Publié le 10 mai 2015 sur le site Quartiers XXI
Parler d’islam, pour ne rien dire…
Par Zahra Ali
Nul besoin de lire (même s’il le faudrait bien) La Fabrique de l’opinion publique de Noam Chomsky [1], pour réagir avec méfiance lorsque les mondes politique, médiatique et – trop souvent aujourd’hui – académique s’accordent sur un argumentaire commun. De la chute des tours du World Trade Center à l’attentat contre Charlie Hebdo, en passant par les Talibans, l’Irak, la Syrie et Boko Haram, une explication s’impose et une seule : « C’est à cause de l’Islam ! » La thèse du choc des civilisations est si séduisante. De par sa simplicité, tout le monde peut la comprendre, et elle semblerait tout expliquer. L’explication est là sous nos yeux, si claire, deux forces s’opposent inexorablement : celle qui défendrait la liberté, l’égalité, la démocratie, et celle qui défendrait l’exact contraire. Pour quelles raisons ? Pour raisons de fondamentalisme, de convictions religieuses moyenâgeuses et autoritaires, en bref, en raison de la raison elle-même : l’islam qui serait donc le facteur explicatif essentiel pour des phénomènes complexes relatifs à des contextes très différents.
Parmi les bien-pensants et surtout bien-intentionnés du monde politique, universitaire et militant, certains ont opté pour une réponse qui, en apparence, contredit la logique islamophobe. La réplique qui est opposée est la suivante : non, ce n’est pas l’islam, car c’est une religion de paix, d’égalité, de fraternité, cette violence est une déformation honteuse de l’essence de la religion musulmane.
Affaires de convictions en réalité, car s’il est tout à fait justifiable que des militants associatifs musulmans et/ou anti-racistes, que des journalistes, et que des chercheurs dans le champ de l’islamologie ou autres souhaitent répondre à l’image qui est donné de l’islam, cette approche de la question demeure elle-aussi problématique.
L’attitude tout à fait compréhensible et honorable de croyantes et croyants, et de responsables religieux musulmans visant à dédouaner leur foi d’actes de violence commis en son nom, révèle en réalité combien la stigmatisation des musulmans en France et le racisme définissent les termes du débat. Certains d’entre eux sont aussi des chercheurs spécialistes de l’islam qui occupent les plateaux de télévision et les colonnes des journaux pour expliquer combien il est urgent de mettre en place cette nécessaire « réforme de l’islam ». Récemment, la « Lettre ouverte au monde musulman » d’Abdennour Bidar favoris du monde journalistique, en a été un exemple révélateur. Cette lettre en apparence bienveillante est en réalité un produit de l’islamophobie et ne contribue qu’à nourrir l’idée selon laquelle « l’islam » serait un problème, et a réduire des réalités diverses et complexes à la dénomination « monde musulman ».
De quel Islam Bidar parle-t-il ? Qui est ce « monde musulman » auquel il s’adresse ? Le sait-il lui-meme ? Entre les « jihadistes » en Syrie, les combattants de Da’esh et les frères Kouachi, les partis islamistes de la Turquie à la Tunisie, en passant par les organisations musulmanes dans les sociétés européennes, et toutes les différentes appréhensions, pratiques et lectures de l’islam à travers le monde, de quel islam est-il question ? Il ne s’agit pas là d’une demande de simple précision, mais d’un impératif préalable qui refuse d’aborder quelque phénomène social qu’il soit en les abordant en dehors de leur contexte, et de leur processus historique et politique.
Retrouvez la suite de cet article sur le site Quartiers XXI.
Parler d’islam, pour ne rien dire…
Par Zahra Ali
Nul besoin de lire (même s’il le faudrait bien) La Fabrique de l’opinion publique de Noam Chomsky [1], pour réagir avec méfiance lorsque les mondes politique, médiatique et – trop souvent aujourd’hui – académique s’accordent sur un argumentaire commun. De la chute des tours du World Trade Center à l’attentat contre Charlie Hebdo, en passant par les Talibans, l’Irak, la Syrie et Boko Haram, une explication s’impose et une seule : « C’est à cause de l’Islam ! » La thèse du choc des civilisations est si séduisante. De par sa simplicité, tout le monde peut la comprendre, et elle semblerait tout expliquer. L’explication est là sous nos yeux, si claire, deux forces s’opposent inexorablement : celle qui défendrait la liberté, l’égalité, la démocratie, et celle qui défendrait l’exact contraire. Pour quelles raisons ? Pour raisons de fondamentalisme, de convictions religieuses moyenâgeuses et autoritaires, en bref, en raison de la raison elle-même : l’islam qui serait donc le facteur explicatif essentiel pour des phénomènes complexes relatifs à des contextes très différents.
Parmi les bien-pensants et surtout bien-intentionnés du monde politique, universitaire et militant, certains ont opté pour une réponse qui, en apparence, contredit la logique islamophobe. La réplique qui est opposée est la suivante : non, ce n’est pas l’islam, car c’est une religion de paix, d’égalité, de fraternité, cette violence est une déformation honteuse de l’essence de la religion musulmane.
Affaires de convictions en réalité, car s’il est tout à fait justifiable que des militants associatifs musulmans et/ou anti-racistes, que des journalistes, et que des chercheurs dans le champ de l’islamologie ou autres souhaitent répondre à l’image qui est donné de l’islam, cette approche de la question demeure elle-aussi problématique.
L’attitude tout à fait compréhensible et honorable de croyantes et croyants, et de responsables religieux musulmans visant à dédouaner leur foi d’actes de violence commis en son nom, révèle en réalité combien la stigmatisation des musulmans en France et le racisme définissent les termes du débat. Certains d’entre eux sont aussi des chercheurs spécialistes de l’islam qui occupent les plateaux de télévision et les colonnes des journaux pour expliquer combien il est urgent de mettre en place cette nécessaire « réforme de l’islam ». Récemment, la « Lettre ouverte au monde musulman » d’Abdennour Bidar favoris du monde journalistique, en a été un exemple révélateur. Cette lettre en apparence bienveillante est en réalité un produit de l’islamophobie et ne contribue qu’à nourrir l’idée selon laquelle « l’islam » serait un problème, et a réduire des réalités diverses et complexes à la dénomination « monde musulman ».
De quel Islam Bidar parle-t-il ? Qui est ce « monde musulman » auquel il s’adresse ? Le sait-il lui-meme ? Entre les « jihadistes » en Syrie, les combattants de Da’esh et les frères Kouachi, les partis islamistes de la Turquie à la Tunisie, en passant par les organisations musulmanes dans les sociétés européennes, et toutes les différentes appréhensions, pratiques et lectures de l’islam à travers le monde, de quel islam est-il question ? Il ne s’agit pas là d’une demande de simple précision, mais d’un impératif préalable qui refuse d’aborder quelque phénomène social qu’il soit en les abordant en dehors de leur contexte, et de leur processus historique et politique.
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