Quoiqu’il en soit, ce volume collectif montre que l’œuvre de Guénon continue de questionner, de faire réfléchir, à la fois dans sa position face à la modernité, et dans sa métaphysique même. En tant que source d’un questionnement fondamental, l’œuvre guénonienne garde donc sa place dans les débats de la pensée contemporaine autour de l’islam.Pierre LORY
Cette recension a déjà fait l'objet d'une publication dans le Bulletin critique des annales islamologiques , 31|2017 sous licence Creative Commons (BY NC SA).
Broché: 523 pages
Éditeur : Les éditions du Cerf (23 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2204109994
Éditeur : Les éditions du Cerf (23 mai 2016)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2204109994
Quatrième de couverture
Revue
Par Pierre Lory
Il s’est développé autour de la pensée et de la personne de René Guénon une littérature tout à fait considérable à ce jour. Celle-ci relève pour partie de disciples, d’adeptes de la «Tradition primordiale» et du pérennialisme. Elle comprend cependant également les travaux de chercheurs universitaires reconnus (J.-P. Laurant, X. Accart) et d’essayistes. Le présent ouvrage vient donc comme un nouvel apport de détails ou de précisions sur un fond déjà bien balisé. L’initiative de Philippe Faure arrive précisément pour confirmer certaines données ou au contraire corriger des idées reçues. Il démontre que plusieurs aspects de l’œuvre guénonienne gagnent à être mieux mises en lumière ; et cela est d’autant plus utile que l’œuvre guénonienne elle-même gagne en diffusion.
Le volume comprend des chapitres très érudits et riches sur lesquels nous ne nous arrêterons pas en ce qu’ils ne concernent pas directement les thèmes islamiques. Mentionnons la mise au point extrêmement érudite et riche de Paul Fenton «René Guénon et le judaïsme» (p. 249-297), qui signale les passages anti-juifs voire antisémites de l’œuvre guénonienne, et passe par ailleurs en revue toute une série de personnalités juives d’Orient et d’Occident que Guénon a fréquentées et a influencées à des degrés divers. De même, les explorations de Jean-Pierre Brach sur la portée précise de la collaboration de Guénon à la revue catholique Regnabit (p. 299- 366) sont, elles, d’une précision définitive. Signalons également les précieuses remarques de Philippe Faure sur la lecture guénonienne de la Bible (p. 219- 248). L’analyse de Jean Borella sur les fragilités des positions de Guénon face aux philosophes – qu’il ne connaissait que de façon rudimentaire – apporte par ailleurs des renseignements très utiles sur la démarche de l’essayiste de Blois, fondée très souvent sur des assertions d’autorité (p. 193-217).
La position de Guénon relative à l’islam et au soufisme est évoquée dans plusieurs chapitres. Parmi eux, citons celui de Patrick Laude «René Guénon: sources traditionnelles et contextes contemporains» (p. 43-63), et celui de Paolo Urizzi «Présence du soufisme dans l’œuvre de René Guénon » (p. 337- 362). Les deux auteurs sont confrontés à une même donnée de base : la grande discrétion de Guénon sur les doctrines de l’islam ésotérique, et plus encore sur ses positions personnelles à cet égard. P. Laude propose de lire l’attitude de Guénon selon celle des «gens du blâme», en termes de malâmatiyya, dont il relève la prégnance dans plusieurs de ses textes. P. Urizzi apporte, quant à lui, une érudition nourrie sur le parcours personnel de Guénon par rapport aux courants soufis. Il rappelle les quelques monographies qui ont été publiées sur le sujet, y compris les parutions les plus récentes, et insiste sur les rapports de René Guénon avec Ivan Aguéli. Le rôle de ce dernier personnage est d’autant plus crucial qu’il est une source importante de la connaissance des textes soufis chez Guénon (p. 344 s.). Moins convaincante en revanche est l’analyse proposée de la doctrine soufie chez Guénon en fonction des silences de celui-ci, dans une sorte d’argumentation par prétérition (p. 351 s.), où l’affirmation se substitue le plus souvent à la démonstration. Seyyed Hossein Nasr propose quant à lui un exposé sur «L’influence de Guénon dans le monde islamique», où il expose comment et par l’intermédiaire de quelles personnes l’œuvre guénonienne a été connue en Iran, en Turquie, au Pakistan, en Bosnie (p. 423-436). Mentionnons enfin le texte de Jean Moncelon «René Guénon et Louis Massignon» (p. 109-136). Le thème n’en est pas vraiment neuf, comme le rappelle du reste l’auteur qui mentionne la synthèse de Xavier Accart à ce sujet (dans L’Ermite de Duqqi, 2001). Il y apporte plusieurs remarques d’ordre historique, et des gloses sur la méfiance réciproque que chacun des deux hommes éprouvait envers l’autre, ainsi que sur leur commune défiance envers le monde moderne.
