Le XXe siècle a été le témoin de l’accession au pouvoir d’un faqih chiite dénommé Rouhoullah Mousavi Khomeiny (1902-1989). Nous sommes en 1979 et la première République islamique chiite réclamée, fondée et contrôlée par un faqih vient de naître. À ce stade, Khomeiny est à la tête d’une entreprise politico-religieuse et il exerce le pouvoir en tant que faqih gouverneur. Khomeiny applique ainsi une ancienne théorie politique chiite appelée wilayat al-faqih. L’avènement d’un faqih à la tête de la République islamique d’Iran marque l’apogée de l’évolution du statut du faqih chiite commencée dix siècles plus tôt.
L’évolution de la théorie de wilayat al-faqih : le faqih comme nouvelle expression religieuse dans le chiisme
Ce qui particularise le chiisme est la théorie de l’Imamat. Selon cette théorie, Dieu ne laisse pas les hommes seuls sans envoyer des Guides divins pour les guider sur le droit chemin. La présence des Guides divins sur la terre s’étale sur deux époques. La première est celle de la prophétologie qui commence avec Adam le premier prophète et se termine en 632 avec la mort de Mohammad, le Prophète de l’islam. La deuxième est celle de l’Imamat pendant laquelle se succèdent douze Imams appelés les Imams Immaculés. Le premier parmi eux est l’Imam Ali, gendre de Mohammad et mort en 661, et le douzième Imam est al-Mahdi. Selon la littérature chiite, al-Mahdi vit caché depuis 940 d’où son nom d’« Imam caché ». Pour les chiites, l’Imam caché réapparaîtra peu de temps avant la fin du monde pour rétablir l’ordre d’Allah une fois pour toutes. Donc, depuis 940, l’époque sacrée chiite est en suspension - c’est l’époque de l’Occultation - et les chiites, pour la première fois dans leur histoire, n’ont aucun contact direct avec leur Imam. Il est évident que, pendant l’absence de celui qui constitue l’identité même du chiisme, la communauté chiite se sent en danger existentiel. Et c’est justement ce danger existentiel qui va mobiliser les chiites pour combler la lacune causée par l’absence de l’Imam caché. Très rapidement donc, ceux qui s’estiment les plus dévoués à la cause de l’Imam caché, c'est-à-dire les savants religieux, appelés en arabe fuqaha, se rassemblent et commencent un travail de très longue haleine. Dès le dixième siècle les fuqaha inaugurent un concept religieux leur ouvrant la voie pour avoir la mainmise sur la communauté chiite. Il s’agit du concept de « la représentation de l’Imam caché ». Selon ce concept, le faqih chiite doté de connaissances assez pointues en matière religieuse peut prétendre être le représentant de l’Imam caché et bénéficier de son autorité. Ainsi, lefaqih chiite exerce sa wilaya (son pouvoir) au nom de l’Imam caché et devient la nouvelle expression religieuse dans le chiisme. Bien que le concept de la représentation de l’Imam caché soit apparu dès le dixième siècle, les modalités de sa mise en application tardent à se préciser et dépendent notamment du rapport faqih/sultan. Pendant dix siècles, le faqih chiite va s’imposer comme protecteur de sa communauté face à un sultan accusé de vouloir nuire aux intérêts des chiites. Étant donné que le sultan en place est le plus souvent de confession sunnite, le faqih chiite n’aura pas de grande difficulté à gagner la confiance de sa communauté. Il faut cependant préciser que le pouvoir du faqih ne s’est pas consolidé sous l’autorité d’un pouvoir sunnite. Les quatre étapes fondatrices de l’évolution du pouvoir du faqih ont eu lieu sous des autorités pro-chiites ou tolérantes avec les chiites.
