Introduction
Le ḥadīth est le compte rendu de ce que le Prophète Muḥammad aurait dit, fait ou tacitement approuvé. Il constitue la deuxième source la plus importante − après le Coran (Qur’ān) − pour la loi et la théologie musulmane. Il joue également un rôle important dans d'autres domaines du savoir islamique, comme le soufisme ou l'exégèse coranique. Le terme ḥadīth est parfois appliqué de manière plus large et inclut des récits sur les premiers musulmans de la génération du Prophète, comme les compagnons ou leurs élèves. Nous précisons que l’article suivant se focalisera sur le ḥadīth au sens étroit du terme, c'est-à-dire ce qui est attribué au Prophète uniquement. En outre, l’étude se limitera, pour l'essentiel, aux principaux domaines d'étude du Ḥadīth**, à savoir l'étude des narrations elles-mêmes et les critères établis pour les évaluer, ainsi que leur relation avec la loi islamique et leur mise en application.
Les musulmans et les non-musulmans ont utilisé et étudié le Ḥadīth pour diverses raisons au fil du temps. Ce qui a conduit à des positions très différentes, souvent opposées, entre les approches internes (musulmanes) et externes (non musulmanes) mais aussi au sein même de ces approches. Parmi ces approches, il est possible de distinguer les aspects scientifiques de ceux qui le sont moins. C’est pour cette raison que dans cet article, l'accent sera mis principalement sur la relation entre les approches traditionnelles et les études académiques modernes sur le Ḥadīth dans une perspective non religieuse. Certaines réflexions, néanmoins, seront également menées sur l'utilisation du Ḥadīth en dehors du domaine académique.
Les musulmans et les non-musulmans ont utilisé et étudié le Ḥadīth pour diverses raisons au fil du temps. Ce qui a conduit à des positions très différentes, souvent opposées, entre les approches internes (musulmanes) et externes (non musulmanes) mais aussi au sein même de ces approches. Parmi ces approches, il est possible de distinguer les aspects scientifiques de ceux qui le sont moins. C’est pour cette raison que dans cet article, l'accent sera mis principalement sur la relation entre les approches traditionnelles et les études académiques modernes sur le Ḥadīth dans une perspective non religieuse. Certaines réflexions, néanmoins, seront également menées sur l'utilisation du Ḥadīth en dehors du domaine académique.
L'enseignement traditionnel du Ḥadīth, remonte aux premiers siècles de l'Islam. Il a contribué à définir et à façonner les corpus de traditions qui sont devenus la base de toute étude dans cette discipline. Il a émergé en lien et en réponse à un traitement initialement non critique des narrations sur ce que le Prophète Muḥammad aurait fait ou dit. Ses sentences ont été transmises et recueillies, mais aussi inventées et remaniées pour diverses raisons. Plus important encore, elles ont servi à soutenir différentes revendications juridiques et théologiques. Bien que l'on puisse supposer qu'un bon nombre des premiers croyants considéraient le Prophète comme un modèle à suivre et donc se référaient à ses paroles et à ses actes. Il est également prouvé, et ce dès le début, qu’il existait des traditions prophétiques inventées pour promouvoir certains points de vue politiques, juridiques ou théologiques voire même pour des raisons d'intérêt personnel. En guise d’exemples, l’on peut citer les prétendues déclarations prophétiques sur les vertus et les mérites de ꜥAlī b. Abī Tālib (m.40/661) ou celles attribuées à son rival politique Muꜥāwiya b. Abī Sufyān (m.60/680), qui a lutté pour obtenir le Califat. Ainsi que l’invention de traditions défavorables par chaque camp opposé, pour les dénigrer [1]. D'autres prétendues sentences prophétiques lui font commenter des groupes qui n'existaient pas encore de son vivant, comme les Zaydiyya (du nom de Zayd b. ꜥAlī, m.122/740) [2] ou les ḥadīths qui font louer des villes comme Bagdād, Bassora ou Kūfa, qui n'ont été fondées qu'après sa mort [3]. Un exemple de contrefaçon très effrontée est une tradition attribuée à un certain Muḥammad b. al-Hajjāj al-Lakhmī (m.181/797), un marchand de nourriture de Bagdād qui vendait de la harīssa, un plat fait de viande et de boulgour. Il a diffusé un Ḥadīth dans lequel le Prophète affirmait qu'on lui avait donné de la harīssa au paradis, et que celle-ci lui donnait l'énergie sexuelle de quarante hommes [4].
En réponse à cette invention polémique de traditions prophétiques, les érudits musulmans spécialisés dans le Ḥadīth ont développé des méthodes pour évaluer leur authenticité afin d’identifier et d’en éliminer les fausses. Au fil du temps, les sentences, déclarations ou actes de Muḥammad concernant des questions juridiques ou théologiques jugés authentiques en sont venus à être considérés comme normatifs pour le comportement du croyant et ont été transmis et finalement fixés par écrit dans divers recueils. Comme la communauté s’est divisait en plusieurs factions, chacune d’entre elles considérait les différentes collections comme particulièrement importantes. Ce qui a entraîné la création de différents corpus de ḥadīths. Parmi ceux-ci, les corpus Sunnites et Shīꜥites duodécimains sont les plus conséquents mais il existe d’autres collections mais moins importantes, chez les Ibāḍites, les Zaydites tout comme chez les Ismāꜥilites.
Cependant, l'étude des ḥadīths ne s'est pas terminée avec l'établissement des corpus qui font autorité. Ceux-ci ne constituent qu'une partie, bien que substantielle, du cadre juridique. Il y a eu toujours différentes évaluations de la fiabilité de ḥadīths individuels, les uns par rapport aux autres ainsi que leur relation avec d'autres sources pertinentes, comme le Coran. L'approche traditionnelle du Ḥadīth a donc toujours comporté deux aspects majeurs. Tout d’abord, elle établissait une distinction entre les érudits ou experts dans la transmission, la préservation et l'évaluation des ḥadīths – al-mūḥaddithūn – et ceux qui sont spécialisés dans leur application, tels que les jurisconsultes et les théologiens. Après l'établissement des corpus de ḥadīths jugés authentiques plus ou moins fixes, l'expertise de cette catégorie est devenue plus pertinente. Cette évaluation critique à continuer d'être un aspect important et va le rester jusqu'à aujourd'hui. Des universitaires tels que le Syrien Muḥammad Nāṣir al-Dīn al-Albānī (m.1999), qui a consacré sa vie à l'étude du Ḥadīth, témoignent de la pertinence et de la continuité de cet engouement consacré aux études des traditions prophétiques.
Par ailleurs, il faut souligner que les approches du Ḥadīth n’étaient pas toutes érudites, les croyants ordinaires sont également impliqués dans les débats relatifs à cette matière ; cependant leur pratique s'appuie sur l’évaluation réalisée par les autorités compétentes (ceux qui sont versés dans la science du Ḥadīth ou les juristes qui font autorité). En effet, la grande majorité des musulmans ne sont pas en mesure d'évaluer le contexte d'un ḥadīth spécifique, son authenticité ou ses implications à la lumière d'autres sources pertinentes. Donc ils ont dû se fier à l'appréciation et à l'évaluation des experts en la matière. Notons aussi que le Ḥadīth n'est pas seulement utilisé pour ses applications pratiques. La participation à des récitations publiques, par exemple, a été considérée par certains musulmans comme un acte de piété [à l’instar de la récitation du Coran].
Les approches non universitaires se retrouvent également au cœur des débats polémiques ou politiques entre musulmans ou avec des non-musulmans. Comme indiqué plus haut, l'utilisation polémique du Ḥadīth a commencé très tôt et a été l'une des pratiques qui a donné lieu au développement de l'approche érudite traditionnelle avec son évaluation critique. Même si cette approche savante n'a pas pu éliminer l'exploitation des ḥadīths à des fins diverses. C’est le cas de le dire, puisque tout au long de l'histoire, ils ont été utilisés dans des conflits théologiques ou sectaires. Aujourd'hui encore, ils sont employés, par exemple, par des groupes islamistes pour soutenir leur vision de la société. Le Ḥadīth est également mis à profit pour confirmer le caractère miraculeux du Coran, l’humanité du Prophète, ou l'imminence du Jour du Jugement Dernier. C’est ainsi, qu’une tradition a été utilisée par l'État dit islamique pour justifier l'asservissement des familles Yazidi [5] et certaines personnes ont interprété diverses traditions apocalyptiques comme faisant référence à Saddam Hussein ou aux Talibans [6]. Toutes ces approches musulmanes partagent un point commun, c’est le fait qu'elles s'appuient généralement sur un nombre très limité de ḥadīths qui semblent soutenir un point de vue spécifique, tout en ignorant leur contexte, leur relation avec d'autres ḥadīths ou leur évaluation critique par les érudits musulmans.
Cette manière sélective d’aborder le Ḥadīth n'est pas très différente de l’approche non musulmane et non universitaire que l'on peut qualifier de polémique ou d'hostile. Semblable aux approches savantes et non savantes musulmanes, elle considère le corpus des hadiths, du moins dans une certaine mesure, comme authentique afin de l’utiliser principalement pour discréditer le Prophète Muḥammad ou la religion musulmane dans son ensemble. Cette approche a une longue histoire, elle a déjà commencé avec les premières rencontres entre musulmans et non-musulmans lors de l'expansion de l'islam. Et elle se poursuit encore jusqu'à nos jours. Tout compte fait, l’approche que l’on peut qualifier de polémique ne s'intéresse pas à l'évaluation critique des traditions dont elle fait usage, mais s'appuie plutôt sur le sens littéral apparent d'une tradition pour parvenir à ses fins. Plus récemment, une approche apologétique a pu être repérée chez certains non-musulmans qui tentent de défendre l'islam contre des accusations spécifiques, notamment en matière de violence et d'égalité. Tout comme l’approche polémique, cet usage apologétique des ḥadīths ne tient généralement pas compte de leurs contextes ni des évaluations critiques qui lui ont été consacrées par les experts.
En réponse à cette invention polémique de traditions prophétiques, les érudits musulmans spécialisés dans le Ḥadīth ont développé des méthodes pour évaluer leur authenticité afin d’identifier et d’en éliminer les fausses. Au fil du temps, les sentences, déclarations ou actes de Muḥammad concernant des questions juridiques ou théologiques jugés authentiques en sont venus à être considérés comme normatifs pour le comportement du croyant et ont été transmis et finalement fixés par écrit dans divers recueils. Comme la communauté s’est divisait en plusieurs factions, chacune d’entre elles considérait les différentes collections comme particulièrement importantes. Ce qui a entraîné la création de différents corpus de ḥadīths. Parmi ceux-ci, les corpus Sunnites et Shīꜥites duodécimains sont les plus conséquents mais il existe d’autres collections mais moins importantes, chez les Ibāḍites, les Zaydites tout comme chez les Ismāꜥilites.
Cependant, l'étude des ḥadīths ne s'est pas terminée avec l'établissement des corpus qui font autorité. Ceux-ci ne constituent qu'une partie, bien que substantielle, du cadre juridique. Il y a eu toujours différentes évaluations de la fiabilité de ḥadīths individuels, les uns par rapport aux autres ainsi que leur relation avec d'autres sources pertinentes, comme le Coran. L'approche traditionnelle du Ḥadīth a donc toujours comporté deux aspects majeurs. Tout d’abord, elle établissait une distinction entre les érudits ou experts dans la transmission, la préservation et l'évaluation des ḥadīths – al-mūḥaddithūn – et ceux qui sont spécialisés dans leur application, tels que les jurisconsultes et les théologiens. Après l'établissement des corpus de ḥadīths jugés authentiques plus ou moins fixes, l'expertise de cette catégorie est devenue plus pertinente. Cette évaluation critique à continuer d'être un aspect important et va le rester jusqu'à aujourd'hui. Des universitaires tels que le Syrien Muḥammad Nāṣir al-Dīn al-Albānī (m.1999), qui a consacré sa vie à l'étude du Ḥadīth, témoignent de la pertinence et de la continuité de cet engouement consacré aux études des traditions prophétiques.