Quoiqu’il en soit, ce volume collectif montre que l’œuvre de Guénon continue de questionner, de faire réfléchir, à la fois dans sa position face à la modernité, et dans sa métaphysique même. En tant que source d’un questionnement fondamental, l’œuvre guénonienne garde donc sa place dans les débats de la pensée contemporaine autour de l’islam.
Le lecteur intéressé pourra visionner le débat autour de la pensée de René Guénon proposé ci-dessous
Le volume comprend des chapitres très érudits et riches sur lesquels nous ne nous arrêterons pas en ce qu’ils ne concernent pas directement les thèmes islamiques. Mentionnons la mise au point extrêmement érudite et riche de Paul Fenton «René Guénon et le judaïsme» (p. 249-297), qui signale les passages anti-juifs voire antisémites de l’œuvre guénonienne, et passe par ailleurs en revue toute une série de personnalités juives d’Orient et d’Occident que Guénon a fréquentées et a influencées à des degrés divers. De même, les explorations de Jean-Pierre Brach sur la portée précise de la collaboration de Guénon à la revue catholique Regnabit (p. 299- 366) sont, elles, d’une précision définitive. Signalons également les précieuses remarques de Philippe Faure sur la lecture guénonienne de la Bible (p. 219- 248). L’analyse de Jean Borella sur les fragilités des positions de Guénon face aux philosophes – qu’il ne connaissait que de façon rudimentaire – apporte par ailleurs des renseignements très utiles sur la démarche de l’essayiste de Blois, fondée très souvent sur des assertions d’autorité (p. 193-217).
La position de Guénon relative à l’islam et au soufisme est évoquée dans plusieurs chapitres. Parmi eux, citons celui de Patrick Laude «René Guénon: sources traditionnelles et contextes contemporains» (p. 43-63), et celui de Paolo Urizzi «Présence du soufisme dans l’œuvre de René Guénon » (p. 337- 362). Les deux auteurs sont confrontés à une même donnée de base : la grande discrétion de Guénon sur les doctrines de l’islam ésotérique, et plus encore sur ses positions personnelles à cet égard. P. Laude propose de lire l’attitude de Guénon selon celle des «gens du blâme», en termes de malâmatiyya, dont il relève la prégnance dans plusieurs de ses textes. P. Urizzi apporte, quant à lui, une érudition nourrie sur le parcours personnel de Guénon par rapport aux courants soufis. Il rappelle les quelques monographies qui ont été publiées sur le sujet, y compris les parutions les plus récentes, et insiste sur les rapports de René Guénon avec Ivan Aguéli. Le rôle de ce dernier personnage est d’autant plus crucial qu’il est une source importante de la connaissance des textes soufis chez Guénon (p. 344 s.). Moins convaincante en revanche est l’analyse proposée de la doctrine soufie chez Guénon en fonction des silences de celui-ci, dans une sorte d’argumentation par prétérition (p. 351 s.), où l’affirmation se substitue le plus souvent à la démonstration. Seyyed Hossein Nasr propose quant à lui un exposé sur «L’influence de Guénon dans le monde islamique», où il expose comment et par l’intermédiaire de quelles personnes l’œuvre guénonienne a été connue en Iran, en Turquie, au Pakistan, en Bosnie (p. 423-436). Mentionnons enfin le texte de Jean Moncelon «René Guénon et Louis Massignon» (p. 109-136). Le thème n’en est pas vraiment neuf, comme le rappelle du reste l’auteur qui mentionne la synthèse de Xavier Accart à ce sujet (dans L’Ermite de Duqqi, 2001). Il y apporte plusieurs remarques d’ordre historique, et des gloses sur la méfiance réciproque que chacun des deux hommes éprouvait envers l’autre, ainsi que sur leur commune défiance envers le monde moderne.
Quoiqu’il en soit, ce volume collectif montre que l’œuvre de Guénon continue de questionner, de faire réfléchir, à la fois dans sa position face à la modernité, et dans sa métaphysique même. En tant que source d’un questionnement fondamental, l’œuvre guénonienne garde donc sa place dans les débats de la pensée contemporaine autour de l’islam.
Le lecteur intéressé pourra visionner le débat autour de la pensée de René Guénon proposé ci-dessous
Le métaphysicien René Guénon (1886-1951) est à la fois un auteur célèbre, dont la critique du monde moderne a exercé une influence considérable sur nombre de ses contemporains, et un grand méconnu qu’il était temps de mieux connaître. Quelle place faut-il lui attribuer dans l’histoire des idées ? Quatre spécialistes de sa vie et de son œuvre, Jean-Pierre Laurant, ancien chargé de cours à l'École pratique des hautes études (EPHE, Ve section, des sciences religieuses), Xavier Accart (auteur d'une thèse sur René Guenon en 2005 à l'EPHE), David Bisson (auteur de René Guénon : Une politique de l'esprit aux éditions Pierre-Guillaume de Roux Editions en 2013) et Pierre-Marie Sigaud (éditeur de René Guenon, aux éditions L'age d'homme en1997) répondent aux questions d’Alain de Benoist.