïc ». Mohamed Talbi, historien et islamologue tunisien disparu lundi 1er mai à Tunis à l’âge de 95 ans, aura jusqu’au bout brandi comme un étendard le verset du Coran énonçant : « Nulle contrainte en religion ». Et si la formule a pu servir, sous d’autres plumes, à masquer des visées moins éclairées, lui en a forgé une arme contre l’obscurantisme, le combat de toute sa vie. Mohamed Talbi laisse en héritage une œuvre ardente et hardie qui aura ouvert la voie, en Tunisie et ailleurs, à la génération qui aujourd’hui cherche à promouvoir un « islam des lumières ».
« Son apport à la rénovation de la pensée islamique est indéniable », affirme Abdelmajid Charfi, son ancien élève, qui dut pourtant s’en éloigner au terme d’une douloureuse rupture. C’est qu’au sein de cette « école tunisienne », l’un des viviers de ce qu’on appela plus tard « les nouveaux penseurs de l’islam », on s’est âprement combattus. Mohamed Talbi avait l’ancienneté et l’envergure pour en être le chef de file, il fut même célébré un moment par une large famille de fidèles, mais la conjonction malheureuse de querelles d’ego et de controverses théologiques, notamment sur la sacralité du Coran – qu’il défendait avec dévotion –, clairsema les rangs autour de lui. Son caractère entier et ses emportements comminatoires n’arrangèrent guère les choses et l’amenèrent, in fine, à s’isoler. « Il était fier et sauvage », dit, avec affection, le philosophe Youssef Seddik, qui eut à croiser le fer avec lui.
Censuré sous Ben Ali
Auteur d’une trentaine d’ouvrages, Mohamed Talbi avait débuté sa carrière universitaire de manière assez conventionnelle. Agrégé d’arabe et docteur en histoire – sa thèse soutenue en 1968 à la Sorbonne (Paris) porte sur les Aghlabides, la dynastie arabe qui régnait sur l’actuelle Tunisie au IXe siècle –, il fut doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de Tunis entre 1966 et 1970. Personnalité assez légitimiste sous Habib Bourguiba, le père de la Tunisie indépendante, il devint même président du très officiel Comité culturel national.
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