Par ailleurs, il faut souligner que les approches du Ḥadīth n’étaient pas toutes érudites, les croyants ordinaires sont également impliqués dans les débats relatifs à cette matière ; cependant leur pratique s'appuie sur l’évaluation réalisée par les autorités compétentes (ceux qui sont versés dans la science du Ḥadīth ou les juristes qui font autorité). En effet, la grande majorité des musulmans ne sont pas en mesure d'évaluer le contexte d'un ḥadīth spécifique, son authenticité ou ses implications à la lumière d'autres sources pertinentes. Donc ils ont dû se fier à l'appréciation et à l'évaluation des experts en la matière. Notons aussi que le Ḥadīth n'est pas seulement utilisé pour ses applications pratiques. La participation à des récitations publiques, par exemple, a été considérée par certains musulmans comme un acte de piété [à l’instar de la récitation du Coran].
Les approches non universitaires se retrouvent également au cœur des débats polémiques ou politiques entre musulmans ou avec des non-musulmans. Comme indiqué plus haut, l'utilisation polémique du Ḥadīth a commencé très tôt et a été l'une des pratiques qui a donné lieu au développement de l'approche érudite traditionnelle avec son évaluation critique. Même si cette approche savante n'a pas pu éliminer l'exploitation des ḥadīths à des fins diverses. C’est le cas de le dire, puisque tout au long de l'histoire, ils ont été utilisés dans des conflits théologiques ou sectaires. Aujourd'hui encore, ils sont employés, par exemple, par des groupes islamistes pour soutenir leur vision de la société. Le Ḥadīth est également mis à profit pour confirmer le caractère miraculeux du Coran, l’humanité du Prophète, ou l'imminence du Jour du Jugement Dernier. C’est ainsi, qu’une tradition a été utilisée par l'État dit islamique pour justifier l'asservissement des familles Yazidi [5] et certaines personnes ont interprété diverses traditions apocalyptiques comme faisant référence à Saddam Hussein ou aux Talibans [6]. Toutes ces approches musulmanes partagent un point commun, c’est le fait qu'elles s'appuient généralement sur un nombre très limité de ḥadīths qui semblent soutenir un point de vue spécifique, tout en ignorant leur contexte, leur relation avec d'autres ḥadīths ou leur évaluation critique par les érudits musulmans.
Cette manière sélective d’aborder le Ḥadīth n'est pas très différente de l’approche non musulmane et non universitaire que l'on peut qualifier de polémique ou d'hostile. Semblable aux approches savantes et non savantes musulmanes, elle considère le corpus des hadiths, du moins dans une certaine mesure, comme authentique afin de l’utiliser principalement pour discréditer le Prophète Muḥammad ou la religion musulmane dans son ensemble. Cette approche a une longue histoire, elle a déjà commencé avec les premières rencontres entre musulmans et non-musulmans lors de l'expansion de l'islam. Et elle se poursuit encore jusqu'à nos jours. Tout compte fait, l’approche que l’on peut qualifier de polémique ne s'intéresse pas à l'évaluation critique des traditions dont elle fait usage, mais s'appuie plutôt sur le sens littéral apparent d'une tradition pour parvenir à ses fins. Plus récemment, une approche apologétique a pu être repérée chez certains non-musulmans qui tentent de défendre l'islam contre des accusations spécifiques, notamment en matière de violence et d'égalité. Tout comme l’approche polémique, cet usage apologétique des ḥadīths ne tient généralement pas compte de leurs contextes ni des évaluations critiques qui lui ont été consacrées par les experts.
La dernière approche à aborder est celle que l’on peut désigner d’académique, elle est la principale méthode utilisée dans la recherche moderne sur l'islam depuis le XIXe siècle environ. La terminologie "approche académique" est ici préférée à "approche occidentale" ou "approche non musulmane", car elle inclut de plus en plus souvent des chercheurs musulmans. Elle est à opposer à "l’érudition traditionnelle musulmane", qui n'a pas besoin d'être moins savante, mais repose sur des prémisses différentes, comme nous le verrons plus loin. À cet égard, le terme "traditionnel" ne signifie pas non plus rétrograde ou dépassé, mais implique simplement que les hypothèses et les méthodes de base utilisées suivent celles de l'érudition musulmane. L'enseignement universitaire du Ḥadīth est né d'un regard critique envers la tradition savante musulmane sous l'influence des idées des Lumières et, en particulier, de l'utilisation des méthodes historico-critiques dérivées de celles appliquées dans le domaine des études bibliques. Dès le début de l'implication universitaire dans l’étude des sources de l'islam, les chercheurs ont été prudents quant à la fiabilité des informations contenues dans la tradition musulmane. Les ḥadīths contradictoires et leur caractère en partie manifestement miraculeux, embellissant ou tendancieux étaient une raison suffisante pour ne pas les accepter sans esprit critique. Ceci étant dit, il n’en demeure pas moins que de manière générale, on estimait qu'il était tout à fait possible de discerner les formes tendancieuses et d'extraire des informations historiquement fiables à partir de la quantité considérable des ḥadīths [7]. Toutefois, cette approche a changé de perspective à partir de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Deux études ont particulièrement contribué à ébranler la confiance dans l'authenticité de la tradition, à savoir le deuxième volume des « Muḥammadanische Studien » d'Ignace Goldziher, publié en 1890 [8] et « The Origins of Islamic Jurisprudence » de Joseph Schacht, publié en 1950 [9]. Goldziher a fait valoir que plusieurs ḥadīths prétendument prophétiques reflétaient en fait, des débats politiques et théologiques ultérieurs, et donc ne pouvant pas être considérés comme les déclarations de Muḥammad. Ce qui implique que les mécanismes traditionnels de la critique du Ḥadīth n'avaient manifestement pas réussi à identifier les traditions fausses [10]. Quant à Schacht, il a soutenu que les ḥadīths à portée légale remontant au Prophète ne sont devenues la règle qu'après l’époque d’al-Shāfiꜥī (m.204/820) qui a plaidé avec succès pour l'autorité des ḥadīths et leur suprématie sur les déclarations des générations suivantes [11] Cet état de fait a conduit, selon Schacht, à l'invention de traditions et à l'attribution [rétroprojection] au Prophète des déclarations de personnages postérieurs [12]. Bien que tous les universitaires n’aient pas suivis Goldziher et Schacht dans leur évaluation critique ; leurs publications, entre autres, ont conduit à une vision généralement beaucoup plus prudente voire sceptique dans l'enseignement universitaire vis-à-vis de la fiabilité du Ḥadīth. Cette approche prudente à sceptique des sources et les débats qui en découlent, ainsi que les méthodes utilisées pour évaluer leur signification ont depuis lors fortement influencé la recherche universitaire en la matière. Dans ce qui suit, nous examinerons dans quelle mesure, l’étude du Ḥadīth selon la tradition savante musulmane a structuré les études universitaires. À cette fin, différents aspects seront pris en compte, à savoir la forme et la portée du Ḥadīth telle que définie par les tradionnalistes musulmans, ses différentes approches, la terminologie utilisée, les méthodes développées dans les deux approches musulmane et académique et enfin les frontières entre l’étude du Ḥadīth et d'autres domaines de recherche.
Deux études ont particulièrement contribué à ébranler la confiance dans l'authenticité de la tradition, à savoir le deuxième volume des « Muḥammadanische Studien » d'Ignace Goldziher, publié en 1890 [8] et « The Origins of Islamic Jurisprudence » de Joseph Schacht, publié en 1950 [9]. Goldziher a fait valoir que plusieurs ḥadīths prétendument prophétiques reflétaient en fait, des débats politiques et théologiques ultérieurs, et donc ne pouvant pas être considérés comme les déclarations de Muḥammad. Ce qui implique que les mécanismes traditionnels de la critique du Ḥadīth n'avaient manifestement pas réussi à identifier les traditions fausses [10]. Quant à Schacht, il a soutenu que les ḥadīths à portée légale remontant au Prophète ne sont devenues la règle qu'après l’époque d’al-Shāfiꜥī (m.204/820) qui a plaidé avec succès pour l'autorité des ḥadīths et leur suprématie sur les déclarations des générations suivantes [11] Cet état de fait a conduit, selon Schacht, à l'invention de traditions et à l'attribution [rétroprojection] au Prophète des déclarations de personnages postérieurs [12]. Bien que tous les universitaires n’aient pas suivis Goldziher et Schacht dans leur évaluation critique ; leurs publications, entre autres, ont conduit à une vision généralement beaucoup plus prudente voire sceptique dans l'enseignement universitaire vis-à-vis de la fiabilité du Ḥadīth. Cette approche prudente à sceptique des sources et les débats qui en découlent, ainsi que les méthodes utilisées pour évaluer leur signification ont depuis lors fortement influencé la recherche universitaire en la matière. Dans ce qui suit, nous examinerons dans quelle mesure, l’étude du Ḥadīth selon la tradition savante musulmane a structuré les études universitaires. À cette fin, différents aspects seront pris en compte, à savoir la forme et la portée du Ḥadīth telle que définie par les tradionnalistes musulmans, ses différentes approches, la terminologie utilisée, les méthodes développées dans les deux approches musulmane et académique et enfin les frontières entre l’étude du Ḥadīth et d'autres domaines de recherche.
Le cadre établi par les premiers érudits musulmans du Ḥadīth
Les différentes approches scientifiques ou non du Ḥadīth que nous avons évoqué précédemment ont eu des objectifs très différents, mais dans une large mesure, elles sont toutes liées au cadre général des études initiées par les érudits musulmans. C'est d'abord le cas par l'établissement du format des ḥadīths et de leur corpus.
Le format du Ḥadīth décrit la manière dont l’information est conservée dans les sources, à savoir des narrations généralement très courtes et isolées sur les actes et les paroles spécifiques du Prophète (ou des Imāms pour les ḥadīths Shīꜥites), qui sont fournis avec un isnād qui renferme la ligne des transmetteurs présumés du propos rapporté, du rapporteur originel jusqu’au collecteur et/ou à l'auteur de la source dans laquelle il s’y trouve. Ces deux caractéristiques trouvent leur explication dans le contexte dans lequel le hadīth en question a vu le jour. En conséquence, l’on peut dire que la nature atomique du Ḥadīth est due essentiellement à sa transmission orale initiale. Comme indiqué auparavant, les sentences attribuées au Prophète ont été principalement transmises et collectées pour fournir des conseils sur des questions morales et juridiques. C’est pour cette raison, qu’il n'était pas essentiel de fournir un contexte pour le propos ou la déclaration prophétique, bien que cette dernière renferme souvent une forme de cadre narratif. Les sentences courtes et concises se prêtaient particulièrement bien à une transmission orale, car elles étaient plus faciles à mémoriser. De l’autre côté, l’isnād est considéré par les érudits comme le moyen d'authentification d’un ḥadīth ; son usage est souvent considéré comme le résultat de la division de la communauté en différents groupes, ce qui a rendu nécessaire l'exigence d'une chaîne de garants destinée à documenter la fiabilité de la transmission.
Ce format de transmission du Ḥadīth implique que les traditions individuelles ne sont pas en relation temporelle ou causale évidente. De ce fait, il facilite la disposition de ces traditions dans n'importe quel ordre et les placent dans presque n'importe quel contexte, ce qui peut également affecter leur signification et leurs implications. Bien que ce format soit principalement adapté aux traditions normatives, il touche également à d'autres domaines, tels que les traditions historiques, bien qu'il soit moins adapté à cette matière [13].