Ce qui particularise le chiisme est la théorie de l’Imamat. Selon cette théorie, Dieu ne laisse pas les hommes seuls sans envoyer des Guides divins pour les guider sur le droit chemin. La présence des Guides divins sur la terre s’étale sur deux époques. La première est celle de la prophétologie qui commence avec Adam le premier prophète et se termine en 632 avec la mort de Mohammad, le Prophète de l’islam. La deuxième est celle de l’Imamat pendant laquelle se succèdent douze Imams appelés les Imams Immaculés. Le premier parmi eux est l’Imam Ali, gendre de Mohammad et mort en 661, et le douzième Imam est al-Mahdi. Selon la littérature chiite, al-Mahdi vit caché depuis 940 d’où son nom d’« Imam caché ». Pour les chiites, l’Imam caché réapparaîtra peu de temps avant la fin du monde pour rétablir l’ordre d’Allah une fois pour toutes. Donc, depuis 940, l’époque sacrée chiite est en suspension - c’est l’époque de l’Occultation - et les chiites, pour la première fois dans leur histoire, n’ont aucun contact direct avec leur Imam. Il est évident que, pendant l’absence de celui qui constitue l’identité même du chiisme, la communauté chiite se sent en danger existentiel. Et c’est justement ce danger existentiel qui va mobiliser les chiites pour combler la lacune causée par l’absence de l’Imam caché. Très rapidement donc, ceux qui s’estiment les plus dévoués à la cause de l’Imam caché, c'est-à-dire les savants religieux, appelés en arabe fuqaha, se rassemblent et commencent un travail de très longue haleine. Dès le dixième siècle les fuqaha inaugurent un concept religieux leur ouvrant la voie pour avoir la mainmise sur la communauté chiite. Il s’agit du concept de « la représentation de l’Imam caché ». Selon ce concept, le faqih chiite doté de connaissances assez pointues en matière religieuse peut prétendre être le représentant de l’Imam caché et bénéficier de son autorité. Ainsi, lefaqih chiite exerce sa wilaya (son pouvoir) au nom de l’Imam caché et devient la nouvelle expression religieuse dans le chiisme. Bien que le concept de la représentation de l’Imam caché soit apparu dès le dixième siècle, les modalités de sa mise en application tardent à se préciser et dépendent notamment du rapport faqih/sultan. Pendant dix siècles, le faqih chiite va s’imposer comme protecteur de sa communauté face à un sultan accusé de vouloir nuire aux intérêts des chiites. Étant donné que le sultan en place est le plus souvent de confession sunnite, le faqih chiite n’aura pas de grande difficulté à gagner la confiance de sa communauté. Il faut cependant préciser que le pouvoir du faqih ne s’est pas consolidé sous l’autorité d’un pouvoir sunnite. Les quatre étapes fondatrices de l’évolution du pouvoir du faqih ont eu lieu sous des autorités pro-chiites ou tolérantes avec les chiites.
La première étape fondatrice commence en 945 avec l’avènement de la dynastie Bouyide qui va dominer l’ouest de l’Iran et une partie de l’Irak jusqu’en 1055. Cette étape est la plus importante non seulement en raison de la politique religieuse tolérante des Bouyides, dont les chiites seront largement bénéficiaires, mais plus particulièrement, car elle arrive cinq ans après le début de l’occultation de l’Imam caché, en d’autres termes après la suspension du sacré. C’est sous la dynastie Bouyide que le faqih chiite écrit l’essentiel des ouvrages déterminant la doctrine chiite et renforce son pouvoir. La consolidation du pouvoir du faqih se fait parallèlement avec l’évolution épistémologique et méthodique de son champ de savoir. Progressivement, le faqih n’hésite plus à s’appuyer en partie sur son propre avis afin de déduire des nouveaux jugements plus adéquats avec la nouvelle situation. Ainsi, un certain nombre de fuqaha chiites, comme al-Mourtada (966-1044), insiste sur la nécessité de pratiquer les devoirs islamiques conformément à l’avis d’un faqih (al-Taklid). D’autres, comme al-Moufid (949-983) et Abou Salah al-Halabi (984-1055), inaugurent le concept de la représentation de l’Imam caché (niyabat al-imam). C’est ainsi que le faqih commence à s’approprier la représentation du sacré et débute la codification et l’institutionnalisation de sa wilaya (son pouvoir) qui reste néanmoins limitée au sein de sa communauté. L’évolution du statut du faqih constitue un élément de divergence au sein du corps des fuqaha qui se divise en deux tendances. La première est rationaliste et accorde un rôle de plus en plus grandissant à la raison dans la déduction des jugements religieux. La deuxième est traditionaliste et reste plutôt très attachée aux sens premiers des textes sacrés.
La deuxième étape fondatrice a lieu au cours de XIIIe siècle en Irak et en Iran sous l’ère des Mongols (1264-1336). Pendant cette époque, plusieurs savants chiites comme al-Mouhakik al-Hilli (1205-1277) et notamment al-Allama al-Hilli (1250-1325), portés par des situations politiques plus et moins favorables au chiisme, consolident l’utilisation de la raison dans la déduction des jugements religieux. Un autre savant chiite originaire du sud du Liban, al-Chahid al-Awal (1334-1384), élargit les compétences du faqih en parlant de la wilayat al-a’mma du faqih (le pouvoir étendu du faqih).
