Relié: 2048 pages
Editeur : HarperOne;
Édition : Tra (17 novembre 2015)
Langue : Anglais ISBN-10: 0061125865
The Study Quran – A New Translation and Commentary
Seyyed Hossein Nasr, editor-in-chief, Harper One, New York, 2015, 1988 pages
Cet ouvrage collectif, qui a pris neuf années pour être mené à terme, est plus qu’une traduction commentée du Coran en anglais. On y trouve en effet, en fin d’ouvrage, plusieurs riches articles sur divers aspects du Coran.
L’ouvrage s’ouvre sur une « introduction générale » consistante, écrite par Seyyed Hossein Nasr, écrivain et universitaire de renommée internationale, lequel est l’« éditeur en chef » du projet. Il y définit les orientations du travail et le public ciblé, et y justifie notamment le fait que, dans un souci de cohérence, les contributeurs soient tous des auteurs musulmans.
Puis s’ouvre la longue « traduction et commentaire » (p. 3-1584). Suivent quinze « essais », ou articles thématiques (p. 1585-1853). S’y ajoutent des annexes dont le plus important est le référencement des paroles du Prophète (hadîth), puis un index à plusieurs entrées, et des cartes historiques de l’Arabie du VIIe siècle.
Le travail de traduction et de commentaire a été réparti sur trois auteurs (Caner Dagli, Maria Massi Dakake, Joseph Lumbard), auxquels s’ajoute Mohammed Rustom pour le seul commentaire. Le tout a été contrôlé et revu par S.H. Nasr. Le travail d’exégèse accompli par les auteurs est considérable : leurs commentaires reposent sur une immense littérature exégétique musulmane, puisque 41 mufassirûn musulmans ont été sollicités et intégrés dans le propre texte des quatre commentateurs (ils y sont référencés par des abréviations). Toutes les disciplines exégétiques sont représentées (philologie et grammaire, tradition, théologie, droit, philosophie…), et de même pour les sensibilités (sunnisme, chiisme, mu‘tazilisme, réformisme…). L’originalité de cet ouvrage réside certainement dans sa complétude : lorsque tous ces éléments objectifs sont énoncés pointe alors le traitement spiritualiste et ésotérique, soufi, de la matière coranique. De même, deux « essais » sur les quinze concernent l’ésotérisme et le soufisme.
Les commentaires figurant sous la traduction sont très denses et copieux ; il ne s’agit pas de simples notes. Et si les auteurs s’appuient sur les mufassirûn anciens, eux-mêmes manient avec dextérité la matière coranique, par exemple par l’explication d’un verset par un autre – procédé au demeurant classique. C’est ainsi la première fois qu’est disponible en langues occidentales un commentaire quasi exhaustif du Coran. Et certes, ce qui nous manque actuellement en langue française, ce n’est pas une énième traduction, mais une explicitation pédagogique de la matière coranique. Celle-ci est si allusive, paradoxale, elle suit une supra-logique tellement déroutante pour l’esprit humain, et en particulier pour un Occidental contemporain, que ce travail serait salutaire dans le contexte actuel. Nous avons bien le très précieux Dictionnaire du Coran, travail collectif dirigé par M.A. Amir-Moezzi (sorti en 2007). Mais rien ne peut remplacer un commentaire méticuleux opéré verset par verset.
The Study Quran prend parfois en compte les apports des orientalistes, dans les champs philologique et historique notamment (les études bibliques contemporaines en particulier), mais il se refuse visiblement à inclure des thèses remettant en cause la nature même du Coran et de l’islam C’est là un choix méthodologique assumé dès l’introduction par S.H. Nasr.
On note une cohésion dans l’analyse et le ton des commentaires, ce qui est remarquable au vu de la longueur du texte et de la pluralité des auteurs. Une des forces de ce travail réside d’ailleurs sans doute dans le fait d’avoir limité le nombre d’intervenants. On remarque bien sûr ici ou là des redites, des répétitions ; mais comment éviter celles-ci dans un travail collectif si complexe ?
Saluons donc cette œuvre, qui a su concilier étude globale du texte coranique et précision de l’analyse, objectivité islamologique et profondeur spirituelle. Doit-on souhaiter, pour finir, que l’ouvrage – c’est-à-dire les commentaires des sourates et les « essais » qui suivent - soit traduit en français ?
Eric GEOFFROY
Université de Strasbourg