Le format du Ḥadīth décrit la manière dont l’information est conservée dans les sources, à savoir des narrations généralement très courtes et isolées sur les actes et les paroles spécifiques du Prophète (ou des Imāms pour les ḥadīths Shīꜥites), qui sont fournis avec un isnād qui renferme la ligne des transmetteurs présumés du propos rapporté, du rapporteur originel jusqu’au collecteur et/ou à l'auteur de la source dans laquelle il s’y trouve. Ces deux caractéristiques trouvent leur explication dans le contexte dans lequel le hadīth en question a vu le jour. En conséquence, l’on peut dire que la nature atomique du Ḥadīth est due essentiellement à sa transmission orale initiale. Comme indiqué auparavant, les sentences attribuées au Prophète ont été principalement transmises et collectées pour fournir des conseils sur des questions morales et juridiques. C’est pour cette raison, qu’il n'était pas essentiel de fournir un contexte pour le propos ou la déclaration prophétique, bien que cette dernière renferme souvent une forme de cadre narratif. Les sentences courtes et concises se prêtaient particulièrement bien à une transmission orale, car elles étaient plus faciles à mémoriser. De l’autre côté, l’isnād est considéré par les érudits comme le moyen d'authentification d’un ḥadīth ; son usage est souvent considéré comme le résultat de la division de la communauté en différents groupes, ce qui a rendu nécessaire l'exigence d'une chaîne de garants destinée à documenter la fiabilité de la transmission.
Ce format de transmission du Ḥadīth implique que les traditions individuelles ne sont pas en relation temporelle ou causale évidente. De ce fait, il facilite la disposition de ces traditions dans n'importe quel ordre et les placent dans presque n'importe quel contexte, ce qui peut également affecter leur signification et leurs implications. Bien que ce format soit principalement adapté aux traditions normatives, il touche également à d'autres domaines, tels que les traditions historiques, bien qu'il soit moins adapté à cette matière [13].
Mais ce n'est pas seulement le format du Ḥadīth, qui a été façonné par les préoccupations et les méthodes développées par les érudits musulmans mais également sa portée, qui définit et structure les corpus qui nous sont parvenus. Étant donné que les hadīths ont été principalement, mais pas exclusivement, transmis et collectés en raison de leur valeur normative ; les savants du Ḥadīth, les juristes et les théologiens ont surtout enregistré les paroles et les actes qui avaient des implications pratiques. Pour que les ḥadīths aient une valeur normative, il était important de s'assurer qu'ils sont effectivement authentiques ou qu'ils peuvent au moins être considérés comme tel avec une probabilité raisonnable. Par contre, les ḥadīths identifiés comme des faux, étaient en règle générale rejetés et cessaient d'être transmis. Cela était justifié par de prétendues paroles du Prophète qui condamnaient ceux qui transmettaient ou enregistraient sciemment de fausses traditions. Certains savants ultérieurs ont néanmoins enregistré un certain nombre de faux ḥadīths, tels que ceux mentionnés au début, afin d'illustrer les différents types de forgerie et d'empêcher les gens de s’y référer par erreur. Dans les domaines autres que le Ḥadīth et la Jurisprudence, il existe également de nombreuses traditions douteuses qui ont survécu bien que les érudits ne les aient pas authentifiées, car leurs normes n'ont pas été appliquées aussi rigoureusement dans ces domaines que la discipline du Ḥadīth. Malgré ces exceptions, la portée des ḥadīths existants est en grande partie limitée à ce que les érudits musulmans considéraient comme authentiques. Cela est particulièrement vrai pour les ḥadīths au sens étroit du terme. La question de savoir ce qui est fiable était cependant controversée et la division de la communauté a finalement conduit au développement de corpus indépendants considérés comme authentiques par chacun des groupes en présence. Par conséquent, on note l’existence de corpus appartenant à des écoles différentes et parfois mutuellement exclusives malgré des similitudes considérables dans leur contenu. Les caractéristiques du développement des traditions prophétiques dans les quatre ou cinq premiers siècles de l'islam ont nécessairement influencé toute recherche ultérieure sur le Ḥadīth ainsi que son utilisation en dehors de la sphère scientifique. Donc son étude dépendait des documents qui ont émergés de ce processus. Ce matériel consiste en des narrations atomiques et fragmentaires avec de prétendues chaînes de garants. Transcrites seulement deux cents ans ou plus après la mort de Muḥammad et consignées dans différentes collections avec plusieurs variantes ; confinées pour la plupart à ce que les collecteurs respectifs considéraient comme des rapports authentiques, rassemblés dans des corpus séparés, affiliés à des écoles traditionnelles mutuellement exclusives.
Le Ḥadīth comme valeur normative et source historique : Les différentes approches du Ḥadīth
Le matériau du Ḥadīth ne convenait pas aussi bien à tous les usages ultérieurs à sa période formative. Initialement, il était manifestement bien adapté aux besoins des érudits musulmans qui l'avaient façonné. Par la suite, l'érudition musulmane est restée essentiellement dans le même cadre et a gardé les mêmes préoccupations des savants prédécesseurs, à savoir en tirer des conseils normatifs, spirituels et des décisions juridiques. Ces besoins ont été pour la plupart accommodés et satisfaits par rapport aux corpus existants.
Cependant, des difficultés sont apparues au fil du temps. Le matériau du Ḥadīth, une fois codifié, ne pouvait pas nécessairement répondre aux nouvelles questions soulevées par la propagation de l'islam dans des régions aux conditions climatiques et aux contextes culturels très différents ou à cause du développement scientifique et technologique. Et comme le matériau en question ne se rapporte pas seulement au comportement du croyant mais fournit également des règles juridiques générales, qui sont basées sur l'hypothèse que celles-ci peuvent et doivent être appliquées par l'État ou la communauté ; alors la question du rôle et de l'importance du Ḥadīth dans les sociétés pluralistes et les États laïques a suscité des débats controversés.
Cependant, des difficultés sont apparues au fil du temps. Le matériau du Ḥadīth, une fois codifié, ne pouvait pas nécessairement répondre aux nouvelles questions soulevées par la propagation de l'islam dans des régions aux conditions climatiques et aux contextes culturels très différents ou à cause du développement scientifique et technologique. Et comme le matériau en question ne se rapporte pas seulement au comportement du croyant mais fournit également des règles juridiques générales, qui sont basées sur l'hypothèse que celles-ci peuvent et doivent être appliquées par l'État ou la communauté ; alors la question du rôle et de l'importance du Ḥadīth dans les sociétés pluralistes et les États laïques a suscité des débats controversés.
Le Ḥadīth a également alimenté les approches polémiques et apologétiques. Sa nature elle-même – des sentences isolées et sans contexte – permet la construction d'une grande variété de positions qui peuvent être soutenues par des déclarations et des actes attribués Prophète.
Toutefois, en ce qui concerne l'approche académique, la portée et la nature des corpus du Ḥadīth ne sont pas conformes à aux principaux intérêts d’intérêt de la recherche. Il est vrai que la matière convient à plusieurs aspects d'étude, tels que son utilisation dans divers domaines d'apprentissage à partir des III-IVe/IX-Xe siècles. Les autres aspects sont l’étude de son émergence, ses caractéristiques littéraires, ses collections spécifiques, les pratiques populaires qui s’y rattachent tout comme ses représentations publiques. Notons néanmoins, que ces questions ont été assez marginales dans les travaux universitaires. L’intérêt majeur de la recherche académique sur la tradition musulmane réside dans la question de savoir ce qu’elle peut nous dire sur les deux premiers siècles de l'islam et en particulier sur la vie et les enseignements du Prophète Muḥammad. De ce fait, les corpus existants ne sont pas particulièrement utiles. L'absence de contexte historique pour la plupart des traditions, l'absence de chronologie, la date tardive des collections écrites ainsi que la dépendance vis-à-vis de ce que les érudits musulmans ont considéré comme authentique, rendent difficile de tirer des conclusions directes sur l'histoire des événements ou sur l’évolution des idées.
Il est communément admis que la principale différence entre l’approche traditionnelle et académique est la question de l'authenticité. Les érudits musulmans acceptent dans l'ensemble l'authenticité de leurs corpus canoniques respectifs comme reflétant, les actes et les paroles du Prophète Muḥammad. Tandis que les chercheurs universitaires rejettent une partie considérable, sinon la totalité, de ces corpus. Ceci est lié au constat que les inventions ultérieures attribuées à des autorités antérieures et in fine au Prophète lui-même. Cette différence n'est toutefois qu'un aspect subsidiaire des différentes approches et des préoccupations diverses de la recherche académique. Pour l'érudition musulmane traditionnelle, les ḥadīths constituent avant tout une source normative. Ils ont été transmis, collectés et étudiés pour apporter des réponses aux questions relatives au code juridique et moral, la Sharīꜥa, ainsi qu'à d’autres domaines comme la théologie. A ce niveau-là, ils sont utilisés pour apporter la preuve et la légitimation de positions théologiques, juridiques ou normatives spécifiques. De l’autre côté, la recherche académique, considère les ḥadīths comme une source historique, pouvant– entre autres– renseigner sur l’époque de leur émergence. L'objectif de leur évaluation critique est d'obtenir des informations sur l'histoire des débuts de l'islam ou sur l'histoire de la Loi islamique ou de la théologie.
Ces questionnements sur l’intérêt l’étude du Ḥadīth conduisent nécessairement à des approches différentes. Pour les érudits de la tradition, la question de l'autorité est essentielle pour qu'un hadīth soit considéré comme une source normative valide. Pour ce faire, il faut établir son authenticité avec un haut degré de probabilité. Autrement dit prouver qu'il provient bien du Prophète, ou du moins qu'il ne contredit pas d’autres ḥadīths jugés authentiques [14]. Pour atteindre cet objectif, les experts en Ḥadīth ont développé un système sophistiqué de vérification de l'authenticité et de la fiabilité des traditions. Principalement par leurs chaînes des garants (isnād) mais aussi, dans une certaine mesure, par leurs contenus (matn).
A noter que pour de l’approche académique, la question de l'authenticité n'est pertinente qu’en partie et n’est pas centrale dans la recherche. Car une source historique peut fournir beaucoup d'informations et ce même s'il s'agit d'une contrefaçon ultérieure. On l’occurrence, dans un tel cas, les informations qui peuvent être tirées d'une telle source se rapportent davantage à l'époque d'où elle provient plutôt qu'à celle dont elle est sensée parler. La question de l'authenticité ou de la fiabilité d'un ḥadīth est évidemment importante si elle est utilisée comme source pour la vie et les enseignements de Muḥammad. Dans ce cas, il n'est pas important d'avoir un aperçu plus approfondi sur le développement des idées spécifiques sur l'évolution de la loi et/ou de la théologie islamique, ou sur le contexte historique dans lequel le ḥadīth en question a été produit ou diffusé. Par contre, pour utiliser le Ḥadīth comme source pour ces aspects, il est plutôt nécessaire de savoir quand il a été créé et idéalement, déterminer qui était le responsable de sa diffusion et pour quelle raison. Par conséquence, l'accent doit être mis sur la question de la datation des ḥadīths. En la matière, les méthodes mises au point par les universitaires se sont concentrées en premier lieu sur le contenu du ḥadīth, autrement dit sur son matn, plutôt que sur son isnād, bien que ce dernier ait pris de l'importance ces derniers temps [15].