La troisième étape fondatrice correspond au règne de la dynastie safavide (1501-1795). Pendant près de trois siècles, la dynastie safavide domine l’Iran et s’imposer comme rivale de l’Empire ottoman sunnite. C’est sous la dynastie safavide, qui instaure officiellement le chiisme comme religion d’État, qu’un faqih chiite originaire du Liban appelé al-Karaki (1465-1533) deviendra, à la demande de Chah d’Iran Ţahmãsb, le premier faqih chiite qui exerce son pouvoir en portant officiellement le titre de représentant de l’Imam.
La quatrième étape fondatrice se fera sous la dynastie Qadjar (1795-1925). C’est pendant cette époque qu’un faqih chiite appelé al-Naraqi (1771-1830) précise clairement que le faqih chiite bénéficie de tout ce que bénéficient les Imams immaculés. La codification et l’institutionnalisation du pouvoir du faqih s’accélèrent avec d’autres fuqaha’ comme Mahdi Bahr al-Ouloum (1724-1779), Kachif al-Gida’ (1743-1813), al-Murtada al-Ansari (1800-1864) et Kazim al-Yazadi (1831-1919) qui profitent de la fragilité des autorités politiques sur place, très occupées par l’intervention russe en Iran, pour renforcer leur autorité auprès de la communauté chiite. En 1925, à la fin de la dynastie Qadjar et à l’arrivée de la dynastie Pahlavi, le faqih chiite se trouve à la tête d’une institution religieuse puissante.
La quatrième étape fondatrice se fera sous la dynastie Qadjar (1795-1925). C’est pendant cette époque qu’un faqih chiite appelé al-Naraqi (1771-1830) précise clairement que le faqih chiite bénéficie de tout ce que bénéficient les Imams immaculés. La codification et l’institutionnalisation du pouvoir du faqih s’accélèrent avec d’autres fuqaha’ comme Mahdi Bahr al-Ouloum (1724-1779), Kachif al-Gida’ (1743-1813), al-Murtada al-Ansari (1800-1864) et Kazim al-Yazadi (1831-1919) qui profitent de la fragilité des autorités politiques sur place, très occupées par l’intervention russe en Iran, pour renforcer leur autorité auprès de la communauté chiite. En 1925, à la fin de la dynastie Qadjar et à l’arrivée de la dynastie Pahlavi, le faqih chiite se trouve à la tête d’une institution religieuse puissante.
La place de la théorie de wilayat al-faqih au sein de la République islamique d’Iran : les représentants de la souveraineté divine face aux représentants de la souveraineté du peuple
À la veille de la révolution islamique en Iran, la scène politique au Moyen-Orient est dominée essentiellement par trois idéologies politiques que sont le communisme, le nationalisme et le panarabisme. Les mouvements à tendances islamiques peinent à trouver leurs places. La scène politique de l’Iran, qui est sous le contrôle de deuxième et dernier monarque de la dynastie pahlavi, Mohammad Réza chah (1919-1980), est partagée essentiellement entre le parti communiste Toudeh et le front national de Mohammad Mousadek (1882-1967). Une fois à la tête de la République islamique d’Iran, Khomeiny exerce le pouvoir en tant que faqih gouverneur et applique la théorie de wilayat al-faqih al-mutlaqa (le pouvoir absolu du faqih). Cette théorie repose sur l’idée suivante : en attendant le retour de l’Imam caché, le faqih chiite joue le présupposé rôle de l’Imam caché dans les domaines de la vie et bénéficie de son autorité. Ainsi Khomeiny devient le Guide de la République islamique. À son arrivée en Iran, Khomeiny devait choisir un nom pour le nouvel État. À l’issue d’un débat, il choisit l’actuel nom de l’Iran qui est la République islamique d’Iran. Ce choix est loin d’être anodin puisque Khomeiny, dès le départ, voulait que le peuple soit associé à cette entreprise politico-religieuse. Mais très rapidement cette association s’avère très compliquée et amène à des positions et des propos ambigus, voire contradictoires. Ainsi, d’un côté Khomeiny répète à maintes reprises des formules comme « le destin du peuple est entre ses mains », « c’est à chaque peuple de décider de son sort » ou encore « si le peuple veut avoir quelque chose, il l’aura » et d’un autre côté il dit que