Les spécificités de la recherche académique en matière du Ḥadīth, ont fait que les méthodes et les critères développés dans le cadre de l’érudition traditionnelle n'étaient pas nécessairement utiles et applicables dans le cadre de la recherche universitaire. Néanmoins, pour établir si l’érudition musulmane a affecté, d’une certaine manière, la recherche académique, il est nécessaire d'examiner de plus près les méthodes et les critères utilisés dans les deux approches respectives. L'analyse qui suit se concentrera sur la critique Sunnīte du Ḥadīth, car les recherches universitaires portent principalement sur celle-ci. Les méthodes et les critères développés dans les autres traditions (Shīꜥites, Ibāḍites…etc) diffèrent d’une certaine façon mais ils suivent dans l’ensemble, les mêmes hypothèses de base et les mêmes approches que chez les Sunnites.
Toutefois, en ce qui concerne l'approche académique, la portée et la nature des corpus du Ḥadīth ne sont pas conformes à aux principaux intérêts d’intérêt de la recherche. Il est vrai que la matière convient à plusieurs aspects d'étude, tels que son utilisation dans divers domaines d'apprentissage à partir des III-IVe/IX-Xe siècles. Les autres aspects sont l’étude de son émergence, ses caractéristiques littéraires, ses collections spécifiques, les pratiques populaires qui s’y rattachent tout comme ses représentations publiques. Notons néanmoins, que ces questions ont été assez marginales dans les travaux universitaires. L’intérêt majeur de la recherche académique sur la tradition musulmane réside dans la question de savoir ce qu’elle peut nous dire sur les deux premiers siècles de l'islam et en particulier sur la vie et les enseignements du Prophète Muḥammad. De ce fait, les corpus existants ne sont pas particulièrement utiles. L'absence de contexte historique pour la plupart des traditions, l'absence de chronologie, la date tardive des collections écrites ainsi que la dépendance vis-à-vis de ce que les érudits musulmans ont considéré comme authentique, rendent difficile de tirer des conclusions directes sur l'histoire des événements ou sur l’évolution des idées.
Il est communément admis que la principale différence entre l’approche traditionnelle et académique est la question de l'authenticité. Les érudits musulmans acceptent dans l'ensemble l'authenticité de leurs corpus canoniques respectifs comme reflétant, les actes et les paroles du Prophète Muḥammad. Tandis que les chercheurs universitaires rejettent une partie considérable, sinon la totalité, de ces corpus. Ceci est lié au constat que les inventions ultérieures attribuées à des autorités antérieures et in fine au Prophète lui-même. Cette différence n'est toutefois qu'un aspect subsidiaire des différentes approches et des préoccupations diverses de la recherche académique. Pour l'érudition musulmane traditionnelle, les ḥadīths constituent avant tout une source normative. Ils ont été transmis, collectés et étudiés pour apporter des réponses aux questions relatives au code juridique et moral, la Sharīꜥa, ainsi qu'à d’autres domaines comme la théologie. A ce niveau-là, ils sont utilisés pour apporter la preuve et la légitimation de positions théologiques, juridiques ou normatives spécifiques. De l’autre côté, la recherche académique, considère les ḥadīths comme une source historique, pouvant– entre autres– renseigner sur l’époque de leur émergence. L'objectif de leur évaluation critique est d'obtenir des informations sur l'histoire des débuts de l'islam ou sur l'histoire de la Loi islamique ou de la théologie.
Ces questionnements sur l’intérêt l’étude du Ḥadīth conduisent nécessairement à des approches différentes. Pour les érudits de la tradition, la question de l'autorité est essentielle pour qu'un hadīth soit considéré comme une source normative valide. Pour ce faire, il faut établir son authenticité avec un haut degré de probabilité. Autrement dit prouver qu'il provient bien du Prophète, ou du moins qu'il ne contredit pas d’autres ḥadīths jugés authentiques [14]. Pour atteindre cet objectif, les experts en Ḥadīth ont développé un système sophistiqué de vérification de l'authenticité et de la fiabilité des traditions. Principalement par leurs chaînes des garants (isnād) mais aussi, dans une certaine mesure, par leurs contenus (matn).
A noter que pour de l’approche académique, la question de l'authenticité n'est pertinente qu’en partie et n’est pas centrale dans la recherche. Car une source historique peut fournir beaucoup d'informations et ce même s'il s'agit d'une contrefaçon ultérieure. On l’occurrence, dans un tel cas, les informations qui peuvent être tirées d'une telle source se rapportent davantage à l'époque d'où elle provient plutôt qu'à celle dont elle est sensée parler. La question de l'authenticité ou de la fiabilité d'un ḥadīth est évidemment importante si elle est utilisée comme source pour la vie et les enseignements de Muḥammad. Dans ce cas, il n'est pas important d'avoir un aperçu plus approfondi sur le développement des idées spécifiques sur l'évolution de la loi et/ou de la théologie islamique, ou sur le contexte historique dans lequel le ḥadīth en question a été produit ou diffusé. Par contre, pour utiliser le Ḥadīth comme source pour ces aspects, il est plutôt nécessaire de savoir quand il a été créé et idéalement, déterminer qui était le responsable de sa diffusion et pour quelle raison. Par conséquence, l'accent doit être mis sur la question de la datation des ḥadīths. En la matière, les méthodes mises au point par les universitaires se sont concentrées en premier lieu sur le contenu du ḥadīth, autrement dit sur son matn, plutôt que sur son isnād, bien que ce dernier ait pris de l'importance ces derniers temps [15].
Les spécificités de la recherche académique en matière du Ḥadīth, ont fait que les méthodes et les critères développés dans le cadre de l’érudition traditionnelle n'étaient pas nécessairement utiles et applicables dans le cadre de la recherche universitaire. Néanmoins, pour établir si l’érudition musulmane a affecté, d’une certaine manière, la recherche académique, il est nécessaire d'examiner de plus près les méthodes et les critères utilisés dans les deux approches respectives. L'analyse qui suit se concentrera sur la critique Sunnīte du Ḥadīth, car les recherches universitaires portent principalement sur celle-ci. Les méthodes et les critères développés dans les autres traditions (Shīꜥites, Ibāḍites…etc) diffèrent d’une certaine façon mais ils suivent dans l’ensemble, les mêmes hypothèses de base et les mêmes approches que chez les Sunnites.
La méthode traditionnelle et ses critères d’évaluation des Ḥadīths
Il est difficile de dire quoi que ce soit de certain sur la critique traditionnelle du Ḥadīth au cours des deux premiers siècles de l'islam. La raison est qu’il n'existe aucune preuve contemporaine des pratiques des érudits et des transmetteurs du Ḥadīth pour cette période. Il est très probable qu'une forme rudimentaire d'évaluation des ḥadīths a été pratiquée, dès le début, par certains transmetteurs ; comme par exemple, la recherche de témoins appuyant l'information, le jugement personnel de la fiabilité d'un informateur ou la probabilité de la véracité d'une information. Cependant, les travaux sur les critères formels permettant de distinguer les ḥadīths authentiques de ceux jugés faibles ou forgés n’ont commencé à émerger qu'au Ve/XIe siècle. Le premier de ces travaux étant le livre intitulé al-Kifāya fī-ꜥilm al-Riwāya d'al-Khaṭīb al-Baghdādī (m.463/1071) [16]. Même si certains auteurs de collections datées du IIIe/IXe siècle tout comme celles du IVe/Xe siècle, fournissent parfois leur évaluation pour des ḥadīths spécifiques. A noter aussi, que certains d'entre eux exposent une méthodologie rudimentaire ou des critères de base à appliquer ; on ne sait généralement pas comment les compilateurs sont arrivés à leurs conclusions concernant la fiabilité des transmetteurs individuels ou l'authenticité de certains ḥadīths en particulier. Il existe cependant des preuves que parmi les critères formels discutés dans la littérature théorique ultérieure ont été effectivement mis en pratique par les spécialistes du Ḥadīth dès le IIIe/IXe siècle [17].
Bien qu'il ne soit pas aisé d’en dire plus sur la critique du Ḥadīth et la façon dont elle a façonné ses corpus au cours des deux premiers siècles, il est probable qu’une critique systématique du Ḥadīth a émergée à partir du IIIe/IXe siècle, puis elle s'est développée pour devenir le système complexe que l'on peut trouver dans les travaux théoriques du Ve/XIe siècle et suivants. Une distinction fondamentale doit être faite entre les critères d'évaluation des ḥadīths concernant le contenu (matn) et d'autres qui concernent la chaîne de transmission (isnād), et la fiabilité de chaque rapporteur individuel au sein de l’isnād faisant l’objet de ladite évaluation. Dans ces deux domaines, les critères ne doivent pas être considérés comme fixes et unanimement acceptés et appliqués par tous. Ils doivent être plutôt compris comme des considérations permettant d'évaluer la fiabilité des sentences attribuées au Prophète et comme un répertoire d'outils qui pourrait être utilisé de différentes manières.
Pour ce qui est de la qualité du matin, les critères qui ont été appliqués pour identifier les ḥadīths forgés sont, entre autres : sa contradiction avec les versets explicites du Coran ; sa contradiction avec à la raison (ꜥaql) ; sa contradiction avec d’autres traditions jugées authentiques ; la présence d’anachronismes apparents ; l’existence d’incohérences logiques et l’incompatibilité avec des dogmes établis ou des pratiques juridiques [18]. Comme indiqué précédemment, les critères en question n'ont pas été utilisés de manière systématique. C’est ainsi que l’usage de la raison pour évaluer l'authenticité des ḥadīths a été très controversée. En effet, pour éviter toute évaluation arbitraire, les spécialistes du Ḥadīth en sont venus à se concentrer davantage sur les chaînes de garants et ont élaboré des critères pour évaluer leur qualité dont le résultat a ensuite été appliqué à l'ensemble de la tradition. Le pari de l’isnād était de considérer : plus celui-ci est sans défauts, plus la tradition à laquelle il se rattache a de chance d’être authentique.
Quant à la qualité de l'isnād, celle-ci, peut être évaluée à différents niveaux : d’abord à l’échelle des transmetteurs individuels formant les maillons de la chaîne ; ensuite, elle peut être évaluée au niveau de l'isnād dans son ensemble en tenant compte, entre autres, du nombre d'émetteurs, de leur relation entre eux et des modes de transmission utilisés. Enfin, la qualité de l’isnād peut être évaluée au niveau de la situation globale de l’isnād, c'est-à-dire du nombre de versions parallèles qui le corroborent.
A l’échelle des transmetteurs individuels, les experts ont évalué leur fiabilité, leur intégrité et leur capacité à mémoriser [19] mais nous savons très peu de choses sur la façon dont ces critères ont été réellement appliqués. Nous pouvons cependant observer un consensus apparent sur la fiabilité d'un grand nombre de transmetteurs [20].
Au niveau de l'isnād unique, les experts ont essayé de déterminer si les transmetteurs individuels s'étaient effectivement rencontrés et comment ils reliaient les propos ou documents entre eux [21]. C’est pourquoi certains modes de transmission ont été considérés comme plus fiables que d’autres [22]. Ils ont également examiné le nombre de rapporteurs présents dans un isnād donné. Celui qui renferme le moins de maillons est en général considéré comme meilleur que celui qui en contient le plus. C’est dans le sens que le second permet plus de possibilités d'erreurs que le premier [23]. Notons enfin, la vérification de la préservation de la mémoire des rapporteurs car certains transmetteurs pourraient oublier des choses en vieillissant et ne seront donc plus considérés comme fiables. Les deux aspects − l'étude de la fiabilité des transmetteurs individuels ainsi que de la nature de la transmission entre eux − ont contribués à l'émergence et au développement de l'immense et riche littérature biographique en islam. Une grande partie de cette littérature concerne les transmetteurs, leurs détails biographiques pour identifier quand et où ils ont vécu, leurs professeurs et leurs étudiants, et les évaluations de leur fiabilité [24].
Le troisième aspect majeur de l'évaluation d'un isnād est la corroboration d'une transmission par d'autres isnād. Plus une narration était répandue, plus elle a de chance d’être considérée comme fiable. Selon un avis commun, les ḥadīths les plus répandus, avec au moins sept émetteurs différents à chaque génération sont qualifiés de mūtawātir et étaient considérés comme étant transmis de manière aussi sûre et authentique que le Coran. Bien que les critères d'évaluation des ḥadīths soient basés sur le cadre ci-dessus, les résultats de leur application varient dans une certaine mesure. Différents érudits ont considéré un certain nombre de transmetteurs comme étant fiables sans toutefois parvenir à un accord unanime, ni à se concerter sur le fait qu'un transmetteur spécifique avait effectivement transmis ou non à partir d'un autre rapporteur.
Cependant, ce que l'on peut observer, c'est une focalisation sur l'évaluation des lignes de transmission et des transmetteurs plutôt que sur le contenu lui-même. L'avantage de se concentrer sur l'isnād était double. D'une part, au moins à première vue, cela éliminait le danger de négliger la pratique du Prophète en faveur de la raison humaine ; s'il était démontré qu'un ḥadīth remontait réellement au Prophète, cela établissait alors ce qui constituait une pratique prophétique (indépendamment du fait que cela semblait logique ou opportun dans les circonstances respectives) [25]. Et d'autre part, il était plus facile de s'entendre sur les critères et le cadre spécifique d'évaluation de l'isnād que de trouver des critères pour évaluer le matn. Dans de nombreuses questions théologiques, par exemple, il aurait été impossible de se fier à la raison humaine ou à l'expérience.
Bien qu'il ne soit pas aisé d’en dire plus sur la critique du Ḥadīth et la façon dont elle a façonné ses corpus au cours des deux premiers siècles, il est probable qu’une critique systématique du Ḥadīth a émergée à partir du IIIe/IXe siècle, puis elle s'est développée pour devenir le système complexe que l'on peut trouver dans les travaux théoriques du Ve/XIe siècle et suivants. Une distinction fondamentale doit être faite entre les critères d'évaluation des ḥadīths concernant le contenu (matn) et d'autres qui concernent la chaîne de transmission (isnād), et la fiabilité de chaque rapporteur individuel au sein de l’isnād faisant l’objet de ladite évaluation. Dans ces deux domaines, les critères ne doivent pas être considérés comme fixes et unanimement acceptés et appliqués par tous. Ils doivent être plutôt compris comme des considérations permettant d'évaluer la fiabilité des sentences attribuées au Prophète et comme un répertoire d'outils qui pourrait être utilisé de différentes manières.
Pour ce qui est de la qualité du matin, les critères qui ont été appliqués pour identifier les ḥadīths forgés sont, entre autres : sa contradiction avec les versets explicites du Coran ; sa contradiction avec à la raison (ꜥaql) ; sa contradiction avec d’autres traditions jugées authentiques ; la présence d’anachronismes apparents ; l’existence d’incohérences logiques et l’incompatibilité avec des dogmes établis ou des pratiques juridiques [18]. Comme indiqué précédemment, les critères en question n'ont pas été utilisés de manière systématique. C’est ainsi que l’usage de la raison pour évaluer l'authenticité des ḥadīths a été très controversée. En effet, pour éviter toute évaluation arbitraire, les spécialistes du Ḥadīth en sont venus à se concentrer davantage sur les chaînes de garants et ont élaboré des critères pour évaluer leur qualité dont le résultat a ensuite été appliqué à l'ensemble de la tradition. Le pari de l’isnād était de considérer : plus celui-ci est sans défauts, plus la tradition à laquelle il se rattache a de chance d’être authentique.
Quant à la qualité de l'isnād, celle-ci, peut être évaluée à différents niveaux : d’abord à l’échelle des transmetteurs individuels formant les maillons de la chaîne ; ensuite, elle peut être évaluée au niveau de l'isnād dans son ensemble en tenant compte, entre autres, du nombre d'émetteurs, de leur relation entre eux et des modes de transmission utilisés. Enfin, la qualité de l’isnād peut être évaluée au niveau de la situation globale de l’isnād, c'est-à-dire du nombre de versions parallèles qui le corroborent.
A l’échelle des transmetteurs individuels, les experts ont évalué leur fiabilité, leur intégrité et leur capacité à mémoriser [19] mais nous savons très peu de choses sur la façon dont ces critères ont été réellement appliqués. Nous pouvons cependant observer un consensus apparent sur la fiabilité d'un grand nombre de transmetteurs [20].
Au niveau de l'isnād unique, les experts ont essayé de déterminer si les transmetteurs individuels s'étaient effectivement rencontrés et comment ils reliaient les propos ou documents entre eux [21]. C’est pourquoi certains modes de transmission ont été considérés comme plus fiables que d’autres [22]. Ils ont également examiné le nombre de rapporteurs présents dans un isnād donné. Celui qui renferme le moins de maillons est en général considéré comme meilleur que celui qui en contient le plus. C’est dans le sens que le second permet plus de possibilités d'erreurs que le premier [23]. Notons enfin, la vérification de la préservation de la mémoire des rapporteurs car certains transmetteurs pourraient oublier des choses en vieillissant et ne seront donc plus considérés comme fiables. Les deux aspects − l'étude de la fiabilité des transmetteurs individuels ainsi que de la nature de la transmission entre eux − ont contribués à l'émergence et au développement de l'immense et riche littérature biographique en islam. Une grande partie de cette littérature concerne les transmetteurs, leurs détails biographiques pour identifier quand et où ils ont vécu, leurs professeurs et leurs étudiants, et les évaluations de leur fiabilité [24].
Le troisième aspect majeur de l'évaluation d'un isnād est la corroboration d'une transmission par d'autres isnād. Plus une narration était répandue, plus elle a de chance d’être considérée comme fiable. Selon un avis commun, les ḥadīths les plus répandus, avec au moins sept émetteurs différents à chaque génération sont qualifiés de mūtawātir et étaient considérés comme étant transmis de manière aussi sûre et authentique que le Coran. Bien que les critères d'évaluation des ḥadīths soient basés sur le cadre ci-dessus, les résultats de leur application varient dans une certaine mesure. Différents érudits ont considéré un certain nombre de transmetteurs comme étant fiables sans toutefois parvenir à un accord unanime, ni à se concerter sur le fait qu'un transmetteur spécifique avait effectivement transmis ou non à partir d'un autre rapporteur.
Cependant, ce que l'on peut observer, c'est une focalisation sur l'évaluation des lignes de transmission et des transmetteurs plutôt que sur le contenu lui-même. L'avantage de se concentrer sur l'isnād était double. D'une part, au moins à première vue, cela éliminait le danger de négliger la pratique du Prophète en faveur de la raison humaine ; s'il était démontré qu'un ḥadīth remontait réellement au Prophète, cela établissait alors ce qui constituait une pratique prophétique (indépendamment du fait que cela semblait logique ou opportun dans les circonstances respectives) [25]. Et d'autre part, il était plus facile de s'entendre sur les critères et le cadre spécifique d'évaluation de l'isnād que de trouver des critères pour évaluer le matn. Dans de nombreuses questions théologiques, par exemple, il aurait été impossible de se fier à la raison humaine ou à l'expérience.
Méthodes et critères d’évaluation du Ḥadīth dans la recherche académique
Pour la recherche universitaire, l'analyse du Ḥadīth a été importante à plus d’un titre. Il s'agit, après le Coran, du plus important corpus de documents qui fournit des informations sur l'époque de Muḥammad et les débuts de l'islam. Cependant, pour utiliser un ḥadīth à cette fin, il faudrait établir que les informations qu'il contient sont effectivement historiquement exactes, ce qui est notoirement difficile.
L’étude du Ḥadīth est également fondamentale pour comprendre le développement du droit islamique et, à plus grande échelle, l'histoire de l'islam. Elle reflète les controverses entre les différentes écoles de pensée, le développement de dogmes spécifiques, ainsi que le consensus émergent sur les interprétations qui relèvent de l'orthodoxie et celles qui n'en relèvent pas. Pour comprendre ces évolutions, il importe peu de savoir dans quelle mesure les traditions utilisées pour soutenir les différentes positions reflètent des faits historiques ; elles peuvent être étudiées au regard de leur utilisation dans les différents débats. Conséquemment, danse ce cas, la question de la datation se révèle cruciale.
Pour ces deux objectifs, les universitaires ont presque unanimement ignoré les méthodes de la critique musulmane du Ḥadīth. La raison est que les méthodes en question ont été jugées incapables d'éliminer le faux, comme en témoigne l'existence de contradictions et d'anachronismes. En outre, la plupart des premiers érudits n'avaient pas rendu leurs critères d'évaluation explicites ni expliqué comment ils étaient arrivés à un jugement particulier. Les études universitaires se sont donc concentrées presque exclusivement sur les ḥadīths eux-mêmes.
Les méthodes appliquées dans les programmes de recherche universitaire −principalement adoptées dans le domaine des études bibliques− varient selon les centres d’intérêts des chercheurs. Pour comprendre la vie et les enseignements de Muḥammad ou les débuts de l'islam, il était important d'établir la fiabilité des sources. Mais le plus souvent, c'est plutôt le manque de fiabilité qui peut être démontré ou argumenté. Au départ, de nombreux chercheurs ont estimé qu'il fallait éliminer les traditions qui présentaient des anachronismes évidents, des embellissements, des éléments miraculeux ou des tendances évidentes qui favorisaient des groupes ou des individus particuliers, tout en considérant d'autres traditions comme fiables à moins qu'il n'y ait des raisons spécifiques de s'en méfier [26]. L’approche sceptique de Joseph Schacht et plus tard, les approches révisionnistes telles que celles de John Wansbrough et d'autres ont conduit certains universitaires à renverser la charge de la preuve et considérer toutes les traditions comme fausses, à moins que leur authenticité ne soit prouvée [27]. Dans l'ensemble, il ne restait que très peu de critères qui faisaient plus ou moins l'unanimité. Le principe directeur de ces critères est d'établir qu'une falsification ultérieure est très peu probable. Suite à cet argument, les traditions qui présentaient Muḥammad ou la première communauté de manière négative étaient considérées comme probablement authentiques [28] [selon le critère d’embarras], tout comme celles qui semblaient contredire les déclarations du Coran ou les positions dogmatiques ultérieures [29]. Cela signifie en règle générale que les traditions qui avaient le plus de chances d'être considérées comme authentiques se trouvaient le plus souvent en dehors des collections canoniques, car ces dernières comprenaient principalement des ḥadīths qui se situaient dans le cadre des positions dogmatiques et juridiques établies.
Le deuxième grand intérêt de la recherche universitaire concerne en particulier, l'émergence et le développement de la loi et du dogme islamiques. Mais aussi concernant des positions ou des débats politiques spécifiques. Dans ces cas-là, les méthodes ont été axées sur la datation des traditions plutôt que sur la question de leur authenticité ou de leur fiabilité historique. En effet, la plupart des approches académiques présument−explicitement ou implicitement− que les ḥadīths ne reflètent pas ce que le Prophète avait dit ou fait, mais qu’ils s’agissent d’inventions ultérieures ou du moins qu'ils ont été fondamentalement remaniés par des figures ultérieures.