L’association du peuple à l’entreprise politico-religieuse crée une dichotomie. Cette dichotomie reflète le rapport dialectique entre les représentants de la souveraineté divine et ceux de la souveraineté du peuple. Nous allons voir comment cette dichotomie caractérise les institutions constitutionnelles de la République islamique. Nous discernons deux catégories dans les institutions constitutionnelles. La première est celle que nous nommons « catégorie des institutions profanes ». Il s’agit de la Présidence de la République et de l’Assemblée consultative islamique c'est-à-dire le Parlement. Les Iraniens élisent le Président de la République et les députés par un suffrage universel au scrutin direct et secret. Dans cette catégorie, c’est le peuple qui vote et choisit ses représentants. La deuxième catégorie est celle que nous désignons comme « catégorie des institutions sacrées ». Elle comprend les trois institutions suivantes : les Experts du choix du Guide, le Conseil des Gardiens de la Constitution et enfin le Conseil du discernement de l’intérêt du régime. Uniquement les membres des Experts du choix du Guide sont élus par le peuple. Les membres du Conseil des Gardiens de la Constitution et du Conseil du discernement de l’intérêt du régime sont nommés soient directement ou indirectement par le Guide. L’institution du Conseil des Gardiens de la Constitution incarne, par excellence, la nature sacrée du système politique iranien. Ce Conseil est composé de douze membres. La première moitié est nommée directement par le Guide tandis que la deuxième est nommée par l’Assemblée consultative après recommandation du chef du pouvoir judiciaire. Étant donné que le chef du pouvoir judiciaire est nommé par le Guide, on peut conclure que la deuxième moitié est désignée indirectement par le Guide. Quelle est la fonction du Conseil des Gardiens de la Constitution ? Cette institution supervise les référendums et les élections présidentielles, parlementaires et celles des Experts du choix du Guide. Elle interprète la Constitution et surtout décide des critères d’éligibilité de tous les candidats. Le Conseil des Gardiens filtre ainsi les candidats en toute légalité. Le filtrage est censé empêcher toutes candidatures dites fantaisistes, mais il se trouve qu’une partie des candidats déclarés inéligibles sont étiquetés opposants au régime. Le Conseil des Gardiens a le droit aussi de réfuter toutes les lois votées à l’Assemblée consultative. Ainsi, entre 1988 et 1992, le nombre de lois réfutées atteint 40%. Cette situation crée des désaccords quasi-permanents entre l’Assemblée et le Conseil des Gardiens. Khomeiny décide alors de créer le Conseil du discernement de l’intérêt du régime essentiellement pour jouer le rôle de médiateur entre l’Assemblée et le Conseil des Gardiens. Ces désaccords témoignent de conflits d’intérêts entre les représentants du peuple élus au scrutin direct et secret et ceux du Guide, en d’autres termes entre le profane et le sacré. C’est la naissance d’un nouveau duel, toujours sous la coupole sacrée/profane, celui de faqih/peuple. Étant donné que le faqih a remplacé le sultan, il se trouve désormais face à son peuple. Ce duel, qui au début de la révolution islamique pouvait passer inaperçu, est dorénavant omniprésent. Tant que le peuple sera face à des représentants qui se sont approprié la représentation du sacré, son combat est perdu d’avance. La place du peuple dépend de sa capacité à désacraliser le politique pour se mettre au cœur de l’entreprise politique en tant que sujet et non objet. Cette désacralisation doit être conçue faite et appliquée uniquement par les concernés.