Comme très peu de ḥadīths peuvent être datés de manière sûre par le matn – à quelques exceptions près, comme celles qui contiennent des anachronismes évidents, ou, éventuellement, certaines traditions eschatologiques [30] – les méthodes utilisées tentent généralement d’établir une chronologie relative des différentes narrations, tout comme celles utilisées pour défendre ou contester leur authenticité ; peu voire aucune n'a reçue l'unanimité par les chercheurs. Parmi les critères suggérés, on peut citer le fait que des traditions plus complexes ou plus élaborées, sont apparues plus tard que des traditions plus simples traitant du même sujet [31], ou que les traditions qui nomment explicitement un sujet sont plus tardives que celles qui ne le contiennent qu'implicitement [32]. Certains universitaires ont fait valoir que si un ḥadīth n'était pas explicitement mentionné dans un débat où il aurait dû être soutenu comme argument, il n'aurait pu émerger qu'après le débat en question [33].
Par ailleurs, d’autres critères ont été élaborés pour établir une chronologie relative basée sur l’isnād. Il s'agit notamment du fait que les variantes d'un ḥadīth où la chaîne des garants remonte au Prophète sont plus tardives que celles qui ne remontent qu'à un compagnon ou un successeur [34]. Ou également du fait que les variantes d'un ḥadīth présentant des isnād inégaux et déficients sont plus anciennes que celles présentant des isnād apparemment parfaits [35].
Notons aussi, les tentatives qui visent, non seulement à établir une chronologie relative mais aussi à dater à un moment précis, des ḥadīths individuels et à les relier à des voies spécifiques se rejoignant dans un émetteur unique. Le plus souvent, les variantes d'un ḥadīth ont une partie de leur isnād en commun, généralement les deux, trois ou quatre émetteurs après le Prophète. La dernière de ces figures, celle dans laquelle les isnād fusionnent (ou à partir de laquelle ils se répandent par différents moyens de transmission), a été désignée comme étant le lien commun [36]. Celui-ci est généralement considéré comme l’individu qui a créé le ḥadīth ou du moins celui qui lui a donné sa forme caractéristique [37], bien qu'il existe différentes interprétations du phénomène [38]. L'analyse dite isnād-cum-matn analysis est basée sur la théorie du lien commun mais cherche à établir que les isnād qui suivent le lien commun sont indépendants les uns des autres et constituent de véritables lignes de transmission. A cette fin, elle examine dans quelle mesure les différences dans le matn correspondent aux différences dans les isnād [39]. La méthode tente ainsi d'éliminer la possibilité d'invention d'un ḥadīth après le lien commun ainsi que d'identifier les ajouts ou modifications ultérieurs et les responsables de ces modifications [40].
Bien qu'aucun des critères ou méthodes ne fasse l'unanimité, la plupart des chercheurs conviendront qu'en combinant plusieurs critères, il peut être possible dans certains cas, d'établir une chronologie relative des différentes variantes d'un ḥadīth. Une majorité de chercheur estime également que dans certains cas, il est tout à fait possible de relier un ḥadīth à un personnage clé (lien commun) et d'identifier les personnages qui étaient responsables des changements spécifiques apportés par la suite à la tradition. Et il semble y avoir un certain accord sur le fait qu'il est presque impossible de faire des affirmations sûres sur l'existence ou la forme d'un ḥadīth spécifique avant le moment du lien commun, et que toutes les considérations respectives restent, dans une certaine mesure, hypothétiques.
Il est évident que les différentes approches d’évaluation du Ḥadīth développées par les érudits musulmans et dans les études académiques sont pratiquement impossibles à concilier. Les différences en termes de finalités et d’approches entre la recherche traditionnelle et la recherche universitaire ont conduit à l'élaboration de critères très différents et souvent mutuellement exclusifs. En sommes, ce que l'érudition traditionnelle considère comme des critères qui soutiennent l'authenticité d'un ḥadīth (un isnād parfait, la conformité avec le Coran et les positions juridiques ou théologiques établies) sont considérés dans l'approche académique comme des indications de sa création tardive. A contrario, ce que les universitaires considèrent comme des indications d'une date précoce − comme un isnād incomplet ou un désaccord avec le Coran ou des positions ultérieures − seraient des signes de falsification ou de manque de fiabilité pour les érudits musulmans.
Sachant que l'érudition musulmane traditionnelle supposait que les critiques des ḥadīths avaient généralement été capables d'identifier les ḥadīths authentiques rapportant les déclarations et des actes du Prophète, les experts qui suivent l'approche académique sont plus ou moins d'accord sur le fait qu'il est théoriquement impossible de dater de manière sûre des traditions spécifiques à l'époque du Prophète voire même à celle de la première génération de croyants. La plupart des études, jusqu'à présent, n'ont pu dater les traditions que jusqu'au tournant du premier siècle de l'islam (début du huitième siècle de notre ère) et les relier à des personnages spécifiques de la deuxième génération. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il n'existe pas de traditions prophétiques authentiques, mais les critères et les méthodes utilisées par les universitaires sont généralement plus adaptés pour identifier et dater les faux que pour identifier les traditions réellement remontant au Prophète. De plus, si elles sont utilisées pour défendre l'authenticité de certains ḥadīths, ceux-ci sont exactement celles qui sont rejetées par les études musulmanes, comme celles qui présentent Muḥammad sous un jour négatif ou qui sont en désaccord avec le Coran ou les dogmes établis.
En résumé, on peut dire que si les recherches universitaires sur le Ḥadīth s'appuient en grande partie, sur le matériel qui a été façonné par les érudits de la tradition musulmane ; elles ignorent presque totalement les méthodes et les critères d'évaluation développés dans le cadre de cette approche traditionnelle. Au lieu de cela, la recherche académique a développé ses propres méthodes − souvent en empruntant à d'autres disciplines universitaires − qui étaient plus adaptées à ses centres d’intérêts pour la recherche.
L’étude du Ḥadīth est également fondamentale pour comprendre le développement du droit islamique et, à plus grande échelle, l'histoire de l'islam. Elle reflète les controverses entre les différentes écoles de pensée, le développement de dogmes spécifiques, ainsi que le consensus émergent sur les interprétations qui relèvent de l'orthodoxie et celles qui n'en relèvent pas. Pour comprendre ces évolutions, il importe peu de savoir dans quelle mesure les traditions utilisées pour soutenir les différentes positions reflètent des faits historiques ; elles peuvent être étudiées au regard de leur utilisation dans les différents débats. Conséquemment, danse ce cas, la question de la datation se révèle cruciale.
Pour ces deux objectifs, les universitaires ont presque unanimement ignoré les méthodes de la critique musulmane du Ḥadīth. La raison est que les méthodes en question ont été jugées incapables d'éliminer le faux, comme en témoigne l'existence de contradictions et d'anachronismes. En outre, la plupart des premiers érudits n'avaient pas rendu leurs critères d'évaluation explicites ni expliqué comment ils étaient arrivés à un jugement particulier. Les études universitaires se sont donc concentrées presque exclusivement sur les ḥadīths eux-mêmes.
Les méthodes appliquées dans les programmes de recherche universitaire −principalement adoptées dans le domaine des études bibliques− varient selon les centres d’intérêts des chercheurs. Pour comprendre la vie et les enseignements de Muḥammad ou les débuts de l'islam, il était important d'établir la fiabilité des sources. Mais le plus souvent, c'est plutôt le manque de fiabilité qui peut être démontré ou argumenté. Au départ, de nombreux chercheurs ont estimé qu'il fallait éliminer les traditions qui présentaient des anachronismes évidents, des embellissements, des éléments miraculeux ou des tendances évidentes qui favorisaient des groupes ou des individus particuliers, tout en considérant d'autres traditions comme fiables à moins qu'il n'y ait des raisons spécifiques de s'en méfier [26]. L’approche sceptique de Joseph Schacht et plus tard, les approches révisionnistes telles que celles de John Wansbrough et d'autres ont conduit certains universitaires à renverser la charge de la preuve et considérer toutes les traditions comme fausses, à moins que leur authenticité ne soit prouvée [27]. Dans l'ensemble, il ne restait que très peu de critères qui faisaient plus ou moins l'unanimité. Le principe directeur de ces critères est d'établir qu'une falsification ultérieure est très peu probable. Suite à cet argument, les traditions qui présentaient Muḥammad ou la première communauté de manière négative étaient considérées comme probablement authentiques [28] [selon le critère d’embarras], tout comme celles qui semblaient contredire les déclarations du Coran ou les positions dogmatiques ultérieures [29]. Cela signifie en règle générale que les traditions qui avaient le plus de chances d'être considérées comme authentiques se trouvaient le plus souvent en dehors des collections canoniques, car ces dernières comprenaient principalement des ḥadīths qui se situaient dans le cadre des positions dogmatiques et juridiques établies.
Le deuxième grand intérêt de la recherche universitaire concerne en particulier, l'émergence et le développement de la loi et du dogme islamiques. Mais aussi concernant des positions ou des débats politiques spécifiques. Dans ces cas-là, les méthodes ont été axées sur la datation des traditions plutôt que sur la question de leur authenticité ou de leur fiabilité historique. En effet, la plupart des approches académiques présument−explicitement ou implicitement− que les ḥadīths ne reflètent pas ce que le Prophète avait dit ou fait, mais qu’ils s’agissent d’inventions ultérieures ou du moins qu'ils ont été fondamentalement remaniés par des figures ultérieures.
Comme très peu de ḥadīths peuvent être datés de manière sûre par le matn – à quelques exceptions près, comme celles qui contiennent des anachronismes évidents, ou, éventuellement, certaines traditions eschatologiques [30] – les méthodes utilisées tentent généralement d’établir une chronologie relative des différentes narrations, tout comme celles utilisées pour défendre ou contester leur authenticité ; peu voire aucune n'a reçue l'unanimité par les chercheurs. Parmi les critères suggérés, on peut citer le fait que des traditions plus complexes ou plus élaborées, sont apparues plus tard que des traditions plus simples traitant du même sujet [31], ou que les traditions qui nomment explicitement un sujet sont plus tardives que celles qui ne le contiennent qu'implicitement [32]. Certains universitaires ont fait valoir que si un ḥadīth n'était pas explicitement mentionné dans un débat où il aurait dû être soutenu comme argument, il n'aurait pu émerger qu'après le débat en question [33].
Par ailleurs, d’autres critères ont été élaborés pour établir une chronologie relative basée sur l’isnād. Il s'agit notamment du fait que les variantes d'un ḥadīth où la chaîne des garants remonte au Prophète sont plus tardives que celles qui ne remontent qu'à un compagnon ou un successeur [34]. Ou également du fait que les variantes d'un ḥadīth présentant des isnād inégaux et déficients sont plus anciennes que celles présentant des isnād apparemment parfaits [35].
Notons aussi, les tentatives qui visent, non seulement à établir une chronologie relative mais aussi à dater à un moment précis, des ḥadīths individuels et à les relier à des voies spécifiques se rejoignant dans un émetteur unique. Le plus souvent, les variantes d'un ḥadīth ont une partie de leur isnād en commun, généralement les deux, trois ou quatre émetteurs après le Prophète. La dernière de ces figures, celle dans laquelle les isnād fusionnent (ou à partir de laquelle ils se répandent par différents moyens de transmission), a été désignée comme étant le lien commun [36]. Celui-ci est généralement considéré comme l’individu qui a créé le ḥadīth ou du moins celui qui lui a donné sa forme caractéristique [37], bien qu'il existe différentes interprétations du phénomène [38]. L'analyse dite isnād-cum-matn analysis est basée sur la théorie du lien commun mais cherche à établir que les isnād qui suivent le lien commun sont indépendants les uns des autres et constituent de véritables lignes de transmission. A cette fin, elle examine dans quelle mesure les différences dans le matn correspondent aux différences dans les isnād [39]. La méthode tente ainsi d'éliminer la possibilité d'invention d'un ḥadīth après le lien commun ainsi que d'identifier les ajouts ou modifications ultérieurs et les responsables de ces modifications [40].
Bien qu'aucun des critères ou méthodes ne fasse l'unanimité, la plupart des chercheurs conviendront qu'en combinant plusieurs critères, il peut être possible dans certains cas, d'établir une chronologie relative des différentes variantes d'un ḥadīth. Une majorité de chercheur estime également que dans certains cas, il est tout à fait possible de relier un ḥadīth à un personnage clé (lien commun) et d'identifier les personnages qui étaient responsables des changements spécifiques apportés par la suite à la tradition. Et il semble y avoir un certain accord sur le fait qu'il est presque impossible de faire des affirmations sûres sur l'existence ou la forme d'un ḥadīth spécifique avant le moment du lien commun, et que toutes les considérations respectives restent, dans une certaine mesure, hypothétiques.
Il est évident que les différentes approches d’évaluation du Ḥadīth développées par les érudits musulmans et dans les études académiques sont pratiquement impossibles à concilier. Les différences en termes de finalités et d’approches entre la recherche traditionnelle et la recherche universitaire ont conduit à l'élaboration de critères très différents et souvent mutuellement exclusifs. En sommes, ce que l'érudition traditionnelle considère comme des critères qui soutiennent l'authenticité d'un ḥadīth (un isnād parfait, la conformité avec le Coran et les positions juridiques ou théologiques établies) sont considérés dans l'approche académique comme des indications de sa création tardive. A contrario, ce que les universitaires considèrent comme des indications d'une date précoce − comme un isnād incomplet ou un désaccord avec le Coran ou des positions ultérieures − seraient des signes de falsification ou de manque de fiabilité pour les érudits musulmans.
Sachant que l'érudition musulmane traditionnelle supposait que les critiques des ḥadīths avaient généralement été capables d'identifier les ḥadīths authentiques rapportant les déclarations et des actes du Prophète, les experts qui suivent l'approche académique sont plus ou moins d'accord sur le fait qu'il est théoriquement impossible de dater de manière sûre des traditions spécifiques à l'époque du Prophète voire même à celle de la première génération de croyants. La plupart des études, jusqu'à présent, n'ont pu dater les traditions que jusqu'au tournant du premier siècle de l'islam (début du huitième siècle de notre ère) et les relier à des personnages spécifiques de la deuxième génération. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il n'existe pas de traditions prophétiques authentiques, mais les critères et les méthodes utilisées par les universitaires sont généralement plus adaptés pour identifier et dater les faux que pour identifier les traditions réellement remontant au Prophète. De plus, si elles sont utilisées pour défendre l'authenticité de certains ḥadīths, ceux-ci sont exactement celles qui sont rejetées par les études musulmanes, comme celles qui présentent Muḥammad sous un jour négatif ou qui sont en désaccord avec le Coran ou les dogmes établis.
En résumé, on peut dire que si les recherches universitaires sur le Ḥadīth s'appuient en grande partie, sur le matériel qui a été façonné par les érudits de la tradition musulmane ; elles ignorent presque totalement les méthodes et les critères d'évaluation développés dans le cadre de cette approche traditionnelle. Au lieu de cela, la recherche académique a développé ses propres méthodes − souvent en empruntant à d'autres disciplines universitaires − qui étaient plus adaptées à ses centres d’intérêts pour la recherche.
Terminologie et catégorisation
La terminologie relative au Ḥadīth que les érudits musulmans ont élaborée porte essentiellement sur les différents niveaux de solidité d'un ḥadīth, en ce qui concerne la fiabilité de ses transmetteurs, les modes de transmission, les caractéristiques de son isnād, notamment en ce qui concerne les lacunes éventuelles, le nombre de versions parallèles du ḥadīth en question et donc sa corroboration, et enfin son évaluation dans son ensemble [41].
Du fait que l'enseignement universitaire n'a pas tenu compte de la critique traditionnelle en raison de son apparente inadéquation pour distinguer les ḥadīths authentiques des inventions tardives. Il est aisé de comprendre que, ni la terminologie, ni la catégorisation des ḥadīths dans l'enseignement islamique n'ont eu d'impact sur l'enseignement universitaire. Les seuls termes qui ont été généralement adoptés sont le mot « ḥadīth » lui-même, ainsi que ses principaux constituants, l’isnād et le matn, parfois utilisés de manière interchangeable avec des traductions en langues vivantes (tradition ou rapport, ligne d'émetteurs/transmetteurs, texte ou contenu).
Par contre, la recherche universitaire a développé sa propre terminologie, notamment en ce qui concerne l'isnād. Plusieurs autres termes ont été inventés en plus du lien commun, comme le lien commun partiel (un élève du lien commun qui a lui-même deux élèves ou plus)[42], la filière (une seule ligne d'émetteurs qui remonte à une autorité plus tôt que le lien commun d'une tradition)[43], l'araignée (une constellation qui ne se compose que d'un seul brin au lien commun et pas de liens communs partiels)[44], le phénomène de « propagation » de l’isnād (omission délibérée d'émetteurs qui conduit à la création de faux liens communs et obscurcit la vision des initiateurs d'une tradition)[45] et plusieurs autres sont tous propres à l'érudition universitaire en matière du Ḥadīth, bien que certains aient des parallèles avec l'érudition musulmane[46]. Il y a également eu des tentatives de catégorisation des personnes impliquées dans la transmission et la collecte du matériel, non pas en fonction de leur fiabilité ou de leur position au sein de l’isnād mais en fonction de leur rôle[47]. Si certains de ces termes et les concepts sous-jacents n'ont pas trouvé de reconnaissance universelle dans le domaine de l'érudition universitaire, plusieurs sont largement utilisés et compris.
Du fait que l'enseignement universitaire n'a pas tenu compte de la critique traditionnelle en raison de son apparente inadéquation pour distinguer les ḥadīths authentiques des inventions tardives. Il est aisé de comprendre que, ni la terminologie, ni la catégorisation des ḥadīths dans l'enseignement islamique n'ont eu d'impact sur l'enseignement universitaire. Les seuls termes qui ont été généralement adoptés sont le mot « ḥadīth » lui-même, ainsi que ses principaux constituants, l’isnād et le matn, parfois utilisés de manière interchangeable avec des traductions en langues vivantes (tradition ou rapport, ligne d'émetteurs/transmetteurs, texte ou contenu).
Par contre, la recherche universitaire a développé sa propre terminologie, notamment en ce qui concerne l'isnād. Plusieurs autres termes ont été inventés en plus du lien commun, comme le lien commun partiel (un élève du lien commun qui a lui-même deux élèves ou plus)[42], la filière (une seule ligne d'émetteurs qui remonte à une autorité plus tôt que le lien commun d'une tradition)[43], l'araignée (une constellation qui ne se compose que d'un seul brin au lien commun et pas de liens communs partiels)[44], le phénomène de « propagation » de l’isnād (omission délibérée d'émetteurs qui conduit à la création de faux liens communs et obscurcit la vision des initiateurs d'une tradition)[45] et plusieurs autres sont tous propres à l'érudition universitaire en matière du Ḥadīth, bien que certains aient des parallèles avec l'érudition musulmane[46]. Il y a également eu des tentatives de catégorisation des personnes impliquées dans la transmission et la collecte du matériel, non pas en fonction de leur fiabilité ou de leur position au sein de l’isnād mais en fonction de leur rôle[47]. Si certains de ces termes et les concepts sous-jacents n'ont pas trouvé de reconnaissance universelle dans le domaine de l'érudition universitaire, plusieurs sont largement utilisés et compris.
Portée et limites de la recherche académique sur le Ḥadīth
Comme indiqué plus haut, les études universitaires sur le Ḥadīth ont dû s'appuyer sur le matériel façonné par l'érudition musulmane classique. Cependant, les frontières entre les différentes disciplines et les textes respectifs ne sont pas nécessairement les mêmes dans les études traditionnelles et universitaires. Dans l'érudition musulmane traditionnelle, les frontières entre les ḥadīths, les traditions relatives à la biographie du Prophète (sīra), les expéditions (maghāzī), les traditions historiques (akhbār) ou les traditions exégétiques du Coran (tafāsīr) semblent avoir été établies assez tôt, les différents domaines présentant des critères différents et un degré d'examen différent pour évaluer la fiabilité [48]. En revanche, dans le domaine de la recherche universitaire, les frontières entre ces genres n'existent pas nécessairement, et certains universitaires considèrent que les traditions dans tous ces domaines sont essentiellement constituées du même matériau [49]. L'enseignement universitaire, qui ne tient pas compte des résultats issus de l’approche traditionnelle du Ḥadīth, n'a pas non plus intérêt à limiter ses recherches aux collections jugées les plus fiables dans le domaine de l'enseignement musulman.
Néanmoins, la disponibilité des sources a effectivement réduit l'élargissement possible du champ d'application, car les principales collections étaient également les plus facilement accessibles.
L'une des limites qui est restée dans la recherche académique est celle du choix entre les différents corpus du Ḥadīth. La plupart des chercheurs ont limité leurs recherches aux ḥadīths Sunnites, beaucoup moins aux narrations Shīꜥītes, et très peu ont étudié les ḥadīths de différents corpus de courant minoritaires comme les Ibāḍītes, les Zaydites ou Ismāꜥilites. Les chercheurs se concentrent généralement sur un seul de ces corpus et ne tiennent pas compte des ḥadīths similaires provenant d'autres traditions, bien qu'il y ait quelques exceptions notables [50] jusqu'à présent, aucune tentative n'a été faite pour comparer systématiquement les différents corpus et pour établir et évaluer de manière critique les chevauchements et les différences entre eux.
L'une des limites qui est restée dans la recherche académique est celle du choix entre les différents corpus du Ḥadīth. La plupart des chercheurs ont limité leurs recherches aux ḥadīths Sunnites, beaucoup moins aux narrations Shīꜥītes, et très peu ont étudié les ḥadīths de différents corpus de courant minoritaires comme les Ibāḍītes, les Zaydites ou Ismāꜥilites. Les chercheurs se concentrent généralement sur un seul de ces corpus et ne tiennent pas compte des ḥadīths similaires provenant d'autres traditions, bien qu'il y ait quelques exceptions notables [50] jusqu'à présent, aucune tentative n'a été faite pour comparer systématiquement les différents corpus et pour établir et évaluer de manière critique les chevauchements et les différences entre eux.
Conclusion
Comme nous l’avons vue, les travaux traditionnels sur le Ḥadīth ont dans une large mesure, défini le format des corpus classiques et les ont structurés en fonction de leur finalité principale, à savoir servir de moyen d'orientation juridique et morale. Cela a fourni le cadre pour l'étude du Ḥadīth et a façonné son approche jusqu'à un certain point. Ceci étant dit, les experts musulmans n'ont jamais pu garder le contrôle pour appliquer cette approche de manière systématique. Malgré tout elle l’approche traditionnelle a réussie, dans une certaine façon, à freiner les approches non formelles des musulmans en raison du quasi-monopole des experts du Ḥadīth sur la capacité à évaluer sa fiabilité et son contexte. L’influence de la recherche académique sur l’étude du Ḥadīth s'est limitée à quelques aspects seulement.
C’est ainsi que les critères utilisés par les universitaires pour dater les traditions sont généralement en contradiction avec ceux des érudits musulmans. Ils aboutissent dans de nombreux cas à des conclusions exactement opposées. C'est également l'une des raisons pour lesquelles il y a eu peu d'interférence mutuelle entre les musulmans contemporains et les approches académiques.