À la veille de la révolution islamique en Iran, la scène politique au Moyen-Orient est dominée essentiellement par trois idéologies politiques que sont le communisme, le nationalisme et le panarabisme. Les mouvements à tendances islamiques peinent à trouver leurs places. La scène politique de l’Iran, qui est sous le contrôle de deuxième et dernier monarque de la dynastie pahlavi, Mohammad Réza chah (1919-1980), est partagée essentiellement entre le parti communiste Toudeh et le front national de Mohammad Mousadek (1882-1967). Une fois à la tête de la République islamique d’Iran, Khomeiny exerce le pouvoir en tant que faqih gouverneur et applique la théorie de wilayat al-faqih al-mutlaqa (le pouvoir absolu du faqih). Cette théorie repose sur l’idée suivante : en attendant le retour de l’Imam caché, le faqih chiite joue le présupposé rôle de l’Imam caché dans les domaines de la vie et bénéficie de son autorité. Ainsi Khomeiny devient le Guide de la République islamique. À son arrivée en Iran, Khomeiny devait choisir un nom pour le nouvel État. À l’issue d’un débat, il choisit l’actuel nom de l’Iran qui est la République islamique d’Iran. Ce choix est loin d’être anodin puisque Khomeiny, dès le départ, voulait que le peuple soit associé à cette entreprise politico-religieuse. Mais très rapidement cette association s’avère très compliquée et amène à des positions et des propos ambigus, voire contradictoires. Ainsi, d’un côté Khomeiny répète à maintes reprises des formules comme « le destin du peuple est entre ses mains », « c’est à chaque peuple de décider de son sort » ou encore « si le peuple veut avoir quelque chose, il l’aura » et d’un autre côté il dit que
« le gouvernement peut annuler les accords qui ont été faits avec le peuple, s’il constate que ces accords ne sont pas dans l’intérêt du pays et de l’Islam ».
L’association du peuple à l’entreprise politico-religieuse crée une dichotomie. Cette dichotomie reflète le rapport dialectique entre les représentants de la souveraineté divine et ceux de la souveraineté du peuple. Nous allons voir comment cette dichotomie caractérise les institutions constitutionnelles de la République islamique. Nous discernons deux catégories dans les institutions constitutionnelles. La première est celle que nous nommons « catégorie des institutions profanes ». Il s’agit de la Présidence de la République et de l’Assemblée consultative islamique c'est-à-dire le Parlement. Les Iraniens élisent le Président de la République et les députés par un suffrage universel au scrutin direct et secret. Dans cette catégorie, c’est le peuple qui vote et choisit ses représentants. La deuxième catégorie est celle que nous désignons comme « catégorie des institutions sacrées ». Elle comprend les trois institutions suivantes : les Experts du choix du Guide, le Conseil des Gardiens de la Constitution et enfin le Conseil du discernement de l’intérêt du régime. Uniquement les membres des Experts du choix du Guide sont élus par le peuple. Les membres du Conseil des Gardiens de la Constitution et du Conseil du discernement de l’intérêt du régime sont nommés soient directement ou indirectement par le Guide. L’institution du Conseil des Gardiens de la Constitution incarne, par excellence, la nature sacrée du système politique iranien. Ce Conseil est composé de douze membres. La première moitié est nommée directement par le Guide tandis que la deuxième est nommée par l’Assemblée consultative après recommandation du chef du pouvoir judiciaire. Étant donné que le chef du pouvoir judiciaire est nommé par le Guide, on peut conclure que la deuxième moitié est désignée indirectement par le Guide. Quelle est la fonction du Conseil des Gardiens de la Constitution ? Cette institution supervise les référendums et les élections présidentielles, parlementaires et celles des Experts du choix du Guide. Elle interprète la Constitution et surtout décide des critères d’éligibilité de tous les candidats. Le Conseil des Gardiens filtre ainsi les candidats en toute légalité. Le filtrage est censé empêcher toutes candidatures dites fantaisistes, mais il se trouve qu’une partie des candidats déclarés inéligibles sont étiquetés opposants au régime. Le Conseil des Gardiens a le droit aussi de réfuter toutes les lois votées à l’Assemblée consultative. Ainsi, entre 1988 et 1992, le nombre de lois réfutées atteint 40%. Cette situation crée des désaccords quasi-permanents entre l’Assemblée et le Conseil des Gardiens. Khomeiny décide alors de créer le Conseil du discernement de l’intérêt du régime essentiellement pour jouer le rôle de médiateur entre l’Assemblée et le Conseil des Gardiens. Ces désaccords témoignent de conflits d’intérêts entre les représentants du peuple élus au scrutin direct et secret et ceux du Guide, en d’autres termes entre le profane et le sacré. C’est la naissance d’un nouveau duel, toujours sous la coupole sacrée/profane, celui de faqih/peuple. Étant donné que le faqih a remplacé le sultan, il se trouve désormais face à son peuple. Ce duel, qui au début de la révolution islamique pouvait passer inaperçu, est dorénavant omniprésent. Tant que le peuple sera face à des représentants qui se sont approprié la représentation du sacré, son combat est perdu d’avance. La place du peuple dépend de sa capacité à désacraliser le politique pour se mettre au cœur de l’entreprise politique en tant que sujet et non objet. Cette désacralisation doit être conçue faite et appliquée uniquement par les concernés.