L'une des influences les plus importantes de l'approche traditionnelle sur l'étude académique du Ḥadīth est la division en différentes traditions sectaires. Cette dernière se reflète dans les études académiques, qui ont été organisées pour la plupart selon des critères sectaires. Cela se justifie dans une certaine mesure si les études s'intéressent au développement d'aspects spécifiques au sein des différentes traditions (Sunnites, Shīꜥites,…etc) mais les études académiques aspirant à une vision plus large des développements au sein du monde islamique, gagneraient à dépasser ces frontières.
La recherche académique sur le Ḥadīth − qu'il s'agisse du développement du genre en soi ou celui du droit islamique ou d'autres domaines de savoir, de sa valeur en tant que source historique pour la vie de Muḥammad − a généralement été confinée à la discipline des études islamiques ou à des disciplines connexes.
Si les méthodes, théories et conclusions d'autres domaines ont parfois été appliquées à l'étude académique du Ḥadīth, comme l'histoire de la transmission de la tradition orale, la narratologie, les études littéraires et autres. Les études sur la tradition islamique ont eu peu d'impact sur les autres champs de recherche académique. Cependant, ceci est moins dû à un manque de résultats ou de découvertes scientifiques − qui pourraient être pertinents pour d'autres domaines tels que l'histoire, les études littéraires ou les études religieuses − mais ce peu d’influence est largement dû à la petite taille de la discipline et à son rôle marginal par rapport aux domaines plus larges auxquels elle pourrait contribuer.
C’est ainsi que les critères utilisés par les universitaires pour dater les traditions sont généralement en contradiction avec ceux des érudits musulmans. Ils aboutissent dans de nombreux cas à des conclusions exactement opposées. C'est également l'une des raisons pour lesquelles il y a eu peu d'interférence mutuelle entre les musulmans contemporains et les approches académiques.
L'une des influences les plus importantes de l'approche traditionnelle sur l'étude académique du Ḥadīth est la division en différentes traditions sectaires. Cette dernière se reflète dans les études académiques, qui ont été organisées pour la plupart selon des critères sectaires. Cela se justifie dans une certaine mesure si les études s'intéressent au développement d'aspects spécifiques au sein des différentes traditions (Sunnites, Shīꜥites,…etc) mais les études académiques aspirant à une vision plus large des développements au sein du monde islamique, gagneraient à dépasser ces frontières.
La recherche académique sur le Ḥadīth − qu'il s'agisse du développement du genre en soi ou celui du droit islamique ou d'autres domaines de savoir, de sa valeur en tant que source historique pour la vie de Muḥammad − a généralement été confinée à la discipline des études islamiques ou à des disciplines connexes.
Si les méthodes, théories et conclusions d'autres domaines ont parfois été appliquées à l'étude académique du Ḥadīth, comme l'histoire de la transmission de la tradition orale, la narratologie, les études littéraires et autres. Les études sur la tradition islamique ont eu peu d'impact sur les autres champs de recherche académique. Cependant, ceci est moins dû à un manque de résultats ou de découvertes scientifiques − qui pourraient être pertinents pour d'autres domaines tels que l'histoire, les études littéraires ou les études religieuses − mais ce peu d’influence est largement dû à la petite taille de la discipline et à son rôle marginal par rapport aux domaines plus larges auxquels elle pourrait contribuer.
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*Article original: Andreas Görke, “Ḥadīth between Traditional Muslim Scholarship and Academic Approaches”, in: Majid Daneshgar and Aaron W. Hughes (eds.), Deconstructing Islamic Studies, Boston: Ilex Foundation, May 2020, 33-52.
**Remarque du traducteur : Par convention, nous utilisons le terme Ḥadīth avec « H » majuscule pour faire référence au domaine ou à la discipline qui étudie les ḥadīths que sont les propos, actions ou approbation implicites attribués au prophète de l’islam.
Notes
[1] Mullā ꜥAlī al-Qārī (d. 1014/1606), Encyclopedia of Ḥadīth Forgeries, 571-572.
(2] al-Qārī, Encyclopedia, 517.
[3] al-Qārī, Encyclopedia, 572.
[4] al-Qārī, Encyclopedia, 342.
[5] Damir Geilsdorf and Franke 2015, 431.
[6] Introduction to Nuꜥaym b. Hammād (d. ca. 228/843), The Book of Tribulations, xxxiv.
[7] William Muir 1858, xxviii-lxxxvii, for a critical assessment of the traditions on the life of Muḥammad (pour une évaluation critique des traditions sur la vie de Muḥammad)
[8] Goldziher 1890.
[9] Schacht 1950.
[10] Goldziher 1890, 147-152.
[11] Schacht 1950, 2-3, 138; Schacht 1949, 150-151.
[12] Schacht 1950, 165.
[13] Görke Andreas 2011, 174-177, 184-185.
[14] La valeur normative ou l'autorité d'un ḥadīth ne devrait pas nécessairement être liée à son exactitude historique ; un hadīth pourrait être acceptée comme vraie en termes normatifs sans être exacte sur le plan historique, ce qui a d'ailleurs été le cas, dans une certaine mesure, dans les études traditionnelles (Brown 2009, en particulier 276-285 ; Brown 2011, en particulier 4-15, 47-51). Mais, du moins en théorie, l'exigence d'autorité était l'authenticité.
[15] Voir à ce propos, Motzki 2005 for a survey of different methods of dating. p.16. Brown 2008, p.150.
[16] Brown 2008, 150.
[17] Brown 2008, 154-160.
[18] Brown 2008, 150-164.
[19] Voir, l’Introduction aux sciences du Ḥadīth d’Ibn al-Ṣalāh al-Ṣhahrazūrī (m. 643/1245) p.81-94.
[20] Lucas 2004, 325-326.
[21] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 299-302.
[22] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 95-127.
[23] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 183-188
[24] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 305-308.
[25] Brown 2008, 169-171.
[26] Voir e.g. Muir 1858, xxviii-lxxxvii.
[27] Schacht 1950, 149; Crone 1987, 32-34.
[28] Nöldeke 1914, 168; Forward 1997, 85.
[29] Kister 1970, 275.
[30] Madelung 1981, 291-297; Juynboll 1983, 207-213; Cook 1992a, 12-16. Cf. Cook 1992b, 26-38; Görke 2003, 196-207.
[31] Speight 1973, 250, 265-267; cf. Motzki 2005, 212-214.
[32] Schacht 1965, 393.
[33] Schacht 1950, 140; Juynboll 1983, 125; cf. Motzki 2005, 214-219.
[34] Schacht 1950, 140; Juynboll 1983, 125; cf. Motzki 2005, 214-219.
[35] Schacht 1950, 163-165.
[36] Schacht 1950, 163-165.
[37] Juynboll 1989, 353.
[38] Cook 1981, 107-111; Motzki 2005, 227-228; Görke 2003, 188.
[39] Motzki 2005, 251-252; Görke 2003, 188-194.
[40] Görke, Motzki, and Schoeler 2012, 41.
[41] Robson 1971, 24-27, et Pavlovitch 2018 (fournissent un aperçu de la terminologie relative à ces aspects).
[42] Juynboll 2007, xx.
[43] Juynboll 2007, xxii-xxiii.
[44] ibid
[45] Schacht 1950, 166-171; Cook 1981, 107-111.
[46] Voir e.g. Ozkan 2004.
[47] Günther 2005.
[48] Consulter par exemple, Görke 2011 et Tottoli 2014.
[49] Becker 1913, 263-264; Horovitz 1918, 39-40; cf. Görke 2011, 185.
[50] Voir aussi, Kister 1970.
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*Article original: Andreas Görke, “Ḥadīth between Traditional Muslim Scholarship and Academic Approaches”, in: Majid Daneshgar and Aaron W. Hughes (eds.), Deconstructing Islamic Studies, Boston: Ilex Foundation, May 2020, 33-52.
**Remarque du traducteur : Par convention, nous utilisons le terme Ḥadīth avec « H » majuscule pour faire référence au domaine ou à la discipline qui étudie les ḥadīths que sont les propos, actions ou approbation implicites attribués au prophète de l’islam.
Notes
[1] Mullā ꜥAlī al-Qārī (d. 1014/1606), Encyclopedia of Ḥadīth Forgeries, 571-572.
(2] al-Qārī, Encyclopedia, 517.
[3] al-Qārī, Encyclopedia, 572.
[4] al-Qārī, Encyclopedia, 342.
[5] Damir Geilsdorf and Franke 2015, 431.
[6] Introduction to Nuꜥaym b. Hammād (d. ca. 228/843), The Book of Tribulations, xxxiv.
[7] William Muir 1858, xxviii-lxxxvii, for a critical assessment of the traditions on the life of Muḥammad (pour une évaluation critique des traditions sur la vie de Muḥammad)
[8] Goldziher 1890.
[9] Schacht 1950.
[10] Goldziher 1890, 147-152.
[11] Schacht 1950, 2-3, 138; Schacht 1949, 150-151.
[12] Schacht 1950, 165.
[13] Görke Andreas 2011, 174-177, 184-185.
[14] La valeur normative ou l'autorité d'un ḥadīth ne devrait pas nécessairement être liée à son exactitude historique ; un hadīth pourrait être acceptée comme vraie en termes normatifs sans être exacte sur le plan historique, ce qui a d'ailleurs été le cas, dans une certaine mesure, dans les études traditionnelles (Brown 2009, en particulier 276-285 ; Brown 2011, en particulier 4-15, 47-51). Mais, du moins en théorie, l'exigence d'autorité était l'authenticité.
[15] Voir à ce propos, Motzki 2005 for a survey of different methods of dating. p.16. Brown 2008, p.150.
[16] Brown 2008, 150.
[17] Brown 2008, 154-160.
[18] Brown 2008, 150-164.
[19] Voir, l’Introduction aux sciences du Ḥadīth d’Ibn al-Ṣalāh al-Ṣhahrazūrī (m. 643/1245) p.81-94.
[20] Lucas 2004, 325-326.
[21] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 299-302.
[22] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 95-127.
[23] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 183-188
[24] Ibn al-Ṣalāh, Introduction, 305-308.
[25] Brown 2008, 169-171.
[26] Voir e.g. Muir 1858, xxviii-lxxxvii.
[27] Schacht 1950, 149; Crone 1987, 32-34.
[28] Nöldeke 1914, 168; Forward 1997, 85.
[29] Kister 1970, 275.
[30] Madelung 1981, 291-297; Juynboll 1983, 207-213; Cook 1992a, 12-16. Cf. Cook 1992b, 26-38; Görke 2003, 196-207.
[31] Speight 1973, 250, 265-267; cf. Motzki 2005, 212-214.
[32] Schacht 1965, 393.
[33] Schacht 1950, 140; Juynboll 1983, 125; cf. Motzki 2005, 214-219.
[34] Schacht 1950, 140; Juynboll 1983, 125; cf. Motzki 2005, 214-219.
[35] Schacht 1950, 163-165.
[36] Schacht 1950, 163-165.
[37] Juynboll 1989, 353.
[38] Cook 1981, 107-111; Motzki 2005, 227-228; Görke 2003, 188.
[39] Motzki 2005, 251-252; Görke 2003, 188-194.
[40] Görke, Motzki, and Schoeler 2012, 41.
[41] Robson 1971, 24-27, et Pavlovitch 2018 (fournissent un aperçu de la terminologie relative à ces aspects).
[42] Juynboll 2007, xx.
[43] Juynboll 2007, xxii-xxiii.
[44] ibid
[45] Schacht 1950, 166-171; Cook 1981, 107-111.
[46] Voir e.g. Ozkan 2004.
[47] Günther 2005.
[48] Consulter par exemple, Görke 2011 et Tottoli 2014.
[49] Becker 1913, 263-264; Horovitz 1918, 39-40; cf. Görke 2011, 185.
[50] Voir aussi, Kister 1970.
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